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de dépens et frais (tit. V). Les redditions de comptes ont également trouvé place ici (tit. IV), parce qu'il s'agit de l'exécution d'un jugement qui a ordonné qu'un compte serait rendu par une des parties à l'autre.

Nous aurons à examiner, après ces cinq titres, la matière bien plus importante et bien plus difficile de l'exécution forcée des jugements (tit. VI à XV). *

TITRE I

DES RÉCEPTIONS DE CAUTIONS (C. D.).

781. *On appelle caution la personne qui s'oblige accessoirement envers le créancier, et répond de l'acquittement de la dette. Nous n'avons à nous occuper ici ni de la forme et des conditions du contrat de cautionnement, ni des modifications que la convention des parties peut lui faire subir, ni des rapports de droit qui existent soit entre le créancier et la caution, soit entre le débiteur et la caution, soit entre les cofidéjusseurs, c'est-à-dire entre les personnes qui ont cautionné la même dette ensemble ou séparément.

Le droit civil reconnaît trois sortes de cautions: elles sont conventionnelles, légales ou judiciaires. La caution conventionnelle est fournie par le débiteur au créancier, en vertu d'une convention; la caution légale en vertu d'une disposition expresse de la loi (lorsque par exemple, une personne a entre les mains la chose d'autrui, dans les cas prévus par les art. 120, 123, 601, 626, 771, 807 du Code Napoléon. V. aussi les art. 1518 et 2185 du même Code et les art. 166, 542, 992 et 993 C. pr.); enfin la caution judiciaire, en vertu d'un jugement qui impose au débiteur l'obligation de donner caution. Mais il faut bien remarquer que, si un jugement ne fait que reconnaître le droit d'exiger une caution en vertu d'une convention ou de la loi, et ordonne en conséquence au débiteur de la fournir, la caution offerte en exécution de ce jugement ne sera pas une caution judiciaire, mais une caution conventionnelle ou légale. La caution n'est judiciaire que si le tribunal ordonne de la fournir en vertu de son autorité, par exemple quand les juges usent de la faculté qui leur est accordée par l'art. 135 du Code de procédure.

La procédure des réceptions de caution ne s'applique pas exclusivement aux cautions judiciaires. D'ordinaire, il est vrai, les cautions conventionnelles et même les cautions légales font constater leur obligation extrajudiciairement par des actes authentiques ou sous seing privé. Cependant, en cas de contestation, les formes que nous trouvons dans les art. 517 et suivants devraient être suivies pour les cautions légales et conventionnelles. Ainsi, l'usufruitier, pour se conformer à l'art. 601 du Code Napoléon, présente une caution que le nu propriétaire n'accepte pas; le créancier hypothécaire qui, sur les notifications. afin de purger, forme une surenchère, présente une caution dont on conteste l'admissibilité : ces deux cautions légales devront être reçues conformément aux règles tracées dans notre article.

782. Art. 517. Le jugement qui ordonnera de fournir caution fixera le délai dans lequel elle sera présentée, et celui dans lequel elle sera acceptée ou contestée. »

Fixera le délai. Quelquefois, il est même inutile de fixer le délai dans lequel la caution sera présentée, par exemple, lorsqu'une partie est autorisée à faire quelque chose dans son propre intérêt, à la charge de donner caution. Ainsi j'ai obtenu contre Paul une condamnation, et le tribunal m'a accordé l'exécution provisoire, nonobstant appel, mais à la charge de donner caution. Je ne puis faire procéder à l'exécution forcée, c'est-à-dire faire saisir les biens meubles ou immeubles de Paul sans donner caution. Il est bien inutile de me fixer un délai pour présenter cette caution; mon intérêt répond de ma célérité. Et, si je ne la présente pas, qui pourra se plaindre? Assurément ce ne sera pas Paul, qui, jusqu'à cette présentation, est à l'abri de mes poursuites.

Mais lorsque la caution doit être fournie par le débiteur, il est utile de lui fixer par le jugement un délai pour présenter la caution; car il aurait intérêt à retarder le plus possible l'exécution de son obligation. C'est à ce cas et à tous autres semblables que fait allusion l'art. 517.

