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sée de... et d'un ingénieur, et non pas d'un ingénieur des ponts et chaussées, ni d'un ingénieur de l'Etat.

Il est peu de désignations dont le sens soit plus large que celle d'ingénieur, et, comme l'a fait observer la cour de Liége, il y a des ingénieurs d'une infinité d'espèces. Les ingénieurs sont donc en général tous ceux qui s'occupent de la construction, de l'établissement ou de l'entretien de travaux publics ou privés, quelle que soit leur nature.

L'ingénieur des ponts et chaussées n'est qu'une variété du genre.

Le pourvoi vient donc tout d'abord échouer contre le texte de la loi de 1810.

Les demandeurs sont contraints d'y introdaire une distinction arbitraire et d'en altérer les termes, afin d'en pouvoir alléguer la violation.

Mais ce n'est point le texte de la loi qu'on provoque, c'est son esprit.

Les discussions, loin de témoigner que la volonté du législateur soit d'exiger l'intervention d'un fonctionnaire public dans la commission d'enquête, établissent le contraire.

En effet, l'une des premières rédactions du projet de loi introduisait dans le jury l'ingénieur en chef du département; on lui substitua d'abord l'ingénieur de l'arrondissement, et plus tard, dans la rédaction définitive, un ingénieur, sans que Locré rapporte les motifs de ce double changement.

L'ingénieur en chef et l'ingénieur de l'arrondissement devaient appartenir au corps des ponts et chaussées, et on supprime leur intervention pour se contenter de celle d'un ingénieur quelconque. Mais il faut reconnaître que si l'intention du législateur était d'exiger dans tous les cas l'assistance d'un agent de l'Etat appartenant au corps des ponts et chaussées, elle ne pouvait se manifester sous une forme plus singulière.

Il semble donc que ce changement radical du texte de l'article 7 suffit à lui seul pour faire rejeter le pourvoi; car on y trouve une preuve irrécusable des intentions du législa

Leur.

Ces intentions se laissent apercevoir assez aisément. On n'avait parlé d'abord que de l'ingénieur du département ou de l'arrondissement, parce qu'on s'était surtout beaucoup occupé de travaux entrepris pour établir une route ou pour construire un canal; mais lorsque plus tard on remarqua que l'utilité publique pouvait commander d'autres travaux, que les départements et les communes ont leurs travaux publics comme l'Etat, par

cela même il fallait une rédaction plus large; là où l'Etat n'est pas intéressé, le fonctionnaire public, qui est l'homme de l'Etat, n'a plus que faire au jury.

Les demandeurs se trompent lorsqu'ils pensent que l'ingénieur est dans la commission à titre d'agent de l'Etat, de fonctionnaire public, ou comme revêtu d'autorité et de commandement. Le but de la loi de 1810 était précisément d'enlever au corps des ponts et chaussées ce commandement qu'il exerçait jusqu'alors; de confier la direction à un jury et d'introduire un homme de l'art dans la composition de celui-ci, afin qu'il fut suffisamment éclairé.

La cour de Liége, non-seulement n'a pas violé l'esprit de la loi de 1810, mais elle s'y est strictement conformée.

Le législateur de 1810 voulait que le jury statuât en connaissance de cause; il lui a adjoint un ingénieur afin de l'éclairer en sa qualité d'homme de l'art. Il faut qu'il soit à même d'apprécier sainement les travaux dont il s'agit. C'est en quelque sorte un expert; et pour le choisir, il faut avoir égard aux circonstances spéciales de chaque cas et aux connaissances qu'il nécessite.

Dans l'espèce, il s'agissait essentiellement, presque exclusivement de la construction d'écoles, c'est-à-dire d'une question d'architecture, et rien ne semble plus rationnel que d'avoir fait choix d'un architecte.

Les demandeurs argumentent de ce que le texte hollandais a conservé le mot français ingenieur au lieu de le traduire par l'équivalent d'homme de l'art. Mais cette expression homme de l'art isolément serait trop vague, il faut un homme de l'art du génie, et dès lors il était impossible de trouver une expression à la fois plus précise et plus élastique que celle d'ingenieur. C'est pourquoi la langue hollandaise l'a adoptée, et bien évidemment elle n'en a point changé par là la signification.

Si dans le texte hollandais on avait traduit ingénieur par employé du waterstaat, l'on comprendrait qu'on s'en prévalût, mais l'on ne voit pas quel avantage on peut tirer de ce qu'un ingénieur ait été traduit par inge

nieur.

