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en ce que, dans ce dernier cas, le débiteur allègue que l'emprisonnement est injuste ou irrégulier, tandis que la demande en élargissement se concilie trèsbien avec l'idée d'un emprisonnement fondé en droit et régulier en la forme au moment où il a été opéré.

L'article 798 nous a donné l'exemple d'un élargissement provisoire qui peut être obtenu pendant l'instance en nullité au moyen de certaines conditions. L'article 800 nous montrera quelles sont les causes qui donnent lieu à une demande en élargissement. Les articles 801, 802, 803 et 804 seront expliqués avec l'article 800.

Art. 800. Le débiteur légalement incarcéré obtiendra son élargissement : 1o par le consentement du créancier qui l'a fait incarcérer et des recommandants, s'il y en a ; 2o par le paiement ou la consignation des sommes dues tant au créancier qui a fait emprisonner qu'aux recommandants, des intérêts échus, des frais liquidés, de ceux d'emprisonnement et de la restitution des aliments consignés ; — 3° par le bénéfice de cession; 4° à défaut par les créanciers d'avoir consigné d'avance les aliments; 5° et enfin, si le débiteur a commencé sa soixante-dixième année, et si, dans ce dernier cas, il n'est pas stellionataire. »>

1° Par le consentement du créancier et des recommandants, s'il y en a. Dans quelle forme ce consentement doit-il être donné? L'article 801 s'est expliqué sur ce point :

« Art. 801. Le consentement à la sortie du débiteur pourra être donné soit devant notaire, soit sur le registre d'écrou. »

Le geôlier pourrait aussi mettre le débiteur en liberté, sur la représentation d'un jugement qui donnerait acte au débiteur du consentement du créancier incarcérateur et des recommandants, s'il y en a. Mais le geôlier n'est pas tenu d'ajouter foi à l'acte sous seing privé portant consentement du créancier, et qui, peut-être, n'émane pas de lui.

2o Par le paiement ou la consignation des sommes dues..., etc. Cette disposition a été modifiée par l'article 24 de la loi du 17 avril 1832, qui a singulièrement adouci la position du débiteur ; cet article est ainsi conçu : « Le débiteur, si la « contrainte par corps n'a pas été prononcée pour dette commerciale, obtiendra son « élargissement en payant ou consignant le tiers du principal de la dette et de « ses accessoires, et en donnant pour le surplus une caution acceptée par le « créancier, ou reçue par le tribunal civil dans le ressort duquel le débiteur « sera détenu. » Et l'art. 25 ajoute : « La caution sera tenue de s'obliger soli« dairement avec le débiteur, à payer, dans un délai qui ne pourra excéder une «< année, les deux tiers qui resteront dus. » Cette disposition, qui permet au débiteur de sortir de prison moyennant la consignation du tiers seulement de la dette principale et de ses accessoires, nous présente une dérogation notable au principe de l'indivisibilité du paiement de la dette entre le créancier et le débiteur (art. 1244 du Code Nap., 1er alinéa). L'article 1244, 2° alinéa, permet, il est vrai, aux tribunaux, en usant de ce pouvoir avec une grande réserve, d'accorder des délais pour le paiement, et, suivant l'interprétation générale, de fractionner la dette en divers paiements. Mais nous avons vu sur l'article 122 du Code de procédure que ces délais ne pouvaient être accordés que par un jugement (V. n° 256).

Ici la loi permet au débiteur emprisonné de sortir de prison en payant un tiers de la dette seulement, et, par conséquent, de fractionner le paiement, même sans jugement.

Ces articles 24 et 25 de la loi du 17 avril 1832 n'étaient applicables, d'après l'article 24, que si la contrainte par corps n'avait pas été prononcée pour dette commerciale; mais l'article 6 de la loi du 13 décembre 1848 les a déclarés applicables aux matières commerciales.

Des frais liquidés. L'art. 23 de la loi de 1832 explique quels sont les frais. Entre les mains de qui se fait cette consignation? L'article 802 répond à cette question:

« Art. 802. La consignation de la dette sera faite entre les mains du geôlier, sans qu'il soit besoin de la faire ordonner; si le geôlier refuse, il sera assigné à bref délai devant le tribunal du lieu, en vertu de permission: l'assignation sera donnée par l'huissier commis. »

Le geôlier remettra cette somme au créancier, et, si ce dernier ne l'accepte pas dans les vingt-quatre heures, le geôlier la déposera à la Caisse des dépôts et consignations, conformément à la disposition du n° 4 de l'article 2 de l'ordonnance du 3 juillet 1816, que j'ai déjà cité sur l'article 798.

