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Ici l'accord est complet; Votre Majesté peut y compter. Je lui en réponds.

Pour accélérer les affaires, l'Empereur de Russie a proposé de rédiger en traité particulier, entre la Russie, l'Autriche et la Prusse, les stipulations relatives à la Pologne. Cela a été convenu à la conférence de ce matin. Cet accord particulier prendra place dans le traité général.

Le prince souverain des Pays-Bas prend le titre de Roi des Pays-Bas. La notification en sera faite demain, et l'adhésion donnée le même jour.

Nous allons entrer dans les affaires d'Italie, pour lesquelles nous avons gagné beaucoup de terrain contre

Murat.

J'ai obtenu que M. de Schraut, ministre d'Autriche en Suisse, qui a tenu un fort mauvais langage, soit rappelé ; il paraît que ses torts tiennent à sa santé.

J'envoie en France M. de La Tour du Pin, qui, dans le moment présent, ne m'est ici d'aucune utilité. Mon objet

de chevaux de trait : il en prend un ou deux par commune, suivant sa force, et il les paye à déduire sur les impositions, ce qui n'écrase point son trésor. Il prendra des chariots des paysans pour subvenir aux caissons qui lui mauqueront.

Je compte pour peu de chose les 2,250,000 gardes nationaux qu'il fait organiser en bataillons dans tous les départements. Le maréchal estime cependant qu'il pourra, avec les bataillons de grenadiers et de chasseurs, fournir les garnisons de ses places de guerre, dans lesquelles il jettera les dépôts avec des officiers de ligne pour s'y maintenir.

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Buonaparte avait à mon départ 300,000 fusils, non compris l'armement des 150,000 hommes qui forment l'armée. Il ne peut donc armer que 450,000 hommes. Il a de la poudre et des projectiles pour sa campague d'été.

(De Gand. Beurnonville à M. de Talleyrand, 26 avril 1815.)

est de le faire arriver auprès du maréchal Masséna, d'encourager à prendre possession pour Votre Majesté de tout ce qui a été momentanément occupé par Buonaparte, de lui faire connaître, sans qu'il puisse jamais en être effrayé, les dispositions des puissances, et de lui offrir tous les secours extérieurs dont Votre Majesté jugera qu'il peut avoir besoin. On n'agirait à cet égard que d'après un ordre formel donné par Elle.

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L'Empereur Alexandre m'ayant fait dire hier d'aller le voir, ce matin, à onze heures, je me suis rendu au palais. Depuis que je suis à Vienne, il n'a jamais été aussi aimable avec moi. « Il faut, m'a-t-il dit, écarter les récriminations, et s'occuper franchement et utilement de l'état présent, non pour en chercher les causes, mais pour y remédier. » Il m'a parlé avec abondance, avec une sorte d'effusion, de son attachement pour Votre Majesté. Il emploiera pour Elle, si besoin est, jusqu'à son dernier homme et son der

nier écu. Il a même employé les expressions d'un soldat vaillant qui ne craint d'aventurer ni ses membres ni sa vie. Il la sacrifierait plutôt que d'abandonner une cause où il sent que son honneur est engagé. De mon côté, je lui ai témoigné la plus grande confiance, et depuis quelque temps je lui en témoigne par l'intermédiaire de ceux qui l'approchent le plus, et avec lesquels je suis lié. Si le secours des puissances étrangères nous devient nécessaire, il nous convient que lui, qui ne peut avoir d'ambition aux dépens de la France, ait le rôle principal.

Plusieurs fois il m'a répété : « Dites au Roi que ce n'est

pas ici le temps de la clémence; il défend les intérêts de l'Europe. » A différentes reprises, il a loué Votre Majesté de s'être décidée à ne pas quitter Paris.

Les forces mises en mouvement, dont il avait l'état, forment une masse de huit cent soixante mille hommes.

Le traité de Chaumont, dont on renouvelle les stipulations, en donne seul six cent mille, sans compter l'armée d'Italie, qui sera de cent cinquante mille, et les réserves russes et prussiennes.

Les Prussiens ont déjà sur le Rhin soixante-dix mille hommes d'infanterie, sept mille de cavalerie, cinq mille d'artillerie. Ils font marcher de plus cent cinquante-neuf mille hommes d'infanterie, dix-neuf mille de cavalerie et six mille d'artillerie.

Les Russes commencent à se persuader qu'ils ne peuvent avoir une entière confiance dans l'Autriche, tant que celleci ne sera pas compromise vis-à-vis de Murat. J'ai trouvé l'Empereur très-bien disposé pour cette affaire. On se

réunit ce soir pour signer le traité de coopération. J'ai proposé hier d'y insérer l'article suivant :

« Le présent traité ayant uniquement pour but de sou«tenir la France ou tout autre pays contre les entreprises << de Buonaparte et de ses adhérents, Sa Majesté Très-Chré<< tienne sera spécialement invitée à y accéder et à faire connaître, dans le cas où Elle devrait requérir les forces stipulées en l'article....., quel secours les circonstances « lui permettront de vouer à l'objet du présent traité. » Quoique cet article n'ait point été définitivement adopté, j'ai tout lieu de penser qu'il le sera.

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Je n'ai pas besoin d'exprimer à Votre Majesté tout ce que me font éprouver les événements désastreux qui viennent de se succéder avec une si incroyable rapidité. Elle en jugera par mon attachement pour sa personne, qui lui est aussi bien connu que mon zèle et mon dévouement.

Tout ce qu'il peut me rester de moyens pour la servir lui sera toujours consacré. Je le lui dis en ce moment, et je ne le lui répéterai plus.

Le traité de coopération a été signé le 25 au soir; il m'a été officiellement communiqué le 27. J'ai l'honneur d'adresser ci-joint à Votre Majesté la copie de ce traité, et celles de la note que les plénipotentiaires m'ont remise en même temps, et de la réponse que j'y ai faite'.

Cette importante affaire terminée, le duc de Wellington n'a pas voulu différer plus longtemps de se rendre à son armée; il est parti de Vienne ce matin à six heures.

Nous redoublons d'activité pour achever les affaires que le Congrès avait à régler. Selon mon opinion, il finira en avril. Je crois plus que 'jamais important qu'il se termine par un acte solennel, parce que cet acte prouvera à tout le monde que toutes les puissances sont d'accord, et invariablement déterminées à maintenir l'ordre de choses que l'entreprise de Buonaparte tend à renverser.

Comme Votre Majesté pourrait se trouver gênée en ce moment pour subvenir aux dépenses de la chancellerie française, de son ambassade au Congrès, et d'envois de courriers et de personnes pour prendre des informations, j'ai pris des arrangements avec l'Angleterre pour y faire

1 Traité dit de la Quadruple Alliance, conclu à Vienne le 25 mars 1815, entre la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Prusse et la Russie.

(Voir D'ANGEBERG, p. 971.) Une note du prince de Talleyrand, du 27 mars, porte adhésion de la France au traité du 25 mars. (Voir D'ANGEBERG, p. 984.)

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