M. l'avocat général a dit sur le pourvoi :

Lorsqu'un immeuble doit être exproprié pour cause d'utilité publique, les propriétaires intéressés sont autorisés à présenter des observations sur la direction que l'on se propose de suivre.

On lève et on dépose le plan des terrains

à exproprier. Cette levée du plan se fait par les ingénieurs ou autres gens de l'art chargés de l'exécution des travaux ordonnés. Cela est ainsi exprimé à l'article 5 de la loi, et nous remarquons que dans cette disposition, le législateur de 1810 place sur la même ligne les ingénieurs ou autres gens de l'art. Il ne suppose donc pas la nécessité absolue de l'intervention d'un ingénieur. Il veut seulement que le plan soit dressé par l'homme de l'art qui est chargé de l'exécution des travaux..

Rien ne s'oppose dans la loi à ce que l'ingénieur qui a dressé le plan fasse partie de la commission prévue à l'article 7. Cela se rencontrerait d'abord, et d'après la loi mème. toutes les fois que le plan aurait été dressé et levé par l'ingénieur de l'arrondissement.

Ce n'est pas à raison de sa qualité de fonctionnaire public, mais à raison de ses connaissances spéciales qu'un ingénieur fait partie de la commission chargée d'entendre les plaintes ou observations des propriétaires. Il s'agit en effet d'examiner et de décider si le travail peut se faire autrement qu'il n'est proposé.

L'esprit de la loi se révèle à nos yeux par l'alternative exprimée à l'article 5; les ingénieurs ou autres gens de l'art.

D'après le premier projet de loi, les propriétaires n'avaient aucune observation à présenter sur la direction des travaux... cela faisait dire à Napoléon (1) :

«Dans l'état actuel des choses, un simple officier des ponts et chaussées est seul juge de la nécessité d'exproprier..., que l'officier des ponts et chaussées rentre donc dans le cercle des fonctions qui lui sont propres. Elles consistent à dresser le plan des travaux, à en tracer la ligne, à indiquer les fonds qu'il sera nécessaire de prendre, les édifices qu'il faudra abattre, mais tout doit s'arrêter là. »

Le 28 novembre 1809, on discuta au conseil d'Etat la deuxième rédaction du projet; on avait cherché à y introduire les idées de l'empereur.

Dans la commission dont parle l'article 7 de la loi, figurait l'ingénieur en chef du département... On substitua l'ingénieur de l'arrondissement à l'ingénieur en chef (2).

Dans la troisième rédaction on se borne à demander l'intervention d'un ingénieur.

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A partir de cette rédaction, l'article 7 ne subit plus de modifications. Puisqu'on ne requiert plus que ce soit l'ingénieur du département ou de l'arrondissement, c'est que l'ingénieur ne vient pas dans la commission à titre de ses fonctions, en qualité de fonctionnaire, sans cela il faudrait exiger l'intervention de l'ingénieur ayant qualité dans le territoire même; il est démontré par cela seul que l'on ne parle d'ingénieur qu'à raison de la capacité, à raison des connaissances spéciales que ce titre suppose.

Sous ce rapport, l'article 7 de la loi est conçu dans le même esprit que l'article 5. Dans ce dernier article l'ingénieur est un homme de l'art, il peut être remplacé par un homme de l'art.

S'il en est ainsi, le mot ingénieur ne peut être pris dans un sens absolu, mais au contraire avec une acception purement énonciative.

Supposons, en effet, qu'il s'agisse d'une expropriation nécessitée par des travaux de défense à exécuter par le génie militaire. Dans cette circonstance, qui sera l'homme de l'art? mais évidemment un officier du génie militaire, un ingénieur militaire; par ce seul exemple, nous acquérons la preuve qu'il s'agit dans l'article 5 comme dans l'article 7 d'une désignation purement énonciative. Et si l'on a supprimé dès la troisième rédaction du projet les mols ingénieur du département ou de l'arrondissement, mots qui s'appliquaient uniquement au corps des ponts et chaussées, c'est précisément pour ne pas se lier ainsi les mains, parce que, ne fût-ce que dans le cas de travaux militaires, c'était un autre ingénieur dont on devait requérir les lumières et l'expérience. Le mot ingénieur, sans aucune addition explicative, ne répond donc pas nécessairement à l'idée d'un ingénieur du corps des ponts et chaussées.

