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des massacres; voilà ce que présente trop souvent notre his toire, à cette époque.

Le principe de la loi salique, excluant les femmes de la couronne, avait reçu une nouvelle sanction, à l'avénement de Philippe-de-Valois. Il semble que c'est de ce règne que date une autre loi fondamentale, méconnue à la vérité trop souvent par Philippe lui-même et par ses successeurs, mais dont le peuple a pu constamment réclamer l'exécution; c'est que l'impôt doit être consenti par une assemblée nationale.

Jean, desirant de ne pas mécontenter la nation, comme avait fait son père, assembla les États en 1355; mais il suivit l'usage adopté dans quelques circonstances par ses prédécesseurs. lly eut deux assemblées. Les États de la langue d'Oyl furent convoqués à Paris; ceux de la langue d'Oc, au-delà de la Loire. Le gouvernement croyait pouvoir de la sorte diriger plus facilement ces assemblées.

Les articles arrêtés par ces Etats et convertis en ordonnances, sont célèbres : voici les principaux. Trois députés de chacun des trois ordres formèrent un conseil chargé de représenter l'assemblée auprès de la couronne, après sa dissolution. Le roi s'engagea à les consulter dans toute affaire importante, et surtout s'il s'agissait de paix ou de trève.

On envoya dans chaque bailliage trois députés nommés Elus, ayant sous leur surveillance les officiers chargés de la perception de l'aide accordée. L'argent dut être envoyé à Paris aux receveurs-généraux, placés également sous l'inspection des neuf commissaires.

Les élus et les officiers des aides, prêtèrent serment de ne délivrer aucune somme, que pour la solde des troupes, de résister aux ordres illégaux du roi ou de son conseil, et d'opposer la force à la force.

Il fut convenu que, si le roi n'observait pas ces articles, l'aide qu'on lui avait accordée demeurerait supprimée; en outre, qu'il n'y aurait pas de décision, si l'avis des neuf commissaires

n'était unanime, et que le parlement pourrait être appelé à concilier les différens survenus entre eux.

Il ne faut que lire ces articles pour en sentir toute l'importance. Ils semblaient devoir être les bases d'un gouvernement nouveau, où la nation allait jouer un rôle utile et durable. L'examen approfondi des causes qui empêchèrent de fonder, à cette époque, l'établissement d'un état politique où les pouvoirs fussent régulièrement pondérés, serait sans doute un des morceaux les plus intéressans de nos annales, mais les bornes que je me suis prescrites, ne me permettent pas de m'y livrer. Je remarque seulement dans le cours des troubles qui agitèrent le royaume depuis l'avénement de Jean jusqu'à sa mort, les trois phases principales qui ne marquent que trop souvent les révolutions, la liberté, l'anarchie et le despotisme.

Les États de 1355 avaient joui d'une noble indépendance, et rétabli la nation dans le plus précieux de ses droits; le désordre régna dans ceux qui marquèrent le temps de la captivité du monarque et de l'administration du dauphin. Le peuple, soulevé par l'esprit de faction, offrit le spectacle de tous les excès. Des rois le haranguèrent, et la Jacquerie signala sa funeste puissance. Las enfin de meurtres et de pillages, il soumit de nouveau ses passions au. joug de l'autorité; le Navarrois fut expulsé du royaume; Marcel trahi et assassiné; le Dauphin reprit les rènes de l'État, et sa conduite, ferme et prudente à la fois, assura le triomphe de la couronne sur le parti populaire. Le roi, de retour de sa captivité, retrouva la puissance royale plus étendue encore que sous ses prédécesseurs ; il créa lui-même des impôts; il assembla bien encore les Etats, parce que c'était devenu un usage annuel; mais le sceptre imposait aux députés, et ils se bornaient à d'insignifiantes

remontrances.

S XXXI.

De la Régence.

Charles V, sur le trône, n'assembla plus ces états qu'il avait eu tant de peine à contenir pendant sa régence. Il les remplaça, comme nous l'avons déjà dit, par des séances parlementaires qui n'en offraient qu'une image imparfaite. Le peuple jouit du repos sous son administration modérée, et il oublia qu'il avait été sur le point d'acquérir une existence politique.

Il était temps de fixer un point, l'un des plus importans sans doute d'une constitution, et presque toujours le plus négligé, parce qu'il est de la nature de la puissance souveraine de s'occuper fort peu du temps où elle doit cesser d'être : je veux parler de la régence.