Comment se fera la présentation de la caution? L'art. 440 du Code de procédure nous a déjà montré une manière de présenter et de contester les cautions. Cet article imprime à la procédure de réception une extrême rapidité; mais il doit rester exclusivement applicable aux matières commerciales, qui requièrent toujours célérité.

En matière civile, les art. 518, 519 et 520 prescrivent une autre marche. L'art. 518 indique comment la caution sera présentée par celui qui doit la fournir. L'art. 519 détermine comment l'autre partie acceptera la caution, l'art. 520 comment elle la contestera.

« Art. 518. La caution sera présentée par exploit signifié à la partie, si elle n'a point d'avoué, et par acte d'avoué, si elle en a constitué, avec copie de l'acte de dépôt, qui sera fait au greffe, des titres qui constatent la solvabilité de la caution, sauf le cas où la loi n'exige pas que la solvabilité soit établie par des titres. »>

La loi exige certaines conditions de celui qui est présenté comme caution; il doit être capable de s'obliger, être domicilié dans le ressort de la cour impériale où la caution doit être donnée (art. 2018, C. N.). Il doit, en outre, être solvable; et «< sa solvabilité ne s'estime qu'eu égard à ses propriétés foncières, excepté en << matière de commerce, ou lorsque la dette est modique » (art. 2019, C. N.). Deux actes constituent la présentation de la caution par celui qui doit la fournir. Premièrement, un acte de dépôt au greffe des titres constatant la solvabilité de la caution, sauf le cas où la loi n'exige pas que la solvabilité s'établisse par titres; c'est-à-dire, d'après l'art. 2019, excepté en matière de commerce ou lorsque la dette est modique. Le second acte est un exploit d'huissier signifié à celui qui reçoit la caution, ou à son avoué, s'il en a un. Cet exploit contient la désignation de la caution et la copie de l'acte de dépôt fait au greffe. En matière commerciale, cet acte de présentation contient en outre une sommation à jour et heures fixes de se présenter au greffe pour prendre communication des titres, et à l'audience pour entendre prononcer l'admission, en cas de contestation (art. 449, C. pr.).

« Art. 519. La partie pourra prendre au greffe communication des titres; si elle accepte la caution, elle le déclarera par un simple acte; dans ce cas, ou si la partie ne conteste pas dans le délai, la caution fera au greffe sa soumission, qui sera exécutoire sans jugement, même pour la contrainte par corps, s'il y a lieu à contrainte. »

La partie à qui la caution est offerte peut l'accepter expressément par une déclaration faite par acte d'avoué à avoué, ou tacitement en gardant le silence pendant le délai fixé par le jugement pour contester.

La caution ainsi acceptée fait sa soumission par une déclaration au greffe. Cette soumission est exécutoire sans jugement, c'est-à-dire que, par sa soumission, la caution se trouve obligée. Je crois même que cette obligation existe immédiatement sans que le créancier soit tenu de l'accepter. La loi ne parle pas de cette acceptation ; je n'admettrais donc pas la caution à retirer sa soumission sous prétexte qu'il n'y a eu qu'une pollicitation. La soumission, suivant moi, crée à elle seule une obligation irrévocable à la charge de la caution qui a fait cette soumission au greffe.

783. Même pour la contrainte par corps, s'il y a lieu à contrainte. Ces mots contiennent une grave dérogation au principe général écrit dans l'art. 2067 (C. N.), qui exige toujours un jugement pour l'application de la contrainte par corps.

Mais quand y a-t-il lieu à contrainte par corps contre la caution? L'art. 2060, 5o (C. N.), la prononce « contre les cautions judiciaires et contre les cautions des « contraignables par corps, lorsqu'elles se sont soumises à cette contrainte. » La question de savoir où doit se placer la virgule dans ce membre de phrase est l'objet d'une vive controverse. Faut-il mettre une virgule après le mot judiciaires ou après les mots par corps? On comprend facilement toute l'importance de la question. Il s'agit de décider si les cautions judiciaires sont, de droit, contraignables par corps, même sans s'être soumises à cette contrainte, ou si elles ne peuvent être frappées par la contrainte que si elles s'y sont expressément soumises. Elles encourront la contrainte par corps, par leur seule qualité de cautions judiciaires même sans soumission expresse de leur part, si la virgule est placée après le mot judiciaires; il en sera autrement si on doit placer la virgule, comme le portent toutes les éditions officielles, après le mot par corps. Alors, en effet, ces termes : lorsqu'elles se sont soumises à cette contrainte, s'appliqueront aussi bien aux cautions judiciaires qu'aux cautions des contraignables par corps.

