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core ce principe: qu'à défaut de consignation il n'y a pas lieu de déclarer l'appel non recevable. Un principe tout contraire est suivi dans la requête civile, et aussi dans les matières du pourvoi en cassation, comme nous le dirons plus tard.

→ 716. « Art. 472. Si le jugement est confirmé, l'exécution appartiendra au tribunal dont est appel : si le jugement est infirmé, l'exécution, entre les mêmes parties, appartiendra à la cour impériale qui aura prononcé, ou à un autre tribunal qu'elle aura indiqué par le même arrêt; sauf les cas de demande en nullité d'emprisonnement, en expropriation forcée, et autres dans lesquels la loi attribue juridiction. »

* L'exécution appartiendra... L'exécution, c'est-à-dire la connaissance des contestations que soulèvera l'exécution comme les demandes en nullité de la saisie-exécution, en réception de gardien d'une saisie, etc. *

Dans une première hypothèse, on suppose que, sur l'appel, le jugement de première instance a été pleinement confirmé par la cour impériale; question de savoir alors à quelle autorité judiciaire appartiendra la connaissance des difficultés d'exécution que ce jugement pourra soulever. La réponse de la loi est fort simple. Ces difficultés d'exécution appartiendront au tribunal dont le jugement a été confirmé. En d'autres termes, l'effet dévolutif qui avait investi la cour d'appel de la plénitude de juridiction quant au différend porté devant elle, l'effet dévolutif a cessé, lorsque le jugement attaqué devant elle a été complétement confirmé; dans ce cas, le jugement de première instance ne fait que sortir son plein et entier effet; dans ce cas, l'exécution de ce jugement appartient, non pas à la cour qui l'a confirmé, mais au tribunal qui l'a rendu ; voilà le principe.

Cependant ce principe ne doit pas se prendre dans toute la latitude de la lettre de notre article; tout ce qu'il faut en conclure, c'est que, le jugement une fois confirmé, c'est, quant à l'exécution, absolument comme s'il n'y avait pas eu d'appel; l'exécution appartient au tribunal qui a jugé, comme elle lui eût appartenu si son jugement n'eût pas été attaqué. Mais si ce tribunal était d'un tel ordre qu'il n'eût pas droit de connaître de l'exécution de son propre jugement, l'appel et la confirmation sur cet appel ne pourront pas l'investir d'une compétence qui lui manquait. Si, par exemple, l'appel interjeté était relatif à un jugement de tribunal de commerce, les premiers mots de notre article ne seront pas applicables, ou ne le seront toutefois qu'avec d'importantes distinctions. Vous avez déjà vu, dans l'art. 442, que les tribunaux de commerce, juges d'exception, ne connaissent pas de l'exécution de leurs jugements; donc, lorsque, sur l'appel, un jugement du tribunal de commerce est confirmé, ce ne peut pas être à ce tribunal qu'appartiendra l'exécution. Au moins en sera-t-il ainsi en matière de jugements définitifs, selon la distinction que déjà nous avons indiquée (V. no 665). Ainsi le jugement rendu par le tribunal de commerce était-il un simple interlocutoire, attaqué par appel et confirmé sur l'appel : alors l'exécution appartient au tribunal de commerce. Le tribunal de commerce connaît très-bien, malgré l'art. 442, de l'exécution de ses jugements interlocutoires, par exemple de l'exécution du jugement par lequel il ordonne une enquête.

Quant aux jugements définitifs dont l'exécution consistera dans des saisies ou

voies de rigueur d'une nature analogue, le tribunal de commerce est incompétent pour en connaître; l'art. 472 ne s'appliquera pas. Dans ce cas-là, à qui appartiendra l'exécution du jugement? Ce ne sera pas, certes, au tribunal de commerce, et ce sera apparemment au tribunal qui eût pu, qui eût dû connaître de l'exécution, s'il n'y avait pas eu d'appel, au tribunal désigné par l'art. 553. Cet article décide que l'exécution des jugements d'un tribunal de commerce appartiendra au tribunal civil du lieu de l'exécution, et non pas au tribunal civil de l'arrondissement où siégeait le tribunal de commerce qui a jugé (V. n° 808).

Ce sera apparemment à ce tribunal civil qu'appartiendra l'exécution; quelques auteurs la réservent cependant à la cour impériale qui a confirmé le jugement. Cette opinion me paraît peu soutenable.