Or, il y a des ingénieurs de diverses catégories, il y a

Les ingénieurs géographes;
Les ingénieurs hydrographes;
Les ingénieurs de la marine;
Les ingénieurs militaires;
Les ingénieurs des mines;

Enfin les ingénieurs des ponts et chaussées.

S'il s'agit d'agrandir un établissement maritime ou de former un pareil établissement, ne sera-ce pas un ingénieur de la marine qu'il faudra consulter? Par sa mission, il est chargé... de tous les travaux à exécuter dans

les divers chantiers et ateliers de construction... Ne doit-il pas déterminer ce qui convient aux locaux propres à ces mêmes chantiers et ateliers de construction?

La rédaction de la loi, comme son esprit, confirment donc l'exactitude de cette proposition :

Par le mot ingénieur on ne doit pas entendre exclusivement un ingénieur des ponts et chaussées.

S'il en est ainsi, on doit faire un pas de plus et entendre par ingénieur un homme de l'art.

C'est ainsi que l'article 7 de la loi de 1810, reproduit dans l'art. 2 de l'arrêté du 25 décembre 1816, a été interprété par l'arrêt attaqué qui en cela nous semble avoir fait de la loi une juste application.

ARRÊT.

LA COUR; Sur l'unique moyen de cassation, déduit de la violation des art. 11 de la constitution, 2 et 7 de la loi du 8 mars 1810, 1 et 2 de l'arrêté royal du 25 décembre 1816; en ce que les articles cités de la loi du 8 mars 1810 et de l'arrêté du 25 déc. 1816 exigent que parmi les membres des commissions d'enquête figure un ingénieur, qui est un officier du corps des ponts et chaussées, un agent de l'Etat, un fonctionnaire public; tandis que dans la commission d'enquête dont il s'agit au procès actuel, l'ingénieur a été remplacé par un architecte, ce qui vicie la composition de cette commission, et rend nulle toute la procédure qui l'a suivie :

Attendu que la dénomination d'ingénieur, sans autre qualification, est applicable à tous ceux qui s'occupent de la construction, de l'établissement ou de l'entretien des travaux publics ou privés, quelle que soit leur nature, et qui, par la spécialité de leurs connaissances et le genre de leurs professions, sont aptes à participer aux travaux de la commission à laquelle ils sont appelés à intervenir;

Attendu que c'est dans ce sens général que le terme ingénieur a été employé dans la loi du 8 mars 1810; qu'en effet, il résulte des travaux préparatoires de cette loi que les premières rédactions introduisaient dans la composition des commissions d'enquête l'ingénieur en chef du département, qu'on y substitua ensuite l'ingénieur de l'arrondissement, qui appartenaient au corps des ponts et chaussées, et que plus tard, dans la rédaction définitive, on introduisit un ingénieur quelconque;

Attendu qu'en substituant ainsi une rédaction plus large à la première rédaction, on ne peut avoir eu pour but que de faire entrer dans la composition des commissions d'enquête des hommes de l'art, réunissant l'aptitude nécessaire, alors même qu'ils ne feraient point partie du corps des ponts et chaussées.

En ce qui touche les art. 1 et 2 de l'arrêté du 25 décembre 1816 également cités comme violés:

Attendu que le préambule de cet arrêté porte expressément, que les lois encore en vigueur, et spécialement celle du 8 mars 1810, concernant les expropriations pour cause d'utilité publique, et la fixation des indemnités, contiennent des dispositions convenables qu'il est important de suivre et d'observer; et que d'ailleurs rien n'établit que l'auteur de l'arrêté aurait voulu donner au mot ingénieur un autre sens que dans la loi du 8 mars 1810;

Que de tout ce qui précède il résulte donc, qu'en décidant qu'un architecte provincial avait par son état et par sa profession qualité pour siéger dans une commission d'enquête, et en considérant comme régulièrement composée la commission d'enquête dont il s'agit dans le procès actuel, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles cités à l'appui du pourvoi;

Par ces motifs, rejette le pourvoi, condamne les demandeurs à l'amende de 150 fr., à une indemnité de pareille somme envers la partie défenderesse et aux dépens.

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Le conseil du demandeur exposait comme suit les motifs du pourvoi :

Debouck a été condamné, le 23 novembre 1855, pour faux en écriture de commerce.

Il se pourvoit contre l'arrêt de condamnation pour violation de l'article 20 de la loi du 15 mai 1838.

