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pour l'un d'eux seulement? Quels sont, dans un pays, les effets de la naturalisation du chef de famille sur la nationalité de sa femme et de ses enfants mineurs ou majeurs? Le changement de patrie est-il personnel? s'étend-il au contraire à la famille de celui qui l'a sollicité et obtenu? Ce sont là autant de questions dont les solutions, lorsqu'il s'agit de la naturalisation d'un étranger en France, sont, sauf quelques controverses, à peu près incontestées, soit qu'elles aient été législativement prévues et sanctionnées, soit que les auteurs, la jurisprudence, soient tombés d'accord pour régler les points laissés obscurs il s'agit en effet uniquement ici de l'interprétation et de l'application d'une loi interne.

Ce n'est pas toutefois à dire pour cela qu'aucun conflit ne puisse s'élever entre la loi ancienne et la loi française, celle-ci restreignant par hypothèse et sauf discussion, les effets de la naturalisation par elle accordée, au naturalisé seul, celle-là au contraire les étendant dans une mesure plus ou moins large, à sa famille. Mais, qu'on le remarque bien, cette sorte de conflit peut être rendue impossible à raison du pouvoir discrétionnaire du Gouvernement Français qui lui permet de n'accorder la naturalisation au chef de famille. que si sa femme elle-même demande à acquérir en même temps que lui la nationalité française.

Supposons au contraire la naturalisation d'un chef de famille français à l'étranger: il n'y a d'abord aucune difficulté possible si les dispositions des deux législations sont concordantes et font produire respectivement les mêmes résultats juridiques à l'abdication volontaire de la nationalité d'origine; les deux lois sont-elles au contraire, différentes? la loi française, par hypothèse encore et toute controverse réservée, attribue-t-elle un effet individuel à la naturalisation du père et du mari français à l'étranger, ce qui est pour elle un droit incontes

table, tandis que l'autre législation attache un caractère collectif à l'acquisition de la nationalité par voie de naturalisation? Ici les conflits sont possibles et en pratique fréquents : la raison en est que les autorités étrangères peuvent ne pas prendre le souci de n'admettre au nombre de leurs nationaux le père ou le mari, que si sa famille demande sa naturalisation en même temps que lui, sans se préoccuper, ce qui est assez naturel, des interprétations de doctrine données aux textes de lois du pays abdiqué; la législation de ce dernier pays, la loi française dans notre hypothèse peut bien, en effet, faire résulter la perte de la nationalité d'origine de l'adoption par ses nationaux d'une nouvelle patrie, sans paraître distinguer entre le cas où la loi du pays choisi étend les effets de la naturalisation à la famille du naturalisé et celui où elle en restreint les conséquences à la personne seule de ce dernier; il n'en est pas moins vrai que toute discussion sur la portée du texte indiquant la naturalisation à l'étranger comme cause de la perte de la nationalité d'origine, ne donne nécessairement plus lieu seulement à une controverse de droit interne, mais bien encore, suivant la solution admise, à un conflit possible de droit international privé; si l'on ne permet pas à la loi étrangère de recevoir ainsi son application extensive, le résultat sera l'attribution à la femme ou aux enfants, d'une double nationalité.

L'influence de la naturalisation du chef de famille sur la nationalité de sa femme et de ses enfants a été ainsi prévue d'une façon plus ou moins complète et suivant des systèmes différents par les législations des divers pays les unes admettent l'effet individuel de la naturalisation, les autres consacrent au contraire son extension, dans une mesure déterminée ou sans restriction, à la famille du naturalisé. L'on voit ainsi que dans certaines lois, ce n'est pas seulement la condition du

mari au moment de la formation de l'union conjugale, mais encore sa naturalisation au cours du mariage qui peuvent déterminer, dans une certaine mesure, la nationalité de sa femme.

Les époux peuvent, d'autre part, être d'accord pour changer de patrie. Quelle loi leur deviendra alors applicable? Sera-ce, pour certaines contestations leur ancienne loi commune? sera-ce au contraire la loi nouvelle? sera-ce enfin celle de leur domicile ? Le fait que le mariage a été contracté sous l'empire d'une certaine législation aura-t-il pour conséquence d'écarter dans certaines hypothèses l'application de la nouvelle loi? Quelles seront les règles à suivre pour la détermination des règles applicables, soit à la capacité juridique de la femme, soit au divorce et à la séparation de corps? Dans le même ordre d'idées, et en présence des mêmes litiges, que décider enfin si les deux époux n'ont plus, ou n'ont jamais eu la même nationalité? Et d'abord, la femme peut-elle se faire naturaliser seule? Quelle est la capacité requise à cet effet? A supposer qu'elle le puisse, ou que son mari seul se soit fait naturaliser el qu'aucun conflit ne s'élève sur la nationalité de chacun des deux conjoints, chacun en ayant ainsi une certaine, mais différente de celle de l'autre, quelle loi appliquer aux rapports juridiques des époux et plus spécialement aux conditions de dissolution du mariage? Ici, le silence de la loi est significatif; on rencontre en effet sur ce point, en législation, des impossibilités théoriques et pratiques dont les divergences profondes qui séparent les lois des différents pays et des principes fondamentaux de droits contraires et inconciliables, sont les causes inévitables. C'est ici, nous l'avons indiqué, et nous y reviendrons, que seule, une entente internationale paraît possible pour supprimer les conflits existants.

On ne saurait ainsi faire reproche au législateur des diffi

cultés parfois insurmontables que font s'élever de pareilles situations: en dehors de l'impossibilité où il se trouve d'y remédier efficacement, il ne saurait d'ailleurs en atténuer les inconvénients, à supposer qu'il le puisse, qu'en portant une grave atteinte au libre exercice de la liberté individuelle.

Cette seconde partie sera, suivant les indications qui précèdent, divisée en deux chapitres consacrés, l'un à l'étude de l'influence de la naturalisation du chef de famille en France ou à l'étranger sur la nationalité de sa femme et de ses enfants; l'autre à celle des conflits sur la loi applicable au mariage, au divorce ou à la séparation de corps, dont la cause doit être recherchée dans la naturalisation, au cours même du mariage, effectuée par les deux époux ou par l'un seul d'entre eux.

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CHAPITRE I

De l'influence de la naturalisation du chef de famille sur la nationalité de sa femme et de ses enfants.

SECTION 1

De la naturalisation en France du chef
de famille étranger.

Une idée générale, toute nouvelle dans la législation française a inspiré, en 1889, la réforme de notre Code sur les rapports du mariage avec la naturalisation, au point de vue spécial de l'influence sur la nationalité de sa femme et de ses enfants, de l'attribution par voie de naturalisation de la qualité de citoyen français, au père de famille étranger : c'est celle de l'unité de nationalité dans la famille; sans doute dès 1851, le législateur s'était préoccupé, comme plus tard en 1882, de faciliter aux enfants mineurs et majeurs d'un père étranger ou naturalisé, l'accès de la nouvelle patrie de leur auteur. La loi de 1851 était inspirée par le désir d'appeler à bénéficier de la qualité de Français le plus grand nombre possible d'individus, en vue de remédier d'abord aux dangers de l'état stationnaire de la population, en vue ensuite d'obvier, dans la mesure parue alors nécessaire, aux inconvénients de l'heimathlosat. C'était l'époque où, pour les mêmes raisons,

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