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(VI à XV du livre V de la première partie). Les dispositions de la loi se réfèrent particulièrement au cas où le jugement établit entre les parties les rapports de créancier et de débiteur. Les poursuites d'exécution forcée supposent nécessairement un titre exécutoire dans la main du créancier, comme la grosse d'un jugement de condamnation prononcée à son profit, ou la grosse d'un acte notarié qui constate une convention productive d'obligation.

Les règles de l'exécution forcée ne sont que l'application du principe écrit dans l'art. 2097 du Code Napoléon: « Quiconque est obligé, est tenu de remplir son << engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. » Ajoutons que quelquefois la personne même du débiteur répond de l'acquittement de l'obligation (art. 2059 et 2060, C. N., 126 et 127, C. pr.).

Le créancier, porteur d'un titre exécutoire, peut donc exercer des poursuites sur les biens et contre la personne de son débiteur: sur les biens, par des saisies de meubles ou d'immeubles; contre la personne, par l'emprisonnement, lorsque la contrainte par corps a été prononcée par un jugement dans un des cas où la loi l'autorise. On peut d'ailleurs comprendre l'emprisonnement sous le nom général de saisie; c'est la saisie, la mise sous la main de justice de la personne du débiteur.

813. Le nom de saisie n'indique pas toujours un mode d'exécution forcée. Nous trouvons, il est vrai, dans le Code de procédure (livre V de la 1гe partie, titre XII et suiv.), la saisie-arrêt, la saisie-exécution, la saisie-brandon, la saisie des rentes, la saisie immobilière, la saisie de la personne ou l'emprisonnement; mais d'autres dispositions éparses dans le Code de procédure nous présenteront les règles de la saisie-gagerie (art. 819 et suiv.) de la saisie conservatoire (article 417) et de la saisie foraine (art. 822), enfin de la saisie-revendication (art. 826 ct suiv.), qui ne sont pas des voies d'exécution.

Caractérisons en peu de mots chacune de ces saisies.

La saisie-arrêt est l'acte par lequel un créancier fait défense aux débiteurs de son débiteur de se dessaisir du montant de ce qu'ils doivent en d'autres mains que celles du saisissant.

On peut définir la saisie-exécution, la mise sous la main de justice des meubles corporels du débiteur, suivie de leur vente aux enchères. La saisie-brandon et la saisie des rentes ne constituent que des espèces de saisies-exécutions, applicables l'une aux fruits pendants par racines, l'autre aux rentes, c'est-à-dire à des choses incorporelles.

La saisie immobilière est aux immeubles ce que la saisie-exécution est aux meubles : la mise sous la main de justice d'un ou de plusieurs des immeubles du débiteur suivie de leur vente aux enchères.

Dans les saisies gagerie, conservatoire et foraine, il faut voir des mises sous la main de justice d'objets mobiliers appartenant à un locataire, au débiteur d'une dette commerciale, à un débiteur forain, sans que la vente aux enchères de ces objets puisse être poursuivie quant à présent.

Enfin, par la saisie-revendication, une personne, qui se prétend propriétaire d'un meuble, le fait mettre sous la main de justice, jusqu'à ce que la question de propriété soit vidée. Mais le saisissant demande l'objet saisi lui-même, et non le prix qui proviendrait de la vente.

814. Ces diverses saisies se divisent en deux classes bien distinctes: les unes, telles que la saisie-exécution, la saisie-brandon, la saisie des rentes, la saisie immobilière, constituent des voies d'exécution forcée; elles sont l'exercice d'un droit certain, prouvé par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire; elles procurent directement au créancier le paiement de ce qui lui est dû, en lui permettant de faire vendre les biens du débiteur et de se faire payer sur le prix.

La saisie de la personne ou l'emprisonnement doit encore être rangée parmi les modes d'exécution forcée en ce sens que le créancier ne peut employer cette voie que s'il a entre les mains un titre exécutoire. Mais il arrive moins directement au paiement de ce qui lui est dû par cette voie que par la saisie des biens; il espère seulement forcer le débiteur à payer, en le gênant par la privation temporaire de sa liberté.