Cet article impose au président de la cour d'assises l'obligation de remettre aux jurés les questions sur lesquelles ils auront à répondre séparément et distinctement, d'abord sur le fait principal, ensuite sur chacune des circonstances aggravantes.

Il résulte de cette disposition que le président de la cour d'assises devait interroger séparément et distinctement le jury d'abord sur le fait principal du faux, puis sur la circonstance aggravante tirée de la qualité commerciale des écritures imitées.

En effet, si la cour d'assises a incontestablement le pouvoir de décider la question de savoir si l'acte incriminé de faux est privé, commercial ou public, ce n'est toutefois qu'au point de vue du droit qu'elle est investie de ce pouvoir; mais c'est au jury qu'il appartient de reconnaître et de constater toutes les circonstances de fait qui doivent servir de base à l'examen de la cour d'assises. Spécialement, en matière de faux en écriture de commerce, c'est au jury à constater si les signatures fausses apposées sur un billet à ordre sont des signatures de négociants ou si le billet à ordre a pour cause un achat de marchandises pour les revendre, sauf à la cour d'assises à qualifier ensuite ces faits et circonstances et à juger d'après la loi si le fait reconnu constant doit être réputé faux en écriture privée, faux en écriture de commerce (voy. le code pénal annoté de Gilbert et Hélie, art. 147, no 157).

Dans l'espèce, il s'agissait de faux billets à ordre qui, dès lors, ne pouvaient être réputés faux en écritures commerciales que ́pour autant qu'il fût constaté par le jury que les signatures apposées au bas de ces faux billets étaient celles d'individus négociants. Comment cette constatation devait - elle être faite par le jury?

La cour d'assises a pensé qu'il suffisait que la question portant sur le fait principal fit mention de la qualité de négociant et qu'à

19 octobre 1847 (Bull., 1839, 1, p.7; 1841, 1, 493; 1848, 1, 675); Dalloz, vo Instruct. cr., n° 2879.

cette question le jury eût répondu affirmativement.

Ainsi elle a demandé au jury: Debouck est-il coupable d'avoir fabriqué... et d'y avoir apposé la fausse signature de M. Charles Derbaix, négociant?

L'accusé pense que le jury devait être interrogé par question spéciale et distincte sur le point de savoir si M. Charles Derbaix était commerçant, et il se fonde sur le texte cité plus haut de l'article 20 de la loi de 1838.

La question à décider est donc celle de savoir si le caractère commercial de l'écriture fausse est une circonstance constitutive du faux en écriture de commerce ou seulement une circonstance aggravante qui s'ajoute au crime de faux.

C'est demander si le crime de faux en écriture de commerce est un crime sui generis, distinct du faux en écriture privée, ou si ces deux crimes ne sont pas plutôt comme deux variétés, comme deux sortes diverses d'un même fait criminel.

La question ne paraît pas pouvoir faire l'objet d'un doute sérieux.

Tous les criminalistes présentent le faux en écriture comme un seul et même crime dont les éléments constitutifs sont l'altération de la vérité, l'intention de nuire et le préjudice possible. Et après avoir analysé chacun de ces éléments constitutifs. de ces caractères communs à tous les faux, ils montrent que le législateur a divisé les faux en trois variétés, selon la qualité de la signature imitée.

Chauveau et Hélie, dans leur Traité de droit pénal (Brux., Meline, 1845, no 1645), s'expriment en ces termes :

«Le faux en écriture privée est le faux simple, c'est-à-dire dégagé des circonstances aggravantes de l'écriture publique et de l'écriture commerciale. La disparition de ces circonstances ne fait donc que modifier le caractère du crime sans en altérer la nature."

Morin, dans son Répert. de droit criminel, vo Faux, traite dans le § 2 des éléments constitutifs du faux en écriture, et dans le § 5, des espèces diverses de faux criminel.

Dalloz, dans son Nouveau Rép., vis Faux et Fausse monnaie, traite dans le chapitre 4 du faux en écriture et au no 532 il définit le faux en écriture privée « celui qui est commis sans les circonstances de l'écriture publique ou de l'écriture commerciale.

Cette opinion unanime des auteurs est parfaitement justifiée ici. Nulle part la distinction entre la circonstance aggravante et la circonstance constitutive n'est mieux mar

quée. Peu importerait en cette matière la qualité des écritures falsifiées; si l'un des éléments constitutifs du faux en écriture, par exemple l'intention de nuire, faisait défaut, il n'y aurait pas de crime. Peu importerait encore le doute qui pourrait exister sur la qualité de l'écriture falsifiée; du moment où l'altération de la vérité, l'intention de nuire, le préjudice réel ou possible se trouveraient réunis, il y aurait crime. Ce n'est donc pas la qualité de l'écriture qui fait le crime; elle n'agit que sur la peine.

