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No 34,

LXVII

Vienne, 14 mars 1815.

SIRE,

Je sors de la conférence où vient d'être signée la déclaration' dont j'avais l'honneur de parler à Votre Majesté

rons vers la fin du mois, quoiqu'il y ait quelques objets qui ne sont pas encore réglés. Le Roi de Saxe n'a pas accepté l'arrangement par lequel une grande partie de ses États a été cédée à la Russie; mais je pense qu'il l'acceptera. Les objets en discussion, entre l'Autriche et la Bavière, ne sont pas arrangés, mais il y a des matériaux pour les régler, et ils approchent de leur terme. Les affaires d'Italie ne sont pas encore entamées. Je pense pourtant qu'elles n'éprouvent pas de grandes difficultés. J'aurais voulu que vous eussiez été ici hier au soir, et que vous eussiez vu Labrador, en conférence avec les plénipotentiaires. C'est un vrai représentant de l'Espagne, et vous en aviez fait un excellent portrait.

Vous aurez appris la fuite de Buonaparte de l'île d'Elbe et son débarquement en France, près d'Antibes. Nous allons publier ici une déclaration dont je vous enverrai copie, si je puis m'en procurer une avant de fermer cette lettre. Si nous apprenons que le Roi de France n'est pas assez fort pour venir à bout de lui tout seul, nous mettrons de suite en mouvement toutes les forces de l'Europe. Chacun est très-zélé et empressé; et je pense que si même Buonaparte réussissait à s'établir en France, les forces dirigées contre lui seront telles, ainsi que l'esprit des conseils, que nous parviendrons certainement à le renverser.

Je suis, mon cher Henry, votre très-affectionné.

Vienne, le 12 mars 1815. »

Signé WELLINGTON, ▾

:

Cette lettre est adressée au marquis de Wellesley, ambassadeur d'Angleterre à Madrid.

1 La déclaration du 13 mars 1815, publiée par les puissances signataires

dans ma lettre d'hier. Elle a été rédigée ce matin dans notre conférence des cinq puissances, et nous l'avons portée ce soir à celle des huit, où elle a été adoptée. Je m'empresse de l'envoyer à Votre Majesté : j'en adresse en même temps des exemplaires aux préfets de Strasbourg, Besançon, Lyon, Nancy, Metz et Châlons-sur-Marne, avec invitation de la faire imprimer et connaître dans leurs départements respectifs, et aux préfets voisins.

Je me persuade que Votre Majesté jugera convenable d'en ordonner la publication dans tous les coins du Royaume. M. de Saint-Marsan, à qui j'en ai remis une copie, l'envoie à Gênes et à Nice.

Rien ne me paraît manquer à la force que cette pièce devait avoir, et j'espère que rien ne manquera à l'effet qu'elle est destinée à produire, tant en France que dans le reste de l'Europe, où elle sera répandue par toutes les voies. L'une des sœurs de Buonaparte (Pauline Borghèse), qui

du traité de Paris, réunies au Congrès de Vienne, au sujet de l'évasion de Napoléon de l'île d'Elbe.

Elle est reproduite au Moniteur universel du 13 avril 1815.

:

(Voir D'ANGEBERG, p. 912.)

« J'envoie au Roi, mon cher ami, la déclaration dont je vous ai parlé hier elle est très-forte; jamais il n'y a eu une pièce de cette force et de cette importance signée par tous les Souverains de l'Europe. Il faut qu'elle soit imprimée telle que je l'envoie avec toutes les signatures. Il a fallu prendre la forme d'un extrait de protocole pour que nous puissions la signer. Veillez à ce qu'il ne soit rien changé à l'impression. Faites mettre un trait entre la déclaration et l'extrait du protocole qui finit par les signatures. J'envoie cette pièce à Nice, à Strasbourg, à Besançon, à Metz, et j'invite les préfets à la faire imprimer et distribuer.

Adieu. Je ne crois pas qu'ici nous ayons pu faire mieux. Je vous embrasse. (Talleyrand à Jaucourt, 14 mars 1815.)

de l'île d'Elbe avait passé sur le continent de l'Italie, a été arrêtée à Lucques. Jérôme, qui était à Trieste, va être amené à Grätz, ainsi que Joseph, dès que le canton de Vaud aura obtempéré à la demande que j'ai chargé M. de Talleyrand de lui faire conjointement avec le ministre d'Autriche et celui de Russie, qui feront la même demande.