La saisie-gagerie, la saisie conservatoire, la saisie foraine, enfin la saisie-revendication, ne sont que des mesures de précaution. Celui qui fait saisir-gager les meubles de son locataire ou de son fermier, le créancier qui, au début de sa demande en payement, fait saisir conservatoirement les effets mobiliers de son débiteur, commerçant ou forain; le tiers qui revendique comme sienne une chose comprise dans une saisie-exécution pratiquée chez un autre, toutes ces personnes n'ont encore qu'un droit prétendu, mais non prouvé ; elles doivent intenter un procès pour faire reconnaître leur droit de créance ou de propriété, et se procurer le titre exécutoire qui leur manque; la saisie formée par elles a bien pour effet de mettre l'objet saisi sous la main de la justice; mais là s'arrête le droit du saisissant; il ne peut faire vendre la chose saisie. Quel est donc le but de ces sortes de saisies? Uniquement d'empêcher pendant l'instance la disparition des effets mobiliers sur lesquels le saisissant prétend avoir un droit de gage général (art. 2092 C. N.) ou spécial (art. 2102, 1°, C. N.), ou un droit de propriété.

Dans la procédure, une distinction notable sépare ces deux genres de saisies. Ainsi les saisies de précaution qui se forment sans titre exécutoire, qui ont pour but de mettre provisoirement la chose sous la main de la justice jusqu'à l'obtention du titre exécutoire, ne seront pas, ne pourront pas être précédées d'un commandement..

Au contraire, la loi exige que la signification d'un commandement précède toute saisie qui constitue une voie d'exécution forcée (art. 583, 636, 673, 780, Pr.).

On appelle commandement un exploit d'huissier par lequel une personne reçoit une injonction de payer en vertu d'un titre exécutoire, avec menace, si le payement n'est pas effectué, d'y être contrainte par certain mode déterminé d'exécution, et, suivant la menace qu'il contient, on le nomme commandement tendant à la saisie mobilière ou immobilière, à la contrainte par corps, etc. Outre ce caractère de premier acte d'exécution, le commandement produit des effets juridiques. Ainsi, par exemple, le commandement interrompt la prescription (art. 2244 C. N.). Et retenez bien que l'acte d'huissier contenant l'ordre de payer, mais non fondé sur un titre exécutoire, cesserait d'être un commandement, pour ne constituer qu'une simple sommation, incapable de produire les effets du commandement.

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D'après ces données, il est facile de reconnaître le caractère des diverses saisies par le début de leur procédure. Toute saisie qui, d'après la loi, doit être précédée d'un commandement, rentrera dans les voies d'exécution, tandis que celles qui sont pratiquées sans commandement préalable appartiennent à la classe des mesures de précaution.

Cependant la rédaction de l'art. 819 du Code de procédure semble donner un démenti au principe que je viens de poser. D'après cet article, en effet, « les << propriétaires ou principaux locataires de maisons ou biens ruraux, soit qu'il « y ait bail, soit qu'il n'y en ait pas, peuvent, un jour après le commandement, « faire saisir-gager, etc. » Mais évidemment, ce n'est là qu'une inexactitude de rédaction; l'art. 819 lui-même prévoit le cas où il n'y a pas de bail, ou plus exactement, où il n'y a pas d'écrit, où le bail est purement verbal; or, comment concevoir, dans ce cas, un commandement qui présuppose nécessairement un titre exécutoire? Si, d'ailleurs, le propriétaire non payé était porteur d'un titre exécutoire, il ferait pratiquer sans aucun doute, non pas une saisie-gagerie, mais une saisie-exécution, moyen beaucoup plus direct de parvenir au payement effectif de sa créance de loyers. Aussi faut-il reconnaître que les rédacteurs du Code de procédure ont employé un terme impropre dans l'art. 819, et que le mot sommation doit y être substitué à celui de commandement.

