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été proposé de prendre pour médiateurs la France et l'Angleterre. Mais il me semble qu'en laissant à l'Angleterre seule l'honneur de cette médiation, la France aura le moyen d'influer sur l'arrangement sans se commettre vis-à-vis de l'une ou de l'autre des deux puissances, qu'elle a également intérêt de ménager.

M. de Metternich est venu me prier, en très-grand mystère, de lui donner répit pour les affaires d'Italie jusqu'au 5 ou 6 mars, époque à laquelle il suppose que j'aurai reçu les ordres qu'il aura plu à Votre Majesté de me donner après avoir vu lord Castlereagh. Sans bien démêler les motifs de cette demande, il ne m'a pas paru possible de m'y refuser. Mais, d'un autre côté, je verrais de l'inconvé– nient à ce que l'Autriche cùt arrangé tout ce qui l'intéresse hors de l'Italie, et que les affaires de ce pays, qui sont celles qui nous touchent le plus, restassent exposées à toutes les chances, et nous à tous les obstacles que l'Autriche pourrait vouloir nous susciter. Je désire donc que les affaires de la Bavière ne soient pas conduites trop vite. Ainsi, quoique mon impatience de me retrouver auprès de Votre Majesté, après une si longue absence, n'ait pas besoin d'être accrue par l'ennui dont la ville de Vienne semble être atteinte depuis l'ouverture du Congrès, je me trouve dans la nécessité de ne rien presser pour le moment, de ralentir même, autant que cela dépend de moi, le mouvement, et d'attendre.

Je joins à cette lettre l'acte d'accession de la Hollande '

1 Note des plénipotentiaires des Pays-Bas en réponse à la note que leur a

qui vient d'être signé. Je supplie Votre Majesté de vouloir bien, après avoir ratifié l'acte d'acceptation, ordonner qu'il me soit renvoyé par M. de Jaucourt.

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J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Majesté une copie de la déclaration de M. de Metternich, annoncée dans ma dernière dépêche, avec la copie de la réponse que je viens de lui faire.

Votre Majesté verra que cette réponse est absolument dans le sens de la lettre que j'avais écrite à lord Castlereagh, et où je disais que pour agir contre Murat nous ne passerions point par l'Italie.

J'aurais désiré que la déclaration de l'Autriche fùt plus

adressée le plénipotentiaire de la Grande-Bretagne pour inviter les Princes souverains des Pays-Bas à accéder au traité d'alliance défensive conclu, le 3 janvier 1815, cutre la Grande-Bretagne, l'Autriche et la France.

Vienne, 2 janvier 1815.

(Voir D'ANGEBERG, p. 692.)

explicitement contre Murat. Mais on a craint de lui fournir un prétexte de tenter un parti violent, les Autrichiens n'étant point en mesure en Italie. Les ordres sont donnés d'y faire passer du monde. Ils y auront cent cinquante mille hommes, et cinquante mille autres en réserve dans la Carinthie, ce qui suffira pour tenir Murat en respect ou rendre vaines ses entreprises. Mais comme on ne fait ici rien que très-lentement, le prince de Schwarzenberg demande sept semaines pour que ces forces soient toutes à leur destination.

La note qui a déterminé leur envoi me paraît toujours un incident heureux.

Je vais demain à Presbourg voir madame de Brionne', qui reçut hier les sacrements et qui m'a fait demander. Je serai de retour dans la nuit de lundi à mardi, et les affaires, qui sont toujours dans le même état, ne souffriront en aucune manière de ces deux jours d'absence.

Le général Pozzo part décidément le 1" ou le 2 mars : il doit être dix jours en route.

1 M. Beugnot dit d'elle dans ses Mémoires, t. I, p. 57 (Paris, 1867) : Madame de Brionne avait été l'une des plus belles femmes de son temps..... Avant la Révolution, elle s'était liée avec l'abbé de Périgord, devenu évêque d'Autun. »

Le 23 mars, le lendemain de sa mort, Talleyrand écrivait à M. de Jancourt:

Dites à madame de Vaudémont ou faites-lui dire que madame de Brionne est morte hier. Dans les derniers jours, elle souffrait de douleurs affreuses. Je la regrette beaucoup. Elle a été un des soutiens de ma jeunesse; pendant plus de quinze ans elle m'a traité comme un de ses enfants. Je lui ai mené le duc de Wellington, pour qui elle a été admirable. Adieu. Du chagrin et des inquiétudes, c'est beaucoup à notre âge. Je vous em

brasse.»

L'Empereur de Russie est fort actif dans les affaires de l'Archiduchesse Marie-Louise : il a fait faire un plan dans lequel les Légations seraient presque en entier enlevées au Pape. Il se trouve par là en opposition avec des principes convenus entre les plénipotentiaires des grandes puissances. Jusqu'à présent, son nouveau plan est resté dans le portefeuille de M. d'Anstett.

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Le soussigné, ministre d'État et des affaires étrangères de Sa Majesté Impériale et Royale Apostolique, a l'ordre de faire à Son Altesse Monsieur le prince de Talleyrand la communication officielle suivante :

Dans le cours des négociations qui ont lieu à Vienne entre les plénipotentiaires des puissances signataires du traité de Paris, le soussigné n'a cessé de fournir au nom de l'Empereur, son auguste Maître, des preuves du désir de Sa Majesté Impériale d'assurer à l'Italie un état de fixité et de repos qui se trouve directement lié à celui de l'Europe et de son Empire.

L'état de tension qui continue de régner entre les Cours de France et de Naples a dû d'autant plus fixer toute l'attention de

l'Empereur, dans un moment surtout où de forts rassemblements de troupes existent sur les frontières du Royaume de Naples, et où des concentrations se forment également dans le midi de la France.

Quelque éloignée que puisse être Sa Majesté Impériale d'attribuer à l'une ou l'autre de ces Cours des vues hostiles qui pourraient compromettre le repos de l'Italie, et par là celui d'une partie intéressante de la Monarchie autrichienne, l'Empereur et Roi a cru cependant devoir faire renouveler la déclaration que le soussigné s'est vu dans le cas de faire dans une des premières conférences, de la ferme détermination de Sa Majesté de ne jamais permettre que, par l'entrée de troupes étrangères en Italie, le repos de ses provinces ou de celles gouvernées par des Princes de sa Maison soit troublé; l'Empereur devant regarder toute vue ou mesure contraire à cette détermination comme dirigée contre ses intérêts et par conséquent contre lui-même.

Le soussigné, en prévenant Monsieur le prince de Talleyrand qu'il transmet une déclaration conforme et sur le même objet à la Cour de Naples, prie Son Altesse d'agréer l'assurance de sa haute considération.

Vienne, 25 février 1815.

Signé Le Prince DE METTERNICH.

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