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Monarchie restaurée payerait cher les libertés qu'à l'exemple de Napoléon I" elle venait de prendre à l'égard de ses conseils.

Aussi, lorsque arriva la révolution de 1830, il y était singulièrement préparé, elle ne le surprenait guère; en éprouvant l'amère satisfaction de voir ses craintes réalisées, il caressait sans doute l'espérance d'assister enfin à l'établissement, par la Charte nouvelle, du régime qui, au fond, avait toujours eu ses préférences. C'est alors que, faisant un retour sur les violences et les excès auxquels il avait assisté, et s'opposant à la candidature d'un prince de la Maison d'Autriche en Belgique, il écrivait à M. Molé, le 27 novembre 1830, dans une lettre qui devait être communiquée au Roi Louis-Philippe « J'ai dit à lord Palmerston et à lord Grey : « Un prince de la Maison « d'Autriche en Belgique aurait trop l'air d'une Restauration, et vous devez vous souvenir d'une chose que

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1 C'est dans cette même lettre qu'il disait : « La France ne doit pas songer à faire ce qu'on appelle des alliances, et elle doit être bien avec tout le monde et seulement mieux avec quelques puissances, c'est-à-dire entretenir avec elles des rapports d'amitié qui s'expriment lorsque des événements politiques se présentent. Ce genre de lien doit avoir aujourd'hui un principe différent de celui qu'il avait autrefois. Ce sont les progrès de la civilisation qui formeront désormais nos liens de parenté. Nous devons donc chercher à nous rapprocher davantage des gouvernements où la civilisation est plus avancée. C'est là que sont nos vraies ambassades de famille. »

« j'avais oubliée, il y a quinze ans, c'est que M. Fox avait « dit et imprimé que la pire des révolutions, c'est une

<< restauration. »

N. B.

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Pour tout ce qui concerne les noms de lieux ou de personnes dont il est question dans cette Correspondance, nous renvoyons le lecteur à l'Index biographique et géographique placé à la fin du volume.

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J'ai quitté Paris le 16. Je suis arrivé ici le 23 au soir. Je ne me suis arrêté qu'à Strasbourg et à Munich.

La princesse de Galles venait de quitter Strasbourg. Elle avait accepté un bal chez madame Franck, veuve du banquier de ce nom; elle y avait dansé toute la nuit. Dans l'auberge dans laquelle je suis descendu, elle avait donné à souper à Talma. Sa manière d'être à Strasbourg explique parfaitement pourquoi M. le Prince - Régent aime mieux la savoir en Italie qu'en Angleterre.

A Munich, le Roi m'a parlé de son attachement pour Votre Majesté, des craintes que lui donnait l'ambition prus

sienne; il m'a dit de fort bonne grâce : « J'ai servi vingt et un ans la France, cela ne s'oublie point. » Deux heures de conversation que j'ai pu avoir avec M. de Montgelas m'ont bien prouvé qu'il ne fallait que suivre les principes arrêtés par Votre Majesté comme base du système politique de la France, pour nous assurer le retour et nous concilier la confiance des puissances d'un ordre inférieur.

A Vienne, le langage de la raison et de la modération ne se trouve point encore dans la bouche des plénipotentiaires.

Un des ministres de Russie nous disait hier: « On a voulu faire de nous une puissance asiatique, la Pologne nous fera européens. »

1

La Prusse, de son côté, ne demande pas mieux que d'échanger ses anciennes provinces polonaises contre celles qu'elle convoite en Allemagne et sur les bords du Rhin. On doit regarder ces deux puissances comme intimement liées sur ce point.

Les ministres russes insistent, sans avoir admis jusqu'ici la moindre discussion, sur une extension territoriale qui porterait cette puissance sur les bords de la Vistule, en réunissant même la Vieille-Prusse2 à leur Empire.

J'espère que l'Empereur, qui dans différentes circonstances m'a permis de lui exposer avec franchise ce que je jugeais le plus utile à ses véritables intérêts et à sa gloire,

1 La Prusse avait participé aux trois partages de la Pologne (1773, 1793, 1795); lors du dernier partage avec la Russie et l'Autriche, c'est elle qui avait reçu Varsovie.

2 Par Vieille-Prusse M. de Talleyrand entend la Prusse Royale, dite autrefois Ducale, dont le chef-lieu est Koenigsberg.

me permettra de combattre devant lui le système de ses ministres. Le philanthrope La Harpe se révolte contre l'ancien partage de la Pologne, et plaide son asservissement à la Russie; il est à Vienne depuis dix ou douze jours. On conteste encore au Roi de Saxe' le droit d'avoir un ministre au Congrès. M. de Schulembourg, que je connais depuis longtemps, m'a dit hier que le Roi avait déclaré qu'il ne ferait aucun acte de cession, d'abdication ni d'échange qui pourrait détruire l'existence de la Saxe et nuire aux droits de sa Maison; cette honorable résistance pourra faire quelque impression sur ceux qui partagent encore l'idée de la réunion de ce Royaume à la Prusse.

La Bavière a fait offrir au Roi de Saxe d'appuyer ces prétentions, s'il le fallait, par un corps de troupes considérable. M. de Wrède dit qu'il a ordre de donner jusqu'à quarante mille hommes.

La question de Naples n'est pas résolue 2. L'Autriche veut placer Naples et la Saxe sur la même ligne, et la Russie veut en faire des objets de compensation.

:

1 Le Roi de Saxe avait envoyé à Vienne, au mois de septembre, M. de Gærz, son conseiller intime. On lit dans la déclaration du Roi de Saxe, datée de Friederichsfeld, 4 novembre 1814: La conservation et la consolidation des dynasties légitimes ont été le grand but d'une guerre qui vient d'être terminée si heureusement les puissances coalisées pour cet effet ont proclamé à différentes reprises, de la manière la plus solennelle, qu'éloignées de tout projet de conquête ou d'agrandissement, elles n'avaient en vue que le rétablissement du droit et de la liberté de l'Europe. , Au mois de décembre il confia tous ses pouvoirs à M. de Schulembourg, qui venait de publier une brochure intitulée Le peuple saxon souhaite-t-il un changement dynastique?

2 On sait que Joachim Murat était resté en possession du Royaume de Naples après la chute de Napoléon, son beau-frère. (Avril 1814.)

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