La qualité des écritures falsifiées est donc une circonstance aggravante.

C'est au jury qu'il appartient de constater, en ce qui concerne les points de fait, l'existence de cette circonstance aggravante. Il doit donc être interrogé par question distincte et spéciale.

La question que soulève aujourd'hui Debouck n'a pas encore été résolue en termes explicites par la jurisprudence.

On trouve cependant quelques décisions qui supposent nécessairement l'application des principes que l'on vient d'émettre.

C'est ainsi que la cour de cassation de France, dans un arrêt de cassation du 25 mai 1827, s'exprimait en ces termes :

« Attendu... que, par une conséquence nécessaire, lorsqu'un individu est accusé du crime de faux en écriture de commerce ou de banque, les cours d'assises ne peuvent déclarer les actes dont il s'agit écritures de commerce d'après les principes du droit et appliquer la peine à l'individu coupable de ce crime qu'autant que le jury aurait déclaré affirmativement toutes les circonstances élémentaires du fait qui peuvent constituer une écriture de commerce; que s'il s'agit, comme dans l'espèce, de billets à ordre même causés valeur en marchandises, les cours d'assises ne peuvent qualifier cet acte faux en écritures de commerce qu'autant qu'indépendam.ment du fait principal relatif à la confection du faux billet à ordre, le jury aurait été interrogé et aurait répondu affirmativement sur la qualité commerciale des individus dont lesdits billets à ordre porteraient les signatures fausses, falsifiées ou contrefaites. >>

Dalloz, dans son Nouveau Rép., vis Faux et Fausse monnaie, no 187, exprime le même sentiment.

Enfin, il est à remarquer que les questions, telles qu'elles ont été formulées par la cour d'assises du Hainaut, sont des questions complexes, et qu'il eût été impossible à un juré de déclarer qu'à ses yeux la personne

dont la signature était falsifiée n'était pas commerçante sans acquitter l'accusé sur le fait principal du faux en écriture et sans trahir par conséquent ses devoirs envers la société. Il y a question complexe, en effet, dès qu'il y a interrogation simultanée et nécessité d'une réponse indivisible sur deux faits indépendants l'un de l'autre. Or, ce sont les questions complexes qu'a voulu proscrire la loi de 1858.

La cour d'assises du Hainaut a donc violé l'article 20 de la loi du 15 mai 1858 et injustement appliqué l'article 147 du code pé

nal.

Debouck est donc recevable et fondé dans son pourvoi.

M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi.

ᎪᎡᎡᎬᎢ .

LA COUR; Sur le moyen de cassation présenté et consistant dans la violation de l'article 20 de la loi du 15 mai 1858 et la fausse application de l'article 147 du code pénal, en ce que le jury a été interrogé par une seule question sur le fait principal de chacun des faux imputés au demandeur et sur la circonstance aggravante résultant de la qualité de commerçant de celui dont la signature a été imitée ou contrefaite :

Attendu qu'aucune disposition de la loi ne range le faux, considéré d'une manière abstraite, au nombre des crimes ou délits; que le code pénal, livre III, tit. Ier, chap. 3, sect. 1re, intitulée du Faux, distingue et punit différentes espèces de faux qui constituent, les uns des crimes, les autres des délits et entre autres le faux en effets de trésor royal, art. 139, le faux en billets de banques autorisées par la loi, art. 139, le faux en écritures publiques ou authentiques, art. 145, 146 et 147, le faux en écritures de commerce, art. 147, le faux en écritures privées, art. 150, les faux dans les passe-ports, feuilles de route et certificats, art. 153 et suivants, etc.; que, d'après ces articles du code pénal, chacune de ces espèces de faux a ses éléments constitutifs et un caractère spécial qui la distingue des autres; qu'en ce qui concerne le faux en écritures de commerce, la nature commerciale des signatures contrefaites ou falsifiées est un des éléments de ce crime et constitue le caractère spécial qui le distingue des autres faux ;

Attendu que, dans l'espèce, le demandeur était accusé de plusieurs crimes de faux en écritures de commerce consistant en une lettre et trente-quatre billets à ordre ; que la

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