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en général en Angleterre plus faciles que d'autres. Je crust qu'alors il était nécessaire d'éluder cette proposition sans la repousser péremptoirement, et en se réservant de la prendre en considération plus tard. Dernièrement, en parlant de Murat et du sort que l'on ne pourrait se dispenser de lui faire si, l'Europe ayant prononcé contre lui, il se soumettait à sa décision, lord Castlereagh n'hésita point à me dire que l'Angleterre se chargerait volontiers d'assurer une existence à Murat, en lui assignant une somme dans les fonds anglais, dans le cas où la France consentirait à renoncer à la traite. Si un tel arrangement était jugé praticable, je ne doute pas qu'il ne fùt aisé de faire comprendre dans les payements à la charge de l'Angleterre les pensions stipulées par le traité du 11 avril.

Cet arrangement, à cause de la passion des Anglais pour l'abolition de la traite, aurait certainement l'avantage de lier étroitement l'Angleterre à notre cause dans l'affaire de Naples, et de l'exciter à nous seconder de toute façon.

Il reste à savoir si, dans l'état présent de nos colonies, la France, en renonçant à la traite pour les quatre ans et trois mois qu'elle a encore à la faire, ferait un sacrifice plus grand ou moindre que l'utilité que l'on peut se promettre de l'arrangement dont je viens de parler. C'est ce que j'ose prier Votre Majesté de vouloir bien faire examiner, afin de pouvoir faire connaître ses in tentions sur ce point à lord Castlereagh, qui ne manquera probablement pas de lui en parler.

J'aurais désiré que le traité du 3 janvier, qui, le Con

grès fini, se trouvera sans application, eût été prorogé pour un temps plus ou moins long, ne fùt-ce que par une déclaration mutuelle. Il y a trouvé des difficultés, le caractère de M. de Metternich ne lui donnant aucune confiance; mais il m'a assuré que quand le traité serait expiré, l'esprit qui l'avait dicté vivrait encore. Il ne veut, avant tout, donner aucun ombrage aux autres puissances du continent, ce qui ne l'empêche pas de désirer qu'une grande intimité s'établisse entre les deux Gouvernements et qu'ils ne cessent point de s'entendre dans des vues de paix et de conservation'. En un mot, il a quitté Vienne avec des dispositions que je dois louer, et dans lesquelles il ne peut ètre que confirmé par tout ce qu'il entendra de la bouche de Votre Majesté.

Je m'aperçois que ma lettre est immense, et je crains bien que Votre Majesté ne la trouve trop longue pour ce qu'elle contient; mais j'aime mieux encore courir le risque de trop m'étendre que de supprimer des détails que Votre Majesté pourrait juger nécessaires.

Par le prochain courrier, j'aurai l'honneur de lui adresser les traités de la coalition que je suis parvenu à me procurer 2. Lorsque Votre Majesté en aura pris connais

1 Le lord Castlereagh m'a paru plein de confiance, d'estime et de conformité dans sa manière de voir avec vous et par vous, disposé à combattre les dispositions peu amicales des deux nations par un système durable de paix et d'allliance.... Il y aurait dans le peuple anglais un sentiment contradictoire de désir de la paix et de vanité extrême dans la question du Congrès. (Jaucourt à Talleyrand, 4 mars 1815.) 2 Traités de Kalisch, de Reichenbach, de Toeplitz, de Chaumont. (Voir D'ANGEBERG, t. I.)

sance, je la supplierai de les remettre à M. de Jaucourt, pour qu'ils soient conservés aux Affaires étrangères. On a reparlé de nouveau au général Pozzo de son départ.

Je suis, etc.

Vienne, 15 février 1815.

LIV

No 23.

LE ROI AU PRINCE DE TALLEYRAND

Le 18 février 1815.

Mon Cousin, j'ai reçu votre numéro 26, et je l'ai reçu avec grande satisfaction. Certainement j'aurais mieux aimé que le Roi de Saxe conservat tous ses États, mais je ne m'en flattais pas, et je regarde comme un miracle qu'étant aussi peu secondés que nous l'avons été, nous ayons pu lui sauver ce qui lui en reste. Une chose dont j'ai encore un grand plaisir à vous exprimer ma satisfaction, c'est que Prusse n'ait ni Luxembourg ni Mayence; ce voisinage eût été fàcheux pour le repos futur de la France. Laissons donc l'épée dans le fourreau; le général Ricard aura fait un voyage inutile, mais qui aura prouvé à mes

la

alliés mon empressement à me mettre en règle vis-à-vis d'eux.

La conduite du duc de Wellington à Vienne me touche sans m'étonner. C'est un loyal homme. Vos réflexions sur son langage sont très-justes.

Je m'attends bien, ainsi que vous, à des difficultés pour l'affaire de Naples, mais il faut les vaincre; tout sentiment à part, l'existence de Murat devient chaque jour plus dangereuse'. Celle de Bernadotte est singulière, mais le principe une fois passé, il faut bien admettre les conséquences.

Les gazettes ont retenti de l'admirable conduite du gouverneur (dont le nom m'échappe en ce moment) de la forteresse de Konigstein. Je voudrais le faire commandant de la Légion d'honneur; mais auparavant je veux savoir : 1° si les faits sont vrais; 2° si le Roi de Saxe trouverait bon

Nos inquiétudes pour Rome ne sont pas sans quelque fondement; mais il parait que c'est à tort que l'on a dit Murat en marche pour s'en emparer. Il serait bien possible que vous fussiez dans cette diablerie. Mais j'ai trop de respect pour mon ministre, pour oser porter un œil curieux dans sa..... oserai-je le dire? dans sa gibecière diplomatique. »

(Jaucourt à Taileyrand, 8 février 1815.)

« Le 2 mars, vous le verrez par la dépêche de Mariotti, l'Italie était très-tranquille. Cependant le consul qui m'est arrivé ce matin m'assure que l'esprit se révolte, et l'indépendance y est portée au comble. Il ne croit pas que Murat fût de concert avec Buonaparte dans cette opération; Murat était encore persuadé de la protection cachée de l'Empereur Alexandre, et de l'appui certain de l'Autriche; il ménageait donc ces puissances. Mais si Buonaparte se jette à Milan avec des forces, s'il soulève les peuples, Murat agira de tout son pouvoir. (Jaucourt à Talleyrand, 8 mars 1815.)

Le gouverneur de Koenigstein s'appelait Saares de Saar. Il avait refusé de remettre la forteresse, qui était la propriété particulière du Roi de Saxe, aux Prussiens.

que j'accordasse cette décoration à cet officier, et je vous charge d'éclaircir l'un et l'autre point. Sur quoi, etc.

No 28.

LV

Vienne, 20 février 1815.

SIRE,

J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Majesté les pièces annoncées par ma dernière dépêche. Si elles ne forment pas une collection complète des traités entre les puissances coalisées, elles en forment du moins les parties les plus importantes.

Ce sont :

Une convention échangée, en forme de note, entre l'Autriche et la Russie, le 29 mars 1813, et appelée convention de Kalisch;

Le traité de paix et d'alliance entre la Russie et la Prusse. On l'a souvent cité sous le nom de traité de Kalisch, parce qu'il y avait été négocié et, à ce qu'il paraît, minuté; mais c'est à Breslau qu'il a été signé, le 26 février 1813.

Le traité de Reichenbach', du 27 juin même année, entre l'Autriche, la Russie et la Prusse;

1 En 1790, la Prusse et l'Autriche s'y étaient réconciliées. Le 27 juin 1813, y fut signée la convention entre la Grande-Bretagne et la Prusse pour

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