Dans cette classification des saisies, vous avez pu remarquer que j'ai passé sous silence l'une des plus importantes, des plus pratiques; je veux parler de la saisie-arrêt. Elle n'appartient, en effet, d'une manière exclusive, ni à l'une ni à l'autre branche de notre division, et mérite à ce titre une mention particulière. La saisie-arrêt, comme le prouvent les art. 557 et 558., Pr., peut être formée sans titre exécutoire, et par conséquent ne présente pas au début de la procédure les caractères d'une voie d'exécution forcée; mais, d'autre part, elle a pour but d'arriver à contraindre le tiers saisi à déclarer ce qu'il doit au saisi et à payer le montant de sa déclaration au saisissant, ou, suivant l'expression consacrée, à vider ses mains dans celles du saisissant. La saisie-arrêt est donc, dans son origine, une mesure de précaution, mais elle a pour but une exécution forcée, et notez ce point, une exécution forcée à l'égard d'un tiers.

- C'est, en effet, ce caractère d'exécution forcée à l'égard d'un tiers qui explique la place que le titre de la saisie-arrêt occupe dans le Code. Il peut sembler étrange, au premier abord, que les règles relatives à cette saisie, qui n'est pas complétement une voie d'exécution, soient exposées les premières après les règles générales sur l'exécution forcée des jugements ou actes (tit. VI, liv. V, 1re part.), et qu'ainsi la saisie-arrêt semble, dans l'esprit du législateur, figurer au premier rang parmi les modes d'exécution forcée.

Mais telle n'est point la pensée du législateur. Rappelons-nous que le titre VI art. 545 à 556) contient les règles générales sur l'exécution forcée, dont les titres suivants, VII à XV (art. 557 à 805), développent les détails. Or, de même que le législateur, dans le titre VI, expose d'abord dans les art. 548 à 550 les règles générales de l'exécution forcée à l'égard des tiers, pour ne passer qu'ensuite, dans les art. 551 et suivants, aux règles générales de l'exécution forcée à l'égard du débiteur lui-même, de même, en entrant dans les détails, suivant le même ordre d'idées, il s'est occupé en premier lieu de la saisie-arrêt, moyen d'arriver à l'exécution forcée à l'égard d'un tiers, pour placer au second rang l'exposition

des règles particulières aux différents modes d'exécution forcée contre le débiteur.

L'orateur du conseil d'État, en présentant au Corps législatif le livre V relatif à l'exécution des jugements, s'exprimait en ces termes: «Ainsi, dans le titre VII, sont tracées les règles d'après lesquelles on pourra exécuter par voie de saisie et opposition entre les mains d'un tiers. »

Ainsi le titre des saisies-arrêts doit donc, pour se conformer à l'esprit de la loi, former une classe à part dont nous allons d'abord nous occuper.*

TITRE VII

DES SAISIES-ARRÊTS OU OPPOSITIONS.

815. Le principe de cette voie d'exécution, comme celui de toutes les autres, est dans l'art. 2092 du Code Napoléon : « Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, présents et à venir. » Sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, et par conséquent, sur tous ses biens, soit corporels soit incorporels; en d'autres termes, sur ses droits, sur ses créances, aussi bien que sur les immeubles ou sur les meubles matériels qui peuvent lui appartenir.

Ainsi, mon débiteur a des meubles en dépôt chez une tierce personne, ou bien il est créancier d'une tierce personne, soit d'une somme d'argent, soit de toute autre valeur ou quantité mobilière, je puis faire signifier à cette personne, au débiteur de mon débiteur, défense de remettre entre ses mains les meubles qu'elle détient pour son compte, ou défense de s'acquitter envers lui des sommes dont elle est sa débitrice; le tout afin que ces meubles restent mon gage, afin que ces créances ne s'éteignent pas par le paiement; et pour qu'en définitive, en vertu du jugement que j'obtiendrai, ces meubles soient vendus, et que le prix m'en soit attribué, ou pour que le montant de ces créances soit versé directement dans mes mains.