Sous la seconde race, et au commencement de la troisième, les rois n'étaient majeurs qu'à 22 ans, ou plutôt, comme ils n'étaient tenus pour rois que lorsqu'ils étaient sacrés, il arrivait que les régens retardaient le plus possible la cérémonie du sacre, afin de garder plus long-temps l'autorité. C'était, en général, un principe de ne pas confondre la tutelle et la régence; et l'usage voulait que la première fût conférée à la mère du roi, et la seconde, à l'un des princes de son sang. On vit quelquefois, néanmoins, ces deux qualités conférées à la même personne; la célèbre mère de Saint-Louis en offre un exemple. Il fut toujours imité depuis Charles V.

Philippe-le-Hardi est le premier de nos rois, qui ait réglé, par une ordonnance, la majorité et la régence; mais ses ordonnances ne reçurent point exécution après lui.

« La régence a été établie, dit Mézerai (1), de trois façons : 1o quand les rois, sans être pressés de maladies, mais par » prévoyance, ou parce qu'ils sortaient du royaume, établis saient le gouvernement, qu'ils voulaient que l'Etat eût en ⚫ leur absence ou après leur mort; 2° celle qu'ils ordon

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(1) Mémoires historiques et critiques, tom. 11.

TOME I.

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naient, près de leur mort, à la hâte, avec l'incommodité qui se trouve toujours aux choses pressées ; 3° celle qui est ordonnée par les Etats, au défaut des ordonnances des rois; » celle la est la bonne et légitime, »>

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Charles V publia, en 1374, deux ordonnances; l'une fixa la majorité à quatorze ans, et l'autre disposa de la régence, en cas de mort du monarque. Il était dit dans la première : Donec decimum quartum ætatis annum attingerint; ce qu'on interprèta, dans la suite, en prononçant : Que l'esprit de la loi était que la quatorzième année fût commencée, mais non accomplie. Au reste, les ordonnances de Charles-le-Sage furent méprisées à sa mort; mais les déclarations conformes que rendit Charles VI, en ont perpétué les principes; et elles sont enfin devenues, dit le président Hénault, la jurisprudence cons»tante de notre Droit public, en cette matière. »

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S XXXII.

Louis XI.

Rien de plus affreux que la situation de la France depuis l'instant où la folie eut fait perdre la couronne à Charles VI, jusqu'à celui où Charles VII l'eut reconquise. Les villes tourà-tour ravagées par tous les partis; les campagnes dévastées par les gens de guerre, ou par les agens du fisc; deux grandes factions, les Bourguignons et les Armagnacs, se disputant de meurtres et de brigandages; toutes les lois foulées aux pieds; une princesse coupable comme femme et reine, comme épouse et mère; un monarque dans l'imbécillité; un dauphin fugitif et proscrit; des grands avilis; des magistrats sans force; un peuple furieux; l'étranger, enfin, admis dans nos murs, et porté sur le trône. Telle fut la France à cette époque; il fallut des miracles pour la sauver; il fallut Jeanned'Arc!

Quand Charles VII fut redevenu maître paisible de son royaume, on put reconnaître qu'il était survenu, dans l'existence de chacun des trois ordres de l'Etat, tels changemens

qui devaient rendre plus faciles les progrès de la couronne vers le pouvoir absolu. Le peuple se souvenait à peine des droits qu'il avait exercés, sous le roi Jean, et ne paraissait, par conséquent, nullement disposé à les revendiquer. Le clergé avait séparé sa cause de celle des deux ordres, en traitant avec la couronne, en établissant, relativement à l'impôt, les dons gratuits; la noblesse, enfin, perdant l'espoir de rétablir le gouvernement féodal, s'était rapprochée du trône qu'elle avait long-temps ébranlé; elle demandait une part au gouvernement royal, puisque tout le reste avait été emporté par le temps; elle attendait en retour de son dévouement pour la cause du monarque, un dédommagement de ce qu'elle avait perdu en richesses et en honneurs.

Les grands acquirent alors une autorité considérable, comme premiers conseillers, ou premiers agens du monarque; ils l'aidèrent à établir une milice permanente, et un impôt perpétuel pour l'entretenir. Ce furent la gendarmerie et la

taille.

Le joug de fer de Louis XI pesa presque également sur toutes les classes de Français. Il enleva d'abord aux seigneurs, par ses soldats, ou par ses bourreaux, l'influence que son père leur avait laissé prendre; mais il leur donna une existence politique, sur la fin de son règne, en déclarant que son fils, Charles, ne pourrait rien faire d'important, sans le conseil des princes de son sang et des grands officiers de la couronne. Le peuple seul resta donc dans l'état où les règnes précédens et le sceptre tyrannique de Louis l'avaient placé. Il ne vint plus aux Etats, convoqués par son successeur, que pour lui bailler de l'argent à son plaisir, comme disent les auteurs du temps.

S XXXIII.

De l'Enregistrement.

On a vu naître le parlement du sein de la cour du roi. C'était un simple tribunal qui semblait, en quelque sorte,

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