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refuser la confirmation des lois ecclésiastiques ayant pour but de soumettre quelqu'un, dans le royaume, à la censure de l'Eglise sous des peines extérieures quelconques.

7° Le pape ne peut, sous aucun prétexte, lever aucun impôt dans le royaume, ni exiger d'argent de personne au-delà des contributions qui lui sont accordées par le concordat. Le roi peut prélever des impositions sur les ecclésiastiques de son royaume, sans l'agrément du pape.

8° Il ne peut se faire aucun établissement nouveau de colléges, maisons régulières, communautés, séminaires, confréries, etc., soit des ordres déjà établis, soit de nouveaux ordres religieux, sans lettres-patentes du roi. Les instituts ou règles de ces ordres sont soumis à l'autorité des magistrats, qui ont la faculté de les modifier. Le roi a également le droit de disoudre tout ordre religieux, et de l'expulser (1).

9o Le roi a le droit de nommer à tous les archevêchés et évêchés de France; à tous doyennés, abbayes, prélatures et autres charges supérieures de couvens (2), à la réserve de celles qui, pour plus sûr maintien de l'austérité et de la discipline monastique, ont été laissées à la nomination des religieux.

10o Le roi jouit, dans tout le royaume, de la régale tenporelle et spirituelle.

11° Toute juridiction ecclésiastique est subordonnée au juge séculier; dès la première instance de toutes les sentences rendues en cour d'Eglise, s'il est prouvé qu'il y a entreprise de la juridiction ecclésiastique sur la juridiction royale, contravention aux ordonnances du royaume, aux anciens canons ou libertés de l'Eglise gallicane et aux arrêts de réglement des cours; l'affaire est évoquée par les parlemens, qui forment appel comme d'abus.

12o Le magistrat politique a inspection généralement surout ce qui regarde la discipline extérieure et l'exercice de l'autorité du clergé. Les cours sont en droit, lors-même qu'il n'y a ni appel, ni plainte, d'examiner les écrits, ouvrages et actions quelconques des ecclésiastiques, et de sévir contre tout ce qui s'y trouve d'attentatoire aux libertés de l'Eglise et de contraire au bon ordre et à la tranquillité publique.

130 Tous les clercs sont exempts de toutes juridictions et

(1) Edits de sept. 1764 et de 1768.

(2) Concordat entre Francois Ier et Léon X, en 1516.

impôts externes; on ne peut les obliger à comparaître hors du royaume.

14° Tous les ecclésiastiques indistinctement peuvent ré→ clamer la puissance temporelle contre les abus de leurs supérieurs, sans avoir à redouter aucune espèce de censure.

15o A leur sacre, les rois doivent faire serment de maintenir les franchises et libertés de l'Eglise gallicane (1).

Des Lettres de cachet (2).

Les lettres de cachet émanent du Roi; elles doivent être signées de lui et contresignées d'un secrétaire d'Etat.

Elles contiennent, 1o le nom et les qualités de celui à qui elles sont adressées; 2° l'ordre que le roi lui donne.

Les lettres de cachet ne peuvent s'employer que dans les deux cas suivans: 1° Pour enjoindre à certains corps politiques de s'assembler ou de délibérer sur certaines matières; 2o Pour intimer à quelqu'un un ordre, ou un avis de la part du prince (3).

Les magistrats ne doivent avoir aucun égard aux lettrescloses accordées sur le fait de la justice; auquel cas l'apposition du grand sceau du Roi est nécessaire.

Cette restriction n'a lieu que lorsque les lettres contiennent des réglemens nouveaux, et non des ordres particuliers. Celui qui est emprisonné injustement en vertu d'une lettre de cachet, peut faire preuve de l'injustice et obtenir des doinmages-intérêts contre celui qui avait obtenu la lettre.

L'exil peut être prononcé par le roi pour des raisons à lui seul connues.

L'exilé qui quitte le lieu de l'exil qui lui est assigné, pour se retirer hors du royaume, est puni de la peine de la confiscation de corps et de biens.

(1) Nous avons cru devoir donner quelques développemens à ce paragraphe, parce que les règles qui y sont consacrées, forment encore la législation actuelle sur cette matière.

(2) Ordonnance de juin 1316. — Ordonnances d'Orléans, art. 91; de Blois et de Moulins. Arrêt du parlement, du 3 décembre 1551, rapporté dans le Traité de la police, tom. 1, liv. 1, chap. 2, pag. 133, col. prem.; Arrêts du 9 juin 1769, et du 3 avril 1770.- Max. du Dr. franç., chap. 3. (3) Les lettres de cachet avaient lieu le plus souvent pour envoyer quelqu'un en exil on le constituer prisonnier.

