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qu'au parfait payement. Ainsi Paul est créancier de Pierre d'une somme de 20,000 francs, productive d'intérêts à 5 pour 100. Paul sera colloqué dans la contribution non-seulement pour son capital, mais aussi pour les intérêts échus et non payés. La somme de ces intérêts, s'ajoutant à la somme du capital, augmente le chiffre de sa créance, et, par suite, celui de sa part contributoire. L'accumulation de ces intérêts et leur addition au capital cesseront aux époques fixées par l'art. 672; mais le débiteur doit les intérêts jusqu'au parfait payement. Si donc il revenait à meilleure fortune, les créanciers pourraient exiger de lui le payement des intérêts qui auraient couru entre les époques fixées par l'article 672, et le payement effectif de leurs créances, pourvu qu'il n'y ait aucune négligence à reprocher aux créanciers.

→ 909. Pour terminer cette matière, il nous reste à examiner quels effets produit la survenance de nouvelles sommes à distribuer pendant la procédure de contribution,

Régulièrement, la distribution de ces nouvelles sommes nécessiterait une nouvelle procédure, une nouvelle contribution entièrement distincte de la première. Toutefois le tribunal peut, si les créanciers le demandent et s'il ne s'élève pas de réclamations, joindre les contributions sur l'ancienne et les nouvelles sommes à distribuer; mais cette jonction n'a pas lieu de droit, et quelquefois des intérêts légitimes s'y opposeront. Il faut d'abord supposer, pour que la jonction des deux contributions soit possible, que les mêmes créanciers figurent à l'une et à l'autre. Mais des créanciers, qui n'ont pas produit à la contribution ouverte sur la première somme à distribuer, peuvent produire à la contribution ouverte sur la nouvelle somme à distribuer. Il y aura nécessité de régler séparément les deux contributions, puisque la nouvelle comprend des créanciers qui ne figurent pas dans la première.

Il peut encore arriver que des créanciers, qui, par suite de la forclusion prononcée par l'art. 660, ne participent pas à la distribution des deniers de la première contribution, se présentent à la seconde. La forclusion qu'ils ont encourue dans la première contribution ne saurait leur être opposée pour les écarter de la contribution qui doit s'ouvrir sur la nouvelle somme à distribuer. *

QUARANTE-DEUXIÈME LEÇON

DE LA SAISIE IMMOBILIÈRE (C. D.).

910. La saisie des immeubles du débiteur a dû être environnée de formes beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus compliquées que la saisie des meubles. En effet, les immeubles ont, en général, plus d'importance que les meubles. D'autre part, dans notre droit, la transmission des meubles s'opère plus facilement que celle des immeubles, comme le prouve la règle : En fait de meubles, possession vaut titre. De cette règle (art. 2279, C. N.), il résulte que l'adjudicataire d'un meuble saisi achète avec plus de sécurité que l'adjudicataire d'un immeuble saisi, puisque le premier ne craint pas, comme le second, qu'un

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tiers revendique la chose adjugée. Ce n'est pas tout : les immeubles sont susceptibles d'hypothèque, les meubles ne le sont pas; et, comme l'adjudication sur saisie immobilière a pour effet, ainsi que nous le verrons, de purger les hypothèques qui grèvent l'immeuble saisi, il est nécessaire d'appeler, de lier à la procédure les créanciers qui se trouvent directement intéressés dans la saisie, puisque l'adjudication qui doit la terminer anéantira leur droit hypothécaire.

Le législateur, qui s'occupe de la saisie immobilière, se trouve en présence de plusieurs intérêts opposés. D'une part, si les formalités sont simples et peu nombreuses, on trouvera une grande économie de temps et de frais; les créanciers seront payés plus tôt, et l'ajudicataire, devant supporter moins de frais, pourra offrir un prix plus élevé, qui profitera à la fois aux créanciers par l'augmentation de la somme à distribuer, et au débiteur qui sera libéré d'autant. Mais aussi une trop grande simplicité de formes et une trop grande rapidité dans les poursuites ôteraient au débiteur les garanties protectrices de sa propriété, ne laisseraient pas aux créanciers le temps de surveiller une vente qui les intéresse puisqu'elle doit purger leurs hypothèques et nuiraient à l'élévation du prix, en écartant des enchérisseurs qui n'auraient pas le temps de réfléchir et de prendre des renseignements.

