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794. « Art. 538. Aux jour et heure indiqués par le commissaire, les parties se présenteront devant lui pour fournir débats, soutènement et réponses sur son procèsverbal si les parties ne se présentent pas, l'affafre sera portée à l'audience sur un simple acte. »

On appelle débats les réclamations soulevées par l'oyant, et soutènements les moyens fournis par le rendant à l'appui du compte qu'il a présenté. C'est surtout ici que le Code de procédure a utilement modifié l'ancienne pratique. Autrefois les débats et soutènements donnaient lieu à de longues et dispendieuses écritures. Le procès-verbal du juge est destiné à les remplacer. Les termes de l'exposé des motifs, fait par M. Réal, expliquent parfaitement la pensée du législateur. « Le juge-commissaire entend les parties; c'est lui qui indique les « jours et heures où elles doivent comparaître devant lui; plus de citations ni << de sommations inutiles. Les débats ou soutènements qui ne seraient pas fondés <«< en raison sont facilement écartés dans la conférence. Lorsqu'il y a doute ou « difficultés, les débats ou soutènements sont insérés avec précision, sans pro« lixité, dans un procès-verbal dont le juge n'a aucun intérêt à augmenter le « volume. » J'appuie sur ces mots : avec précision, sans prolixité, parce qu'ils me paraissent repousser une pratique introduite dans quelques tribunaux, et qui consiste à faire remettre par les avoués au juge-commissaire des dires de débats et de soutènements souvent très-longs et très-prolixes, que le juge se borne à faire ou à laisser transcrire en entier sur son procès-verbal. Telle n'est pas la marche tracée par la loi; ́elle veut que les parties ou leurs avoués présentent leurs débats et soutènements au juge-commissaire, qui ne doit inscrire sur son procès-verbal que ce qui est nécessaire à l'intelligence de la difficulté. Il est vrai qu'on peut justifier l'usage de laisser les avoués inscrire eux-mêmes leurs dires sur le procès-verbal par cette considération qu'on évite ainsi les réclamations contre la rédaction du juge.

Quoi qu'il en soit, les significations d'écritures sont abolies; ou, si une partie croit une telle signification utile à sa cause, elle le fera à ses frais et sans répétition.

Si les parties ou l'une d'elles ne se présentent pas, le juge ne dresse aucun procès-verbal et se borne à rendre une ordonnance de renvoi à l'audience.

f" Art. 539. Si les parties ne s'accordent pas, le commissaire ordonnera qu'il en sera par ai fait rapport à l'audience, au jour qu'il indiquera; elles seront tenues de s'y trouver, sans aucune sommation. »>

Le tribun Favard disait dans son rapport au Corps législatif : « On a pensé avec raison que le juge-commissaire... pourrait d'abord être une espèce de <«< conciliateur entre les parties... » Mais, s'il ne peut les concilier, il n'a point mission de les juger : il constatera leurs différends et indiquera le jour où elles devront se trouver à l'audience pour entendre son rapport et plaider. Sur le rapport et les plaidoiries, le tribunal statue sur le compte par un jugement dont il nous reste à examiner la portée et les effets.

→ 795. § 3. Du jugement qui apure le compte, et des effets de ce jugement (art. 540, 541, 512).

Art. 510. Le jugement qui interviendra sur l'instance de compte contiendra le calcul de la recette et des dépenses, et fixera le reliquat précis, s'il y en a aucun. »

L'art. 540 exige la fixation d'un reliquat, à moins que la recette et la dépense n'arrivent à une compensation exacte. Le tribunal pourrait aussi rejeter complétement le compte présenté, et alors il n'y aurait pas lieu d'appliquer l'art. 540. Mais dans ce cas le procès serait-il terminé? Il faut distinguer le procès serait terminé, si le tribunal qui rejette le compte puisait ailleurs les motifs de sa décision, statuait sur le fond de la contestation à l'occasion de laquelle un compte avait été présenté; si, au contraire, le tribunal se bornait à rejeter purement et simplement le compte présenté, il devrait en être dressé et présenté

un autre.