Pour soutenir que la contrainte par corps peut toujours être prononcée contre les cautions judiciaires, même sans qu'elles s'y soient soumises, on s'appuie d'abord sur l'ancienne jurisprudence, qui décidait dans ce sens. D'ailleurs le projet du Code Napoléon sur le no 5 de l'article qui est devenu l'art. 2060 ne portait que ces mots contre les cautions judiciaires; et il n'était pas douteux que cette rédaction dût les soumettre à la contrainte par corps en raison de leur seul titre de cautions judiciaires. Dans la discussion il fut convenu qu'on permettrait en outre de prononcer la contrainte par corps contre les cautions des contraignables par corps, mais seulement si elles s'étaient soumises à cette contrainte. Mais aucun des orateurs qui prirent la parole dans le sein du conseil d'Etat ne manifesta l'intention de rendre cette condition commune aux cautions judiciaires. L'exposé des motifs par M. Bigot de Préameneu, le rapport fait au tribunat par le tribun Gary, le discours du tribun Goupil-Préfeln devant le Corps législatif, loin d'assimiler les cautions judiciaires aux cautions des contraignables par corps, sous le rapport de la condition d'une soumission expresse et volontaire, témoi

gnent plutôt d'une intention contraire. On a fait remarquer, d'ailleurs, que la répétition du mot contre, contre les cautions judiciaires et contre les cautions des contraignables par corps... prouvait qu'on ne voulait pas les assujettir à la condition commune, puisque, dans le no 7 du même article, on prononce la contrainte par corps contre les notaires, les avoués et les greffiers qu'on veut soumettre aux mêmes conditions, sans répéter chaque fois contre les notaires, contre les avoués et contre les greffiers.

Cependant j'inclinerais plutôt à embrasser l'avis opposé, à décider que la contrainte par corps ne peut être prononcée contre les cautions judiciaires que si elles se sont soumises à cette contrainte. Je conviens que le rapport, l'exposé des motifs, les discours dont j'ai parlé précédemment ont manifesté une intention contraire à celle qui a été exprimée; mais il faut appliquer la loi comme elle est écrite et promulguée, surtout dans cette matière rigoureuse. On ne peut ordonner cette voie de rigueur en la fondant sur l'intention présumée du législateur et non sur le texte de la loi. Or, tous les Codes officiels portent une phrase ainsi ponctuée : « Contre les cautions judiciaires et contre les cautions « des contraignables par corps, lorsqu'elles se sont soumises à cette contrainte. »> Les cautions judiciaires ne peuvent donc encourir la contrainte par corps que lorsqu'elles y sont soumises la prononcer contre elles, lorsqu'elles ne s'y sont pas soumises, c'est violer l'art. 2063 du Code Napoléon, qui ne laisse rien à l'interprétation, à l'analogie, qui ne permet pas de prononcer la contrainte par corps quand une loi formelle n'y autorise pas les juges.

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On a voulu, dans notre opinion, tirer un argument de ces termes de notre art. 519 s'il y a lieu à contrainte, en supposant que l'art. 519 ne se référait qu'à la caution judiciaire. On a dit: Il y a lieu à contrainte par corps contre la caution judiciaire qui s'y est soumise expressément : mais la caution judiciaire n'est point passible de la contrainte par corps, lorsqu'elle ne s'y est point soumise. Mais ce dernier argument est fort sujet à la critique. L'article 519 ne s'applique pas, en effet, aux seules cautions judiciaires, comme nous l'avons déjà dit. La procédure de réception de cautions, tracée dans notre titre, peut être employée même à l'égard d'une caution légale ou conventionnelle.

