Page images
PDF
EPUB

L'ambassadeur de Sardaigne m'a fait demander une audience; le comte de Jaucourt vous instruira de son résultat. Sur quoi, etc.

No 19.

XLII

LE ROI AU PRINCE DE TALLEYRAND

19 janvier 1815.

Mon Cousin, j'ai reçu votre numéro 21. Je n'étais pas en peine de votre opinion au sujet de l'affaire d'Espagne; mais je suis bien aise de la voir conforme aux mesures que j'ai prises; je le suis aussi que M. de Labrador ne partage pas les idées insensées de son Cabinet; puisse-t-il lui

Monsieur, avec lequel j'avais échangé quelques mots derrière le fauteuil du Roi et qui m'avait répondu Et ne croyez-vous pas que le prince de Talleyrand va bientôt revenir? Mais après ce combat-ci, il nous en restera « un autre à livrer; et Naples donc ! Monsieur a répliqué, en hésitant un peu : « Je crains que Murat ne soit pas chose si aisée. »

[ocr errors]

Je dis de même Murat ne me semble pas chose aisée. Il est attaqué d'une maladie mortelle, mais d'une maladie de langueur ; la meilleure chance qui puisse lui être offerte, suivant mes très-faibles lumières, c'est de se battre le plus tôt possible. Si vous effacez le sentiment que lui portent ses peuples dans l'espoir de leur indépendance; si vous l'isolez; si vous faites des États fédérés et soumis à des représentations nationales, le grand Joachim Murat n'est plus nécessaire, et il devient ridicule; mais jamais ce qui est utile et nécessaire n'est réellement ridicule. »

(Jaucourt à Talleyrand, 20 janvier 1815.)

en inspirer de plus conformes à la raison et à ses véritables intérêts!

J'étais fort content la semaine dernière, mais aujourd'hui je ne vois pas sans inquiétude la tendance de lord Castlereagh vers ses anciennes faiblesses, et la versatilité du prince de Metternich. Le premier devrait songer que ce qui honore un caractère, c'est de se tenir fermement attaché à ce qui est juste, ou d'y revenir loyalement quand on a eu le malheur de s'en écarter. Le second oublie qu'augmenter le lot de la Prusse, c'est affaiblir l'Autriche. Quant à moi, je ne me prêterai jamais, vous le savez, à la spoliation entière du Roi de Saxe; je conçois qu'il soit obligé à quelques cessions; mais si l'on en exigeait qui le réduisissent à n'être plus qu'une puissance du quatrième ou mème du troisième ordre, je ne suis pas plus disposé à y donner les mains. J'attends avec impatience le résultat de votre conférence, et je n'en ai pas moins de voir enfin entamer la grande affaire de Naples.

Nous sommes dans des jours de deuil et de tristesse. J'aurais voulu être présent aux cérémonies qui auront lieu samedi; la crainte de la goutte me retient, mais l'on ne souffre pas moins de les ordonner que d'y assister. Vous remercierez de ma part M. l'archevêque de Vienne d'avoir officié lui-même au service. Sur quoi, etc.

N 22.

XLIII

Vienne, 19 janvier 1815.

SIRE,

J'ai reçu la lettre dont Votre Majesté a daigné m'honorer le 7 de ce mois, et dans les témoignages de bonté qu'elle renferme, j'ai trouvé de nouveaux motifs de dévouement et de courage.

Je n'ai l'honneur d'écrire aujourd'hui à Votre Majesté que pour ne pas mettre trop d'intervalle entre mes lettres, car je n'ai aucun nouveau résultat à lui offrir.

Les affaires avancent peu. Cependant nous ne sommes pas oisifs.

L'accession de la Bavière à la triple alliance se fait. Celles du Hanovre et de la Hollande viendront après. Le grandduc de Darmstadt se lie pour la même fin à la Bavière et promet six mille hommes.