796. « Art. 542. Si l'oyant est défaillant, le commissaire fera son rapport au jour par lui indiqué les articles seront alloués, s'ils sont justifiés; le rendant, s'il est reliquataire, gardera les fonds, sans intérêts; et, s'il ne s'agit point d'un compte de tutelle, le comptable donnera caution, si mieux il n'aime consigner. »

La mauvaise volonté de l'oyant ne saurait empêcher le comptable de rendre compte; et, si l'oyant assigné ne comparaît pas, ou si, ayant comparu, c'està-dire, ayant constitué avoué, il ne pose pas de conclusions, le rendant obtiendra néanmoins un jugement sur le compte.

L'oyant sera assigné par exploit signifié à personne ou domicile ; s'il ne constitue pas d'avoué, il sera sommé, également par exploit à personne ou domicile, d'assister à la présentation et à l'affirmation du compte par le rendant (534). Mais je n'admets pas que l'oyant puisse, sans constituer d'avoué, élever lui-même des contestations devant le juge-commissaire, et se faire délivrer personnelle- . ment l'exécutoire dont il est question dans l'art. 535. Dès qu'il veut com paraître, le ministère d'un avoué devient nécessaire. Ces décisions sont cependant contestées; mais personne ne va jusqu'à autoriser l'oyant à poser des conclusions lui-même dans le débat sur l'apurement du compte.

Quoi qu'il en soit, quand l'oyant est défaillant, qu'il n'ait pas constitué avoué, ou qu'il n'ait pas conclu, le juge-commissaire fait son rapport; le rendant est entendu ou fait entendre un avocat, et le tribunal statue.

Les articles seront alloués s'ils sont justifiés. Cette disposition est conforme à la règle générale posée dans l'art. 150. Le défaut d'une partie ne prouve pas contre elle. Si le rendant est reliquataire, il pourra garder le montant de ce reliquat sans intérêts, mais en donnant caution, jusqu'à ce que l'oyant le mette en demeure de payer (art. 1153, 3o al., C. N.). Si le rendant reliquataire ne veut pas garder les fonds ou ne veut pas donner caution, il se libérera en versant le montant du reliquat à la caisse des dépôts et consignations.

Si le rendant reliquataire est tuteur, il sera dispensé de donner caution. Je n'aperçois pas nettement le motif de cette faveur accordée au tuteur reliquataire, faveur déjà écrite dans l'ordonnance de 1667, tit. XXIX, art. 23. Voici les différents motifs que les auteurs ont donnés de cette dispense ; suivant un commentateur de l'ordonnance (Jousse), le tuteur était déchargé de bailler caution (ce sont les termes de l'ordonnance), « parce que ce n'est point en vertu d'un « nouvel engagement que les deniers sont restés entre ses mains. » Sous l'empire du Code de procédure, on a dit que les tuteurs étaient dispensés de la cau

tion, parce que l'hypothèque légale suffisait pour garantir le payement du reliquat; mais le tuteur n'a pas toujours dans sa fortune personnelle des biens susceptibles d'hypothèques. On a encore donné pour raison de cette dispense de caution, qu'il s'agissait d'un ascendant, d'un parent, ou au moins d'une personne honorée de la confiance et des suffrages du conseil de famille. Tous ces motifs ne me paraissent pas complétement satisfaisants pour expliquer cette dispense de caution, tant sous l'ancienné loi que sous la loi nouvelle.

D'après l'art. 542, le tuteur, comme les autres comptables, gardera le reliquat sans intérêts; mais l'art. 474 du Code Napoléon met les intérêts du reliquat à la charge du tuteur, sans demande, à compter de la clôture du compte. Pour concilier ces deux dispositions, il faut appliquer l'art. 542 (C. de pr.) au cas seulement où l'oyant a fait défaut; dans tous autres cas, l'art. 474 conservera son autorité. Si c'est par un jugement contradictoire que le rendant est reconnu débiteur d'un reliquat, l'art. 542 ne reçoit plus d'application, et les règles du droit civil reprennent leur empire. Ainsi non-seulement le tuteur devra lesintérêts sans demande, conformément à la disposition de l'art. 474 C. N.; mais, dans le cas de mandat, aux termes de l'art. 1996, C. N., l'intérêt des sommes employées par le mandataire pour son usage sera dû à dater de l'emploi ; celui des autres sommes, du jour de la mise en demeure.

