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ANNEXE DU No 30.

LIX

Le soussigné, ambassadeur de Sa Majesté le Roi de France et de Navarre au Congrès et son ministre et secrétaire d'État au Département des affaires étrangères, a reçu la déclaration que Son Altesse Monsieur le prince de Metternich lui a fait l'honneur de lui adresser en date de ce jour.

Si les circonstances venaient à exiger que, pour la défense des principes constamment professés au Congrès de Vienne relativement à Naples par l'ambassade de Sa Majesté Très-Chrétienne, des troupes françaises dussent marcher, ces troupes ne passeraient point par les provinces autrichiennes en Italie, ni par celles qui sont gouvernées par des Princes de la Maison d'Autriche. Jamais il n'est entré dans les intentions de Sa Majesté Très-Chrétienne de rien entreprendre qui puisse troubler ou compromettre le repos de ces provinces, repos au maintien et à l'affermissement duquel Elle prend au contraire l'intérêt le plus sincère.

Le soussigné s'empresse d'en transmettre l'assurance à Son Altesse Monsieur le prince de Metternich, en même temps qu'il a l'honneur de lui renouveler celle de sa haute considération.

Vienne, 25 février 1815.

LX

N° 24.

LE ROI AU PRINCE DE TALLEYRAND

Paris, ce 3 mars 1815.

Mon Cousin, j'ai reçu vos numéros 27 et 28. Je ne vous ai pas écrit la semaine dernière, d'abord parce que j'attendais lord Castlereagh à tout moment, et ensuite parce que, ainsi que c'est mon usage, au commencement de la goutte j'ai eu la fièvre, ce qui ne rend pas très-apte à dicter. Lord Castlereagh est arrivé dimanche au soir. Je l'ai vu lundi et mardi. Je l'ai trouvé très-bien pensant pour le fond de l'affaire de Naples, mais un peu méticuleux comme ministre, et toujours bien attaché au Cabinet de Vienne. Après m'avoir répété tout ce que vous m'avez mandé vousmême qu'il avait dit au prince de Metternich, il en est venu à des propositions sur lesquelles il était d'accord avec le prince de Metternich. Le sens en est que la Cour de Vienne ne demande pas mieux que de coopérer à l'exclusion de Murat; mais, m'a-t-il dit, en cédant pour le sud de l'Italie, elle attend la même complaisance de la part de Votre Majesté pour la partie du nord, et elle voudrait que Parme, Plaisance et Guastalla, appartinssent à l'Archiduchesse Marie-Louise, et que les trois Cours de la Maison de

Bourbon se chargeassent d'indemniser la Reine d'Étrurie'. J'ai répondu que l'État de Parme était une succession héréditaire, qui était arrivée dans ma famille par la Reine Élisabeth Farnèse2; que cela n'avait rien de commun avec la France, l'Espagne et le Royaume de Naples, et qu'intérêt de famille à part, la justice seule me défendait de laisser exproprier une branche de ma famille; que cependant, si l'Autriche tenait à ce que la convention du 11 avril fût exécutée à l'égard de l'Archiduchesse Marie-Louise, je consentirais à ce que la Reine d'Étrurie, ou plutôt son fils, reçût en indemnité Lucques et l'État des Présides, à condition que la souveraineté de Parme fût reconnue comme lui appartenant, et devant lui revenir à la mort de l'Archiduchesse, époque à laquelle Lucques et l'État des Présides seraient réunis à la Toscane. Il ne m'a pas paru du tout éloigné de cet arrangement, qui, au reste, tient plus à l'Autriche qu'à l'Angleterre.

Hier j'ai vu le baron de Vincent, qui avait pour moi une commission directe et secrète. Il m'a remis une note confidentielle, dont le principal article, sur lequel, m'a-t-il dit, ses instructions étaient très-précises et très-sévères, était celui relatif à Parme dont je viens de vous parler. J'y ai répondu par un contre-projet, dans le sens de ma réponse à lord Castlereagh. Nous nous sommes séparés chacun sur

1 La Reine d'Étrurie avait à Vienne un fondé de pouvoirs, M. Goupil. 2 Parme avait été donnée par le traité d'Aix-la-Chapelle (1748) à Don Philippe, deuxième fils de Philippe V et d'Élisabeth Farnèse, et ancêtre des Bourbons de Parme.

son terrain; mais, cependant, je crois que la chose ne sera pas bien difficile à arranger. Il m'a dit qu'après cette première ouverture faite à moi personnellement, M. de Metternich désirait que la négociation continuât à Vienne, mais directement entre vous et lui, sans y admettre aucune autre personne de la légation. N'y voyant pas de difficultés, j'ai promis que cela se passerait ainsi.

Par le premier courrier, je vous enverrai copie des deux pièces dont je viens de vous parler, avec quelques notes d'instructions.

Je vous dirai en peu de mots que votre conversation avec l'Empereur de Russie m'a fort intéressé, quoiqu'elle fût de sa part bien légère et bien divagante. Je suis d'ailleurs parfaitement content de la manière dont vous lui avez parlé.

Ce que je ne dois encore pas oublier de vous dire, c'est que lord Castlereagh, qui a insisté fortement auprès de moi, 1° sur l'article du traité qui assure le payement des créances des Anglais', 2° sur l'exécution des conventions du 11 avril relatives à la famille Bonaparte (objet sur lequel je reviendrai dans ma prochaine lettre), ne m'a pas dit un mot de la traite des nègres.

Ma goutte va assez bien, et j'ai lieu de croire que cette attaque-ci ne sera pas aussi longue que de coutume. Sur quoi, etc.

P. S. Je reçois dans le moment votre numéro 29. Je considère comme vous l'incident de la note Murat, non

1 Voir l'article additionnel au traité avec la Grande-Bretagne, 30 mai 1814.

(D'ANGEBERG, p. 124.)

remise, comme très-avantageux. Vous trouverez dans cette lettre, et vous aurez plus de détails dans la prochaine, la clef de la prière mystérieuse que vous a faite M. de Metternich.

No 31.

LXI

Vienne, 3 mars 1815.

SIRE,

Le duc de Saxe-Teschen, qui était allé jusqu'à Brünn au-devant du Roi de Saxe, est revenu ici ce matin. Le Roi s'arrête aujourd'hui à deux postes de Vienne, et ira attendre à Presbourg le départ des deux Souverains du Nord, qui seraient sûrement embarrassés de sa présence ici, et que lui-même, très-probablement, ne se soucie guère de rencontrer. On a trouvé qu'à Brünn il serait trop loin, on n'avait point à lui offrir sur la route de Brünn à Vienne de séjour convenable; c'est ce qui a fait préférer Presbourg, nonobstant les raisons dont j'ai eu l'honneur d'entretenir Votre Majesté dans une de mes précédentes lettres.

L'Empereur de Russie parle de son départ, dont on fait même les préparatifs. On l'a dit fixé au 14 de ce mois, puis au 17; aujourd'hui on parle du 20. L'Empereur a promis d'être chez lui pour la Pàque russe', et je crois que

1 En 1815, la Pâque russe tombait le 30 avril.

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