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A l'instant, c'est-à-dire sans la sommation préalable, que l'alinéa précéden! appelle un commandement. La garantie de la sommation préalable est remplacée par celle de l'autorisation du président, qui ne devra l'accorder qu'en cas d'urgence ou de péril en la demeure. Si la cause de la saisie-gagerie rentre, à raison du chiffre du loyer ou fermage, dans la compétence du juge de paix, c'est-à-dire si le prix du bail n'excède pas 400 fr. (art. 1., L. du 2 mai 1855), la permission. de saisir-gager sera demandée non pas au président du tribunal d'arrondisse ment, mais au juge de paix (art. 10, L. 25 mai 1838).

1084. Enfin le paragraphe 3 de notre article 819 autorise le bailleur à saisir les meubles qui garnissent la maison ou la ferme, lorsqu'ils ont été déplacés sans son consentement. Le privilége du locateur ne se conserve sur les meubles déplacés, que s'il en a fait la revendication dans les quarante jours pour les meubles garnissant une ferme, et dans la quinzaine pour ceux garnissant une maison (article 2102, 1o C. N.). La saisie de ces meubles doit-elle avoir lieu dans les mêmes délais ? La rédaction du 3o alinéa de notre article 819 semble exiger une réponse affirmative. Cet article est conçu exactement dans les mêmes termes que l'article 2102, 1o, 5o alinéa (C. N.), qui détermine ces délais aussi bien pour la saisie de ces meubles que pour l'exercice du privilége. Le renvoi de l'article 819 in fine à l'article 2102 (C. N.) s'applique à la disposition entière de notre 3o alinéa. Les auteurs sont loin d'être d'accord sur la question de savoir si le locateur d'une ferme peut faire saisir les fruits déplacés sans son consentement. Pour moi je considère ce droit de suite accordé au locateur sur les meubles du locataire comme un droit exorbitant, qu'il faut restreindre dans les termes exprès de la loi qui le concède. Or, l'article 2102, 1o (C. N.), après avoir accordé, dans son premier paragraphe, le privilége du locateur sur les fruits de la récolte de l'année et sur les meubles qui garnissent la maison ou la ferme, ne parle, dans le cinquième paragraphe, du droit de suite, du droit de revendication accordé au locateur, que sur les meubles qui garnissaient la maison et la ferme, et non sur les fruits de la récolte de l'année. De même, dans l'art. 819, les fruits qui peuvent être saisis-gagés quand ils sont dans les bâtiments ou sur les terres loués (1er alinéa), ne sont pas mentionnés parmi les objets que le locateur peut saisir lorsqu'ils ont été déplacés sans son consentement (3o alinéa). Ainsi, d'après la rédaction des art. 2102 (C. N.) et 819 (C. pr.), il me semble que le législateur n'a soumis les fruits du fonds, quand ils sont déplacés, ni à la revendication ni au privilége du locateur. Cette distinction entre les fruits et les meubles qui garnissent les lieux loués peut, d'ailleurs, se justifier par cette considération, que les fruits, à la différence des meubles qui garnissent les lieux loués, sont destinés à être vendus, et que le locateur est censé acquiescer d'avance à l'aliénation qu'en fera le locataire, à moins qu'il ne les ait saisis auparavant.

Toutefois j'admettrais la revendication à l'égard des fruits vendus et déplacés d'une manière insolite et qui n'a pu être prévue par le locateur.

1085. « Art. 820. Peuvent, les effets des sous-fermiers et sous-locataires garnissant les lieux par eux occupés, et les fruits des terres qu'ils sous-louent, être saisis-gagés pour les loyers et fermages dus par le locataire ou le fermier de qui ils les tiennent; mais ils obtiendront mainlevée en justifiant qu'ils ont payé sans fraude, et sans qu'ils puissent opposer des paiements faits par anticipation. »

Cet article suppose que le fermier ou locataire a sous-loné. Le fermier ou le locataire principal répond toujours du loyer à l'égard du propriétaire. Ce dernier peut saisir-gager les fruits des terres sous-louées, et les meubles et effets du sous-locataire et du sous-fermier qui garnissent les lieux; mais le sous-locataire n'est tenu personnellement et sur ses meubles que jusqu'à concurrence du montant de la sous-location (art. 1753, C. N.).