D'autre part, la lenteur et la multiplicité exagérées des formalités, indépendamment du retard qu'elles apportent au paiement des créances, frapperaient la propriété même; car les capitaux se portent là où le prêteur trouve le plus de crédit et le plus de facilité à rentrer dans ses fonds. La propriété foncière offre aux prêteurs un crédit suffisant; mais, si les lenteurs de la saisie et de l'ordre rejettent dans un avenir lointain la possibilité du remboursement effectif de la créance hypothécaire, les capitaux alors se portent de préférence vers l'industrie, vers les fonds publics, qui, sans offrir autant de crédit, présentent la certitude d'un remboursement ou d'une cession plus facile; et, si les capitaux abandonnent ainsi les placements hypothécaires, cette désertion rejaillit sur l'agriculture, et peut nuire à la prospérité publique elle-même.

Le législateur a donc besoin d'une extrême prudence pour marcher d'un pas sûr entre ces deux écueils, et concilier à la fois l'intérêt public et l'intérêt privé, celui des créanciers et celui du propriétaire. On ne doit donc pas s'étonner de trouver des tâtonnements, des variations, dans les lois qui se sont succédé sur la saisie immobilière.

911. Dans l'ancien droit, le silence de l'ordonnance de 1667 sur cette matière avait donné naissance à des procédures différentes dans le ressort des divers tribunaux. Elles encouraient, d'ailleurs, toutes un reproche commun : c'est que partout la vente forcée des immeubles, hérissée de formalités sans nombre, aussi dispendieuses qu'inutiles, achevait la ruine du débiteur sans satisfaire les créanciers.

M. Réal, en présentant au Corps législatif le projet du titre de la Saisie immobilière, disait :

« François 1er en 1539, et Henri II, en 1551, avaient essayé de régler cette im<< portante partie de l'exécution d'un jugement; mais la majeure partie des dis« positions contenues dans ces lois était regardée, par beaucoup de tribunaux,

«< comme tombée en désuétude : beaucoup d'autres tribunaux ne les exécutaient << en aucune manière.

« Ces deux lois fondamentales de l'ancien code des criées n'avaient pas d'ail« leurs prévu avec assez de soin beaucoup de circonstances et de difficultés. Il << a donc fallu, même dans les ressorts où elles recevaient une sorte d'exécution, <«< ajouter des formalités nouvelles à celles qu'elles prescrivaient. Ces formalités « étaient établies par des déclarations générales, ou particulières à un tribunal, « par des règlements de cours souveraines, par l'usage et la jurisprudence, et par les coutumes.

<«< De là, incohérence dans tout le système; obscurité, incertitude de la légis«<lation; de là, d'inextricables difficultés, des procès éternels, etc. »>

Pour donner une idée sommaire de l'histoire de la procédure relative à la saisie immobilière, j'essaierai d'abord de présenter un tableau succinct de la procédure qui conduisait à la vente par décret forcé; on appelait décret l'adjudication qui se faisait en justice à la suite de la saisie. Je laisserai de côté toutes les variations que présentaient les usages des différents tribunaux pour offrir l'ensemble général de cette procédure.

Pothier, à qui nous empruntons ces détails, appelle cette saisie saisie réelle, par suite de l'usage, alors reçu en procédure, de donner au mot réel le sens d'immobilier (1).

On commençait les poursuites par un commandement suivi du procès-verbal de saisie. De ce que la saisie réelle ou immobilière était une mise de l'immeuble sous la main de justice, on en concluait que le débiteur devait être dessaisi de l'administration, et on nommait un commissaire à la saisie réelle, qui offrait quelque analogie avec les gardiens dont nous avons parlé au titre de la Saisieexécution.

