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Mon.

avoient fuivi le Vicomte de Dunois. & le Cardinal étoit tres-grand, Montfort en envoya une partie fous les ordres de fon frere dans le Quercy, pour venger la mort du Comte Baudouin, & lui avec le refte monta jufqu'à Valence, où le Duc de Bourgogne & le Dauphin fon frère lui remirent entre les mains la Princeffe Beatrix, qui époufa peu de jours aprés à Carcasfonne Amaury de Montfort. Les Nôces furent plus celebres par la bene- Domin.. diction que donna Saint Dominique, qui en fit la ceremonie, que par les autres réjouiffances, que le Comte. & Amaury fon fils mépriferent, croyant fe rendre beaucoup plus dignes de l'Alliance de Beatrix en lui foûmettant de nouvelles Villes & de nouvelles Provinces, qu'en prodiguant vainement de grandes fommes d'argent, qui étoient mieux employées à détruire l'herefie. Maurillac excellente Fortereffe de Roiier-gue, & où l'on trouva quelques Vaudois, Montpezat, Marmande, qui

* C'est la réfléxion de Pierre de Vaucernay qui marque par là qu'il mettoit beaucoup de difference entre les Vaudois, dont il parle ici. &les Albigeois, dont il parle par tout ailLeurs.

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apartenoit au Roy d'Angleterre, la Reole, & plufieurs autres Villés qui avoient quitté l'année precedente le parti de la Ligue, lors que Pierre Roy d'Arragon traverfa ce Païs avec la formidable Armée qu'il conduifoit à Toulouse, furent les premiers Lauriers que cueillit Amaury fous les or dres de fon Pere, & qu'il vint prefenter à Beatrix, pour meriter de plus en plus fon eftime.

L'entreprise que l'on forma fur Caffeneüil, ne promettoit pas moins de gloire. La Ville étoit bâtie fur les rochers, au milieu d'une eau vive qui rempliffoit de vaftes foffez. Hugues de Rominiac frere de l'Evefque d'Agen y commandoit à la tête d'une Garnifon compofée d'Albigeois; & Jean Roy d'Angleterre qui étoit proche avec une grande Armée, avoit promis de venir au fecours de Rominiac, fion ofoit l'affieger.

On ne redoutoit gueres la prefence de ce Monarque: la journée de Muret avoit donné du gouft à Montfort pour des Batailles où il y auroit des Rois à combattre, & il y avoit d'ailleurs tant de difference entre le brave Pierre Roy d'Arragon, qu'on avoit

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déja vaincu, & Jean Roy d'Angleterre, qui traînoit par tout avec lui le malheur; qu'un combat dans cette: occafion auroit été la chofe du monde: que les Croifez euffent aimé davantage.

Le Roy d'Angleterre en füt telle-. ment convaincu, qu'il s'en tint aux. promeffes pour ceux de Caffeneüil & aux menaces pour les Croisez. aimant mieux diffimuler la prife de Marmande , que Montfort lui avoit enlevée, & laiffer périr Rominiac fon Allié dans Caffeneiiil, que de commettre fa fortune toûjours malheureufe avec la fortune du Comte.

Cependant ceux de Caffeneüil fo fierent à la parole que le Roy leur avoit donnée, & le fecours qu'ils attendoient augmentoit leur force. On les voyoit paroître à toute ocafion, ils penetrerent une fois pendant la nuit jufqu'à la tenté d'Amaury, & l'on eut toutes les peines du monde à empefcher qu'ils ne l'enlevaffent.

Pour dompter de tels Ennemis Montfort inventa un nouveau ftratagême. Il fit fecrettement conftruire un Pont de bois, pour le jetter à l'improvifte fur l'eau des foffez, & pour

porter en un instant les Croisez vers la bréche qu'on avoit déja faite aux murailles. Le deffein étoit bien pris, l'execution n'y répondit pas. Les Ingénieurs à force de vouloir rendre ouvrage folide, le rendirent fi pefant, que quand on l'eut jetté fur l'eau, fa maffe le porta avec violence au fond, où il entra fi avant dans la terre, qu'on ne put le retirer.

Une premiere disgrace ne rebuta point: on connoiffoit la cause du mal, & on fe flâtoit d'y remedier bien-tôt. On bâtit un Pont fi leger, qu'il n'y avoit plus à craindre pour l'accident qu'on avoit efluyé : mais en évitant un inconvénient il eft affez ordinaire de tomber dans un autre; le Pont étoit admirablement bien fait, à cela prés, qu'il fut trop court, ainsi les Affiegez eurent le plaifir de charger de toutes manieres ceux qui fe hazardoient pour jetter le Pont, & ils n'eurent pas la peine de foûtenir les affauts dont on les avoit fi fouvent. menacez, auffi-tôt qu'on pourroit les joindre.

Les Catholiques malheureux dans l'execution de leurs Ponts, cherchetent d'autres moyens pour réuffir

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on conftruifit une Maifon de bois, au haut de laquelle on ménagea une platte forme, & on éleva fur la platte forme une Tour à cinq étages, dans chacun defquels on logea des Archers pour tirer fur les Ennemis entre le pied de la Tour & les clayes dont il étoit environné; on avoit aporté de l'eau pour éteindre le feu qui viendroit de la Ville. Le bas de la Maison étoit une espece de falle pleine de Soldats qui rempliffoient le foffe de ter& qui faifoient avancer à force de bras toute la machine à proportion qu'ils combloient les foffez. Les Affiegez étoient trop éclairez pour ignorer que leur ruine aprochoit d'autant de pas qu'ils voyoient aprocher la machine. Ils firent prier le Roy d'Angleterre de preffer le fecours qu'il avoit promis, & ils n'omirent rien de ce que d'habiles gens pouvoient faire, ils poufferent fur l'eau de leurs foffez des brulots vers la machine, mais les Croisez les détournerent: ils couvrirent de feu tous les étages de la Tour; les Croifez l'éteignirent; ils fe prefenterent la Lance à la main pour faire tête aux François, mais ils furent enfoncez, & les Catholiques parvin

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