Enfin le jugement peut reconnaître un reliquat à la charge de l'oyant. Dans ce cas, le jugement contradictoire ou par défaut pourra condamner l'oyant aux intérêts de ce reliquat à partir du jour de la demande (art. 1153, C. N.); si l'oyant est un mandant, il devra l'intérêt des avances faites par le mandataire du jour des avances constatées (art. 2001, C. N.). L'exécution de ce jugement contradictoire ou par défaut se poursuivra d'ailleurs par toutes les voies ordinaires.

797. « Art. 541. Il ne sera procédé à la révision d'aucun compte, sauf aux parties, s'il y a erreurs, omissions, faux ou doubles emplois, à en former leurs demandes devant les mêmes juges. »>

L'ordonnance de 1667 (art. 21 du tit. XXIX) prohibait déjà les demandes en révision de compte, et le tribun Favard annonçait, dans son rapport, l'abolition des demandes en révision de compte, de « ces demandes ruineuses, plus inextri«< cables souvent que les comptes mêmes. » Mais les erreurs, les omissions, les faux ou doubles emplois peuvent donner lieu à une action en redressement de compte.

Quelle sera donc la différence entre la révision et le redressement d'un compte? La révision d'un compte suppose un examen nouveau de tous les articles de la recette et de la dépense d'un compte ; dans le cas de révision partielle, l'examen de tous les articles de recette et de dépense d'un chapitre de compte. Par la révision, on remettait en question ce qui avait été jugé. Il n'en est pas de même pour l'action en redressement de compte; cette action en redressement, autorisée par la loi, a pour but de rectifier des erreurs, des omissions, des doubles emplois, etc.

Les articles d'un compte rendu et apuré en justice peuvent bien être tous soumis de nouveau à un débat devant la cour impériale et par la voie de l'appel. Mais ce que la loi défend par l'art. 541, c'est de remettre en question la décision

qui a force de chose jugée, et même la convention des parties qui a force de loi entre elles (art. 1134, C. N.). Ainsi, le compte arrêté à l'amiable entre les parties ne pourrait pas plus donner lieu à révision que le compte rendu en justice. L'art. 541 est formel à cet égard; il n'autorise la révision d'aucun compte. Dès l'instant que le compte a été arrêté à l'amiable entre les parties, chaque article a dû ou a pu être l'objet d'un examen, d'un débat particulier, et il n'est pas permis d'anéantir la convention en ressuscitant le débat et la discussion générale du compte (1),

Seulement on comprend très-bien et la loi admet que, dans un compte fort compliqué peut-être, il ait pu se glisser des erreurs, des doubles emplois, que des articles aient été omis, qu'on ait employé faussement une pièce, c'est-à-dire que le rendant ait dressé un article en s'appuyant sur une pièce étrangère au compte: dans ces diverses hypothèses, la partie lésée agira en redressement de compte sans remettre en question les autres articles du compte.

Cette action, remarquez-le-bien, a pour but de rectifier des points qui auraient échappé à l'examen des parties pendant la discussion du compte ; mais non de ressusciter un débat qui a déjà été soulevé. Il suit de là que les erreurs, les omissions, les faux ou doubles emplois qui auraient donné lieu à des discussions et sur lesquelles il aurait été statué ne pourraient plus motiver l'action en redressement. Cette action ne peut comprendre que les erreurs, omissions, faux et doubles emplois qui n'ont été reconnus que postérieurement au jugement sur le compte ou à la convention contenant un arrêté de compte. Elle ne peut jamais porter atteinte à l'irrévocabilité de la convention, ni à l'autorité de la chose jugée sur les points débattus devant les juges qui ont statué sur le compte.