717. Passons maintenant à l'hypothèse contraire, à celle où le jugement attaqué par appel est infirmé sur l'appel. Supposons que le jugement d'un tribunal civil, ou de commerce, peu importe, attaqué par appel, ait été infirmé sur l'appel. La cour impériale, vous le savez, bien différente à cet égard de la cour de cassation, est jugé du fait et du droit, juge du mérite du premier jugement, comme juge du fond de la cause. La cour impériale, infirmant donc, comme mal rendu, le jugement attaqué devant elle, y aura substitué sur le fond de l'affaire une décision nouvelle et souveraine. A qui appartiendra la connaissance des difficultés d'exécution de ce jugement? Ce ne sera jamais, au moins en règle générale, au tribunal duquel émane le jugement attaqué et maintenant réformé. Pourquoi ? Parce qu'il serait à craindre que quelque partialité ne vînt influencer ce tribunal dans la connaissance des questions d'exécution soulevées par un arrêt rendu contre son avis. Parce qu'en admettant même que cette partialité n'existât pas, que le tribunal connaissant de l'exécution pût faire abstraction de son premier vote et de ses souvenirs, la conviction de cette impartialité pourrait ne point exister dans les parties entre lesquelles ce tribunal serait appelé à statuer. En un mot, les parties auraient, à l'égard de ces juges, dont la sentence est réformée, des motifs de défiance que la loi veut éviter. Aussi décide-t-elle que l'exécution, en cas d'infirmation, appartiendra, en règle générale, à la cour impériale (1).

Cette cour pourra cependant, à raison de l'éloignement, ou par tel autre motif, renvoyer l'exécution de son arrêt infirmatif, non pas au tribunal dont elle infirme la sentence, mais à un autre tribunal du même degré.

Telle est la disposition principale de notre article; mais elle comporte deux exceptions qui toutes deux résultent du texte.

La première se rattache à ces mots: L'exécution entre LES MÊMES PARTIES appartiendra à la cour impériale qui aura prononcé, ou à un autre tribunal qu'elle aura indiqué par le même arrét. Ainsi, cette attribution exceptionnelle des questions d'exécution que la loi fait à la cour, n'embrasse que les questions d'exécution qui s'élèvent entre les deux parties de la cause. Que si des tiers se trouvaient

(1) * S'il y a infirmation partielle, je crois que la cour peut, suivant les circonstances, retenir la connaissance de l'exécution, ou la laisser au tribunal dont est appel. Cass., Rej., 2 juin 1858 (Dall., 1858, 1, 451), 29 avril 1861 (Dall., 1861, 1, 461), et 12 novembre 1862 (Dall., 1863, 1, 244).

impliqués dans ces débats d'exécution, cette compétence ou attribution exceptionnelle ne pourrait s'étendre à eux. Les forcer, par exemple, de venir plaider devant la cour sur ces questions d'exécution, ce serait leur enlever le premier degré de juridiction; les forcer d'aller plaider, non pas devant la cour, mais devant le tribunal expressément désigné par elle, ce serait leur enlever le bénéfice de la compétence du tribunal ordinaire et régulier. Si donc des tiers se trouvent intéressés, ce sera au tribunal naturellement compétent pour ces questions d'exécution que le procès sera porté.

Une seconde classe d'exceptions, qui en embrasse un assez grand nombre, est indiquée par les derniers mots de notre article: Sauf les cas de demande en nullité d'emprisonnement, en expropriation forcée et autres dans lesquels la loi attribue juridiction. Et il faut même noter que les exceptions indiquées, soit expressément dans les deux premiers cas, soit vaguement dans les expressions générales qui terminent l'article, embrassent tous les cas désignés par cet article, c'est-à-dire que l'attribution spéciale de juridiction, dans les cas d'emprisonnement et autres pareils, déroge non-seulement à la compétence de la cour lorsqu'elle infirme, mais aussi à la compétence du tribunal lorsqu'elle confirme, déroge à la totalité des règles posées dans la première partie de notre article.

Ainsi, s'agit-il d'une nullité d'emprisonnement, la compétence spéciale pour les questions de cette nature est écrite dans l'art. 794, la compétence appartient tantôt au tribunal de l'exécution du jugement, tantôt, et c'est ici l'exception, au tribunal du lieu où le débiteur est détenu; il y a à cet égard des distinctions que l'article fera connaître (V. no 1061).

