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lui qui se présente est ce même enfant (1), on ne peut refuser la preuve testimoniale de cette identité, 1o. parce que c'est une preuve souvent nécessaire, et presque toujours la seule à laquelle on puisse recourir (2);

2o. Parce que cette identité s'établit par des faits naturellement susceptibles d'être prouvés par témoins, qui peuvent même rarement être prouvés autrement, puisqu'il n'est pas toujours possible au demandeur de se procurer une preuve littérale (1348).

Tels étaient les principes de l'ancienne jurisprudence que le Code n'a pas cru nécessaire (3) de rappeler par une disposition expresse, mais qu'il a supposés dans l'art. 323 du Code qui, à défaut de titre et de possession, et à plus forte raison, lorsqu'il existe un titre auquel il ne manque que la possession, permet de prouver par témoins la filiation des enfants légitimes.

Il est vrai que cet article exige, pour admettre la preuve testimoniale, un commencement de preuve par écrit, ou des présomptions, ou des indices résultant de faits dès-lors constants, assez graves pour déterminer l'admission.

Mais il ne les exige que lorsqu'il y a défaut de

(1) Le Nouveau Répertoire, vo. Légitimité, sect. 2, §, 4, no. 5. (2) Voy. Cochin, affaire de la demoiselle Ferrand, tom. iv, pag. 344, 546, 483 et 486.

(3) Peut-être est-ce par prudence, et pour laisser aux juges la faculté de rejeter la preave testimoniale, dans les cas extraordinaires où les cir constances paraissent l'exiger.

titre et de possession. On ne peut donc étendre cette disposition au cas où il existe un titre: la condition de celui qui à un titre, et celle de celui qui n'en a point, ne sauraient être égales.

L'acte de naissance d'un enfant né pendant le mariage, lorsque son décès n'est pas prouvé, doit donc encore être regardé comme un titre suffisant pour faire admettre la preuve testimoniale de l'identité du réclamant, et de l'enfant dont la naissance est consignée sur les registres publics.

Nous verrons au Chapitre III, Section II, qu'il en est autrement, s'il s'agit d'un enfant naturel, et que l'art. 341 ne l'admet point à prouver son identité par témoins, à moins qu'il n'ait, outre son acte de naissance, un commencement de preuve écrite.

SECTION III.

De la preuve de la filiation par témoins ou par des papiers domestiques.

SOMMAIRE.

884. Si les registres sont perdus, les naissances peuvent être prouvées par témoins et papiers domestiques.

885. Mais il faut un commencement de preuve, quoiqu'il ne soit pas exigé pour le mariage.

886. Autre différence entre la preuve des naissances et des ma

riages.

887. On doutait autrefois, s'il n'était pas nécessaire que le commencement de preuve fût par écrit.

888. Disposition du Code à ce sujet.

889. Les commencemens de preuve peuvent résulter de faits cons tants et reconnus avant l'enquête.

890. Ancien arrêt conforme à cette disposition.

891. Discernement des commencemens de preuve abandonnés à la prudence des juges.

892. D'où doivent résulter les commencemens de preuve écrite. 893. La maternité, qui n'est prouvée que par témoins, n'emporte pas nécessairement la preuve de la paternité du mari. On peut prouver que le mari n'est pas père de l'enfant.

894. Cette faculté n'est pas bornée aux cas d'impossibilité physique, etc.

895. Et pourquoi.

896. Il en est autrement du cas où la maternité est prouvée par un acte de naissance qui donne à l'enfant un autre père

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897. Les commencemens de preuve les plus forts ne peuvent faire admettre un enfant à la preuve testimoniale contre son acte de naissance et sa possession d'état.

Voyons maintenant comment ceux qui n'ont ni titre ni possession, peuvent prouver leur filia

tion.

884. L'art. 46, porte: « Lorsqu'il n'aura pas » existé de registres ou qu'ils seront perdus, la » preuve en sera reçue tant par titres que par » témoins; et dans ce cas, les mariages, nais» sunces et décès pourront être prouvés tant » par les registres et papiers des père et mère » décédés que par témoins ».

En expliquant cet article au titre des actes de l'état civil, nous avons observé que, s'il n'exige point de conmencement de preuve, il n'en faut pas conclure que les juges soient forcés d'admettre la preuve testimoniale toute les fois qu'il n'a point

existé de registres, ou qu'ils auront été perdus ; l'article dit seulement, que les naissances, mariages et décès, pourront être prouvés par témoins. Ce n'est donc point un ordre qu'il donne au juge d'admettre cette preuve, c'est une faculté qu'il leur laisse pour en user selon leur prudence, en se conformant aux autres dispositions du Code qui modifient le principe général énoncé dans l'art. 46.

On n'en trouvé aucune qui, pour admettre prouver par témoins un mariage ou un décès, exige d'autres conditions que la perte ou la non existence des registres de l'état civil; les juges ont donc à cet égard la plus grande latitude de pouvoir, pour admettre ou rejeter la preuve.

885. Il n'en est pas de même à l'égard des naissances. L'art. 323 porte expressément, que l'enfant ne peut être admis à prouver sa filiation par témoins, sans des commencemens de preuve; et comme la disposition de cet article est générale, elle s'applique aux cas de perte ou de non existence des registres, aussi bien qu'aux cas où il en existe en bonne forme.

Les règles pour admettre la preuve testimoniale en matière d'état, ne sont donc pas les mêmes pour les mariages et pour les naissances.

C'est par cette raison que l'article 46,qui parle des actes de naissance, aussi bien que des actes de mariage et décès, se contente d'énoncer le principe général, que la preuve testimoniale, peut être admise en cas de perte ou de non exis

t

tence des registres, sauf à établir dans la suite les règles particulières à la preuve de la filiation.

886. Ce n'est pas la seule différence que la loi ait mise entre les mariages et les naissances, en ce qui concerne la manière de les prouver. Nous verrons bientôt que les tribunaux civils sont seuls compétents pour statuer sur les réclamations d'état relatives à la filiation; de sorte que, même en cas de délit, l'action criminelle ne peut être intentée qu'après le jugement définitif des tribunaux civils sur la question de filiation; tandis qu'au contraire, il résulte de l'art. 198 que, si la preuve du mariage avait été supprimée par malveillance, en supprimant l'acte de célébration, ce délit pourrait être poursuivi par la voie cri-· minelle, sans avoir fait précéder l'action civile. Ce cas reste sous la règle générale suivant laquelle lorsqu'un fait donne lieu à deux actions, l'une criminelle, l'autre civile, c'est l'action criminelle qui doit marcher la première, et même opérer la suspension de l'action civile, art. 3 et 46 du Code d'instruction criminelle.

887. Revenons aux règles sur l'admission de la preuve testimoniale en matière de filiation. Elle est admise, lorsque les registres sont perdus, pourvu qu'il y ait un commencement de preuve. Mais la loi qui redoute cette preuve, l'a toujours admise avec beaucoup de répugnance. Sous l'ancienne jurisprudence, on convenait de ces deux grands principes, qu'il ne faut jamais perdre de vue en matière d'état:

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