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mais que les deux autres doivent être admises après pour énoncer leurs avis et faire, si elles le jugent à propos, leurs objections, qui seront pour lors discutées avec elles;

2o Que pour ne pas s'écarter de cette ligne, les plénipotentiaires des quatre puissances n'entreront en conférence avec les deux autres sur cet objet qu'à mesure qu'ils auront terminé entièrement, et jusqu'à un parfait accord entre eux, chacun des trois points de la distribution territoriale du duché de Varsovie, de l'Allemagne et de l'Italie;

3° Que pour se ménager tout le temps nécessaire pour ces discussions préalables, ces plénipotentiaires tàcheront de s'occuper en attendant, et dès l'ouverture du Congrès, avec les deux autres des questions d'une autre nature, et où tous les six ont le plein droit d'entrer comme partie principale dans la discussion.

Ces trois principes ont été motivés durant la conférence de la manière suivante :

La disposition sur les provinces conquises appartient par sa nature même aux puissances dont les efforts en ont fait la conquête. Ce principe a été consacré par le traité de Paris lui-même, et la Cour de France y a déjà préalablement consenti, car l'article 1er secret du traité de Paris dit de la manière la plus précise:

Que la disposition à faire des territoires sera réglée au Congrès sur les bases arrêtées par les puissances alliées entre elles. »

Les termes arrêtées et arrêtées entre elles expriment

1 Ces deux mots manquent dans Martens et dans l'ouvrage de d'Angeberg.

que

clairement qu'il ne s'agit point ici de simples propositions, ni de discussions où la France prendrait part. Il n'est pas dit non plus où et comment ces bases doivent être arrêtées, et ce serait une interprétation entièrement arbitraire et injuste, si l'on voulait soutenir qu'on n'avait entendu par là le contenu des traités déjà existants' entre les alliés. Mais la France ayant passé sous un gouvernement légitime, les quatre puissances alliées n'entendent pas vouloir éloigner ni elle ni l'Espagne de toute discussion sur la distribution des territoires, en autant que ces puissances y ont un intérêt particulier, ou bien qu'elle regarde l'intérêt de toute l'Europe, ainsi qu'elles en auraient éloigné la France, si la paix avait été conclue avec Napoléon.

Ainsi, des trois nuances qu'on aurait pu établir à l'égard de ce point 2 :

D'entrer d'abord dans la discussion avec une égalité parfaite d'influence;

De n'y être admis que lorsqué les autres parties sont déjà d'accord entre elles;

De reconnaître d'avance tout ce que les autres arrêteraient,

1 Martens donne ici un texte erroné: « du traité déjà existant».

2 Martens et après lui d'Angeberg donnent ici un texte différent : De n'y être point admis du tout;

De n'y être admis que lorsque les autres parties sont d'accord entre elles ;

De reconnaître d'avance tout ce que les autres arrêteraient,

La seconde est évidemment celle à laquelle la France a le droit de

prétendre, mais à laquelle elle doit se borner. »

Celui de Talleyrand est évidemment préférable.

La seconde est évidemment celle à laquelle la France a droit de prétendre, mais à laquelle elle doit se borner.

Il y aurait d'ailleurs un inconvénient extrême à en agir autrement. Si la France n'est admise que lorsque les quatre puissances sont déjà d'accord entre elles, elle n'en fera pas moins toutes les objections qu'elle croira convenables pour sa propre sûreté et pour l'intérêt général de l'Europe, mais elle n'en fera pas d'autres. Si elle assiste à la première discussion même, elle prendra parti pour ou contre chaque question, qu'elle soit liée avec ses propres intérêts ou non, elle favorisera ou contrariera tel ou tel prince d'après ses vues particulières, et les petits princes de l'Allemagne seront invités par là à recommencer tout le manége d'intrigues et de cabales qui en grande partie a causé le malheur des dernières années. C'est pourquoi il est de la dernière importance de ne pas entrer en conférence avec les plénipotentiaires français que lorsqu'un objet sera entièrement terminé 3.

2

Approuvé METTERNICH, HARDENBERG,
HUMBOLDT, NESSELRODE.

1 Ce mot manque dans Martens.

2 Martens met lorsque cet objet ».

3 On ne peut guère s'expliquer que cette pièce se trouve dans Martens, et que la précédente, faite pour être connue de la France, ne s'y trouve pas.

