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sous bien d'autres. L'emploi des référés est subordonné à l'urgence, à la nécessité, et par conséquent à une variété de circonstances que le législateur ne peut prévoir, et dont l'examen est dans le domaine du juge. De là l'art. 806, qui détermine non plus par catégories d'énumération détaillée, mais par des caractères larges et généraux, les cas dans lesquels la voie du référé pourra être employée.

« Art. 806. Dans tous les cas d'urgence, ou lorsqu'il s'agira de statuer provisoirement sur les difficultés relatives à l'exécution d'un titre exécutoire ou d'un jugement, il sera procédé ainsi qu'il va être réglé ci-après. »

Cet article est préférable sans doute à l'édit de 1685, par la latitude qu'îl laisse au juge dans une matière où les prévisions du législateur sont incomplètes et fautives. Cependant sa rédaction n'est pas satisfaisante, elle pourrait vous induire en erreur par l'alternative inexacte qu'elle semble d'abord présenter. Cet article autorise l'emploi du référé dans deux cas : 1° dans tous les cas d'urgence; 2o dans tous les cas où il faut statuer provisoirement sur une difficulté d'éxécution.

De cette alternative que présente le texte, on pourrait d'abord conclure que le caractère d'urgence, nécessaire dans le premier cas, ne l'est pas dans le second. Ce serait évidemment une erreur; dans tous les cas, l'urgence seule peut autoriser l'emploi du référé. Ainsi, qu'il s'agisse d'un débat étranger ou relatif à une exécution, l'urgence est une condition commune à laquelle cette procédure exceptionnelle est nécessairement subordonnée.

D'autre part, lorsqu'il est question d'exécution, la loi autorise le référé pour faire statuer provisoirement sur l'exécution; d'où l'on pourrait conclure aussi que c'est seulement dans les matières, dans les questions d'exécution que le référé est une décision provisoire. Ce serait encore une erreur; le référé dans les matières, soit relatives, soit étrangères à l'exécution, n'est jamais qu'une décision provisoire, qu'une décision qui laisse le fond pleinement intact (1).

Nous dirons donc que dans tous les cas d'urgence, soit qu'il s'agisse ou qu'il ne s'agisse pas d'exécution, on peut se pourvoir en référé, dans les formes qui vont suivre, à l'effet d'obtenir du juge une décision qui, dans tous les cas, ne peut-être et n'est que provisoire. Nous ferons disparaître, en un mot, et quant à la condition d'urgence, et quant à la qualité provisoire, la distinction un peu inexacte que semble présenter l'art. 806.

1069. Au reste, soit en ce qui touche les questions d'exécution, soit en ce qui touche les difficultés qui y sont étrangères, il n'est pas inutile de comparer la procédure dont nous allons parler à des règles qui nous sont déjà connues.

D'abord, en ce qui touche l'exécution, déjà nous avons vu un article qui présente une assez grande analogie avec celui-ci, c'est l'article 554; vous avez vu que lorsque, dans l'exécution d'un jugement ou d'un acte, était soulevée une difficulté dont la décision exigeait de la célérité, il y était statué provisoirement par le tribunal du lieu, sauf à faire juger le fond par le tribunal, souvent éloigné, auquel appartenait la connaissance de l'exécution. Dans l'art. 554, il

(1) C. de Riom, 4 janvier 1862 (Dall., 1862, 2, 80).

est donc question d'une procédure qui se rapproche de celle des référés par son résultat, d'une procédure qui ne conduit, comme celle des référés, qu'à une décision temporaire et provisoire; mais la procédure de l'art. 554 diffère dé celle de l'art. 806, en ce que, tendant comme elle à faire décider provisoirement une question d'exécution, elle la fait décider par le tribunal dans les formes ordinaires ou tout au plus dans les formes indiquées par l'art. 405, et non pas dans les formes indiquées dans les art. 807 et 808. Telle est du moins la distinction résultant de la comparaison des deux textes. Mais il est clair que, dans la pratique, quand une difficulté d'exécution requerra célérité, ce sera toujours par voie de référé, aux termes des art. 807 et 808, qu'on essaiera de la faire lever; sauf au président, si l'urgence n'est pas extrême, si la question lui paraît délicate, à renvoyer les parties devant le tribunal, aux termes de l'art. 554, et aussi de l'art. 60 du décret du 30 mars 1808.

