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porteraient de la Bohême sur la Saxe, qu'ils feraient soulever, et de là entre l'Oder et l'Elbe. On formerait en même temps le siége de Glatz et de Neiss. La campagne ne commencerait qu'à la fin de mars.

Mais ce plan nécessite la coopération de cent mille Français, dont moitié se porterait sur la Franconie pour empêcher les Prussiens de tourner l'armée de Bohême, et l'autre moitié les occuperait sur le bas Rhin.

Il faut donc s'attendre à ce que cette coopération, sur l'absolue nécessité de laquelle les militaires n'ont qu'une voix, nous sera demandée si la guerre doit avoir lieu.

Mais jusqu'à présent, ni lord Castlereagh ni M. de Metternich ne nous parlent point de guerre; et l'on assure même qu'il n'en a point été question entre eux. Ce n'est qu'avec la Bavière qu'ils sont séparément entrés en ouvertures à ce sujet.

Soit qu'ils fondent encore quelque espérance sur la négociation, soit qu'ils veuillent gagner du temps, ils la poursuivent. Lord Castlereagh ayant échoué, ils ont voulu remettre de nouveau en scène le prince de Hardenberg; mais il ne put voir ni avant-hier ni hier l'Empereur Alexandre, qui, quoique beaucoup mieux, garde encore la chambre, et je ne crois pas qu'il l'ait vu aujourd'hui.

Les arrangements relatifs à Gênes sont convenus dans la commission italienne. On est occupé de la rédaction, dont les commissaires ont prié M. de Noailles de se charger. Les droits de la Maison de Carignan sont reconnus. M. de Noailles a eu par moi l'instruction de n'admettre les arrangements faits pour le Piémont que comme partie intégrante

des arrangements à faire avec le concours de la France pour la totalité de l'Italie. C'est une sorte de réserve que j'ai cru utile de faire à cause de Naples.

Les affaires de la Suisse vont se traiter dans une commission dont M. le duc de Dalberg, comme j'ai eu l'honneur de le mander à Votre Majesté, est membre.

Celles de l'Allemagne sont suspendues par le refus de la Bavière et du Wurtemberg de prendre part aux délibérations jusqu'à ce que le sort de la Saxe ait été fixé.

Mille raisons me font désirer d'être auprès de Votre Majesté. Mais je me sens retenu ici par l'idée que je puis être plus utile ici à son service, et par l'espoir qu'en dépit de tous les obstacles, nous parviendrons à obtenir une bonne partie du moins de ce qu'Elle a voulu.

Je suis, etc.

Vienne, 25 novembre 1814.

XXIII

19.

LE ROI AU PRINCE DE TALLEYRAND

Paris, ce 26 novembre.

Mon Cousin, j'ai reçu votre numéro 12, et je puis dire avec vérité que c'est le premier qui m'ait satisfait, non que

je ne l'aie toujours été de votre marche et de votre façon de me rendre compte de l'état des choses, mais parce que pour la première fois je vois surnager des idées de justice. L'Empereur de Russie a fait un pas rétrograde, et en politique comme en toute autre chose, jamais le premier ne fut le dernier. Ce Prince se tromperait cependant s'il croyait m'engager à une alliance (politique s'entend) avec lui. Vous le savez: mon système est, alliance générale, point de particulières; celles-ci sont une source de guerres, l'autre un garant de paix, et, sans craindre la guerre, la paix est l'objet de tous mes vœux; c'est pour l'avoir que j'ai augmenté mon armée, que je vous ai autorisé à promettre mon concours à l'Autriche et à la Bavière. Ces mesures ont commencé à réussir. Je crois pouvoir espérer otium cum dignitate, et c'est bien assez pour éprouver de la satisfaction.

Vous avez dit tout ce que j'aurais pu dire sur la note de lord Castlereagh. Je m'explique la différence de son langage avec celui du duc de Wellington par leur position respective l'un suit des instructions, l'autre en donne'.

Je voudrais voir déjà les affaires d'Italie réglées depuis les Alpes jusqu'à Terracine, car je désire bien vive

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Nous nous glorifions de notre chef! Vous avez gagné la bataille du talent et des principes, au nom du Roi et au vôtre. De quelque manière que tournent les choses, vous avez obtenu un grand succès personnel, et la France une nouvelle considération. C'est beaucoup.

Nous attendons davantage. Nous croyons ici que l'on reculera sur l'affaire de la Saxe; le duc de Wellington s'en explique assez nettement et met en avant les démarches de lord Castlereagh. ›

(Jaucourt à Talleyrand, 3 décembre 1814.)

ment l'importante conséquence qui doit s'ensuivre. Sur quoi, etc.

No 14.

XXIV

Vienne, 30 novembre 1814.

SIRE,

J'ai reçu la lettre dont Votre Majesté a daigné m'honorer le 15 de ce mois, et, par le même courrier, l'autorisation qu'elle a bien voulu me donner pour consentir à l'échange d'une petite portion du pays de Gex contre une partie du Porentruy.

L'ancien prince-évêque de Bâle a déjà repris comme évêque l'administration spirituelle du Porentruy; mais il ne saurait, comme prince, en recouvrer la possession, qu'il a perdue, non par le simple fait de la conquête, mais par la sécularisation générale des États ecclésiastiques de l'Allemagne en 1803. Il jouit, comme prince, d'une pension

1 Au moment de la Révolution, l'évêque de Bâle, prince du Saint-Empire et allié des cantons suisses, était Joseph-Sigismond de Roggenbach. L'invasion française lui fit prendre la fuite le 27 avril 1792; le 22 novembre de la même année, fut constituée la république de Rauracie, qui ne dura que jusqu'au 23 mars 1793. Roggenbach mourut le 9 mars 1794. Il eut pour successeur un prélat du nom de Neveu, qui figure sur l'Almanach de Gotha jusqu'à la fin de l'Empire, malgré la sécularisation de 1803.

pas

de soixante mille florins, et ne prétend à rien de plus. Il ne peut donc être un obstacle à l'échange dont nous avons eu l'honneur d'entretenir Votre Majesté; mais cet échange pourrait être rendu difficile par l'une des conditions dont Votre Majesté le fait dépendre, savoir, la restitution de l'Argovie bernoise au canton de Berne; car, selon toute apparence, cette restitution éprouvera de très-grandes et peut-être même d'insurmontables difficultés. Je suppose toutefois que si l'on se bornait à restituer à Berne quelques bailliages de l'Argovie, qu'en compensation du surplus on lui donnât les parties de l'évêché de Bâle comprises dans les anciennes limites de la Suisse, et que Berne se contentat de cet arrangement, Votre Majesté en serait contente Elle-même.

La commission chargée des affaires de la Suisse n'a fait jusqu'à présent autre chose que se convaincre que la multiplicité et la divergence des prétentions les rendaient fort épineuses. Ceux qui dans l'origine les voulaient régler seuls, et nous contestaient le droit de nous en mêler, ont été les premiers à demander notre concours, et pour ainsi dire notre assistance et nos conseils. Il est vrai que les envoyés suisses qui sont ici, et qui dès les premiers temps de notre séjour à Vienne se sont liés avec nous, leur ont déclaré que s'ils croyaient pouvoir établir en Suisse un ordre de choses solide sans l'intervention et même sans l'assentiment de la France, ils se berçaient d'une espérance tout à fait vaine.

Quand les alliés traitaient de la paix et la voulaient faire avec Buonaparte, ils s'étaient adressés aux cantons qui avaient le plus souffert des révolutions de la Suisse, réveil

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