En tête de la pièce, dans Martens, se trouve cette mention: La France telle qu'on l'a faite », par M. Kératry, deuxième édition, 1824, Paris, p. 184-187.

Peut-être Kératry n'a-t-il connu que cette seconde pièce, et Martens se l'est-il procurée dans son ouvrage.

No 37.

LXXII

Vienne, 16 mars 1815.

SIRE,

Me trouvant dans l'obligation d'envoyer encore aujourd'hui un courrier à Paris, pour y porter l'ordre qui rappelle les Polonais qui sont avec Buonaparte, et qui, par mégarde, n'a pas été joint à l'expédition de la nuit dernière, j'en profite pour avoir l'honneur de dire à Votre Majesté combien je désire d'être tenu le plus exactement possible au courant de ce qui se passe en France, et combien cela est nécessaire'.

1 Talleyrand écrivait le même jour à M. de Jaucourt :

Je vous envoie un courrier encore aujourd'hui pour vous donner bon exemple, mon cher Jaucourt; mais je dois vous dire qu'il est d'un premier intérêt que je sois instruit des plus petites choses qui arrivent relativement à Buonaparte. Les mauvaises nouvelles se répandent : il faut les détruire, et je ne puis les détruire que quand j'ai des nouvelles directes. Ainsi ne perdez pas un moment pour me donner les informations qui vous parviennent. Songez bien à ceci : c'est que cette même Europe qui a été amenée à faire la déclaration que je vous ai envoyée, est en pleine jalousie de la France, du Roi, de la Maison de Bourbon. Quand les nouvelles sont mauvaises, ce sentiment se montre; et ce matin, trois estafettes de Genève étaient arrivées à l'Empereur de Russie et à l'Autriche pour annoncer que Buonaparte était à Grenoble et qu'un régiment avait quitté nos drapeaux pour passer sous les siens. J'ai vu une des lettres qu'avait l'Empereur de Russie. De grâce, instruisez-moi; nous n'avons aucuns motifs pour craindre; nous sommes sûrs de notre cause; mais il faut des nouvelles pour détruire des nouvelles,

Quelque bonnes que soient les dispositions des Souverains, et même celles du peuple de Vienne, ce serait un prodige qu'il ne se trouvât point ici quelques hommes malintentionnés prêts à donner des nouvelles alarmantes, et beaucoup d'hommes crédules prompts à les accueillir et à les répandre. Il importe donc que la légation de Votre Majesté soit toujours en mesure de les rectifier.

La nouvelle de l'entrée de Buonaparte en France a fait ici baisser les fonds. La déclaration du Congrès les a fait remonter. J'espère qu'elle produira le même effet en France. Peut-être qu'une nouvelle parvenue ici ce matin les fera retomber encore.

La Régence de Genève a écrit le 8 au Gouvernement

Quand les courriers étrangers partent de Paris pour ici, chargez-les d'un mot je ne puis pas être trop informé. J'écris à M. Buisson pour sa comptabilité. Comme les Chambres s'assemblent, il faut se mettre en règle et faire à présent ce que je ne voulais faire qu'à mon retour. Je vous prie d'y veiller..... En agissant avec la constitution et la seule constitution, vous êtes bien fort. Je regrette de ne pas être avec vous; mais il faut finir ici.

Le même jour il écrivait à la duchesse de Courlande:

« Je donne le bon exemple pour l'envoi des courriers; car j'en expédie encore un aujourd'hui. Encouragez un peu Jaucourt à m'en envoyer tous les jours. On est dans une trop triste situation dans une grande ville, où les fausses nouvelles abondent, quand on ne sait rien de direct et de sûr.

Si ce n'est pas tous les jours, au moins que l'on m'écrive dès qu'il y a quelque chose. Tout est important; je préférerais que l'on m'écrivit tous les jours. Adieu, chère amie, je vous embrasse.»

A cette même date du 16 mars, à M. de Laval :

Hier 15, j'ai eu enfin un courrier. J'ai été le dernier à recevoir des lettres de tous les ministres qui sont à Vienne. Cela m'a fait passer deux jours fort désagréables. Les nouvelles sont bonnes; ainsi je m'en console. Je crois bien que cette dernière et horrible tentative de Buonaparte ne sera pas de longue durée. »

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