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devenir un corps politique, quand le roi venait y siéger avec ses ministres, ses grands officiers, et sa noblesse, mais seulement alors. Voilà ce qu'il était dans l'origine.

Avant Charles VI, le parlement tenait deux sessions dans l'année, et ses membres étaient annuels. Il devint permanent, sous ce prince. L'usage s'établit aussi, à cette époque, de perpétuer les juges dans leur office, pendant toute la vie du roi qui les en avait pourvus; mais ils durent être confirmés par

ses successeurs.

Des vertus et des lumières avaient assuré à ces magistrats une considération qui ne fit que s'accroître pendant les troubles signalés par tant de crimes. Les rois appelaient quelquefois, plusieurs d'entre eux à leur conseil.

Quand il n'y eut plus d'assemblée nationale pour porter les vœux publics au pied du trône, il est naturel de penser que tous les hommes qu'importunait l'idée du pouvoir absolu, durent tourner leurs regards vers le corps dont la contenance imposante semblait seule susceptible de pouvoir opposer une digue à l'autorité royale. L'opinion augmenta donc encore l'influence dont il jouissait déjà; elle le suscita à se porter pour protecteur naturel du peuple; elle l'investit, en quelque sorte, du droit de remontrances.

Ce droit de remontrances fit que les monarques, et leurs ministres surtout, cherchèrent, avec plus de soin encore à obtenir l'assentiment de la compagnie. Ils la consultèrent sur leurs mesures et leurs arrêts; et, pour constater son appro bation, ils introduisirent la coutume de publier les ordonnances dans l'assemblée, et de les faire transcrire sur ses registres. Le parlement fit de cette vaine cérémonie le droit précieux de l'enregistrement.

Ce droit changea totalement la situation politique du par lement; il prétendit successivement que, s'il devait enregistrer la loi, il pouvait l'examiner; que cet examen entraînait la faculté de modifier; que cette faculté forçait, à son tour, le droit de refus; qu'enfin, si l'enregistrement était une qualité

essentielle à la loi, elle n'était loi que quand elle avait subi cette formalité, et qu'elle était jusque-là sans force et sans effet. La compagnie se trouvait ainsi associée à la puissance législative. Malheureusement, la couronne pouvait contester, et contesta toujours aux parlemens cette haute prérogative. Elle pouvait toujours, au moins spécieusement, rappeler à ce corps qu'il n'avait été; dans l'origine, qu'une cour de justice. De-là naquit une lutte, presque perpétuelle, entre l'autorité royale et l'influence parlementaire, où la seconde rivalisa quelquefois avec succès, parce qu'elle était appuyée de toutes les forces de l'opinion.

On a écrit nombre de volumes pour, et contre les droits du parlement; mais il semble qu'une réflexion générale qu'on n'a pas faite, décide la question. Un droit politique, en effet, est un principe d'ordre ; on peut dire qu'il est, parce qu'il est : c'est le temps qui le consacre; et chaque jour de durée ajoute à sa valeur première; il devient une légitimité nationale, et il en est alors comme de la légitimité royale; le titre ne signifie plus rien, c'est le fait seul de la possession qu'il faut considérer.

On voit, en appliquant ces principes aux parlemens, que ses droits étaient respectables et sacrés comme ceux de la dynastie; qu'on ne devait pas plus, en traitant des uns et des autres, remonter aux établissemens de Philippe-le-Bel, qu'à l'avénement de Hugues-Capet, et que les parlementaires, quelle que fût leur origine, étaient devenus les dépositaires et les protecteurs légitimes des débris de nos antiques libertés, par cela seul qu'il n'y avait point de corps qui pût remplir ce rôle. Mais, dira-t-on, le gouvernement put toujours revenir aux anciens principes constitutifs de la monarchie, et opposer les états-généraux aux parlemens? Il le put sans doute, et il le fit, mais trop tard. Il ouvrit l'abîme, et il y fut englouti le premier.

S XXXIV.

De la Cour des Pairs.

Le parlement acquit le droit de juger les Pairs, comme il avait acquis celui d'enregistrer les lois, par une marche habile et mesurée. Il était assez naturel, au reste, que ce corps, succédant à la cour du roi, comme tribunal et comme conseil, le remplaçât encore dans ses fonctions de cour des Pairs.

Long-temps ceux-ci refusèrent de reconnaître cette auguste prérogative du parlement. Long-temps ils prétendirent avec raison, sans doute, qu'eux seuls composaient de droit le ban suprême de la pairie, et que des gens de robe, nommés par le roi, n'avaient aucun titre pour les juger; mais ils furent amenés graduellement à leur concéder cette qualité, en la partageant.