Mais, comme ici la chose à garder était beaucoup plus importante, que la procédure durait quelquefois fort longtemps, et qu'il était important, soit pour le débiteur, soit pour les créanciers, que ce commissaire offrît des garanties de solvabilité pour répondre de sa gestion, un édit de 1626 avait créé des offices publics de commissaires aux saisies réelles. Les titulaires de ces offices devaient donner caution jusqu'à concurrence de certaines sommes. Ils avaient notamment pour mission de faire enregistrer la saisie, et de faire procéder aux baux judiciaires des biens saisis. Sans rechercher ex professo quand il y avait ou non lieu à bail judiciaire, constatons qu'en général ce bail judiciaire était nécessaire, c'est-à-dire qu'il y avait lieu à faire adjuger à l'audience au plus offrant et dernier enchérisseur le droit au bail à loyer ou à ferme de l'immeuble saisi. Et on comprendra quels frais entraînait cet incident de la saisie immobilière, si je dis que, pour arriver à l'adjudication du droit au bail, le commissaire assignait le saisi, le saisissant et le plus ancien procureur des créanciers opposants, qu'il y avait apposition d'affiches, que l'adjudication était précédée au moins de trois remises ou publications à l'audience, et que chacun de ces jugements de remises était signifié, à la requête du commissaire, aux parties ci-dessus dénommées.

(1) Plus tard, nous trouvons dans les lois de messidor an III, du 11 brumaire an VII, et dans le Code Napoléon, le nom d'Expropriation forcée, et entin, dans le Code de procédure, le nom de Saisie immobilière.

Pour la vente de l'immeuble, on procédait aux criées; c'étaient des proclamations faites le dimanche à l'issue de la messe, par lesquelles un sergent annonçait au public que tel héritage était saisi réellement, et serait vendu par décret. Comme l'édit de 1551, qui régissait ces criées, n'en avait pas déterminé le nombre, il variait suivant les circonstances. Pothier nous apprend qu'on en faisait cinq dans la coutume d'Orléans, et qu'elles devaient se succéder dans certains délais; si l'ordre n'avait pas été observé, il fallait les recommencer toutes. La première et la dernière étaient suivies d'affiches dans des lieux déterminés. Après les criées et leur certification, on passait à la procédure qui avait pour but d'obtenir du tribunal le congé ou l'autorisation d'adjuger. Quand la sentence portant congé d'adjuger avait été obtenue, s'il n'y avait pas d'appel de cette sentence, ou si elle avait été confirmée sur l'appel, on arrivait enfin à la procédure en exécution du congé d'adjuger. Le saisissant mettait une enchère au greffe ; cette enchère représentait la mise à prix. Il se faisait délivrer expédition de cette enchère, la signifiait et la faisait afficher en des lieux déterminés. Toutes personnes pouvaient alors, pendant quarante jours, faire des enchères au greffe. Puis elles étaient lues à l'audience, et on adjugeait l'immeuble au plus offrant. Mais cette première adjudication n'avait lieu que sauf quinzaine, et ce n'était qu'après trois remises semblables de quinzaine en quinzaine qu'on parvenait enfin à l'adjudication pure et simple, à l'audience, au plus offrant et dernier enchérisseur, adjudication précédée, comme on le voit, de tant de procédures, de significations, de vacations, et par conséquent de frais.

Remarquez que je ne vous ai présenté jusqu'ici que la procédure d'une saisie dégagée d'incidents. Mais, pendant l'accomplissement de toutes ces formalités, très-souvent, par exemple, des oppositions étaient formées au greffe du tribunal où la saisie était enregistrée. On en reconnaissait quatre sortes : l'opposition, afin d'annuler, formée par le saisi; l'opposition afin de distraire, formée par un tiers qui revendiquait l'immeuble saisi ; l'opposition à fin de charge, formée également par des tiers qui prétendaient avoir sur cet immeuble des charges, comme un usufruit, une servitude, etc. Ces trois sortes d'oppositions retardaient l'adjudication jusqu'à ce qu'il eût été statué sur leur validité. Enfin, les créanciers hypothécaires, qui ne voulaient pas qu'on partageât sans eux le prix de l'adjudication, formaient l'opposition afin de conserver. Mentionnons encore en passant les incidents relatifs au concours de saisies, aux demandes de subrogation dans la poursuite, aux demandes en provision formées par le saisi, sa femme ou certains créanciers, etc.