Le sous-locataire peut, d'ailleurs, opposer au propriétaire qu'il a déjà payé au locataire principal le prix de sa sous-location. Il écartera ainsi la réclamation du propriétaire, si les paiements qu'il a faits sont conformes aux stipulations de son bail ou à l'usage des lieux (art. 1753, C. N.).

1086. « Art. 821. La saisie-gagerie sera faite en la même forme que la saisie-exécution le saisi pourra être constitué gardien; et, s'il y a des fruits, elle sera faite dans la forme établie par le titre IX du livre précédent. »

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La saisie-gagerie est soumise, quant à la forme, aux dispositions du titre de la saisie-exécution; toutefois, s'il s'agit de fruits sur pied, on suivra les formes de la saisie-brandon. Notre article a cru seulement devoir dire que le saisi pourra être constitué gardien ; mais l'article 598 au titre de la Saisie-exécution ne suffisait-il pas ? Plusieurs auteurs ont voulu donner une signification particulière à la disposition de l'art. 821, mais ils ne se sont point accordés sur la portée de cette phrase: Le saisi pourra être constitué gardien. Suivant les uns, il faut l'entendre en ce sens que le saisi pourra être constitué gardien malgré lui ; suivant d'autres, il le pourra sans l'intervention du saisissant. L'une et l'autre de ces interprétations modifierait la fin de l'art. 598. Nous reviendrons sur cette question en expliquant l'art. 830 (V. aussi l'explication de l'art. 823).

1087. La saisie-arrêt sur débiteurs forains, qu'on appelle aussi saisie foraine, donne au créancier le droit de saisir les effets trouvés en la commune qu'il habite et appartenant à son débiteur forain.

« Art. 822. Tout créancier, même sans titre, peut, sans commandement préalable, mais avec permission du président du tribunal de première instance et même du juge de paix, faire saisir les effets trouvés en la commune qu'il habite, appartenant à son débiteur forain. »>

On fait remonter la saisie foraine jusqu'à Louis le Gros qui, par des lettres patentes de 1134, aurait accordé aux bourgeois de Paris le droit de faire cette sorte de saisie. Ce qui est certain, c'est que ce droit constituait autrefois un privilége pour les bourgeois de certaines villes: Paris, Orléans, Rennes, Reims, etc., qu'on appelait en conséquence villes d'arrêt.

L'art. 173 de la dernière rédaction de la Coutume de Paris, pour trancher quelques questions qui avaient été soulevées sur l'art. 192 de l'ancienne coutume, avait formellement décidé que cette saisie-arrêt ne pouvait atteindre que les débiteurs forains. Mais que devait-on entendre par débiteurs forains? Après quelques difficultés à cet égard, dont on retrouve les traces dans nos anciens auteurs (1), on avait généralement reconnu que le débiteur forain était celui qui

(1) V. notamment Brodeau sur l'art. 173 de la coutume de Paris.

habitait foràs, au dehors, c'est-à-dire tout étranger à la ville où était domicilié le créancier privilégié. Ce qui n'était qu'un privilége pour les bourgeois de certaines villes est devenu le droit commun, d'après l'article 822 du Code de procédure. Ainsi tout créancier pourra faire saisir, pour sûreté de sa créance, les effets d'un débiteur qui se trouve accidentellement dans la commune où le créancier est domicilié.

Cette opinion me paraît bien mieux fondée, bien plus conforme à la tradition historique de l'art. 822 que le sentiment de ceux qui ne soumettent à la saisie foraine que les effets de débiteurs dont le domicile est ordinairement incertain et inconnu comme les colporteurs, marchands et comédiens ambulants. Ces auteurs confondent à tort le terme de marchands forains avec celui de débiteur forain.

La loi permet de faire cette saisie sans titre, c'est-à-dire même sans que la créance soit constatée par écrit ; mais la permission du juge exigée par notre article offre au débiteur une garantie contre une saisie arbitraire. Cette permission émanera du président du tribunal d'arrondissement dans le chef-lieu de l'arrondissement, et du juge de paix dans les autres communes. Il est nécessaire, en effet, que cette permission de justice puisse être obtenue sans délai et sans déplacement, afin que le débiteur n'ait pas le temps de se mettre, lui et ses effets, hors des atteintes de la saisie.