Des officiers autrichiens et russes sont porteurs de la demande faite au pays de Vaud et sont chargés de conduire Joseph Buonaparte jusqu'à Grätz.

Des ordres ont été donnés pour que l'ile d'Elbe soit occupée au nom des alliés.

Ainsi, tout tend au même but, avec un concert et une unanimité dont je ne sais s'il y a jamais eu d'exemple entre toutes les puissances.

J'ai pris des informations sur les généraux nommés au commandement du corps placé entre Chambéry et Lyon. Les généraux Sémélé et Dijon, et surtout le général Marchand, m'ont été représentés comme dignes de toute confiance. Je n'ai vu personne qui connût le général Roussel d'Hurbal.

Je suis, etc.

Vienne, 14 mars 1815..

P. S. Je crois qu'après la déclaration, il doit y avoir un trait bien marqué qui la sépare du protocole, à la fin duquel doivent être toutes les signatures, comme elles se trouvent dans la copie ci-jointe.

N° 35.

LXV

Vienne, 14 mars 1815.

SIRE,

Le courrier que je fais partir aujourd'hui porte en Suisse, à M. de Talleyrand, l'ordre de faire, de concert avec les ministres d'Autriche et de Russie, les démarches dont j'ai eu l'honneur d'entretenir hier Votre Majesté, pour faire éloigner Joseph Buonaparte des frontières de France. Il restera plus longtemps en route que ceux qui vont directement à Paris. Toutefois, je n'ai point voulu l'expédier sans le charger d'une lettre pour Votre Majesté, quoique je n'aie rien de nouveau à lui mander, le courrier qui doit m'apporter les instructions qu'Elle m'a fait l'honneur de m'annoncer par sa lettre du 3 de ce mois n'étant pas encore arrivé. J'espère que ces instructions ne seront pas, comme M. de Metternich s'en flatte, de nature à faire remettre la décision du sort de Murat à une époque éloignée. Nous ne pouvons et ne devons pas croire à une promesse de M. de Metternich. J'ai eu aujourd'hui même une explication assez vive avec lui sur cet objet. Mon opinion est que si l'affaire de Murat est remise, elle est perdue pour nous, et par cela, l'opinion, qui aujourd'hui est tout en notre faveur, sera détruite.

Je me suis procuré et j'enverrai à Votre Majesté, dans la première lettre que j'aurai l'honneur de lui écrire, une pièce, rédigée par ce même M. de Metternich, qui la mettra à même de juger dans quelle position ses ambassadeurs au Congrès se sont trouvés, à l'égard des autres puissances, lorsqu'ils sont arrivés à Vienne, et combien cette position diffère de celle où ils se trouvent aujourd'hui.

Je joins ici une des déclarations imprimées à Vienne' et répandues dans toute l'Allemagne.

Je suis, etc.

Vienne, 14 mars 1815.

1 Voici cette déclaration furibonde :

AVIS AUX NATIONS.

Bonaparte ne veut plus régner que pour le bonheur des jacobins. Il se contente des limites actuelles de la France et veut demeurer en paix avec le reste de l'Europe.

Il en donne pour caution :

1o La mitraille dont il foudroya les sections de Paris;

2o L'empoisonnement des hôpitaux en Égypte;

3o L'assassinat de Pichegru;

4o Le meurtre du duc d'Enghien;

5o Les serments prêtés à la République française;

6o Ses attentats répétés contre tous les Gouvernements de l'Europe;

7o Le pillage des églises de Russie et d'Espagne;

8 Son évasion de l'île d'Elbe;

9 L'organisation de trois mille bataillons de garde nationale en remplacement de la conscription;

10o La violation de tous les traités qu'il a conclus, y compris celui de Fontainebleau ;

11o L'abolition des droits réunis en faveur de l'ivresse publique.

Il promet en outre de lancer immédiatement après les assemblées de mai, si elles lui sont favorables, un décret contre le parjure, rédigé par Regnaud de Saint-Jean d'Angely et contre-signé par Ney.

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