784. «Art. 520. Si la partie conteste la caution dans le délai fixé par le jugement, l'audience sera poursuivie sur un simple acte. »

Sur un simple acte, c'est-à-dire, comme nous l'avons vu souvent, sur un acte d'avoué à avoué. Mais si la partie n'avait pas d'avoué, la citation serait donnée par exploit d'huissier. La contestation sur le mérite et la solvabilité de la caution s'agite exclusivement entre celui qui offre la caution et celui qui ne l'accepte pas. Quant à la caution elle-même, elle n'est point appelée dans la cause. Si la partie laisse passer sans contestation le délai fixé par le jugement conformément à l'art. 517, elle est censée accepter la caution qui lui est offerte. « Art. 521. Les réceptions de caution seront jugées sommairement, sans requête ni écritures; le jugement sera exécuté nonobstant appel. »

La loi ordonne, comme on le voit, une procédure abrégée et peu dispendieuse. « Art. 522. Si la caution est admise. elle fera sa soumission, conformément à l'art. 519 ci-dessus. »

J'ai expliqué sur l'art. 519 quelles étaient, pour la caution, les conséquences de sa soumission au greffe.

Mais la loi ne s'est pas expliquée pour le cas où le tribunal rejetterait la caution. La partie qui l'avait présentée peut-elle en offrir une autre? Quelques auteurs ont douté qu'une seconde présentation pût être faite, par la raison que les délais de l'art. 517 se sont écoulés pendant la contestation sur la solvabilité de la première caution; mais cette opinion ne me semble pas fondée. Le délai fixé par le jugement (art. 517) qui ordonne de fournir une caution ne se réfère qu'à la contestation relative à la première caution présentée, mais il n'exclut pas et aucune disposition de la loi n'exclut le droit d'en présenter une seconde. Seulement, comme il pourrait arriver que celui à qui il est ordonné de fournir une caution présentat, à dessein, des cautions inadmissibles, afin de gagner du temps, le tribunal, dans le jugement qui rejette la première ou la seconde caution, pourrait décider que, faute de présenter une seconde ou une troisième caution admissible, la partie perdra le droit d'en présenter une nouvelle.

Mais, dira-t-on, quelle sera pour elle la conséquence de cette déchéance? Supposez, par exemple, que le tribunal accorde un délai à un débiteur, ou autorise une partie à tirer certains avantages de la chose d'autrui moyennant caution, cette déchéance entraînera la perte de ce délai, de ces avantages, pour la partie qui ne remplira pas la condition imposée par le tribunal, c'est-à-dire qui ne fournira pas caution.

TITRE II

DE LA LIQUIDATION DES DOMMAGES-INTÉRÊTS (C. D.).

785. * Le droit civil s'occupe des dommages-intérêts à divers points de vue. On trouve le principe d'une action en dommages-intérêts écrit dans l'art. 1382 du Code Nap. : Quiconque cause par sa faute un dommage à autrui est tenu de réparer ce dommage. Les dommages-intérêts sont donc l'indemnité accordée à une personne en réparation d'un préjudice qui lui a été causé à tort. Il est dû aussi des dommages-intérêts pour inexécution ou pour retard dans l'exécution des contrats (art. 1146, C. N.). Les dommages-intérêts sont fixés ou par les parties dans une clause pénale (art. 1152 et 1226 et suiv., C. N.), ou par une loi, notamment en matière d'obligations de payer une somme d'argent (art. 1153, C. N.); dans les autres cas, la loi, sans fixer le chiffre des dommagesintérêts, a tracé aux juges des règles pour arriver à leur appréciation (art. 1149 et suiv., C. N.). La victime d'une infraction à la loi pénale, crime, délit ou contravention, a droit également à une réparation du préjudice qui lui a été causé (art. 2, Inst. cr.).

Nous avons déjà parlé des dommages-intérêts sur l'art. 128 spécial à cette matière, et sur l'art. 126 qui traite de la contrainte par corps à raison de dommagesintérêts (V. nos 269 et 273). Nous avons reconnu, sur l'art. 128, que dans le jugement qui condamne une partie à payer à l'autre des dommages-intérêts, le tribunal en fixait quelquefois le chiffre immédiatement, mais qu'il pouvait aussi

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