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fant à proposer les faits propres à justifier que cet enfant peut appartenir au mari.

C'est dans le concours de ces faits, des circonstances qui les ont accompagnés, et dans les conséquences qu'on en peut tirer, que les juges doivent discerner cette preuve si difficile à reconnaître, appelée par les auteurs impossibilité morale, pour indiquer qu'il faut que, dans les mœurs ordinaires des hommes, elle soit équivalente à une impossibilité physique. Dans le doute, on doit toujours prononcer en faveur de l'enfant; s'il était prouvé,s'il était seulement vraisemblable que le mari eût cohabité avec sa femme dans le temps de la conception de l'enfant, le désaveu du mari serait rejeté.

818. On ne doit jamais admettre l'exception fondée sur l'impossibilité morale, que dans le cas unique de l'art. 313, sans l'étendre à aucun autre cas, quelque favorable qu'il puisse paraître. La règle que l'enfant conçu pendant le mariage, a pour père le mari, est une présomption de droit établie par la loi, comme l'un des fondemens les plus solides de la société civile; elle ne peut être effacée que par des présomptions reconnues par la loi; posons donc en principe, avec d'Aguesseau, que la présomption capable d'uttaquer celle de la loi, doit être écrite dans la loi

mêine.

819. Le Code n'autorise le désaveu de l'enfant conçu pendant le mariage, que dans trois cas: les deux premiers fondés sur l'impossibilité physique;

le troisième fondé sur l'adultère prouvé de la femme, joint à la circonstance qu'elle a caché au mari la naissance de l'enfant.

Ainsi, hors ces trois cas, point d'exception à la règle puter is est. Le Code a même évité d'employer l'expression doctrinale d'impossibilité morale, dont on aurait pu abuser en l'étendant à d'autres cas également favorables, ou même plus favorables en apparence.

820. Mais il faut observer que ce qu'on vient de dire ne s'applique qu'aux cas où la filiation de l'enfant est prouvée par son acte de naissance ou par la possession constante de l'état de légitimité. C'est alors seulement que la règle pater is est lui suffit, hors les trois cas d'exception ci-dessus expliqués, pour réduire ses adversaires au silence.

S'il était obligé, à défaut de titre et de possession, de recourir à des présomptions, et de prouver sa filiation par témoins, la preuve contraire pourrait toujours (325) être faite par tous les moyens propres à établir non-seulement qu'il n'est pas l'enfant de la femme qu'il réclame pour mère, mais même la maternité prouvée qu'il n'est pas l'enfant du mari de la mère, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, où nous examinerons aussi s'il faut admettre une nouvelle exception qu'on avait tenté d'introduire à la règle pater is est, et que l'on prétendait fondée sur l'indivisibilité du titre, lorsque l'acte de naissance qui établit la maternité de la femme exclut

Tome II.

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en même-temps ou semble exclure la paternité

du mari.

SECTION II.

Des enfants nés pendant le mariage,
mais conçus auparavant.

SOMMAIRE.

821. L'enfant né pendant le mariage est en possession de son état, sauf le désaveu.

822. Trois cas où le désaveu n'est pas recevable.

823. Dans ces trois cas, le mari n'est pas recevable à combattre les présomptions qui écartent le désaveu.

824. Autres cas où le désaveu n'est point admis.

825. Le désaveu doit être suivi d'une action dirigée contre un tuteur ad hoc.

826. Le tuteur peut prouver la fréquentation intime antérieure au mariage, pour en induire le mari a connu la grossesse.

que

821. L'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour de la célébration est présumé conçu avant le mariage; mais le fait de sa naissancé pendant le mariage le met en possession provisoire de l'état d'enfant légitime : cette possession devient même définitive s'il n'est pas désavoué, et le désaveu n'est pas toujours recevable.

Cet enfant a donc, par sa naissance, un grand avantage sur l'enfant naturel, qui peut être légitimé par mariage subséquent. Le sort de ce dernier dépend uniquement de la déclaration que le père est libre de faire ou de ne pas faire. L'autre,

au contraire, ayant en sa faveur la prérogative de la possession, n'en peut être dépouillé que par un jugement contradictoire, rendu sur un désaveu formel; il faut venir contre lui par voie d'action, et cette action n'est même pas toujours recevable; le Code la repousse dans les trois cas suivants (Art. 314).

822. 1o. Si le mari a eu connaissance de la grossesse avant le mariage,

La loi présume alors qu'il n'a contracté le mariage que pour réparer sa fauté personnelle, et pour légitimer l'enfant dont il connaissait l'existence;

2o. S'il a assisté à l'acte de naissance, et si cet acte est signé de lui ou contient sa déclaration qu'il ne sait signer,

Parce qu'après avoir concouru volontairement à l'acte qui forme un titre de légitimité, il n'en peut plus contester l'effet ; il n'aurait que la ressource de l'inscription en faux, en cas qu'elle fût fondée, et on ne pourrait lui opposer l'art. 327;

3o. Si l'enfant n'est pas déclaré viable, c'està-dire, lorsqu'il est reconnu par les gens de l'art que l'enfant, quoiqu'il ait vécu quelques instans ou même quelques jours depuis sa naissance, est né avant terme et dans un état de formation trop peu avancée ou trop imparfaite, pour qu'il pût parcourir la carrière ordinaire de la vie ;

Parce qu'alors il n'est pas prouvé que la conception de l'enfant soit antérieure au mariage. D'ailleurs, cet enfant n'étant point habile à suc

céder (art. 725), le désaveu serait nécessairement sans objet, ou du moins il ne pourrait avoir qu'un but scandaleux, celui de déshonorer inutilement l'épouse pour une faute antérieure au mariage.

Mais par cette raison-là même, l'exception que la non viabilité élève contre le désaveu, est bornée par l'art. 314, au cas de l'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du mariage; elle ne pourrait être étendue au cas de l'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour depuis le retour du mari d'un voyage de long cours; car alors le mari aurait un grand intérêt à désavouer l'enfant, dans le cas où il voudrait faire condamner sa femme comme adultère. La naissance prématurée de l'enfant, peut alors offrir contre elle un moyen très-fort qu'elle ne peut écarter par une fin de non recevoir.

823. Dans les trois cas que nous venons d'expliquer, le mari demanderait vainement à combattre, par des faits ou par des écrits, les présomptions qui s'élèvent contre son désaveu; la loi le repousse par une fin de non recevoir, et les juges n'ont à examiner que les faits qui la fondent, c'est-à-dire, s'il a eu connaissance de la grossesse avant le mariage, s'il a été présent à l'acte de naissance, si l'enfant est déclaré non viable. Il ne pourrait demander à prouver ni son absence au temps présumé de la conception, ni la mauvaise conduite de la femme à cette époque.

824. La disposition de l'art. 314 n'est pas limitative, et les trois cas qu'il indique ne sont pas

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