Page images
PDF
EPUB

l'attendre; il est assez indifférent que ce soit tel ou tel de mes plénipotentiaires qui signe le traité; mais il m'importe fort de vous avoir auprès de moi. Sur quoi, etc. '.

1 a Arrivez-nous; vous ferez ce que vous voudrez en arrivant; mais une fois que l'on se sera orienté contre vos vues et vos projets, ce sera vous qui serez obligé de faire des concessions, des arrangements, des demi-mesures. Ayez un ministère très fort, très-national, très-indiqué dans l'opinion de la France. » (Jaucourt à Talleyrand, 30 avril 1815.)

... Vous ne pouvez pas juger, d'où vous êtes, le besoin que l'on a de vous. Ceci prend un air de Coblentz qui ferait fuir moi d'abord, et puis tout ce qui est ici au nom de la France et du Roi, et non de par l'absurde émigration. Arrivez avec un ministère tout fait ou même sans un ministère, mais parlez au nom de ce ministère. . . . .

[ocr errors]
[ocr errors]

Vous êtes revêtu en ce moment de l'auréole de gloire du Congrès, de la toute-puissance d'une existence politique extraordinaire; vous arriveriez le caducée en main au nom de tous les Souverains. Mais si vous laissez finir le Congrès sans arriver ici, quand chacun aura discuté, examiné, divisé, supposé, fait tout le travail d'intrigue que les plus sots savent si bien, vous n'aurez plus la moitié de votre autorité.

[ocr errors]

Le chevalier Stuart. . . . . est si plein de la nécessité de votre arrivée, qu'il m'a dit : « Tenez pour certain que s'il ne vient pas, c'est qu'il • préfère une position agréable et commode à toute autre. »

(Jaucourt à Talleyrand, 2 mai 1815.)

a Pozzo dit que vous n'êtes utile, nécessaire, sauveur du Roi et de sa cause, que quand vous serez ici; que vous avez glorieusement terminé les affaires du Congrès, que le départ des Souverains de Vienne ne vous permet pas d'y rester, que leur position devient guerrière, et qu'elle ne peut plus s'allier avec la vôtre.

Lally, Chateaubriand crient à votre merci. . . . . Le parti de la Cour, qui s'unit plus étroitement au Roi, chuchote qu'il faut que vous soyez principal ministre ; celui de Monsieur dit la même chose, surtout depuis quelques jours où le nom d'Orléans revient de beaucoup de côtés. M. de Blacas fait de hautes protestations de désintéressement, et quant à M. le chancelier Dambray, il ne sait sur quel pied danser.▾

(Jaucourt à Talleyrand, 6 mai 1815.)

N° 54.

XCIV

Vienne, 5 mai 1815.

SIRE,

Un ancien chambellan de Buonaparte, M. de Stassart, qui, ayant accompagné ici l'Archiduchesse Marie-Louise, était devenu chambellan de l'Empereur François et était depuis quelque temps retourné à Paris, en a été dernièrement expédié avec une lettre de Buonaparte pour l'Empereur, et une de M. de Caulaincourt pour M. de Metternich. A la faveur de son titre de chambellan autrichien, il est arrivé jusqu'à Munich; mais il y a été arrêté, et les lettres dont il était porteur ont été envoyées ici. Ces lettres réclament l'une et l'autre, par des motifs différents, le retour de l'Archiduchesse et de son fils. Le ton que prennent Buonaparte et son ministre est celui de la modération et de la sensibilité. Les lettres sont restées cachetées jusqu'au moment de la conférence; elles ont été ouvertes en présence des ministres des puissances alliées. On est convenu de n'y point répondre. L'opinion a été unanime. Ainsi, Votre Majesté voit que toutes les tentatives de Buonaparte pour obtenir des relations, de quelque nature qu'elles soient, avec les puissances étrangères, sont repoussées et restent sans fruit.

Les ministres anglais, auxquels je m'étais adressé pour subvenir aux besoins pécuniaires de l'ambassade de Votre Majesté au Congrès et qui s'étaient montrés faciles à cet égard, ont reçu des lettres de leur gouvernement qui ne les autorisent qu'à avancer une somme de cent mille francs dans un cours de six mois '.