C'est par le même motif qu'il n'est pas nécessaire de faire précéder cette saisie d'une sommation préalable: la sommation donnerait l'éveil au débiteur, qui pourrait disparaître avec ses effets. Notre article porte: Sans commandement préalable. Mais l'observation que j'ai faite en commentant l'art. 819, sur l'inexactitude du mot commandement, est également applicable ici, où il s'agit d'une saisie faite sans titre.

Le créancier, porteur d'un titre exécutoire contre un débiteur forain, a luimême quelquefois intérêt à prendre la voie de la saisie foraine, plutôt que celle de la saisie-exécution, qui lui est également ouverte. Cette dernière, en effet, devra être précédée d'un commandement, qui peut faire partir le débiteur avant la saisie, tandis que la saisie foraine, faite sans sommation et le surprenant à l'improviste, ne lui laisse pas le temps d'organiser sa fuite.

1088. « Art. 823. Le saisissant sera gardien des effets, s'ils sont en ses mains, sinon il sera établi un gardien. »

La faculté de laisser la garde au saisissant est particulière à la saisie foraine; elle forme une exception à la règle générale posée dans l'art. 598. Cette exception est limitée au cas où le créancier a entre les mains les effets du débiteur. Il conserve une détention qu'il a déjà ; autrement, la garde ne lui serait pas attribuée, et devrait être confiée à un tiers. Mais on ne pourrait, je crois, la confier au débiteur forain lui-même. On comprend qu'en matière de saisie-exécution, on puisse constituer le saisi gardien des meubles saisis qui se trouvent ordinairement à son domicile; la relation qui existe entre le saisi et son domicile fait présumer que le saisi ne disparaîtra pas avec les meubles confiés à sa garde. Dans la saisie foraine, au contraire, on se défie du débiteur, qui ne se trouve qu'accidentellement dans la commune où se fait la saisie. Le constituer gardien de ses effets, ce serait lui offrir un moyen facile de rendre la saisie illusoire.

C'est là une différence entre la saisie-gagerie et la saisie foraine, que le législateur a voulu indiquer dans la rédaction des art. 821 et 823, en permettant de constituer le saisi gardien dans la saisie-gagerie (art. 821), et en n'accordant pas la même faculté dans la saisie foraine (art. 823).

La rédaction de l'art. 824 vient encore fortifier cette interprétation, en ne supposant la garde du saisi comme possible que dans le cas de l'art. 821, celle du saisissant que dans le cas de l'art. 823.

1089. « Art. 824. Il ne pourra être procédé à la vente sur les saisies énoncées au présent titre, qu'après qu'elles auront été déclarées valables; le saisi, dans le cas de l'article $21, le saisissant, dans le cas de l'art. 823, ou le gardien, s'il en a été établi, seront condamnés par corps à la représentation des effets. »

Puisque les saisies-gagerie et foraine ne sont que des saisies de précaution, elles n'autorisent le créancier qu'à mettre les objets saisis sous la main de justice, à en ôter la disposition au saisi, mais elles ne permettent pas au saisissant de les faire vendre. Il faut, pour parvenir à la vente, que le saisi ait obtenu un titre exécutoire par un jugement qui déclarera la saisie valable, et condamnera le débiteur.

La loi n'a pas indiqué le tribunal auquel doit être portée la demande en validité de la saisie. Il me paraît difficile d'attribuer la connaissance de la question de validité à un autre tribunal que celui du lieu où la saisie a été faite. Pour la saisie-gagerie, cette décision n'offre aucune difficulté, puisque la saisie est ordinairement faite au domicile du débiteur; la demande en validité sera donc portée au tribunal du domicile du débiteur, qui est aussi celui du lieu où la saisie a été pratiquée. On procède alors conformément à la règle générale de l'art. 59, 1er alinéa; si la saisie-gagerie a lieu pour garantie d'un loyer dont le prix annuel n'excède pas 400 fr. (L. du 2 mai 1855), le juge de paix connaît de la demande en validité (art. 3, L. 25 mai, 1838).

