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Ainsi, tout est encore en suspens; mais les chances de sauver une grande partie de la Saxe se sont accrues.

J'en étais à cet endroit de ma lettre, quand j'ai reçu celle dont Votre Majesté m'a honoré, en date du 9 novembre, et celle qu'Elle a bien voulu me faire écrire par M. le comte de Blacas.

Votre Majesté jugera par la note de lord Castlereagh que j'ai l'honneur de lui envoyer, ou que ce ministre a des instructions que le duc de Wellington ne connaît pas, ou qu'il ne se croit pas lié par celles qui lui ont été données, et que, s'il a fait dépendre la question de la Saxe de celle de la Pologne, c'est dans un sens précisément inverse de celui que le duc de Wellington supposait.

Quant à ce qui concerne Naples, j'ai rendu compte à Votre Majesté de la proposition que M. de Metternich, dans une de ces conférences où nous n'étions que lui, lord Castlereagh, M. de Nesselrode et moi, avait faite de ne s'entendre sur cette affaire qu'après le Congrès, et de ma réponse. (C'est dans le no 10 de ma correspondance que se trouve ce détail.) Les menaces contenues dans la lettre dont M. le comte de Blacas m'a envoyé un extrait se retrouvent, dit-on, dans un pamphlet publié par un aide de camp de Murat nommé Filangieri, qui était encore tout récemment à Vienne'. (Ce pamphlet a été enlevé par la police.) Mais j'espère que si l'Italie est une fois organisée depuis

1 Il circule ici une brochure rédigée par un certain Filangieri, aide de camp de Murat, et qui porte un caractère révolutionnaire et menaçant. La police l'a fait racheter. M. le prince de Metternich se sert de ces alarmes pour égarer l'opinion à l'égard de la conservation de Murat sur le trône de

les Alpes jusqu'aux frontières de Naples, ainsi que je l'ai proposé, ces menaces ne seront guère à craindre. J'ai attendu pour fermer ma lettre que je fusse de retour d'une conférence qui nous avait été indiquée pour ce soir à huit heures on n'y a fait que lire et signer le protocole de la dernière conférence.

L'Empereur de Russie est indisposé assez pour avoir gardé le lit; mais ce n'est qu'une indisposition.

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Mon Cousin, j'ai reçu votre numéro 11. Il me fournirait ample matière à réflexions, si je ne me les étais pas interdites lorsqu'elles ne pourraient servir qu'à ma satisfaction personnelle.

Naples; mais il est le seul des ministres de l'Empereur d'Autriche même qui soutienne cette cause, dont l'Europe fera justice.

D

(Lettre des plénipotentiaires français au Département.)

Les discours que le comte Alexis de Noailles a entendus de la bouche des Princes avec lesquels'il s'est entretenu, m'ont fait plaisir; celui du Roi de Bavière m'a surtout frappé. Mais que serviront ces dispositions si elles ne sont soutenues par l'Autriche et l'Angleterre? Or, je crains bien que malgré la manière infiniment adroite dont vous avez parlé au prince de Metternich, malgré l'inaccomplissement des conditions portées dans la note du 22 octobre, et Pologne et Saxe ne soient abandonnées; dans ce malheur, il restera toujours à mon infortuné cousin sa constance dans l'adversité, et à moi (car j'y suis plus résolu que jamais) de n'avoir participé par aucun consentement à ces iniques spoliations.

Je crois aux propos attribués à l'Empereur Alexandre au sujet de l'Italie; il est dans ce cas de la plus haute importance que l'Autriche et l'Angleterre se pénètrent bien de l'adage, trivial si l'on veut, mais plein de sens, et surtout éminemment applicable à la circonstance : Sublata causa, tollitur effectus.

Je suis plus content de la tournure que prennent les affaires d'Italie; la réunion de Gênes, la succession masculine dans la Maison de Savoie, sont deux points importants; mais ce qui l'est par-dessus tout, c'est que malgré les vanteries, peut-être trop fondées en réalité, de Murat dans ses gazettes, le Royaume de Naples retourne à son légitime Souverain. Sur quoi, etc.

No 13.

XXII

Vienne, 25 novembre 1814.

SIRE,

et

Aussitôt que nous cùmes proféré ici le mot de principes et demandé la réunion immédiate du Congrès, on se hâta de répandre de tous côtés le bruit que la France ne cessait point de regretter la rive gauche du Rhin et la Belgique', n'aurait de repos qu'après les avoir recouvrées; que le Gouvernement de Votre Majesté pouvait bien partager ce vœu de la nation et de l'armée, vu que, s'il ne le partageait pas, il ne serait point assez fort pour y résister; que dans les deux suppositions le péril était le même; qu'on ne pouvait done trop se prémunir contre la France; qu'il fallait lui opposer des barrières qu'elle ne pût point franchir, coordonner à cette fin les arrangements de l'Europe, et se tenir soigneusement en garde contre ses négociateurs, qui ne manqueraient pas de tout faire pour l'empêcher. Nous nous trouvȧmes tout à coup en butte à des préventions contre lesquelles il nous a fallu lutter pendant deux mois. Nous

Nul doute que pour reprendre la Belgique et se reporter sur le Rhin, tous les soldats et même les recrues ne courussent; mais dussiez-vous aller à Naples, vous ne pourriez mettre la France en mouvement qu'en passant par là., (Jaucourt à Talleyrand, 29 octobre 1814.)

avons réussi à triompher de celles qui nous étaient le plus pénibles; on ne dit plus qu'il nous ait été donné de doubles instructions (comme M. de Metternich l'assurait au prince de Wrède), qu'il nous ait été prescrit de parler dans un sens et d'agir dans un autre, et que nous ayons été envoyés pour semer la discorde. Le public rend justice à Votre Majesté, il ne croit plus qu'Elle ait d'arrière-pensée. Il applaudit à son désintéressement; il la loue d'avoir embrassé la défense des principes. Il avoue que le rôle d'aucune autre puissance n'est aussi honorable que le sien. Mais ceux à qui il importe que la France ne cesse point d'être un sujet de défiance et de crainte, n'en pouvant exciter sous un prétexte, en excitent sous un autre. Ils représentent sa situation intérieure sous un jour alarmant; malheureusement, ils se fondent sur des nouvelles de Paris données par des hommes dont le nom, la réputation et les fonctions imposent1. Le duc de Wellington, qui entretient

1 Fouché écrivait à Talleyrand le 25 septembre 1814, du château de Ferrières, la lettre suivante :

« Une personne qui se rend à Vienne en qualité de chargé d'affaires de MM. les maréchaux de France, m'offre ses services pour mes dotations. Votre Altesse m'a donné à cet égard des assurances auxquelles je me confie; je place entièrement mes intérêts entre ses mains.

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Je me suis présenté deux fois chez Votre Altesse avant son départ, je n'ai pas eu l'avantage de la trouver et de lui faire mes adieux. J'aurais désiré vous parler de l'intérieur de la France et de Paris, et surtout des Français qu'on a d'abord exclus des places et qu'on obligera bientôt à quitter la France. Garat est déjà passé par Bayonne, il y a quelques jours; mais il y a des hommes qui ne sont pas timides et qui resteront dans leur patrie pour se défendre. Carnot fait imprimer le mémoire que vous connaissez sans doute, car il en circule plus d'une copie.

Votre Altesse peut s'en rapporter à moi sur la situation des choses et les dispositions secrètes des esprits : le Roi n'aura de paix et de sûreté que

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