De même pour l'expropriation forcée ou la saisie-immobilière, la compétence, déterminée par l'art. 2210 du Code Nap., appartient au tribunal du lieu de la situation de l'immeuble.

Et autres dans lesquels la loi attribue juridiction. Voyez l'art. 528 du Code de procédure, relatif aux redditions de compte, article qui confirme, en certains cas, et modifie, dans certains autres cas, l'art. 472. Ainsi le § 2 n'est que la répétition de l'art. 472, et le § 1er est une modification de cet article, puisqu'il permet à la cour de renvoyer, pour la reddition et le jugement du compte, au tribunal qui avait rejeté la demande en reddition du compte (V. no 789).

Ajoutez-y encore l'art. 822 du Code Nap., dans lequel la loi attribue juridiction spéciale, pour les matières de partage et les questions qui peuvent s'y raltacher, au tribunal du lieu de l'ouverture de la succession (1).

718. § 6. Du doit d'évocation. * L'évocation est la translation d'une affaire du tribunal compétent à un autre tribunal. Autrefois on distinguait les évocations de grâce et les évocations de justice. Les premières, accordées par faveur, avaient donné lieu à de grands abus et ont été abolies. Parmi les secondes, l'art. 473 cite le droit donné à une cour impériale, saisie de l'appel d'un jugement interlocutoire, d'évoquer le fond même de l'affaire. *

« Art. 473. Lorsqu'il y aura appel d'un jugement interlocutoire, si le jugement est infirmé et que la matière soit disposée à recevoir une décision définitive, les cours impé

(1) V. les autorités en sens divers dans Dall., 1858, 1, 63, note 3.

riales et autres tribunaux d'appel pourront statuer en même temps sur le fond définitivement, par un seul et même jugement. Il en sera de même dans les cas où les cours impériales ou autres tribunaux d'appel infirmeraient, soit pour vice de forme, soit pour toute autre cause, des jugements définitifs. »

J'ai déjà dit que quand la cour impériale, saisie de l'appel d'un jugement qui avait décidé le fond de la cause d'un jugement définitif, infirmait ce jugement, elle y substituait en même temps et nécessairement un jugement nouveau et différent. C'est là la conséquence de la compétence des cours d'appel, qui forment vraiment un deuxième degré de juridiction. Mais en sera-t-il de même, et la cour impériale aura-t-elle qualité, aura-t-elle mission, pour juger le fond d'une affaire, lorsque le jugement attaqué devant elle n'avait pas statué sur le fond de cette affaire, par exemple si un interlocutoire a été rendu, si une enquête a été ordonnée par le tribunal de première instan ce, ce qui évidemment suppose que le fond n'est pas jugé, et que, cet interlocutoire étant porté devant la cour impériale, la cour infirme le jugement?

La loi accorde quelquefois au tribunal d'appel, saisi de l'appel d'un jugement interlocutoire, le droit d'évoquer, d'attirer à lui le fond de l'affaire, sur lequel les premiers juges n'ont pas encore statué.

* Mais le premier alinéa de notre article soumet ce droit d'évocation à trois conditions; il faut : 1° que le fond soit disposé à recevoir une décision définitive; 2o que la cour impériale statue sur l'interlocutoire et sur le fond par un seul arrêt; 3° que la cour infirme le jugement de première instance sur l'interlocutoire.

Première condition : * La loi exige, pour que la cour puisse statuer sur le fond, que l'affaire soit disposée à recevoir une décision définitive, c'est-à-dire que l'instruction de l'affaire soit assez avancée pour permettre de juger le fond. Ainsi, par exemple, une enquête a été ordonnée, conformément aux conclusions du demandeur, par le tribunal de première instance; appel de la part du défendeur prétendant qu'à tort et mal à propos les premiers juges ont permis et ordonné l'enquête. La cour, saisie de cet interlocutoire, juge qu'en effet il n'y avait pas matière à l'enquête. Va-t-elle alors renvoyer le fond devant un second tribunal pour savoir si réellement la prétention du demandeur est fondée ? Elle le pourra sans doute, elle le devra peut-être si cette prétention lui paraît mériter un grave et sérieux examen. Mais si, de l'ensemble de l'instruction, il résulte que l'unique moyen, l'unique preuve possible du demandeur, c'était l'enquête, admise par le tribunal et réformée par la cour, il est clair que la cause est toute prête à recevoir une solution définitive; nous déclarons que la preuve n'est pas admissible, voilà pour l'interlocutoire; et, en conséquence, jugeant au fond, puisque vous ne produisez plus aucune preuve, nous vous déboutons; voilà pour le fond. Deuxième condition: la cour doit, si elle évoque, statuer sur l'interlocutoire et sur le fond par un seul et même arrêt. * Elle ne pourrait pas, en infirmant l'interlocutoire, déclarer qu'elle évoque le fond et se réserver d'y statuer ulté rieurement (1). * Si l'affaire n'était pas suffisamment instruite au fond, la cour ne prononcerait que sur l'appel du jugement interlocutoire; et elle devrait renvoyer le fond aux premiers juges.

