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alors il en résulterait pour l'époux outragé un moyen de séparation.

758. A la différence du divorce, le Code veut que la séparation de corps ne puisse être admise par le consentement mutuel des époux (307). Ce qui paraît d'abord une inconséquence dans une législation où l'on a regardé le divorce et la séparation comme deux institutions parallèles.

Mais on a considéré (1) qu'étant impossible de soumettre la séparation de corps aux mêmes conditions restrictives que le divorce par consentement mutuel, elle deviendrait infiniment plus abusive dans la pratique ; que d'ailleurs, conciliant tout-à-la-fois les honneurs du mariage, avec l'attrait d'une vie indépendante, elle deviendrait une mode perverse, dont le torrent entraînerait tout ce qui est sur le penchant de la licence.

Enfin, qu'elle deviendrait un moyen de fraude entre les créanciers des époux, qui choisiraient la séparation de corps, de préférence à la séparation de biens, dans laquelle les créanciers peuvent toujours intervenir pour la conservation de leurs droits (Code de procédure 871 ).

Le Code a donc adopté cette institution telle qu'elle était dans l'ancienne législation, où les séparations conventionnelles étaient sévèrement proscrites.

759. On en concluait que, pour prévenir la

(1) Voy. Locré, tom. iv, pag. 473, édit. in-8o.

collusion de la part des époux, dans les procédures, en séparation de corps, les faits qui servent de fondement à la demande, ne doivent pas être tenus pour avérés, par cela seul qu'ils sont avoués: ainsi les juges ne sont pas obligés, comme dans les affaires civiles ordinaires, de prendre les aveux du défendeur pour une preuve complète. Mais sont-ils toujours obligés de les regarder comme insuffisants, et d'ordonner une enquête ? Le jugement qui prononcerait la séparation de corps sur les aveux du demandeur, sans enquête préalable, pourrait-il être cassé ? Nous ne le pensons pas. La loi distingue entre les séparations de biens et les séparations de corps. Dans les premières, le Code de procédure, art. 870, veut expressément que l'aveu du mari ne fasse pas preuve, lors même qu'il n'y aurait pas de créanciers ; et si le juge s'était contenté de cet aveu, les créanciers pourraient se pourvoir par tierce-opposition contre le jugement de séparation, même après l'expiration du délai quileur est accordé pour se pourvoir, lorsque toutes les formalités ont été observées Art. 873.

Mais cette disposition n'est point répétée à l'égard des séparations de corps qui intéressent principalement les deux époux, et dans lesquelles ils figurent seuls, sans que les créanciers aient le droit d'y intervenir. Le jugement qui prononcerait une séparation de corps sur les aveux du défendeur, sans enquête préalable, ne violerait donc aucune loi, et ne serait pas sujet à la cassation. Ce pourrait être un moyen d'appel. Les juges

doivent empêcher que la séparation ne s'opère par le consentement mutuel; et si les circons→ tances leur font soupçonner que les aveux du défendeur sont l'effet de la collusion, et qu'ils ne sont qu'un consentement déguisé, leur devoir est de s'en contenter et d'ordonner une enquête. Au contraire, si ces aveux leur paraissent avoir le caractère de la bonne foi, rien ne les force à chercher d'autres preuves (1).

ne pas

.

760. On n'a jamais regardé comme séparation volontaire, celle que l'époux défendeur, laisse prononcer par défaut, ou à laquelle il acquiesce en ne s'opposant pas au jugement. Les plus sages laissent souvent à la justice, le soin d'examiner les faits et de balancer les preuves, sans prendre eux-mêmes celui de se défendre.

Mais l'acquiescement même formel donné au jugement avant l'expiration du délai de l'appel, ne le rendrait pas non recevable,comme nous l'avons observé ci-dessus, pag. 55, n°. 698, en parlant du divorce.

SECTION II.

Fins de non recevoir qu'on peut opposer
à la demande en séparation.

761. Le plus fort moyen que l'on puisse oppo ser à la demande en séparation, est la réconciliation survenue entre les époux depuis les faits qui

(1) Locré, tom. 1v, pag. 478, édit. in-8°. Voyez aussi le Nouveau Répertoire au mot Séparation de corps, pag. 801, sect. 3, no. .4.

auraient pu autoriser l'action, et surtout depuis la demande formée. Les dispositions de l'article 272 et suivants, relatives à l'action en divorce, sont communes à la séparation de corps.

La réconciliation est expresse ou tacite et présumée. C'est à la prudence des juges d'apprécier les faits par lesquels on prétend prouver la réconciliation ou la remise de l'offense. Le silence gardé d'abord par l'époux offensé, ne pourrait être considéré comme une remise de l'offense ou comme une réconciliation, si les mauvais traitemens ou l'inconduite avaient continué.

762. Mais s'ils avaient entièrement cessé, et que le silence se fût prolongé pendant une année, sans qu'il fût fondé sur le défaut de liberté, il semble que les tribunaux, à qui la loi laisse sur ce point une grande latitude de pouvoirs, devraient étendre à ce cas la fin de non recevoir établie par l'article 957, contre la révocation des donations pour cause dingratitude, et déclarer la demande en séparation de corps non rece, vable, à cause de la réconciliation ou de la remise tacite de l'injure. On ne peut regarder la vie commune comme devenue insupportable à l'époux outragé, lorsque depuis que l'outrage a cessé, il a continué d'habiter avec l'autre, et gardé le silence sur le passé.

Les docteurs donnent pour exemple du pardon de l'offense (1) et d'une réconciliation tacite, le

(1) Van-Espen, Jus ecclesiast. univ., part. 2, sect. 1, tit. 15, cap. 2; no. 10. Opp., tom. 1, pɛg. 609, édit. de 1753.

cas où le mari, depuis qu'il a connu l'adultère de son épouse, a néanmoins cohabité avec elle.

763. On pensait autrefois (1) que le choix libre de la séparation de biens élevait une fin de non recevoir contre la demande en séparation de corps, pour sévices antérieurs à la première demande, et l'on repoussait la femme qui, après s'être contentée de former la demande en séparation de biens, s'en désistait pour demander la séparation de corps, ou qui, après avoir échoué dans la séparation de biens, venait à former la demande en séparation de corps.

Aujourd'hui la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 août 1809 (2), a pensé que la demande en séparation de biens, n'est point un obstacle à la séparation de corps.

764. Mais la demande en divorce, ou en séparation de corps, peut-elle être écartée par le mari, en prouvant que la femme, par son inconduite et ses déréglemens, a provoqué les sévices et les injures qui motivent sa demande ?

La raison, d'accord avec l'esprit de la législation, répond qu'un mari justement irrité par le spectacle des désordres de son épouse, est excusable de s'être porté contre elle à des outrages, à des voies de fait qui, dans tout autre cas, ne pourraient être excusés.

Le Code pénal (324 ) excuse même le meurtre

(1) Voy. deux arrêts rapportés dans le Nouveau Répertoire. vo. Séparation de corps, §. 2, no. 2.

(2) Rapporté par Sirey, an 1809, pag. 434.

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