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deur à fa Famille fans être ambitieux, comme on peut refufer des Dignitez fans être humble,

De toutes les Provinces qui relevoient du Comte de Toulouse au deçà du Rhône, il n'y avoit plus que le Rouergue où Montfort n'eut pas établi fa Puiffance & la Religion; c'eft pourquoi aprés avoir reglé les affaires du Perigord il y conduifit fon' Armée, non pas tant néanmoins pour y combattre, que pour y recevoir l'hommage du Comte de Rhodez dont les autres Gentilshommes du 114. Païs imiterent l'exemple, excepté le feul Severac, qui depuis que le retour de l'Hyver fembloit rendre les dehors de fa Ville impraticables à une Armée, ne craignoit plus, & vouloit au moins conferver fon indépendance, auffi long tems que dureroit la rigueur de la faifon. Guy de Montfort inftruit de la vaine fecurité du Gentilhomme, marcha pendant la nuit avec un Corps de Troupes vers fa Place; & ayant logé fans peine fes gens dans la baffe Ville, dont il trouva les portes ouvertes, il contraignit bien-tôt la haute à capituler & à fe rendre.

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Toulouse reftoit encore à réduire mais les négotiations de Bertrand Cardinal Legat commençoient d'avoir plus de force fur cette grande Ville, que n'en avoient eu les Ärmes. Les remontrances de ce fage Prelat firent enfin comprendre aux Touloufains que la France entiere, fous la conduite de Louis de France, alloit venir les affieger. Touloufe ellemefme voyoit fes maifons vuider d'Habitans, ou pleines de bleffez & de malheureux. Elle n'efperoit plus de fecours ni du Roy d'Arragon, qui avoit été tué devant Muret ni de l'Empereur Othon, ni du Roy d'Angleterre, qui venoient d'être battus par les François. Elle écouta en fin les propofitions du Legat, & elle fit reprefenter à Raymond, à qui elle s'étoit foûmife de nouveau depuis la mort de Pierre Roy d'Arragon, que Toulouse pouvoit périr pour fon fervice, s'il le vouloit; mais qu'en s'expofant à fa ruine entiere, elle ne pouvoit rétablir les affaires de fon Prince; que fi elle acceptoit la Paix, ce feroit dans la vûë de s'en fervir comme d'une occafion pour travailler au rétabliffement de fon légitime Maî

tre; que Raymond pouvoit ceffer de demeurer dans la Comté de Touloufe, fans ceffer de regner dans le cœur des Touloufains; que fon malheur ́ & fon abfence ne ferviroient qu'à couvrir davantage les négotiations de fes amis; que pour fe rejoindre plus agréablement, il étoit quelquefois abfolument neceffaire de fe feparer. Des paroles on en vint à l'effet: Touloufe livra un grand nombre d'ôtages au Legat; un Corps confiderable de Croifez entra dans le Château Narbonnois, qui étoit la Citadelle de Touloufe, & l'Evefque Foulques leva l'excommunication que fes Diocefains avoient encourue, Montauban imita Touloufe, & cette révolution fut pour Raymond une tempête dont les fecouffes éloignerent tous fes amis, & difperferent mefme fa famille. Les Comteffes, fa femme & la femme de fon fils, qui étoient toutes' deux fœurs de Pierre Roi d'Arragon, fe retirerent dans le Comtat Venaiffin. Raymond le fils alla porter la nouvelle de fon malheur au Roi d'Angleterre fon oncle, dont il ne reçût gueres d'autre confolation, que de voir dans fa perfonne un Prince qui avoit

fait des pertes encore plus fignalées que n'en avoit fait la Maifon de Touloufe. Raymond fon Pere mandia un azile auprés de Jacques Roy d'Arragon, & ce fut tout ce qu'il en put obtenir. Car ce Roy qui avoit été, comme nous l'avons dit, depuis plufieurs années au pouvoir des Croifez, venoit ⚫ de recouvrer la liberté par la generofité du Comte de Montfört, & ce: n'avoit été que moyennant le ferment qu'il avoit fait, de ne prendre jamais, les Armes contre Montfort: ferment qu'il étoit refolu de garder avec une fidelité inviolable; également affligé du malheur de fon Pere, & déterminé à marquer fon attachement à l'Eglife; fa gratitude au Comte de Montfort, qui lui avoit confervé la vie; fou refpect au Pape, qui avoit répondu pour lui aux Croisez; enfin fa confidération pour la France, de la protection de qui il avoit un befoin extrême, parce que fes deux Oncles, Sanche & Ferdinand, renouvelloient les anciens differents au fujet du Mariage de Marie de Montpellier fa Mere avec le Roy Pierre, & s'obftinoient à vouloir en prouver la nullité.

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Les amis du Comte de Touloufe fe trouverent dans un état plus defaftreux que n'étoit celui de leur Maître, ils perdirent tout comme lui, & ils n'avoient pas comme ce Seigneur un grand nom qui fuffifoit au moins pour le tirer de l'indigence & de la mifere. Mais ces faux amis, qui l'avoient perdu par leurs confeils pernicieux meritoient-ils une autre fortune? Un de fes premiers Miniftres demanda, pour fubfifter Gune Commanderie de la Ville, qui avoit été à la nomination du Comte de Touloufe, & fa demande lui attira des railleries fanglantes.

Les Catholiques commencerent alors à jouir d'un calme profond, &ils demandoient à qui des Seigneurs Groifez on confietoit le gouverne ment de Touloufe. Ce fut dans le Concile de Montpellier que le Legat Pierre de Benevent mit en deliberation cetté Affaire en prefence des Archevefques de Narbonne, d'Auch, d'Ambrun, d'Arles, d'Aix, & de vingt-huit Evefques. On eut dit qu'on n'y étoit venu que pour faire l'éloge du General de la Ligue: les Prelats l'apeloient le fleau de l'here

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