De même, en ce qui ne touche point les questions d'exécution, mais pour ce qui est relatif à toute autre espèce de débat, nous avons vu, dans l'art. 404, §5, qu'on jugeait sommairement, c'est-à-dire sans écritures, les demandes provisoires ou qui requièrent célérité; la célérité est done, dans toute espèce de matière, une circonstance qui autorise à simplifier les procédures. Ainsi, dans l'hypothèse du § 5 de l'art. 404, dans l'hypothèse où l'affaire, étrangère à tout débat d'exécution, requerra célérité, on pourra : 1o obtenir du président, aux termes de l'art. 72, la permission d'assigner à bref délai; 2o on sera dispensé, aux termes de l'art. 48, du préliminaire de conciliation; 3° on sera dispensé, aux termes de l'art. 405, des écritures préalables qui forment le début de la procédure ordinaire; 4° enfin, on obtiendra quelquefois, aux termes de l'art. 135, l'exécution provisoire du jugement nonobstant l'appel. Telles sont les quatre dispenses, les quatre exceptions que la célérité exigée par l'affaire peut apporter aux règles de la procédure ordinaire, quand la matière rentre dans les matières sommaires. Au contraire, si ce caractère de célérité devient extrême, si cette célérité se transforme en urgence, l'art. 806 prend ce mot dans un sens plus pressant, alors non-seulement on jouit des dispenses, des bénéfices que je viens d'indiquer, mais on peut aller encore plus loin, on peut, au lieu de faire juger le fond de l'affaire comme sommaire, sur une assignation à bref délai, sans conciliation, sans écritures, on peut se pourvoir par la voie du référé ; alors la procédure sera plus simple, plus rapide, plus expéditive encore. Mais il y aura cette différence que, dans le cas précédent, on arrive au jugement du fond, tandis que, dans le cas actuel, on n'obtient qu'une décision temporaire et provisoire.

Voilà les caractères généraux, les distinctions fondamentales de la procédure des référés comparée, en ce qui touche l'exécution, avec l'art. 554, et, dans les malières qui ne se rattachent point à l'exécution, avec les art. 404 et 405.

1070. Quant à la procédure vous rencontrerez dans les art. 807 et 808 une distinction assez importante; vous y verrez que la loi établit des degrés, des nuances, soit dans l'urgence que présente l'affaire, soit aussi dans la rapidité avec laquelle on peut la décider, et que, sous ce rapport, les référés se divisent en deux classes. Ainsi, dans les cas ordinaires, vous appliquerez l'art. 807.

« Art. 807. La demande sera portée à une audience tenue à cet effet par le président du tribunal de première instance, ou par le juge qui le remplace, aux jour et heure indiqués par le tribunal. »

La connaissance des référés, au lieu d'appartenir, comme celle des contestations même sommaires, au tribunal tout entier, ou du moins à une chambre de ce tribunal, appartient exclusivement, soit au président du tribunal, soit à un juge commis pour le remplacer. Voilà le premier principe; il est consacré et par l'art. 807 et aussi par l'article 57 du règlement du 30 mars 1808 sur la police des cours et des tribunaux.

Dans ce cas, le référé s'introduit par une assignation, soumise en général aux formalités tracées par l'art. 61; je dis soumise en général, car la loi ne renvoie point ici, par une décision formelle, à l'art. 61, et il est clair que quelquesunes des dispositions de cet article sont inapplicables au référé.

Ainsi, la demande introductive d'un référé ne doit pas, comme une demande soit ordinaire, soit sommaire, contenir nécessairement constitution d'avoué. En référé, les parties peuvent se présenter en personne et sans assistance devant le président chargé d'en connaître (1). * Cependant le ministère des avoués est ordinairement employé *.

De même aussi, il paraît difficile de subordonner l'assignation en référé, donnée aux termes de l'art. 807, au délai de huitaine, qui est le délai ordinaire des ajournements; il faut décider, je crois, qu'on peut assigner en référé, même sans permission préalable, à la plus prochaine audience des référés (2).

