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Cette distinction nous parait contraire à l'esprit et au texte de la loi. Le législateur, en exigeant cette uniformité dans la préparation des remèdes, a-t-il pu avoir un motif de la vouloir pour certains remèdes, non pour tous? Nous ne concevons pas quel pour rait être ce motif. Aussi le sens du préambule de la loi du 12 juillet 1821 est-il général : le législateur veut obliger les pharmaciens à préparer d'une manière uniforme tous les remèdes, sans distinction. Le texte de l'article 2 de l'arrêté du 28 avril 1821 est également général : il défend aux pharmaciens de tenir dans leur officine tout médicament non indiqué dans la pharmacopée belgique. Le même caractère de généralité se rencontre dans le texte des articles 5 de l'instruction du 31 mai 1818 pour les apothicaires, et de l'arrêté du 28 avril 1821 : tous les médicaments, sans distinction, qui se trouvent dans l'officine, doivent être indiqués par les dénominations de la pharmacopće officielle.

Si le législateur avait admis la possibilité pour les pharmaciens d'avoir dans leur officine des médicaments non mentionnés dans cette pharmacopée, l'interdiction de l'art. 2 se serait-elle produite avec son caractère absolu, et les articles 5 précités n'auraient-ils pas prévu la désignation ostensible à donner à des médicaments ne figurant pas dans la pharmacopée belgique?

La cour proclame en principe le droit qu'ont les pharmaciens de « vendre tous les médicaments qu'on leur demande, pourvu « qu'ils en connaissent la recette; droit qui « dérive de leur diplôme et qui ne pourrait « être limité par aucune loi, sans limiter « l'art de guérir lui-même. »

Il nous semble que le seul droit qui dérive pour les apothicaires, de leur diplôme, est celui de pratiquer leur art conformément aux lois et aux instructions qui en réglementent l'exercice. Le serment qu'ils prétent en exécution de l'instruction du 51 mai 1818, qui les concerne, leur impose formellement le devoir de respecter ces lois et ces règlements. Si ces dispositions législatives et réglementaires, en limitant leur droit, limitent l'art de guérir, c'est que des considérations de l'ordre le plus élevé ont imposé cette restriction au législateur, comme l'accomplissement d'un devoir impérieux, en vue de la santé publique.

D'ailleurs, d'après l'arrêt lui-même, les médicaments composés qui figurent à la pharmacopée belgique ne peuvent être préparés que conformément à cette pharmacopée. De sorte que, un pharmacien eut-il

même découvert un mode de préparation plus parfaite, ne pourrait pas se départir des prescriptions officielles. Cette défense limite évidemment aussi l'art de guérir ; cependant elle existe, et la cour reconnaît qu'elle est obligatoire pour les hommes de l'art.

En vain l'arrêt proclame-t-il que si la loi de 1818 autorise le gouvernement à régler l'exercice du droit des pharmaciens, ce n'est pas pour le restreindre, mais pour l'entourer de certaines précautions. Ces précautions, en effet, sont par elles-mêmes restrictives. La faculté de réglementer un droit implique la faculté d'en subordonner l'exercice à certaines formalités qui restreignent nécessairement le caractère absolu du droit. Du reste, la cour d'appel a elle-même admis que le gouvernement avait le pouvoir de restreindre le droit qu'ont les pharmaciens d'exercer leur art, puisqu'elle a reconnu que par l'article 4 de l'instruction du 31 mai 1818, pour les apothicaires, le gouvernement a pu interdire à ceux-ci la vente des médicaments qu'ils n'avaient pas préparés eux-mêmes.

L'arrêt du 6 janvier se fonde enfin sur une dépêche adressée par le ministre de l'intérieur à la commission médicale du Brabant le 25 octobre 1827 ( Belgique judiciaire, l. 6, p. 782). Cette dépêche ministérielle, dont le texte officiel et le but principal nous sont inconnus, et qui n'est apparue au procès que comme un document dont il avait été fait usage dans un autre litige, ne peut pas constituer un acte d'interprétation législative ayant force de loi. Aussi la commission médicale du Brabant ne se croit-elle pas liée par l'opinion qu'énonçait le ministre de l'intérieur, le 25 octobre 1827.