3° Par le benéfice de cession. Le bénéfice de cession est un moyen accordé par la loi au débiteur malheureux et de bonne foi de se soustraire à la contrainte par corps en abandonnant tous ses biens à ses créanciers (art. 1268, C. N.). La loi du 28 mai 1838 a enlevé le bénéfice de cession aux débiteurs commerçants (art. 541 C. comm.). Ce bénéfice n'est donc plus applicable qu'en matière civile; nous trouverons dans les articles 808 et suiv. de notre Code les détails relatifs à la procédure du bénéfice de cession.

4o A défaut par les créanciers d'avoir consigné d'avance les aliments. Nous avons déjà vu quel était le taux de ces aliments, et que la consignation devait en être faite d'avance au moins pour un mois, et renouvelée avant l'expiration du temps pour lequel était faite la consignation précédente. Dès qu'il n'y a plus aucune somme consignée pour aliments, dès que le mois, par exemple, pour lequel la consignation était faite est expiré, sans qu'une nouvelle consignation ait eu lieu, le débiteur peut former sa demande en élargissement. Seulement, on admet que la demande en élargissement n'est plus recevable si le créancier, qui était en retard de faire la consignation d'aliments, l'effectue avant que le débiteur ait formé sa demande. Réciproquement, dès que la demande en élargissement est formée, il est trop tard pour opérer la consignation. L'article 30 de la loi du 17 avril 1832 dispense le débiteur d'avoir recours, pour former cette demande, à un avoué ou à un huissier, qui ne sont pas à sa disposition; cet article porte: «En cas d'élargissement faute de consignation d'aliments, il suffira que la re« quête présentée au président du tribunal civil soit signée par le débiteur dé<< tenu et par le gardien de la maison d'arrêt pour dettes, ou même certifiée « véritable par le gardien, si le détenu ne sait pas signer.

« Cette requête sera présentée en duplicata; l'ordonnance du président, aussi «< rendue par duplicata, sera exécutée sur l'une des minutes qui reste entre <«<les mains du gardien; l'autre minute sera déposée au greffe du tribunal et « enregistrée gratis. »

Dès que la requête a été présentée au président, la demande est formée, et une nouvelle consignation d'aliments par le créancier ne pourrait plus mettre obstacle à la mise en liberté (art. 803, 2o alinéa) (1). L'article 804 (C. pr.) autorisait le créancier, sous certaines conditions, à faire emprisonner de nouveau le débiteur élargi faute de consignation d'aliments; mais cet article a été abrogé par l'article 31 de la loi du 17 avril 1832, qui défend d'incarcérer de nouveau, pour la même dette, le débiteur mis en liberté faute de consignation d'aliments. 5o Et enfin, si le débiteur a commencé sa soixante-dixième année, et si, dans ce dernier cas, il n'est pas stellionataire. Cette disposition, qui ne fait que reproduire une partie de l'art. 2066 (C. N.), a été étendue à la contrainte par corps en matière commerciale par l'article 4 de la loi du 17 avril 1832. Des dispositions toutes spéciales relativement à la contrainte par corps en matière criminelle, correctionnelle ou de police à l'égard des septuagénaires, sont écrites dans l'article 40 de la loi du 17 mars 1832 et dans l'article 8 de la loi du 13 décembre 1848. Le débiteur obtient encore sa mise en liberté par l'expiration du temps fixé par le jugement. Ce temps doit être circonscrit entre un minimum de six mois et un maximum de cinq ans pour les matières civiles (V. art. 12, loi du 13 décembre 1848, qui modifie l'art. 7 de la loi du 17 avril 1832). Pour les matières commerciales, la loi a gradué la durée de la contrainte par corps d'après l'importance de la dette (V. art. 4, loi du 13 décembre 1848, qui modifie l'art. 5 de la loi du 17 avril 1832; V. aussi l'art. 5 de la loi du 13 décembre 1848). Pour la durée de la contrainte par corps contre les étrangers, V. l'art. 17 de la loi du 17 avril 1832.