Les crédits que nous avions sur France et qui étaient loin d'être épuisés, ont été suspendus à la date du 21 mars. Cette disposition porte à notre charge des dépenses faites et qui devaient être acquittées au 1 avril. Les personnes attachées à l'ambassade n'ont d'ailleurs point été payées à Paris depuis le mois de janvier.

La dépense la plus réduite pour les mois d'avril et de mai, sans pouvoir satisfaire à tout ce qui est arriéré, exigera cependant une partie considérable qui nous a été promise par le ministère britannique, et le reste ne pourra nous conduire qu'au commencement d'août. A cette époque, Votre Majesté jugera quelles dispositions il lui sera possible de prendre à cet égard.

Je suis, etc.

Vienne, 5 mai 1815.

[ocr errors]

1 M. de Blacas n'a ici que quatre millions cinq cent mille francs; les huit qu'il comptait faire passer en lettres de change ont été arrêtés chez Perregaux et protestés en Angleterre.

2

(Jaucourt à Talleyrand, 26 avril 1815.)

No 35.

XCV

Vienne, 14 mai 1815.

SIRE,

M. le comte de Noailles vient d'arriver, et me remet la lettre dont votre Majesté m'a honoré en date du 5 mai. Le moment de son arrivée est si proche de celui où part le courrier dont je dois profiter, que je ne puis avoir l'honneur d'écrire à Votre Majesté qu'une lettre très-courte.

Mon empressement de me retrouver près d'Elle me ferait partir dès demain, si les choses étaient assez avancées pour qu'il ne restât plus qu'à signer, ou si la fin du Congrès était encore éloignée. Mais les affaires d'Italie ne sont point encore réglées et vont l'être. Le retard qu'elles ont éprouvé retient ici encore pour quelques jours M. de SaintMarsan et le commandeur Ruffo, quoique le départ de celui-ci soit fort nécessaire, et que le premier soit appelé à Turin, où il est aujourd'hui ministre de la guerre.

D'un autre côté, les Souverains vont partir, et comme dans une coalition toute démarche est sujette à mille interprétations, je ne pourrais pas devancer l'époque de leur départ sans qu'il en résultât pour les affaires de Votre Majesté plus d'inconvénients que d'avantages. Et, du reste, la différence, d'après les préparatifs que je vois faire, est de

quelque quarante-huit heures de plus ou de moins. Et de plus, je ne crois pas que l'on puisse, dans nos circonstances, quitter à une époque où tout le monde a besoin d'être pressé 1.

J'ai eu un assez long entretien avec l'Empereur Alexandre. J'aurai l'honneur d'en rendre compte à Votre Majesté. Je me borne à lui dire que son langage a été très-bon, qu'il s'est exprimé très-vivement et très-convenablement sur nos affaires. Son opinion est que pour le moment il doit y avoir peu d'action de la part de Votre Majesté et autour d'Elle. Il s'est particulièrement attaché à établir que toutes les démarches qui pouvaient être faites par aucune des puissances, ayant une utilité ou un danger commun, devaient être combinées avec toutes les autres. C'est là le principal motif de l'envoi de ministres auprès de tous les corps d'armée; et il pense que cette règle doit être adoptée par Votre Majesté.

Je suis, etc.

Vienne, 14 mai 1815.

1

C

...

Je me rendrai auprès du Roi aussitôt que le Congrès sera terminé. Mais il me semble que pour huit ou quinze jours qu'il peut durer encore, il serait inconséquent et infiniment nuisible aux intérêts du Roi, sous tous les rapports, que je m'en retirasse. Rien, à mon avis, n'est plus important pour le Roi, dans les circonstances actuelles, que la conclusion d'un acte auquel toute l'Europe prend part et qui intéresse au plus haut point toute l'Europe, et rien n'est plus propre à faire impression sur l'esprit de tous les peuples et sur les sujets de Sa Majesté, que de voir cet acte signé par son ambassadeur, de la même manière que si Elle jouissait sans obstacle et sans opposition de toute l'autorité qui lui appartient. D'ailleurs, la position du Roi ne me paraît pas en ce moment avoir rien de difficile. Son rôle est entièrement passif; car il ne doit pas paraître prendre une part active à l'agres

« PreviousContinue »