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séparation de corps, ils auront toujours dans le pays de leur père la nationalité de ce dernier, puisqu'ils auront leur domicile chez leur père.

Que si maintenant la femme était domiciliée, soit avec son mari, soit seule, dans un pays autre à la fois que celui qui a accordé la naturalisation au mari, et que celui dont relève encore la femme, le conflit devient insoluble si la loi du domicile n'est pas appliquée. C'est, à notre sens, cette solution qu'il convient d'admettre dans ce cas.

Que ressort-il de cet examen forcément rapide et incomplet? C'est que la loi du domicile apparaît comme l'unique remède à apporter aux conflits qui naissent de l'heimathlosat et dans un cas seulement, à ceux qui résultent d'une double nationalité, lorsque ces deux situations, anormales en droit, sont la conséquence de la naturalisation du chef de famille. Mais une entente serait nécessaire : les conflits que nous venons d'examiner ne peuvent en effet être évités, en dehors de toute pratique administrative des gouvernements, que par des conventions internationales. Nulle part, d'ailleurs, l'accord ne paraît plus facile à établir. De l'examen que nous avons fait des principales législations, il ressort en effet que si pour ainsi dire elles consacrent à l'unanimité le principe de l'unité de nationalité au moment du mariage, la plupart n'admettent cette règle, au cours du mariage, qu'avec des réserves ou des restrictions plus ou moins importantes.

La France n'a, à notre connaissance, conclu que deux conventions internationales relatives à certains conflits de cet ordre l'une avec la Suisse en date du 22 juillet 1879 (1); l'autre avec la Belgique, en date du 30 juillet 1891 (2).

L'examen détaillé de ces deux conventions nous entraîne

(1) Sirey (1881, IV, p. 61).

(2) M. Lainé, Bulletin de la sociéte de législation comparée (1892, p. 253).

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DES RAPPORTS DU MARIAGE AVEC LA NATURALISATION.

rait trop loin et ne rentre d'ailleurs pas directement dans le cadre de cette étude : elles ont en effet surtout trait à la situation militaire des enfants de pères français naturalisés suisses et de ceux de pères français ou belges naturalisés en Belgique ou en France; elles tranchent les conflits qui s'élèvent relativement aux effets contradictoires des naturalisations et aux inconvénients de la double nationalité à ce point de vue spécial (1).

(1) V. M. Gruffy, op. cit., p. 147 et s. et p. 201 et s.

CHAPITRE II

Des conflits de lois résultant de la naturalisation accordée aux deux époux ou de la différence de nationalité produite par la naturalisation de l'un seul d'entre eux.

L'étude des conflits produits par l'existence de deux législations contraires relativement aux effets collectifs ou individuels d'un changement de patrie du chef de famille n'épuise pas la question: deux hypothèses sont encore à prévoir; celle d'abord où la naturalisation a été accordée aux deux époux;

celle ensuite où la naturalisation n'a été obtenue que par le mari ou par la femme et où la différence de nationalité entre les deux conjoints est certaine et incontestée d'après les deux législations en présence, la loi du pays abdiqué et la loi du pays nouveau attribuant un caractère purement personnel, l'une à la naturalisation de l'étranger, l'autre, à la dénationalisation d'un de ses ressortissants. L'examen de ces deux dernières causes de conflits va faire l'objet de ce chapitre.

SECTION I

De l'hypothèse où les deux époux ont acquis par voie de naturalisation la même nationalité.

Deux époux français ou étrangers peuvent se trouver d'accord pour solliciter ensemble leur naturalisation à l'étranger

ou en France; ils l'obtiennent tous deux; diverses questions se posent aussitôt quelle va être la loi applicable au mariage, au divorce ou à la séparation de corps? Sera-ce la loi ancienne ou la loi nouvelle, et si c'est la loi nouvelle, sous quelles conditions et dans quelle mesure devra-t-elle recevoir son application? Y a-t-il ou non des différences à établir entre la situation de deux époux Français naturalisés à l'étranger et celle de deux époux étrangers naturalisés en France? Des conflits ne peuvent-ils pas se produire? Comment et dans quel sens doivent-ils être résolus?

Remarquons d'ailleurs, et pour n'y plus revenir, que toutes les solutions que nous allons donner s'appliquent, par la force même des choses, aussi bien à l'hypothèse où le mari seul a obtenu sa naturalisation dans un pays qui fait produire un effet collectif à son changement de patrie, alors que sa loi ancienne y attache comme conséquence la perte de la nationalité de sa femme, qu'à celle où les deux conjoints, appartenant à un État consacrant l'unité de nationalité dans la famille en ce qui concerne la dénationalisation du mari, se trouvent d'accord pour se faire naturaliser dans un pays, qui, relativement à la naturalisation de l'étranger, admet un système semblable, c'est-à-dire non individuel (1). Entre ces

(1) Il va sans dire que deux époux convenant de solliciter ensemble leur naturalisation, se trouvent, lorsqu'ils l'ont tous deux obtenue, avoir perdu en même temps leur ancienne nationalité et qu'il en sera ainsi, notamment pour la femme, sans qu'il y ait lieu de distinguer si la loi du pays abdiqué lui fait perdre ou non sa qualité d'origine par suite du changement de patrie de son mari: elle s'est en effet associée à ce dernier et aucune difficulté n'est possible.

Il y a un cas cependant où la distinction est utile à établir; c'est celui où, au regard de l'ancienne loi du mari, la naturalisation de la femme n'aurait pas été valable. Est-ce à dire pour cela que la femme n'aurait pas suivi la nationalité de son mari aux yeux des tribunaux de l'ancien pays de ce dernier? Certainement non, au cas où la loi de ce pays considère la femme comme ayant perdu sa qualité, par le seul fait du changement de patrie de son conjoint. Au cas au contraire où l'ancienne législation du mari exigerait que la femme se fit natura

deux hypothèses il ne saurait y avoir d'autre différence que celle résultant du libre exercice de la volonté de la femme : quand celle-ci s'associe de plein gré à une demande de natu ralisation introduite par son mari, sa propre intention d'abdiquer elle-même la nationalité qu'elle tient de sa naissance ou de son mariage, ne peut faire aucun doute; il n'en est évidemment pas de même lorsqu'en dehors de toute manifestation d'intention de sa part, la perte de sa nationalité est produite par les dispositions concordantes de deux législations, qui, suivant leur système particulier, mettent le principe d'unité de nationalité dans la famille au-dessus de toute autre considération morale ou philosophique. La situation de la femme n'en sera pas moins toujours la même : aussi bien au cas où sa volonté de changer de patrie sera certaine que dans celui où elle sera douteuse et imprécise; le changement de nationalité, à son égard, n'en aura pas moins entraîné toutes ses conséquences, tant d'après l'ancienne que d'après la nouvelle loi. Ce n'est donc que pour plus de clarté que nous supposerons deux époux tombant d'accord pour changer de patrie et obtenant ensemble leur naturalisation.

Il convient maintenant de distinguer la situation en droit international privé, de deux époux Français naturalisés à l'étranger et celle de deux époux étrangers naturalisés en France.

§1. Naturalisation à l'étranger de deux époux Français.

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Les diverses questions que nous allons successivement examiner ont trait à la validité du mariage lui-même, à ses

liser en même temps que lui pour qu'elle perdit sa qualité d'origine ou acquise par mariage, il est d'évidence que la femme conserverait sa nationalité d'après cette législation si sa naturalisation n'avait pas été valable. La femme aurait ainsi deux nationalités (V. suprȧ).

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