Enfin l'élargissement sera encore obtenu par le débiteur, si la créance est éteinte pendant la durée de l'emprisonnement par un moyen quelconque d'extinction de la dette, autre que le paiement dont nous avons parlé précédemment.

Le débiteur malade peut aussi obtenir sa translation dans une maison de santé, et si l'utilité ou la nécessité de cette translation est contestée par les créanciers, le tribunal statuera sur la difficulté.

1066. « Art. 805. Les demandes en élargissement seront portées au tribunal dans le ressort duquel le débiteur est détenu. Elles seront formées à bref délai, au domicile élu par l'écrou, en vertu de permission du juge, sur requête présentée à cet effet: elles seront communiquées au ministère public, et jugées, sans instruction, à la première audience, préférablement à toutes autres causes, sans remise à tour de rôle. »

Cet article a pour but d'abréger autant que possible la procédure des demandes en élargissement; il s'agit de l'objet qui exige la plus grande célérité possible, la liberté. Ces formalités, que la lecture de l'article fait suffisamment comprendre, s'appliquent à toutes les demandes en élargissement, excepté à celles fondées sur le défaut de consignation d'aliments, pour lesquelles l'article 30 de la loi du 17 avril 1832 a tracé des formes spéciales. *

Douai, 1er septembre 1824.

(1) C. de Riom, 7 juillet 1817. Cass., 27 août 1821. Nancy, 18 mai 1829 (Dall., Rép., vo Contrainte par corps, no 1081). (Dall., 1851, 5, 122).

Caen, 26 août 1846

TITRE XVI

DES RÉFÉRÉS.

1067. Dans le livre II, sous la rubrique DES TRIBUNAUX INFÉRIeurs, nous avons distingué avec le Code trois genres, trois degrés d'instruction parfaitement séparés l'instruction ordinaire, dont les formes sont réglées par les art. 77 et suivants; l'instruction par écrit, instruction plus compliquée, mais exceptionnelle, dont les formes sont indiquées dans les art. 93 et suivants; et enfin, dans les art. 404 et suivants, nous avons vu certaines procédures appelées sommaires dans lesquelles la loi, à raison de la simplicité ou de l'urgence de l'affaire, abrége la marche générale, habituelle, des procédures qui précèdent. Or, de même que dans les art. 404 et suivants la loi a abrégé les délais et simplifié les formes, à raison de l'urgence ou de la simplicité, de même, dans le titre auquel nous arrivons, dans le titre des référés, nous trouvons une marche de procédure plus simple, plus expéditive, plus sommaire encore, autorisée pour certains cas où l'urgence acquiert un degré de gravité encore plus élevé.

Mais cette première idée nous conduit à une première question. Si les référés ne sont qu'une voie d'instruction plus simple, plus expéditive, plus sommaire que celles qui précèdent, pourquoi le titre qui trace et développe ces règles n'estil pas placé à la suite des titres relatifs à l'instruction, soit ordinaire, soit sommaire? Pourquoi est-ce dans un livre absolument étranger à l'instruction proprement dite, à la suite des règles de l'exécution, qu'on est venu rejeter ce qui semblait bien mieux placé plus haut, à la suite des matières sommaires?

On peut donner plusieurs raisons de ce classement, bizarre au premier aspect. D'abord, si l'on n'a pas placé la matière des référés au milieu des règles d'instruction dans le livre II, et, par exemple, après les matières sommaires, si on l'a rejetée dans le livre qui traite de l'exécution, c'est peut-être parce que la procédure des référés est principalement usitée pour débattre et pour trancher sans délai les difficultés qui s'élèvent dans l'exécution des jugements et des actes exécutoires. C'est, en effet, sous ce point de vue que l'art. 806 présente, au moins en grande partie, la procédure des référés comme tendant à faire statuer provisoirement sur les difficultés relatives à l'exécution d'un titre ou d'un jugement.