Le système consacré par l'arrêt du 6 janvier a pour conséquences de rendre illusoires tout contrôle et toute surveillance de l'exercice de la pharmacie. Quel que soit le zèle que mettront les commissions médicales dans la visite des officines, afin d'obliger les apothicaires à préparer les médicaments d'après les règles de l'art et d'une manière uniforme; du moment que les pharmaciens peuvent s'écarter de la règle uniforme tracée par la pharmacopée belgique, les préparations officinales sont livrées à l'arbitraire et à la divergence de la doctrine. Si la commission saisissait un remède qui lui parût suspect, le pharmacien pourrait se borner à dire que c'est un médicament nouveau dont il est l'inventeur. Comment la commission pourrait-elle vérifier si ce remède est préparé selon la vraie recette?

On nous objecte, à la vérité, que si les

apothicaires ne pouvaient tenir dans leur officine que les médicaments indiqués à la pharmacopée belgique. l'art de guérir pourrait en éprouver des inconvénients, parce que beaucoup de remèdes ne figurent pas dans ce recueil. Mais pour obvier à cet inconvénient, et faire disparaître cette objection, il suffit de mettre et d'entretenir la pharmacopée au niveau de la science. C'est notamment dans ce but que fut instituée la commission chargée des affaires médicales au ministère de l'intérieur ( arrêté royal du 23 nov. 1816). Quelle que soit, du reste, la solution qu'on donne à la question des remèdes secrets, on sera contraint de maintenir la pharmacopée officielle à la hauteur de la science, puisqu'aux termes de la loi du 12 juillet 1821, on ne peut obliger les pharmaciens à tenir dans leur officine que les médicaments mentionnés dans cette pharmacopée. Cette observation fournit une nouvelle preuve de la vérité de cette assertion : que la pharmacopée belgique forme la base du système de la loi.

Il convient de remarquer en terminant, que quoique la loi du 12 mars 1818 et celle du 12 juillet 1821 ne traitent pas de remèdes secrets en les désignant nominativement, ces remèdes n'ont pas été perdus de vue lors de la rédaction de ces lois. En effet, c'est la commission organisée par l'arrêté précité du 25 novembre 1816 qui a élaboré tous les projets de loi relatifs à l'exercice de l'art de guérir, comme elle a formulé toutes les instructions concernant cette matière. Or, l'article 10 de cet arrêté royal attirait l'attention des membres de cette commission sur les remèdes secrets. S'il en est ainsi, peut-on supposer que le gouvernement et la législature, qui ont entouré d'une sollicitude si grande tout ce qui pouvait exercer une influence fâcheuse sur la santé publique, aient négligé de protéger les citoyens contre le danger qu'offre l'emploi de tous les remèdes secrets? Ce danger n'existe-t-il pas lorsque le pharmacien qui les vend les a préparés luimème, aussi bien que lorsque cette préparation est l'œuvre d'un autre apothicaire? QUATRIÈME POINt. Le pharmacien qui a vendu un médicament dont il ne connaît pas la vraie recette, un remède secret, est passible de la peine comminée par l'art. 22 de la loi du 12 mars 1818, combiné avec l'art. 8 de l'arrêté royal du 28 avril 1821, et de l'art. 5 de la loi du 12 juillet 1821.

C'est la première fois, à notre connaissance, que ces dispositions ont été appliquées à une vente de cette nature. Déjà à deux re

prises, la cour de Bruxelles avait réprimé un fait semblable par la pénalité de l'art. 19 de la loi du 12 mars 1818 (arrêts du 7 nov. 1840 et du 17 juillet 1847 [Pasic., 1841, p. 171, et 1848, p. 36].).

D'après le système consacré par ces deux arrêts, la vente d'un remède secret, de la part d'un pharmacien, constitue une infraction à cet art. 19, qui, spécialement applicable aux personnes qualifiées, prévoit le cas où elles exercent leur art d'une manière qui n'est pas conforme à leur autorisation. Ör, d'après l'art. 19 de l'instruction du 31 mai 1818, pour les pharmaciens, ceux-ci ne sont autorisés à pratiquer, qu'en s'engageant à suivre les lois et les règlements qui les concernent, et d'après lesquels ils ne peuvent pas vendre semblables remèdes. L'apothicaire qui débite ces médicaments exerce donc son art d'une manière non conforme à son autorisation.

On comprend que cette instruction du 31 mai 1818 ne contienne pas de sanction spéciale, puisque, formulée en exécution de la loi du 12 mars, elle est dès lors censée faire partie intégrante de cette loi, et elle trouve sa garantie dans les pénalités de cette loi même.

