Page images
PDF
EPUB

nion.

[ocr errors]

de trouver, comme fes Prédeceffeurs, des Armes capables de la réduire, & des moyens pour foûtenir les travaux & le courage des Troupes.

Chaffa Peguigny avoit quelque raifon : Touloufe étoit redoutable, & il n'y avoit que le Legat qui ne le fçavoit point, parce qu'il n'alloit pas aux coups voir de prés les Ennemis qu'il croyoit fi faciles à vaincrè; un Détachement des Croifez ayant paffé la Riviere avec Montfort pour enveloper Touloufe de tous côtez, il fut entierement défait par le Comte de Foix qui venoit d'entrer dans la Ville; on vid alors ce qu'on n'avoit point encor vû, le Comte de Montfort prendre la fuite. On fut même fur le point de le perdre; car comme il vouloit fe jetter dans un Bâteau, fon cheval qui étoit fort fatigué ne pouvant s'élancer avec affez de vigueur pour y porter fon Cavalier, tomba dans la Garonne avec le Comte, que la pefanteur de fes Armes emporta au fond de Feau; la force feule de Montfort lui fauva la vie. En effet, quoi que fon cheval n'eût plus affez de feu pour le repouffer vers la furface de l'eau, cependant nonobftant le poids de fes

Armes,

Armes, il s'élança fi vigoureufement, que ceux qui étoient dans le Bâteau où il avoit voulu monter, le reçûrent entre leurs bras, & le tirerent à eux, quoi qu'avec beaucoup de peine.

Le fuccez de Raymond n'étoit pas 1217. moindre dans les autres quartiers : on voyoit à l'œil croître la largeur & la profondeur de fes foffez; il relevoit par tout fes murailles. Les Croisez ne montoient plus à l'affaut, & les Albigeois formoient le Siege auteur du Château Narbonnois, qu'ils battoient fi rudement, que le Legat & le Comte pour éviter d'y être accablez à coups de pierres, en fortirent, & fe retirerent au Camp de la Ligue, fans pouvoir arrêter un renfort de Gafcons que Narciffe de Mentefquiou amenoit à Raymond, & qui contraignit Montfort à changer le Siege de Touloufe en blocus.

Les Catholiques attendirent avec impatience pendant l'Hyver l'Armée que l'Evefque de Touloufe & Jacques de Vitry levoient en France, dans les Païs-Bas & en Allemagne : l'Evefque y faifoit un plus grand ufage que jamais des qualitez naturelles

R

Meicrus

18.

qui le fendoient le Prédicateur du -monde le plus touchant, le plus vif, le plus agréable; & Jacques de Vitry ajoûtoit à la force de ses discours l'éclat des Miracles, envoyant à ceux qui s'opofoient à fes deffeins des maladies qu'on a vû durer des vingt années. C'eft ce pouvoir d'operer des prodiges qui fe trouvant joint au merite de fon efprit & à la droiture de fon cœur, le faifoient regner en France fur un grand nombre de Penitens & de Penitentes, qui avoient une obéïffance, une ouverture de con+science, une affiduité à leurs devoirs, June tendreffe de dévotion dont on ne voyoit point d'exemples dans le LanSurius guedoc. L'Evefque de Toulouse, qui en étoit témoin, difoit qu'il avoit Marie paffé de l'Egypte dans la Terre proEgypt. mife, où un peché veniel donnoit

Vie de

Sainte

plus d'horreur aux ames Chrétiennes, que les plus grands pechez aux TouToufains. Aparemment ce faint Evelque en parlant fi mal de fes Diocefains, ne les regardoit que par leur mauvais endroit, qui étoit une extrê<me obftination dans la révolte; car autrement, équitable comme il l'étoit, il n'eût pu s'empefcher de trou

ver mille qualitéz admirables dans ce vaillant Peuple, qui réunit le feu & l'ingenuité Françoife avec le phlegme Efpagnol, & qui a au fond une tresgrande difpofition pour la veritable pieté.

J'ai dit que les deux Miffionnaires 1218. dont je viens de parler travaillerent infatigablement pour le Comte de Montfort; & j'ajoûte à prefent que le Comte prodiguoit fes biens pour leur marquer fa reconnoiffance. Verfeil, & vingt autres Bourgs ou Villages, furent la récompenfe de l'Evefque de Touloufe. Il ne tint qu'à Vitry d'en recevoir autant; & les enfans de Dominique, qui aidoient ces deux grands Hommes, étoient par tout comblez des liberalitez du Comte. On ne fçavoit ce qui meritoit plus d'éloges, ou les travaux de ces faints Religieux, ou les largeffes d'une main auffi liberale que celle de Montfort. Les forces que ces hommes Apoftoliques ramafferent cette année monterent au moins à cent mille hommes, & ce fut alors que les Croif z ne craignirent plus Touloufe. On crut avoir un prefage de la deftruc tion de cette grande Ville dans la

1218. P. de V.

ruine de Montauban, qui venoit d'être puni d'une maniere auffi furprenante, que capable de faire redouter les Armes des Croifez.

Montfort doutant de la fidelité des Bourgeois de Montauban, envoya le Senéchal d'Agen & l'Evefque de Letoure leur demander des ôtages qu'on fupofoit qu'ils ne refuferoient pas depuis que les Croifez avoient une Armée nombreuse. D'abord ils ne penferent pas effectivement à refifter; jufqu'à ce que faisant réfléxion pendant la nuit au petit nombre de ceux que le Senéchal avoit avec lui, ils eurent honte de leur propre lâcheté. Que craignons-nous ? fe difoient-ils, Eft-ce le Senéchal, de la vie duquel nous pouvons difpofer comme il nous plaît? Est-ce Montfort, à qui Toulouse va faire recevoir cette année un auffi grand affront que l'année précedente? N'avonsnous pas autant de cœur que les Touloufains? Souffrirons - nous qu'ils passent pour les gens du monde les plus braves, fans tâcher d'égaler, au moins en quelque chofe, leur courage? Mettons-nous dans la neceffité de faire de glorieufes actions. En parlant de la forte, on refolut de poignarder le Senéchal; & pour

« PreviousContinue »