Pour la saisie foraine, il y a plus de difficulté, surtout dans le cas où le débiteur forain a un domicile connu. Il semblerait, dans le silence de la loi, que l'art. 59, qui attribue compétence au tribunal du domicile du débiteur, dût recevoir son application. Je crois cependant que le tribunal du lieu de la saisie est le plus compétent pour en juger la validité. Autrement le créancier, obligé de poursuivre la validité au tribunal du domicile du débiteur, tribunal peut-être fort éloigné, perdrait tous les avantages de la saisie foraine. Le débiteur, d'ailleurs, ne peut se plaindre qu'on le déplace, puisqu'il se trouve dans le lieu où la saisie a été faite. La coutume de Paris attribuait la connaissance de l'affaire au prévôt de Paris, c'est-à-dire au juge du créancier. Mais j'admettrais encore aujourd'hui, comme on l'admettait autrefois dans la coutume de Paris, que le saisi, en offrant caution suffisante pour la dette prétendue, pourrait obtenir son renvoi devant le tribunal de son domicile. Alors, en effet, il réduit à néant la présomption d'une disparition qui pourrait rendre toute poursuite illusoire, et qui motive les dispositions exorbitantes de la saisie foraine.

Art. 825. Seront, au surplus, observées les règles ci-devant prescrites pour la saisieexécution, la vente et la distribution des deniers. »

Je me bornerai à renvoyer, comme cet article, aux titres de la Saisie-exécution et de la Distribution par contribution.

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TITRE III

DE LA SAISIE-REVENDICATION (C. D.).

1090. La revendication est l'action par laquelle une personne se prétend propriétaire d'une chose possédée par un tiers, et-demande que la possession lui en soit restituée. Tel est le sens technique du mot revendication. Quelquefois les rédacteurs du Code Napoléon ont appelé revendication la demande par laquelle une personne, sans élever aucune prétention sur la propriété d'un meuble, soutient que ce meuble doit être remis entre ses mains ou dans le lieu d'où il a été déplacé, et continuer à lui servir de gage. C'est ainsi que le locateur peut revendiquer les meubles qui garnissaient les lieux loués, s'ils ont été déplacés sans son consentement (articles 2102, 1o, C. N. et 819, Pr.). Notre droit reconnaît donc une revendication de propriété et une revendication de la possession à titre de gage. La saisie-revendication de notre titre a pour but d'assurer l'efficacité de toutes ces demandes en revendication, en empêchant le détenteur de faire disparaître le meuble en litige pendant la durée du procès. Cette crainte ne peut avoir pour objet que les meubles; aussi la saisie-revendication de notre titre ne s'applique-t-elle jamais aux immeubles.

Le demandeur à l'action possessoire ou petitoire peut seulement demander que l'immeuble, dont la propriété ou la possession sont contestées, soit mis en séquestre pendant la durée du procès (art. 1961, 2o, C. N.).

Quant aux meubles, le demandeur pourra former une saisie-revendication, soit qu'il s'en prétende propriétaire, dans les cas où la revendication des meubles est admise (art. 2279, C. N.), soit qu'il veuille les faire réintégrer dans les lieux loués pour être affectés au gage de sa créance (art. 2102, 1o, dernier alinéa, C. N. et 819, C. pr.) (1).

Notre titre trace la marche à suivre pour effectuer cette saisie-revendication.

« Art. 826. Il ne pourra être procédé à aucune saisie-revendication qu'en vertu d'ordondonnance du président du tribunal de première instance rendue sur requête, et ce à peine de dommages-intérêts, tant contre la partie que contre l'huissier qui aura procédé à la saisie. »

Cette saisie présente un caractère tout particulier. Dans les autres saisies mobilières, en général, la saisie est pratiquée chez le débiteur, ou au moins chez celui qu'on prétend obligé et sur tous les meubles qu'on trouve à son domicile

(1) La saisie-revendication de notre titre s'appliquerait encore au cas prévu par l'article 2102, 4°, dans l'opinion de ceux qui pensent que cet article établit, au profit du vendeur d'un meuble non payé, le droit de se faire restituer la détention du meuble à titre de gage (V. les commentaires de l'art. 2102, 4°, C. N.). Je laisse entièrement de côté la revendication en matière de faillite, dont le caractère et les effets appartiennent à l'enseignement du Cours de droit commercial.

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