Voilà la procédure ordinaire, en matière de référé: assignation en référé devant le président du tribunal ou devant le juge qui le remplace, à une audience spéciale tenue pour les référés.

L'art. 808 autorise, quand l'urgence est encore plus grande, une marche plus rapide encore.

« Art. 808. Si néanmoins le cas requiert célérité, le président, ou celui qui le représentera, pourra permettre d'assigner, soit à l'audience, soit à son hôtel, à l'heure indiquée, même les jours de fête; et, dans ce cas, l'assignation ne pourra être donnée qu'en vertu de l'ordonnance du juge, qui commettra un huissier à cet effet. »

Ainsi, un cas d'extrême urgence se présente dans le cours d'un débat sur l'exécution dans ce cas, s'il fallait attendre l'arrivée du jour fixé d'avance pour l'examen des référés, il pourrait y avoir préjudice irréparable dans ce retard. Si, par exemple, trois ou quatre jours nous séparent encore du jour de l'audience des référés, il peut être nécessaire d'obtenir à l'instant même une décision provisoire; alors, la loi vous permet d'assigner votre adversaire en référé, même de jour à jour et d'heure à heure, même un jour de fête, c'est-à-dire non plus à l'audience habituelle, régulière des référés, mais au jour et à l'instant indiqués sur la requête par vous présentée au président du tribunal. Le président

(1) C. de Toulouse, 4 juin 1824, Journal du Palais.

(2) C. de Montpellier, 6 août 1810. - Amiens, 16 août 1825, Journal du Palais. - Pau, 21 mai 1832, eod., t. 1, de 1839, p. 518. Contrà, Paris, 7 juin 1809, Journal du Palais. - (V. aussi Dalloz, 1861, p. 489, note 1.)

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peut autoriser cette assignation d'urgence pour comparaître, soit à une audience spéciale qu'il indique, soit même à sa demeure (1).

Je dois même ajouter que, dans certains cas expressément tracés, le référé peut être introduit sans assignation préalable, par transport immédiat, devant le président. C'est ce qui a lieu dans l'art. 786, pour les difficultés que soulève le débiteur contre lequel on pratique une contrainte par corps. Le garde du commerce ou l'huissier, qui, selon les lieux, exécute la contrainte, le conduira en référé devant le président. De même, dans les art. 922 et 944, pour les difficultés qui s'élèvent, soit dans le cours d'une apposition de scellés, soit dans la confection d'un inventaire; dans ces trois cas, le transport devant le président, pour faire statuer provisoirement en référé, est immédiat et sans demande préalable.

Vous voyez, au reste, que, à part ces cas, dans lesquels la loi a formellement statué sur le transport immédiat devant le président, la question de savoir s'il faut appliquer les art. 807 ou 808 est uniquement une question de fait, une question de circonstances; que la loi n'a pas pu essayer de tracer d'avance, par des caractères généraux, dans quels cas l'urgence serait assez pressante, assez immédiate pour autoriser ou nécessiter l'emploi de l'un ou de l'autre de ces articles. J'ai dit, en citant ces deux articles et en y joignant l'art. 57 du décret, qu'au président ou au juge désigné appartenait la connaissance des référés; il peut cependant arriver, soit parce que l'urgence n'est pas bien justifiée, soit parce que la matière présente des difficultés, que le président ne veuille pas user de ce pouvoir, alors il pourra, en toutes matières (2), renvoyer les parties à l'audience pour y être jugées, même en état de référé ; c'est ce qu'autorisent l'art. 808 et l'art. 60 du décret du 30 mars 1808 d'une manière encore plus formelle. C'est en ce sens qu'il peut y avoir, soit des ordonnances de référé, c'est-à-dire des décisions rendues par le magistrat seul, le président, ou celui qui le remplace, soit aussi des jugements de référé, c'est-à-dire des décisions rendues par le tribunal, par la chambre du tribunal à laquelle la cause sera déférée.

1071. Au reste, qu'il s'agisse d'une simple ordonnance ou d'un jugement de référé, dans tous les cas devra s'appliquer l'art. 809, qui est le plus important de tout ce titre.