Cette idée se trouve confirmée par un assez grand nombre d'articles relatifs à l'exécution des jugements, et dans lesquels la loi indique fréquemment l'emploi de la procédure des référés. Ainsi, dans les art. 606 et 607, on examine comment le gardien constitué dans une saisie mobilière devra demander et obtenir sa décharge, on indique la voie des référés, et on l'indique dans une matière tout à fait relative à l'exécution. De même, dans l'art. 829, lorsque, dans une saisierevendication, le tiers, dans le domicile duquel se trouvent les meubles revendiqués, refuse au saisissant l'accès de son domicile, c'est également par un référé que la difficulté se trouve vidée. De même, dans l'art. 786, c'est par la voie de référé qu'il doit être statué sur les difficultés que soulève l'exécution d'une contrainte par corps. Dans ces cas, et dans bien d'autres cas pareils d'exécution de

jugements ou d'actes notariés, c'est la voie du référé que la loi indique. Voilà une première raison qui peut expliquer pourquoi cette procédure, cette voie d'instruction judiciaire est rejetée au milieu des voies d'exécution.

Une seconde raison peut en être donnée, et celle-là est plus importante encore, parce qu'elle tend à bien vous avertir du but, du résultat et de la nature de cette procédure exceptionnelle. C'est que l'instruction des référés n'est pas, à beaucoup près, la même, je ne dis pas dans ses formes, mais aussi dans ses conséquences, que les instructions, soit ordinaires, soit sommaires, dont il est parlé au livre II. En effet, soit qu'on prenne la voie de l'instruction ordinaire, ou qu'au contraire, s'appuyant sur l'art. 404, on emploie l'instruction sommaire, c'est-à dire de simples plaidoiries, sans écritures préalables, en un mot, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas des écritures signifiées, que l'instruction soit ordinaire ou sommaire, le jugement qui intervient à la suite d'une instruction dont parle le livre II, fait droit entre les parties et termine pour elles, au moins en premier ressort, la contestation qui les partage. L'instruction sommaire a un résultat tout aussi solide, tout aussi sérieux, tout aussi définitif que l'instruction ordinaire. Au contraire, la procédure des référés, dont il est ici question, ne conduit jamais à ce résultat. Dans la procédure des référés, dans l'instruction exceptionnelle à laquelle elle donne lieu, le fond de l'affaire, le droit des parties ne peut pas être et n'est pas en question; le juge du référé se borne à rendre une décision provisoire qui laisse, quant au fond, les droits des parties absolument intacts; ainsi le décide formellement l'art. 809 : « Les ordonnances sur référés ne feront aucun préjudice au principal. » Ce caractère des ordonnances ou des jugements de référé (V. no 1070, in fine) les distingue profondément de l'instruction, même sommaire, dont il est question au livre II.

Ces deux raisons expliquent, je pense, pleinement, comment ce n'est point dans le livre relatif aux règles de l'instruction proprement dite que la loi a placé la procédure des référés, procédure qui n'est pas seulement exceptionnelle dans la forme, mais qui l'est aussi dans son but et dans ses résultats.

1068. Cette procédure rapide, qui ne tend à prendre, quant à présent, que des mesures provisoires, et qui laisse le fond intact, n'est pas de création nouvelle; il existait autrefois dans quelques provinces, mais notamment à Paris, des procédures qui se rapprochaient de celle-ci, soit par le nom, soit aussi par leur marche et leurs règles. Telle paraissait être, dans les usages de l'ancienne Normandie, la fameuse procédure connue sous le nom de clameur de haro; c'était une voie rapide, exceptionnelle, qui tendait à faire statuer sur une mesure d'urgence. A Paris on connaissait non-seulement une instruction plus rapide qué la procédure ordinaire, mais le nom même de référé était en usage : un édit spécial de 1685 autorisait à se pourvoir provisoirement, dans certains cas d'urgence, devant le lieutenant civil du Châtelet, sauf ensuite à faire débattre au fond le droit des parties, selon la procédure et devant les tribunaux ordinaires. C'est dans cet édit de 1685 qu'a certainement été puisée la procédure qui nous occupe aujourd'hui. Mais l'édit de 1685 détaillait, énumérait, par des indications positives, les divers cas dans lesquels cette procédure serait autorisée; le Code n'a pas pris la même marche, et sans doute avec raison; ces énumérations sont nécessairement trop étendues sous quelques rapports, et surtout incomplètes

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