Maintenant, si je complète la citation que j'ai commencée plus haut, on comprendra parfaitement comment l'orateur du conseil d'État ajoutait : «< De là ces / « poursuites dont le premier acte pouvait remonter à plus d'un siècle ; qui, << transmises et vendues comme un héritage, enrichissaient successivement plu«<sieurs officiers ministériels aux dépens des héritiers et des créanciers, dont les « droits s'anéantissaient par l'extinction ou la dispersion de leur postérité. »

Les réformes appelées par la révolution de 1789 exigeaient donc particulièrement une loi sur la saisie immobilière. On se proposait notamment de rendre la législation uniforme sur cette matière, et de simplifier une procédure dont les lenteurs et les frais retombaient sur le débiteur et sur les créanciers.

Un premier essai fut tenté par la loi du 9 messidor an III. Cette loi, qui porte

le nom de Code hypothécaire, établissait à la fois un régime hypothécaire nouveau et des formes nouvelles d'expropriation forcée. Elle devait recevoir son exécution à partir du 1er nivôse (1) suivant. Mais cette mise à exécution fut successivement prorogée par les lois du 26 frimaire, du 19 ventôse, du 19 prairial, du 24 thermidor an IV et du 28 vendémiaire an V. Cette dernière renvoyait indéfiniment l'introduction du nouveau régime hypothécaire jusqu'à la publication de la loi qui devait définitivement statuer sur les modifications dont la loi du 9 messidor an III était susceptible. La loi de messidor se trouvait donc condamnée d'avance; elle ne reçut en effet aucune exécution, et les anciennes procédures des criées, avec tous leurs inconvénients, continuèrent d'être appliquées jusqu'aux lois du 11 brumaire an VII, dont la première (art. 56) abrogeait d'ailleurs expressément cette loi du 9 messidor an III, qui n'avait jamais été exécutée. Deux lois furent en effet portées à la date du 11 brumaire an VII, l'une sur le régime hypothécaire, l'autre sur les expropriations forcées. La première établissait un nouveau système hypothécaire, basé sur la publicité et la spécialité. La seconde, faite pour remédier aux abus des anciennes procédures des criées, réduisit les formes des expropriations forcées à la plus extrême simplicité. Le saisissant, d'après cette loi, faisait au débiteur un commandement à trente jours. Après ce délai, il fallait apposer, dans les lieux déterminés, des affiches annonçant la vente; ces affiches valaient saisie des biens qui y étaient spécifiés. Les affiches et les procès-verbaux constatant leur apposition devaient être signifiés dans les cinq jours au saisi et aux créanciers inscrits. Enfin, après vingt jours au moins, un mois au plus, il était procédé à l'adjudication aux enchères devant le tribunal civil de la situation des biens. La loi de brumaire avait gardé le silence sur la procédure des incidents qui pouvaient s'élever pendant les poursuites. Cette loi si simple, trop simple dans ses formes, produisit les plus funestes résultats. En effet, comme nous l'avons dit précédemment, une loi sur la saisie immobilière doit tenir compte à la fois et du droit de propriété dans la personne du débiteur, et de la juste impatience qu'ont les créanciers de toucher ce qui leur est dû. Or, la loi de brumaire n'avait suffisamment garanti ni l'un ni l'autre de ces intérêts légitimes. Ainsi, d'une part, le débiteur de bonne foi était exposé à perdre sa propriété avant d'avoir connu les poursuites ou d'avoir pu y défendre; d'autre part, le silence de la loi sur la procédure des incidents de l'expropriation forcée les laissait nécessairement sous l'empire du droit commun, les soumettait en conséquence à toutes les lenteurs d'une instance ordinaire. Il résultait de là qu'un débiteur de mauvaise foi, en multipliant des incidents plus ou moins fondés, pouvait se jouer de ses créanciers, augmenter considérablement les frais, et reculer démesurément la vente, et, par suite, la distribution du prix. Ainsi la procédure d'une saisie dégagée d'incidents était trop rapide, celle chargée d'incidents ne l'était pas assez.

Le Code Napoléon, à son tour, s'occupa de cette matière dans les titres XVIII et XIX du livre III, savoir: des hypothèques dans le titre XVIII, et de la saisie

(1) L'art. 1er de la loi de messidor an III place, il est vrai, la date de sa mise à exécution au 1er ventôse suivant; mais, outre que les art. 255 et suivants de la même loi fixent cette date au fer nivôse, la loi du 26 frimaire an IV cite expressément l'art. Ier de la loi de messidor, comme indiquant la date du 1er nivôge.

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