D'ailleurs, les nouvelles pairies créées par Philippe-le-Bel et ses successeurs, à l'extinction successive des anciennes étaient loin de jouir de la même considération dans l'esprit des peuples, quoique des princes du sang en eussent été, la plupart du temps, décorés; et cela contribua encore au triomphe du parlement.

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Après avoir donc été appelés dans la cour des Pairs, comme simple conseillers, les parlementaires appelèrent, à leur tour, les Pairs dans leur sein; et alors s'établit le principe que le parlement était la cour des Pairs, pourvu que ceux-ci eussent été seulement appelés à y siéger. Il y a des exemples de jugemens de la cour des Pairs, où pas un d'eux n'avait assisté ; celui du maréchal de Biron entre autres.

S XXXV.

Des Pragmatique-Sanctions.

Le principal titre de gloire des corps parlementaires, c'est d'avoir défendu et maintenu, dans tous les temps, les principes de l'Eglise gallicane 'contre les tentatives des papes et les ruses des Jésuites; leur milice ordinaire, contre le zèle mal en

tendu des monarques et la condescendance coupable de leurs ministres; c'est d'avoir fixé l'existence du clergé français, d'après des règles également en harmonie avec l'autorité spirituelle du vicaire de Jésus-Christ, et avec la dignité des couronnes et des peuples.

Rassemblons ici les principaux traits de l'intéressante histoire de nos libertés ecclésiastiques.

L'élection des évêques et la collation des bénéfices furent toujours les points principaux en litige entre les papes et les gouvernemens chrétiens. En France, sous la première et la deuxième race, les droits du peuple et du roi y relatifs furent souvent débattus, plusieurs fois proclamés, mais méconnus plus souvent encore. La force décidait alors en cela, comme en tout autre chose.

Saint-Louis, qui sut allier une piété profonde au caractère élevé d'un grand monarque, fixa le premier, d'une manière claire, les droits de l'Eglise de France et les limites où devait s'arrêter l'autorité papale. Voici le sommaire de sa fameuse ordonnance, appelée Pragmatique-Sanction, et dont les ultramontains ont contesté l'authenticité.

« Les prélats et collateurs de bénéfices seront maintenus dans leurs droits.

Les cathédrales et autres églises, jouiront librement du droit d'élection.

» Le crime de simonie sera sévèrement recherché.

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Les promotions et collations seront faites selon le droit commun et les décrets des conciles..

» Les exactions et charges très-pesantes, imposées par la cour romaine, cesseront d'avoir lieu si elles ne sont consenties par le roi et par l'Eglise gallicane.

» Les immunités ecclésiastiques seront généralement main

tenues. »

Il faudrait prendre les plus sombres couleurs pour peindre l'état de désordre de l'Eglise dans les douxième et treizième siècles, et pendant le grand schisme. Il fallait des réformes,;

il fallait surtout réprimer l'extension de l'autorité papale, principe de tout le mal; deux conciles, ceux de Constance et de Bâle, le tentèrent vainement. Les rois jugèrent alors qu'ils devaient opérer d'eux-mêmes, dans leurs Etats respectifs, des réformes salutaires. Ainsi, naquit la seconde pragmatiquesanction qui se composa de vingt-trois articles portés dans l'assemblée des Etats, convoquée à Bourges par Charles VII, en 1438.

Ces articles étaient ceux du concile de Bâle; mais quelques-uns recevaient certaines modifications. Ils consacraient le principe que les décrets des conciles avaient besoin de l'admission de l'autorité temporelle, pour avoir force en France. Ils rétablissaient les élections libres, et abolissaient les annates. Tel fut cet acte qui excita tant de contestations entre la cour de Rome et le gouvernement de France, jusqu'au règne de François Ier.

S XXXVI.

Du Concordat.

Les événemens réunirent Léon X et François Ier. Il fut question de terminer, par un concordat, les différends relatifs aux affaires ecclésiastiques. Alors se fit, dit notre historien Mézerai, l'échange le plus bizarre. Le chef religieux prit le temporel, et laissa le spirituel au chef politique. La pragmatique-sanction fut abrogée, et en outre anathématisée par une bulle particulière du pontife; la liberté des élections abolie, et la nomination des évêques déférée au monarque; mais les précieuses annates furent, en retour, rendues à la cour romaine.

Tous les ordres de l'Etat se récrièrent contre le concordat, et demandèrent le maintien de l'acte qu'il abolissait. Le parlement refusa long-temps de l'enregistrer; il obéit enfin, mais en insérant que c'était par l'ordre du roi; et il fit, peu de jours après, une protestation par laquelle il déclarait qu'en publiant ce concordat, il n'entendait ni l'approuver, ni l'autoriser, ni même avoir l'intention de l'observer. L'uni

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