Page images
PDF
EPUB

commis par le mari sur son épouse surprise en flagrant délit dans sa maison. Il est donc raisonnable de ne pas donner aux sévices et aux outrages mérités et provoqués par la vie scandaleuse d'une femme adultère, le même caractère de gravité,ni les mêmes effets qu'à ceux qui sont exercés sur une femme vertueuse. Comment écouter une femme impudente, quand elle vient, à l'aide de témoins qui déposent à-la-fois de son crime et du châtiment domestique qui l'ont suivi, demander le divorce ou la séparation?

Cependant l'article 231 du Code, dit que les époux pourront réciproquement demander le divorce pour excès, sévices ou injures graves de l'un envers l'autre. Cette disposition est générale et indéfinie ; et le respect dû à la lettre de la loi, ne permet pas de la modifier par une exception qui n'y est pas insérée. Les exceptions qui ne sont pas dans la loi ne doivent pas être suppléées ; et si des juges avaient une fois reconnu qu'un mari s'est rendu coupable envers sa femme d'excès, de sévices ou d'injures graves, ils seraient forcés d'admettre la demande en divorce ou en séparation, et d'appliquer la loi sans pouvoir la modifier par une exception qui ne s'y trouve point écrite. En ajoutant à la loi, ils la violeraient, et s'exposeraient à voir leur jugement cassé.

Mais la loi laisse aux juges à déterminer le caractère de gravité des excès, sévices ou injures qui motivent une demande en divorce ou en séparation. Le Code veut qu'ils soient graves. Or, que signifie ce mot en cette matière ? Sans donte,

tout ce que l'ancienne jurisprudence entendait par ce même terme. Or, le principe rigoureux était que les mauvais traitemens ne pouvaient motiver une séparation de corps que lorsqu'ils étaient portés à un tel excès que la femme n'avait pas d'autre moyen de garantir sa vie de la haine d'un époux dénaturé. Si tanta sit viri sævitia ut mulieri trepidanti non possit sufficiens securitas provideri (1).

On avait modifié la rigueur de ce principe, en mettant les injures sur la même ligne que les sévices; car c'est la même chose qu'une femme meure de chagrin par suite des outrages dont elle est abreuvée, ou qu'elle expire sous les coups d'un mari colère et emporté.

On alla plus loin, et l'on distingua la qualité des époux, et surtout leur genre de vie et leur éducation, qui augmente ou diminue leur sensibibilité, au point que les emportemens, le langage grossier, les manières brusques, et même les excès d'un mari brutal, ne laissent aucune trace de ressentiment durable dans le cœur de telle femme, tandis que telle autre, élevée plus délicatement, est par son organisation même plus susceptible d'impressions profondes et déchirantes, et qu'elle est plus affectée d'une parole de mépris, d'un geste ou d'une menace, qu'une autre ne le serait des outrages les plus sanglants et des excès les plus repréhensibles.

Enfin, l'ancienne jurisprudence distinguait en

́() Cap. XIII; extra de Restit. Spol.

core si la femme n'avait pas elle-même provoqué les mauvais traitemens dont elle se plaingnait (1).

Ces distinctions délicates, mais vraies et fondées dans nos mœurs, n'ont pas été rejetées par le Code, qui s'en repose, comme autrefois, sur la conscience des juges, et leur laisse le soin de déclarer si tels mauvais traitemens, ou telles injures sont ou ne sont pas graves, eu égard à l'éducation que les époux ont reçue, ou aux torts que l'époux offensé peut avoir envers l'autre.

Si donc les juges se bornent à décider que, dans l'affaire qui leur est soumise, et où l'inconduite de la femme ou les circonstances des faits prouvés ne sont pas suffisants, ou qu'ils n'ont pas le caractère de gravité nécessaire pour prononcer le divorce ou la séparation de corps, leur jugement est à l'abri de la critique, et n'est pas susceptible d'être annulé par la Cour de cassation; car loin de contrevenir à la loi, ils se sont conformés à son esprit.

Telle est la doctrine professée et suivie par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 14 prairial an XIII (2), sur les conclusions du savant procureur-général Merlin.

Ce n'est pas seulement à la femme adultère qu'on doit appliquer cette doctrine fondée sur la raison. Une femme livrée à des emportemens habituels, qui s'oublie, comme on en a vu, jusqu'à provoquer son mari en le frappant la première, ou en l'accablant d'outrages, ne peut (1) Foy. Pothier. Traité du Contrat de mariage, no. 509.

(2) Rapporté dans le Nouveau Répertoire, vo, Divorce, sect 4, §. 12.

se plaindre qu'il ait usé du droit de représailles, qu'il ait repoussé la force par la force, l'outrage par l'outrage. Il faut bien que le père de famille, que le magistrat domestique, puisse avec modération joindre la force à l'autorité pour se faire respecter dans sa maison. C'est aux juges à décider si la colère l'a emporté trop loin, et à faire l'application du principe que la femme ne doit pas être écoutée, à moins qu'elle ne prouve que sa vie est en péril auprès de l'époux qu'elle a offensé; car alors, elle a pour elle la première de toutes les lois, celle qui commande a chaque individu de veiller à sa conservation.

SECTION III.

Forme de la procédure en séparation de corps. 765. La demande en séparation de corps, doit être portée devant le tribunal civil dans l'arrondissement duquel les époux ont leur domicile

commun.

Elle doit, suivant l'art. 307 du Code civil, être intentée, instruite et jugée de la même manière que toute autre action civile. Cependant le Code de procédure y a mis une modification relativement à l'essai de conciliation. Dans les affaires ordinaires, c'est devant le juge de paix qu'il faut tenter la conciliation. Dans les demandes en séparation de corps, c'est devant le président du tribunal civil.

L'époux qui veut se pourvoir en séparation de corps, doit présenter auprésident du tribunal de son domicile une requête, contenant sommairement les

faits, avec les pièces à l'appui, s'il y en a (Code de procédure, 875).

766. La femme n'a pas besoin d'être autorisée pour présenter cette requête (1).

767. Et en général, les mineurs n'ont pas besoin de l'assistance ni de l'autorisation d'un conseil de famille. La demande en séparation de corps, ne peut être assimilée à une action immobilière, et l'art. 306 ne limite point aux majeurs, le droit qu'il accorde aux époux, de former une demande en séparation de corps (2).

[ocr errors]

768. La requête est répondue d'une ordonnance qui fixe le jour auquel il est ordonné de comparaître devant le président, sans pouvoir se dispenser de comparaître en présence, ni se faire assister d'avoués ni de conseils (Code de procédure, 876 et 877 ).

Le président doit faire aux deux époux, les représentations qu'il croit propres à opérer un rapprochement; s'il ne peut y parvenir, il rend, en suite de la première ordonnance, une seconde portant, qu'attendu qu'il n'a pu concilier les parties, il les renvoie se pourvoir à l'audience, sans qu'il soit besoin d'un nouvel essai de réconciliation au bureau de paix (3): par la même or

(1) Arrêt de la Cour de cassation du 13 brumaire an XIV, rapporté par Sirey, an XIV-1806, pag. 115.

(2) Voy.le Nouveau Répertoire, vo. Séparation de corps, §. 3, no. 8. (3) L'art. 878 du Code de procédure, porte que le président les renvoie se pourvoir, sans citation préalable, au bureau de conciliation. II faut retrancher la virgule qui se trouve après le mot préalable, et qui Tome 11. 7

« PreviousContinue »