Pothier, dans son Traité de la procédure civile, donne de la saisie-arrêt ou opposition (ces deux mots sont maintenant synonymes) une définition qui, sauf de légères nuances de détail, convient à cette procédure telle qu'elle est tracée par le Code. « On peut définir la saisie-arrêt, dit-il, un acte judiciaire, fait par le ministère d'un huissier, par lequel un créancier met sous la main de la justice les créances qui appartiennent à son débiteur, avec assignation aux débiteurs de son débiteur, pour déclarer ce qu'ils doivent, et être condamnés à en faire délivrance à l'arrêtant, jusqu'à concurrence de ce qui lui est dû, et assignation au débiteur de l'arrêtant pour consentir l'arrêt. »

L'idée fondamentale de la définition de Pothier est encore celle du Code: Acte d'huissier par lequel un créancier met sous la main de justice les créances de son débiteur en signifiant au débiteur de celui-ci défense de s'acquitter en ses mains.

Dans cette procédure, le créancier, l'auteur de la saisie, celui à la requête duquel est signifié cet acte de défense, prend naturellement le nom de saisissant ;

celui auquel cette défense est signifiée prend le nom de tiers saisi; et celui auquel le paiement devait être fait, le débiteur dans les mains de qui il est défendu de payer, prend le nom de débiteur saisi ou simplement de saisi. Ainsi, Primus est créancier de Secundus pour 10,000 fr. ; il apprend que Tertius doit à son débiteur Secundus une somme égale ou plus forte; Primus, faisant défense à Tertius de payer à Secundus ce que Tertius doit à Secundus, Primus prend le nom de saisissant, Tertius, à qui la défense est faite, est le tiers saisi; et Secundus, débiteur de Primus et créancier de Tertius, est le débiteur saisi, ou simplement le saisi.

Telles sont les expressions consacrées par l'usage, et même par la loi dans l'art. 563.

816. Nous avons vu que la saisie-arrêt offrait un double caractère, qu'elle était un acte conservatoire, un acte de pure précaution dans sa nature et dans son principe, mais un acte d'exécution dans sa tendance et dans ses résultats (1).

La conséquence de cette distinction, je l'ai déjà dit, c'est que, quoique le législateur ait placé la saisie-arrêt au nombre des voies d'exécution forcée, cependant, dès les premiers articles de ce titre, il dispense expressément la saisie-arrêt de la condition fondamentale de toute voie d'exécution, de l'existence d'un titre exécutoire dans les mains du créancier qui poursuit, et reconnait par là même qu'au moins dans son principe elle n'est pas, à proprement parler, un acte de véritable exécution. En effet l'art. 557 est ainsi conçu :

« Art. 557. Tout créancier peut, en vertu de titres authentiques ou privés, saisir-arrêter, entre les mains d'un tiers, les sommes et effets appartenant à son débiteur, ou s'opposer à leur remise. »

« Art. 558. S'il n'y a pas de titre, le juge du domicile du débiteur, et même celui du domicile du tiers saisi, pourront, sur requête, permettre la saisie-arrêt et opposition. >>

Ainsi, non-seulement on n'exige pas que le titre authentique qui sert de base à la saisie-arrêt soit revêtu de la formule exécutoire, conformément aux art. 545 et 551, on n'exige même pas que le titre soit authentique, et on permet de saisirarrêter en vertu d'un simple acte privé, sans aucune permission, sans aucune intervention du juge.

L'art. 558 va plus loin encore, il permet au créancier, qui n'est muni ni d'un titre authentique, ni même d'un acte privé, de saisir-arrêter dans les mains des débiteurs de son débiteur en vertu d'une permission du juge obtenue sur requête. Le juge dont il est ici question, c'est évidemment le président du tribunal de première instance ou le juge qui le remplace; et, pour faciliter encore plus l'exécution de cette mesure tout à fait conservatoire, la permission peut être donnée soit par le juge du domicile du débiteur, soit par le juge du domicile du tiers saisi. Ainsi, dans l'espèce déjà posée, Primus voulant empêcher Tertius, débiteur de son débiteur Secundus, de payer dans les mains de celui ci, pourra, à défaut de titre, obtenir permission de saisir, soit du juge du domicile de Secundus, soit même du juge du domicile de Tertius, parce qu'il y a urgence et que le

(1) C. de Douai, 10 décembre 1836 (Dall., Rép., vo Saisie-arrêt, n.7).

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