(1) Cass., 2 décembre 1846 (Dall., 1847, 1, 29.)

Enfin, 3o le tribunal d'appel, par exemple la cour impériale, ne peut évoquer le fond que si elle infirme, et non si elle confirme le jugement interlocutoire. Ce droit d'évocation, cette suppression du premier degré de juridiction est fondée sur la célérité de l'expédition des affaires, sur l'économie et la réduction des frais. Comme dans ce cas la cour, en infirmant l'interlocutoire, devrait, si elle renvoyait l'affaire, la renvoyer devant un second tribunal pour se conformer à l'art. 472 (1); comme ce serait une chose très-onéreuse pour les parties d'aller procéder par action nouvelle devant les juges pleinement étrangers à l'affaire qui les divise, le Code n'ordonne pas, mais permet à la cour, quand le fond est en état, de statuer sur le tout par un seul et même jugement.

Le deuxième alinéa de l'art. 473 admet le droit d'évocation dans d'autres hypothèses que celle d'un jugement interlocutoire; mais toujours sous les trois conditions précitées.

Ainsi la cour peut également évoquer le fond, dans le cas du § 2, quand elle infirme, pour des vices de forme ou pour tout autre motif pris en dehors du fond, un jugement définitif rendu par un tribunal de première instance. Ainsi, par exemple, ce tribunal aura mal à propos admis une péremption invoquée devant lui; le tribunal aura omis dans son jugement l'une des formalités essentielles à l'art. 141; le tribunal se sera mal à propos déclaré incompétent (2), la cour pourra, réformant le jugement sur ces différents points, et trouvant d'ailleurs l'instruction suffisante et l'affaire suffisamment éclaircie, infirmer à la fois ce jugement et statuer sur le fond de l'affaire par un arrêt définitif.

TRENTE-DEUXIÈME LEÇON.

LIVRE IV

DES VOIES EXTRAORDINAIRES POUR ATTAQUER LES JUGEMENTS.

719. Ce livre indique quatre voies extraordinaires d'attaque contre les jugements: la tierce opposition (titre I), la requête civile (tit. II), la prise à partie

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(1) En effet, l'art. 473 doit se combiner avec l'art. 472; si la cour, en infirmant, n'évoque pas l'affaire, elle renverra à un autre tribunal. C. de Cass., Rej., 6 juillet 1863 (Dall., 1864, 1, 27).

(2) * C'est une question controversée que celle de savoir si la Cour impériale peut évoquer le fond, en infirmant un arrêt sur la compétence. Boitard lui accorde ce droit en se fondant, sans doute, sur les termes généraux de l'art. 473: soit pour toute autre cause. Mais le texte, dans le deuxième alinéa, ne permet d'évoquer, pour vice de forme ou pour toute autre cause, que des jugements définitifs. Or le jugement sur la compétence n'est pas définitif. La jurisprudence, après avoir varié, paraît fixée dans le sens de l'opinion adoptée par Boitard. Toutefois, la Cour ne pourrait évoquer que si le tribunal compétent était dans son ressort. V. dans le sens de l'opinion de Boitard, les nombreux arrêts cités dans le Rép., du Journal du Palais, vo Évocation, no 82. - Cass., Rej., 28 février 1849 (Dall., 1849, 1, 158).— Contrà, Cass., 30 novembre 1814, et 29 août 1836, Journal du Palais.— V. aussi les autorités en sens divers citées dans Dall. 1860, 1, 32.

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