On travaille dans les commissions pour les affaires d'Italie, de Suisse et de statistique. Ma lettre au ministère, qui sera mise sous les yeux de Votre Majesté, lui fera connaître où en sont les choses à cet égard, les obstacles que l'on rencontre, et ce qui fait que l'on ne peut pas tout arranger comme il serait à désirer.

L'Autriche, l'Angleterre, la Bavière, la Hollande, le Hanovre, et à peu près toute l'Allemagne, sont d'accord

avec nous sur la conservation du Roi et d'un Royaume de Saxe. Une Saxe sera donc conservée, quoique le prince de Hardenberg, dans un plan de reconstruction de la Monarchie prussienne qu'il a remis récemment, ait osé demander encore la Saxe tout entière. M. de Metternich doit répondre à ce plan, et j'attendais sa réponse pour expédier mon courrier; mais elle n'est pas faite encore; j'en ai vu seulement les éléments, qui sont tous très-bons; il résulte, d'ailleurs, de la seule inspection du plan prussien que l'on peut rendre à la Prusse ce qu'elle avait en 1805, et qui est tout ce qu'elle a à demander, et conserver à la Saxe un million cinq cent mille sujets. Mais la Prusse prétend qu'elle en doit avoir six cent mille de plus qu'en 1805, sous le prétexte des agrandissements obtenus par la Russie et l'Autriche.

Ce qui touche le principe de légitimité étant convenu entre lord Castlereagh, M. de Metternich et moi, il nous reste, pour pouvoir faire une proposition commune, à nous entendre sur ce qui tient à l'équilibre. C'est de quoi nous sommes occupés journellement, et encore aujourd'hui j'ai eu avec eux une conférence sur ce sujet. M. de Metternich s'était d'abord montré prêt à faire des concessions sans mesure. Je l'ai ramené en lui faisant envisager les conséquences qu'aurait pour lui-même une facilité qui mettrait sa Monarchie en danger. Il défend maintenant avec chaleur ce qu'il avait voulu abandonner. Je lui ai conseillé d'amener à nos conférences quelques-uns des militaires autrichiens les plus instruits, pour donner leur opinion et les motifs de leur opinion, et, pour le porter à suivre ce conseil, je lui

ai dit que, s'il ne le suivait pas, je dirais que je le lui avais donné. Il s'est décidé à le suivre. Le prince de Schwarzenberg aura une conférence avec lord Stewart, et viendra ensuite avec quelques-uns de ses officiers à une conférence que nous aurons après-demain. Malheureusement, lord Castlereagh, outre un reste de son ancien penchant pour la Prusse, outre la crainte qu'il a de compromettre ce qu'il appelle son character, si, après avoir abandonné la Saxe entière par sa note du 10 octobre, il n'en veut plus laisser aujourd'hui à la Prusse qu'une faible portion, a, sur tout ce qui est topographie militaire, et même sur la simple géographie continentale, des notions si imparfaites et je puis dire si nulles, qu'en même temps qu'il est nécessaire de le convaincre des plus petites choses, il est extrêmement difficile de l'en convaincre. On raconte qu'un Anglais qui se trouvait ici du temps du prince de Kaunitz, débita devant lui force extravagances sur les États d'Allemagne, et que le prince de Kaunitz, avec le ton du plus grand étonnement, s'écria: « C'est prodigieux, tout ce que les Anglais ignorent. » Combien de fois ai-je eu l'occasion de faire intérieurement la même exclamation dans mes conférences avec lord Castlereagh!

Dans l'arrangement qui se prépare pour les affaires d'Italic, nous avons quelque motif pour espérer que l'Archiduchesse Marie-Louise sera réduite à une pension considérable. Je dois dire à Votre Majesté que je mets à cela un grand intérêt, parce que décidément le nom de Buonaparte serait par ce moyen, et pour le présent et pour l'avenir, rayé de la liste des Souverains, l'ile d'Elbe n'étant à celui

« PreviousContinue »