« Art. 809. Les ordonnances sur référés ne feront aucun préjudice au principal; elles seront exécutoires par provision, sans caution, si le juge n'a pas ordonné qu'il en serait fourni une. Elles ne seront pas susceptibles d'opposition. Dans les cas où la loi autorise l'appel, cet appel pourra être interjeté, même avant le délai de la huitaine, à dater du jugement; et il ne sera point recevable s'il a été interjeté après la quinzaine, à dater du jour de la signification du jugement. L'appel sera jugé sommairement et sans procédure. »

Toutes les dispositions de l'art. 809 sont évidemment dictées par le principe capital de cette matière, la nécessité, la célérité, l'urgence.

(1) Cass., 6 novembre 1861 (Dall., 1861, 1, 489).

(2) C. de Douai, 12 janvier 1832. Cass., 6 mars 1834. vier 1825, Journal du Palais.

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D'abord, on rappelle ce principe fondamental que les ordonnances de référé ne font aucun préjudice au fond, c'est-à-dire que, nonobstant les ordonnances, les jugements ou arrêts intervenus en référé, il y aura lieu ensuite à débattre, quant au fond, dans les formes ordinaires, le mérite des prétentions de chacun.

Le référé n'est autorisé, avons-nous dit, qu'en raison de l'urgence; de là le principe du § 2 de l'art. 809: Elles ne seront pas susceptibles d'opposition. Ainsi, que le défendeur appelé en référé ait ou n'ait pas comparu, le jugement, l'ordonnance, sont comme contradictoires à son égard; c'eût été manquer le but de cette procédure que d'autoriser le défendeur, en faisant volontairement défaut, à venir ensuite arrêter, paralyser, par une opposition, l'exécution d'une affaire dans laquelle il importe, avant tout, de prévenir les lenteurs. Ainsi, premier principe : L'opposition n'est pas admise contre l'ordonnance ou le jugement par défaut rendu en matière de référé.

cas, bien cas où la

Seconde règle le référé ne peut pas sans doute être attaqué par opposition, mais il peut l'être par appel; ainsi le décide indirectement le § 1er, et trèsdirectement le § 3 de notre article. Il peut l'être par l'appel dans les entendu, où la loi autorise l'appel; il peut l'être par l'appel dans le demande sur laquelle le référé a statué est d'une valeur supérieure à ou d'une valeur indéterminée; c'est là le sens de ces mots du § 3: Dans les cas où la loi autorise l'appel (1).

1,500 fr.,

L'appel sera porté à la cour impériale, non plus devant le président de cette cour, mais devant une chambre de la cour; il sera jugé sommairement, mais à l'audience. La voie du référé n'est donc pas exclusive de l'appel; mais l'appel d'une ordonnance ou d'un jugement de référé diffère en plusieurs points de l'appel ordinaire. La première, la plus grave de ces différences, celle que d'ailleurs la nature de l'affaire doit vous faire aisément pressentir, c'est que l'article 457 est inapplicable ici. En matière de référé, l'appel interjeté n'est pas et ne peut pas être suspensif; les ordonnances de référé s'exécutent par provision, de droit, malgré l'appel interjeté.

Il y a plus c'est que, nonobstant l'appel interjeté, l'exécution provisoire est poursuivie sans caution. Sous ce rapport, on est, dans le cas de référé, dans une position plus favorable que dans la plupart des cas d'exécution provisoire ordinaire, presque toujours subordonnée à l'obligation d'une caution. Cette règle ne cesse que quand l'ordonnance de référé a expressément assujetti le demandeur à donner caution pour l'exécution.

Ainsi, les ordonnances de référé peuvent être attaquées par l'appel; mais, 1° cet appel n'est jamais suspensif; et 2° en principe, l'exécution provisoire peut se poursuivre sans caution.

La première exception déroge donc à l'art. 457.

Par les mêmes motifs, l'art. 449, relatif aux appels ordinaires, est inapplicable à l'appel des ordonnances sur référé. L'appel en matière ordinaire ne peut être interjeté dans la huitaine de la date du jugement. Ici, comme le jugement est exécutoire par provision, il est clair, aux termes mêmes de l'art. 449, que la règle est inapplicable. La seconde exception consiste donc en ce que la partie

(1) C. de Paris, 28 juillet 1825, et 9 août 1836, Journal du Palais.

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