L'action en redressement n'est point une voie pour attaquer un jugement; c'est une action nouvelle distincte de l'action en reddition de compte. Elle se prescrit par trente ans (art. 2262, C. N,). Vainement voudrait-on le soumettre à la prescription de dix ans, en l'assimilant à une action en nullité ou en rescision. L'action en redressement de compte a souvent pour but de compléter le compte et non de le faire annuler, par exemple, lorsqu'on se propose de faire réparer une omission.

L'action en redressement de compte suit la marche d'une affaire ordinaire, et s'introduit par un exploit d'ajournement; elle est portée, dit notre article, devant les mêmes juges, c'est-à-dire devant les juges qui ont statué sur le compte lui-même. Les mêmes juges doivent s'entendre ici du même tribunal; mais il n'est pas nécessaire que les personnes qui avaient jugé lors du jugement du compte soient identiquement les mêmes qui statuent sur l'action en redressement. Si une partie demande le redressement d'un compte amiable, l'action sera portée devant le tribunal qui aurait statué sur le compte, s'il eût été rendu en justice."

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(1) C. de Rennes, 19 mai 1815. Angers, 10 janvier 1838. - Cass., 26 avril 1831 (Dall., Rép., vo Compte, nos 152, 153, 154). — Cass., Rej., 26 novembre 1855 (Dall., 1856, J, 87).

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TITRE V

DE LA LIQUIDATION DES DÉPENS ET FRAIS (C. D.).

798. * Les règles de la condamnation aux dépens, de leur compensation, de la distraction qui peut en être accordée aux avoués, a déjà passé sous nos yeux avec les art. 130, 131, 132 et 133 du Code de procédure (V. no 275 et suivants).

Le titre dont nous avons à nous occuper maintenant ne traite que de la liquidation des dépens, c'est-à-dire de la détermination du chiffre auquel s'élèvent les frais du procès. C'est sur la liquidation des dépens que se présentait naturellement au législateur la question de savoir quelles limites on devait imposer aux frais de justice. On avait encore présents à la mémoire ces abus qui avaient décrié les anciennes procédures, ces frais exagérés qui ne permettaient au plaideur de faire reconnaître son droit qu'au prix de sa ruine. On disait hautement que l'élévation exagérée des salaires des officiers ministériels constituerait un déni de justice. Mais on ne voulait pas tellement diminuer les frais de justice que les offices d'avoués ne pussent procurer à leurs titulaires une existence honorable; on craignait, en décourageant les hommes capables et honnêtes, de livrer les offices ministériels à des spéculateurs plus ou moins ignorants, constamment occupés à éluder une loi trop parcimonieuse.

On reconnaissait bien que le tribunal devait être appelé à statuer sur les difficultés qui pourraient s'élever entre l'officier ministériel qui réclame le payement des frais et la partie qui le refuse. Mais quelles seraient les bases d'appréciation? Deux idées étaient en présence : l'une, consacrée par l'expérience et la pratique, consistait à formuler des tarifs contenant l'énumération minutieuse de tous les actes de procédure, afin d'appliquer à chacun d'eux un salaire particulier; l'autre, qui se présentait comme une innovation, consistait à diviser les affaires, d'après la valeur du litige, en quelques catégories peu nombreuses. Une somme fixe d'honoraires, gradués d'après l'importance des affaires, eût été allouée à l'avoué suivant la catégorie à laquelle l'affaire aurait appartenu. Ce dernier système donnait à l'avoué un intérêt à faire le moins d'actes de procédure qu'il lui serait possible, puisque son salaire ne devait pas varier; et le client pouvait savoir à l'avance, au moins approximativement, à quels frais le procès l'entraînerait.

Ce système n'a été admis que pour les affaires sommaires (V. no 598), et l'article 543 montre une des conséquences de son application.

« Art. 543. La liquidation des dépens et frais sera faite, en matière sommaire, par le jugement qui les adjugera. »

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Ajoutons avec l'art. 1er du décret du 16 février 1807: «..... A cet effet, l'avoué qui aura obtenu la condamnation remettra, dans le jour, au greffier tenant « la plume à l'audience, l'état des dépens adjugés, et la liquidation en sera << insérée dans le dispositif de l'arrêt ou jugement. »

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