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qui la rendent à la fois auguste et chère aux yeux des peuples.

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Mon Cousin, j'ai reçu votre numéro 9.

Je vois avec quelque satisfaction que le Congrès tend à s'ouvrir, mais je prévois encore bien des difficultés.

Je charge le comte de Blacas de vous informer: 1o d'un entretien qu'il a eu avec le duc de Wellington. Vous verrez que celui-ci tient un langage bien plus explicite que lord Castlereagh qui des deux parle d'après les véritables intentions de sa Cour? je l'ignore; mais le duc de Wellington sera dans tous les cas une bonne arme entre vos mains. 2o D'une pièce que cet ambassadeur assure être authentique. Rien ne peut m'étonner de la part du prince de Metternich, mais je serais surpris que le 31 octobre vous n'eussiez pas encore connaissance d'un pareil fait.

Quoi qu'il en puisse être, il était également nécessaire que vous en fussiez instruit.

Vous apprendrez avec plaisir que mon frère est arrivé dimanche en très-bonne santé. Sur quoi, etc.

XVII

LE COMTE DE BLACAS AU PRINCE DE TALLEYRAND

Paris, le 9 novembre 1814.

J'exécute, prince, un ordre du Roi en m'empressant de vous transmettre, de la part de Sa Majesté, des informations importantes et des instructions qu'Elle ne juge pas moins essentielles.

Votre nouvelle entrevue avec l'Empereur de Russie, et plus encore, vos craintes sur la condescendance de l'Autriche et de l'Angleterre, ont fait désirer vivement au Roi de recueillir tout ce qui pourrait l'éclairer sur les dispositions réelles de cette dernière puissance. Ce qui vous avait été rapporté du langage que tenait M. le Prince-Régent et ce que Sa Majesté savait Elle-même à cet égard, lui faisaient envisager comme bien nécessaire de sonder les intentions du Cabinet britannique.

Une conversation que je viens d'avoir avec lord Wel

lington a rempli ce but, ou du moins a fourni au Roi l'occasion d'invoquer plus fortement que jamais le concours de l'Angleterre sur les points les plus épineux de la négo

ciation.

Lord Wellington, après m'avoir assuré que les instructions données à lord Castlereagh, et qu'il connaissait, étaient absolument opposées aux desseins de l'Empereur Alexandre sur la Pologne, et par conséquent sur la Saxe, puisque le sort de la Saxe dépend absolument de la détermination qui sera prise à l'égard de la Pologne, m'a dit qu'en s'attachant uniquement à cette grande question, et négligeant tous les intérêts secondaires, on parviendrait aisément à s'entendre. Suivant lui, l'Autriche ne donnera point les mains au projet que la France rejette, et la Prusse elle-même, pour qui la Saxe est un pis aller, se verrait avec une extrême satisfaction réintégrée dans le duché de Varsovie. Le trouvant tellement explicite sur ce point, j'ai cru, d'après les intentions du Roi, devoir tenter une ouverture qui, bien que dépourvue de tout caractère officiel, pouvait de plus en plus l'engager dans la communication des seules vues que voulût avouer la Cour de Londres. Je lui ai représenté que si les dispositions de son Gouvernement étaient telles qu'il me le disait, et que le seul obstacle à une prompte et heureuse issue des négociations fùt dans la difficulté de réduire à une résistance uniforme des oppositions d'une nature différente, il me semblerait qu'une convention conclue entre la France, l'Angleterre, l'Espagne et la Hollande, et qui n'aurait pour but que la manifestation des vues qu'elles adoptent conjointement sur cette

question, obtiendrait bientôt l'assentiment des autres Cours. Ce moyen, en présentant un concours imposant de volontés, devait sur-le-champ dissoudre le charme qui entraînait tant d'États dans une direction contraire à leurs intérêts, et le Roi, n'ayant d'autre ambition que le rétablissement des principes du droit public et d'un juste équilibre en Europe, pouvait se flatter qu'aucun motif n'écarterait de sa politique ceux qui, animés des mêmes sentiments, seraient invités à s'y rallier.

Cette proposition, dont lord Wellington n'a pu entièrement méconnaître l'avantage, a été rejetée par lui comme superflue, mais il ne m'en a protesté qu'avec plus de force des intentions droites de son Gouvernement sur la question de Pologne et de Saxe et même sur celle de Naples', et il m'a répété qu'une attention exclusive portée à ces grands intérêts amènerait bientôt les plénipotentiaires au but dont s'écarte la Cour de Pétersbourg.

Vous voyez, prince, que l'Angleterre, quelles que soient les réticences de son négociateur au Congrès, reconnaît hautement ici la nature des instructions dont il est porteur, instructions qui, lorsqu'on lie, ainsi que l'a fait lord Wellington, la question de la Pologne à celle de la Saxe, offrent

1 Dès le 14 décembre 1814, l'Autriche se décidait à soutenir la Saxe, et l'Angleterre changeait de langage; les plénipotentiaires français écrivaient au Département :

.....

Lord Castlereagh a communiqué au prince de Talleyrand toute la correspondance qui a rapport à l'affaire de Naples, et il a eu l'air de désirer, plutôt pour appuyer ce qu'il avait dit que ce qu'il avait écrit, qu'on recherchât dans nos cartons tout ce qui peut prouver aux coalisés que Murat avait eu, pendant qu'il marchait avec eux, une double intrigue avec Bonaparte........... 9

au Roi l'appui le plus important. Dans cet état de choses, Sa Majesté pense que vous pouvez utilement vous prévaloir des informations que j'ai l'honneur de vous adresser.

En invoquant les instructions de lord Castlereagh, vous êtes ainsi autorisé à le placer dans la nécessité de vous faire une réponse qu'il lui sera difficile de rendre négative, lorsqu'un jour il sera forcé de prouver que sa conduite a été conforme aux vues de son Gouvernement et à l'intérêt de son pays. L'indépendance de la Pologne, très-populaire en Angleterre si elle était complète, ne le sera nullement comme le projette la Russie. Vous jugerez donc sans doute, prince, qu'il est très-important, dans vos rapports avec le ministre anglais, de distinguer ces deux hypothèses. Le Roi est persuadé que plus vous exprimerez de vœux en faveur d'une indépendance réelle et entière de la nation polonaise, en cas que cela fùt praticable, et plus vous ôterez à lord Castlereagh les moyens de justifier aux yeux de la nation anglaise l'abandon du grand-duché de Varsovie à l'Empereur Alexandre.

Le Roi vous a instruit des ordres que Sa Majesté avait donnés au ministre de la guerre pour porter l'armée au complet du pied de paix. Je me flatte que cette détermination, dictée par les considérations dont vous sentez toute la force, ne tardera pas à devenir superflue.

Recevez, prince, l'assurance bien sincère de mon attachement inviolable et de ma haute considération.

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