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No 56.

XCVI

Vienne, 17 mai 1815.

SIRE,

A la seconde déclaration qui avait été projetée et dont j'ai déjà eu plusieurs fois l'honneur d'entretenir Votre Majesté, on est convenu de substituer un rapport qui remplira le même objet; ce rapport sera publié demain dans la Gazette de Vienne'; il le sera ensuite dans les différents

sion qui se prépare contre ses États, comme soumis au joug de Buonaparte, et il ne deviendra actif que lorsque les armées étrangères ayant pénétré en France, Sa Majesté aura à intervenir auprès de ces armées pour empêcher de tout son pouvoir les vexations et les violences qui sont malheureusement inséparables de l'état de guerre, et diminuer autant que possible les maux dont elle est toujours accompagnée. Mais Elle ne doit point donner lieu de croire que c'est pour Elle, et pour défendre ses intérêts, que la guerre est entreprise; cela la rendrait odieuse. Il est certain d'ailleurs que c'est bien moins pour cette raison que les puissances étrangères la font, que parce qu'elles croient leur repos et leur sûreté compromis tant que le pouvoir est en France entre les mains de Buonaparte. Il paraît donc à désirer que les princes n'aillent point aux armées, et que même les troupes françaises qui pourront être formées autour du Roi ne soient point employées d'une manière agressive, mais seulement à occuper les provinces qui seront recouvrées, à y maintenir l'ordre et à y protéger les personnes et les propriétés, et tout au plus à repousser les attaques du corps de partisans que pourrait y envoyer Buonaparte.

Quant aux propositions qui viennent de Paris, je crois que pour le moment, il faut se borner à les écouter et attendre. »

Voir ce rapport, 12 mai.

(Talleyrand à Jaucourt, 13 mai 1815.)

MARTENS, nouveau recueil, t. II, no 263. .

journaux de l'Allemagne et dans ceux des autres pays, et on l'a de plus imprimé à l'Imprimerie de la chancellerie autrichienne. J'ai l'honneur d'en envoyer plusieurs exemplaires à Votre Majesté.

Elle verra que ce rapport confirme pleinement les dispositions manifestées par les puissances dans la déclaration du 13 mars, que les sophismes de Buonaparte sont réfutés, ses impostures mises au grand jour. Mais Elle remarquera surtout que l'Europe ne se présente pas comme faisant la guerre pour Votre Majesté et sur sa demande, qu'elle la fait pour elle-même, parce que son intérêt le veut, parce que sa sûreté l'exige. Non-seulement cette manière de faire. envisager la guerre actuelle est la seule exacte, mais, de plus, tout le monde pense que c'est la seule qui convienne à Votre Majesté. C'est la seule qui ne la mette pas dans une position fausse à l'égard de ses sujets; car rien ne pourrait contribuer davantage à aliéner leurs sentiments, que l'opinion qu'on leur laisserait prendre sur la cause de la guerre. Il ne faut pas qu'ils puissent jamais attribuer à Votre Majesté les maux dont la guerre va les

accabler.

Je suis, etc.

Vienne, 17 mai 1815.

P.S.J'ai, conformément aux ordres de Votre Majesté, écrit au service des Souverains, Souveraines, et Archiducs qui sont ici, pour demander à prendre congé.

J'adresse à M. de Jaucourt des lettres de M. de La

Tour du Pin qui pourront être de quelque intérêt pour Votre Majesté. Celle de M. d'Osmont, qui les renferme, donne quelques détails sur les dernières affaires d'Italie.

No 57.

XCVII

Vienne, 23 mai 1815.

SIRE,

Dans mes audiences de congé, j'ai reçu de la part de tous les Souverains des témoignages des meilleurs sentiments pour Votre Majesté. Ces audiences n'ont pas seulement été de forme, elles ont été beaucoup plus longues que celles qui sont ordinairement accordées dans de semblables circonstances. J'aurai l'honneur d'en rendre compte à Votre Majesté. Quoique tout ne soit pas encore achevé, l'empressement que j'ai de me trouver près de Votre Majesté m'avait déterminé à partir demain; mais M. de Metternich et M. de Nesselrode, ainsi que le chancelier Hardenberg, m'ayant prié de signer, avec tous les chefs de Cabinet, les protocoles qui contiennent les arrangements arrêtés par le Congrès, j'ai cru devoir céder à leur demande, qui ne retardera mon départ que de deux jours. Ces protocoles contiendront la rédaction définitive, à quelques légères modifications près, et qui ne pourront porter que sur les expressions, des articles qui devront former l'instrument du Congrès. Une commis

sion, composée d'un plénipotentiaire de chaque puissance, scra laissée ici pour mettre ces articles dans l'ordre convenable et séparer ce qui fixe les relations particulières de ce qui tient à l'intérêt général. Je laisserai ici M. de Dalberg pour représenter la France dans cette commission. Ce travail ne durera guère que huit ou dix jours, si les délégués travaillent avec un peu plus d'assiduité que ne l'ont fait leurs chefs.

J'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté deux lettres de M. le duc d'Angoulême. J'ai eu l'honneur de lui en écrire une qui probablement est perdue. Nous la retrouverons peut-être quelque jour dans les journaux français'. J'ai adressé par le courrier de ce jour à lord Castlereagh une lettre pour Madame la duchesse d'Angoulême.

Pour que Votre Majesté ait la collection complète de ma volumineuse correspondance, j'ai l'honneur de lui envoyer la copie des numéros que je prévois ne pas lui être arrivés. Si je n'éprouve point d'obstacles inattendus, je serai aux ordres de Votre Majesté, à Gand, le dimanche 42.

Je suis, etc.

Vienne, 23 mai 1815.

1 Le Moniteur universel avait publié des lettres adressées au duc d'Angoulême et trouvées aux Tuileries au retour de Napoléon.

2 Votre Altesse est partie d'ici dimanche 11 de ce mois. Ce n'est que ce jour-là que le grand acte du Congrès, enrichi encore dans les derniers moments d'une douzaine de nouveaux articles, a été définitivement terminé., (De Vienne. Gentz à Talleyrand, 16 juin 1815.)

No 58.

XCVIII

Vienne, 27 mai 1815.

SIRE,

Je puis dire aujourd'hui à Votre Majesté toutes les craintes que j'ai éprouvées depuis huit jours. On avait mis en question si les circonstances qui forcent à laisser quelques points indécis ne devaient pas déterminer à remettre à un autre temps la signature de l'acte du Congrès': une intrigue assez forte agissait dans ce sens. Son objet était de remettre en question les choses décidées, et de ne point prendre de détermination sur plusieurs de celles qui devaient l'être. Rien

On m'effraye sur un projet que l'on me dit être devenu un peu le vôtre, mon cher prince. Il se répand que l'on ne signe rien. Avant de prendre votre décision définitive, laissez-moi vous dire qu'il est de la plus grande importance pour les affaires du Roi, pour l'opinion que l'on aura en France de sa propre position avec les alliés, pour l'opinion que l'oa prendra en France de l'accord qui existe entre eux, pour la considération du Congrès, qu'il soit signé quelque chose. Quand des articles sont arrêtés et parafés, on peut laisser la rédaction à surveiller à des plénipotentiaires de toutes les Cours. Mais les protocoles n'étant pas signés, on croira à des arrière-pensées, et la force de la coalition diminuera beaucoup morale

ment.

Adieu, mon cher prince.

Au prince de Metternich. »

Tout à vous.

⚫ TALLEYRAND.

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