LES abus contre lesquels on réclamait en France, avant la révolution, paraissaient de plus en plus intolérables, à mesure que les idées de liberté se répandaient.

Le désordre des finances mettait le gouvernement dans l'obligation d'user de moyens extraordinaires : il fallait qu'il employât la violence, ou qu'il appelât la Nation à son secours. Ce dernier parti ne fut adopté qu'après avoir vainement essayé du premier : l'exil des parlemens, et le lit de justice du 6 août 1787, démontrèrent que de semblables mesures ne pouvaient remédier au mal. On revint donc à des idées plus raisonnables; mais les différentes assemblées que le gouvernement convoqua, et qui, dans sa pensée, devaient s'occuper exclusivement des finances, portèrent leurs vues sur les autres parties de l'administration; le déficit les occupa beaucoup moins réellement que les abus dont on n'avait point voulu leur confier le redressement.

Cette disposition existait dans les deux assemblées des notables, convoquées successivement en 1787 et 1788; elle parut manifestement dans l'assemblée des Etats-Généraux.

Les ministères de Calonne et de Necker n'avaient rien produit d'heureux; les discussions sur le mode d'élection des députés aux Etats-Généraux, avaient encore irrité les esprits. Le conseil du roi décida que les députés aux Etats-Généraux seraient au moins au nombre de mille; que le nombre de députés pour chaque baillage serait en raison, composé de la population et des contributions; enfin, et c'était le plus important, que les députés du tiers-état seraient égaux en nombre aux députés des deux autres ordres réunis.

Les cahiers du tiers-état furent rédigés à la hâte : ils demandaient ane constitution libre; ils réclamaient surtout que l'ordre fût rétabli dans les finances, et que les dépenses et les recettes fussent régularisées par la loi : en un mot, leurs prétentions se bornaient, à-peu-près, à ce qui forme aujourd'hui la base de notre gouvernement. On ne saurait donc dire qu'elles fussent exagérées en ellesmêmes; mais peut-être les circonstances exigeaient quelques modifications d'ailleurs, la noblesse et le clergé renonçaient à leurs priviléges pécuniaires.

Le 5 mai 1788, eut lieu l'ouverture de l'assemblée des EtatsGénéraux; les discours du roi, du garde des sceaux et de Necker parurent dictés par de bonnes intentions; mais ils ne satisfirent pas les députés du tiers-état.

Aussitôt après cette séance, la question de savoir si les Etats voteraient par téte ou par ordre, mit la division dans l'assemblée; la noblesse et le clergé tenaient au mode qui leur assurait le pouvoir; le tiers-état résistait; et après avoir inutilement invité les deux autres ordres à se réunir à lui, il se constitua seul en assem— blée nationale; un grand nombre des membres du clergé vint se réunir au tiers-état.

Ce fut le 17 juin qu'eut lieu cette séance mémorable; le 23, le roi se rendit à l'assemblée; il déclara nuls les actes faits par elle; ordonna que la distinction des trois ordres subsisterait, et fit quelques concessions; mais sans promettre de constitution; au surplus, il ne fut question ni de la participation des Etats-Généraux à la législation, ni de la responsabilité des ministres, ni de la liberté de la presse; enfin l'ordre formel de se séparer fut intimé.

Les députés du tiers-état refusèrent d'obéir, et persistèrent dans leurs précédentes délibérations la majorité de l'assemblée du clergé, quelques membres de l'assemblée de la noblesse adoptèrent la même opinion. Il fallut céder : le roi consentit à la réunion des trois ordres en une seule et même assemblée.

L'assemblée constituante fut donc reconnue; ses premiers décrets abolirent les dimes, et le régime féodal, les annates, les dispenses et les provisions de la cour de Rome on vit disparaître tour-àtour les priviléges d'ordre de province, de ville, de communauté et d'individus. Une nouvelle division du territoire fut établie. Enfin, la fameuse déclaration des droits de l'homme fut décrétée, pour servir de préambule à la constitution.

DÉCRÉTÉE PAR L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE.

3 septembre 1791.

Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. LES représentans du peuple français constitués en assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris. des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernemens, ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, àfin que cette déclaration. constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l'assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre-Suprême, les droits suivans de l'homme et du citoyen.

ART. Ier. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

2 Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l'exercice des droits neturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

TOME I.

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