D'après l'arrêt du 6 janvier, l'article 19 de la loi du 12 mars ne serait que la sanction des articles 4, litt. B, 5, 6, 7, 11, 12 et 15 de cette loi. La cour d'appel restreint ainsi l'article 19 aux cas où l'homme de l'art viole une obligation que cette loi attache à l'autorisation qu'il a obtenue, sans vouloir appliquer cet article aux cas où la violation porte sur une obligation attachée à cette autorisation par les instructions intervenues en exécution de cette loi. Cette distinction nous paraît arbitraire.

S'il est vrai, comme l'énonce cet arrêt, que l'applicabilité de l'article 19 de la loi du 12 mars aurait dù dispenser le gouvernement de promettre la sanction, objet de l'article 8 de l'arrêté du 28 avril 1821 et de l'article 5 de la loi du 12 juillet suivant, il est tout aussi vrai que si la peine dont traite cet article 8 et que commine cet article 5, était applicable au cas qui nous occupe, on ne comprendrait pas pourquoi le gouvernement, en formulant l'instruction prérappelée du 31 mai 1818, pour les apothicaires, aurait indiqué, comme sanction de l'art. 2 de cette instruction. l'article 19 de la loi du 12 mars 1818, article 2 qui prévoit notamment le cas où le pharmacien exerce son art d'une autre manière que celle à laquelle il est autorisé par l'instruction qui le concerne.

L'interprétation consacrée par l'arrêt du 6 janvier engendre donc une anomalie, aussi bien que celle admise par les deux arrêts antérieurs.

Au surplus, on comprend difficilement pourquoi, quant à l'infraction dont il s'agit. le pharmacien récalcitrant ne serait pas soumis au retrait de sa patente, alors que le législateur a soin de s'armer de ce retrait pour des contraventions infiniment moins importantes; par exemple, dans les cas prévus par les articles 11 et 12, combinés avec l'art. 19 de la loi du 12 mars, par l'art. 21 de cette loi, par l'art. 4 de la loi du 12 juillet

1821.

Bien que la question relative à la peine présente des doutes sérieux, les dangers qu'offre la vente de remèdes secrets nous font désirer que la société ne soit pas impuissante vis-à-vis d'un apothicaire qui s'obstinerait à se livrer à des ventes de cette nature. Ils nous font désirer que, par l'application de l'article 19 de la loi du 12 mars 1818, les tribunaux puissent vaincre l'opiniâtreté de ce pharmacien, en le condamnant à la suppression de sa patente.

L'arrêt du 14 avril, objet du pourvoi, consacre également dans son premier considérant l'abrogation des articles 32 et 36 de la loi du 21 germinal an XI.

Il se voit au troisième considérant de cet arrêt que la cour persiste dans la distinction qu'elle avait faite des médicaments secrets simples et de ceux qui sont composés.

De ce troisième considérant il résulte aussi que la cour n'envisage la vente de remèdes secrets comme illicite, qu'en tant que le pharmacien n'ait pas préparé lui-même les remèdes d'après la vraie recette; sans tenir compte de la circonstance que les remèdes sont ou ne sont pas indiqués dans la pharmacopée belgique.

Le quatrième considérant démontre clairement que telle est l'opinion de la cour, puisqu'elle déclare que le fait d'avoir donné des médicaments qui ne sont pas indiqués dans la pharmacopée belgique ne tombe sous le coup d'aucune loi pénale.

Les cinquième et sixième considérants, ainsi que le dispositif du même arrêt, prouvent que la cour maintient l'opinion qu'elle avait manifestée le 6 janvier précédent, quant à la disposition pénale qu'elle croyait applicable.

Toutes les considérations que nous avons fait valoir contre la décision du 6 janvier

trouvent donc ici leur place comme critiques dirigées contre l'arrèt attaqué.

En résumé, dans l'hypothèse où aucun texte de la législation de 1818-1821 n'ait prévu la vente de tous les remèdes secrets, l'arrêt du 14 avril 1855 viole les art. 32 et 56 de la loi du 21 germinal an xr et la loi du 29 pluviose an XIII.

Dans l'hypothèse où la législation du royaume des Pays-Bas ait prévu la vente de ces médicaments, cet arrèt consacre :

1° Une violation des articles 17 et 18 de la loi du 12 mars 1818;

2o Une fausse application de l'article 4 de l'instruction du 31 mai 1818 pour les pharmaciens;

3o Une violation des articles 5 et 8 de la même instruction;

4o Une violation des articles 2, 5 et 6 de l'arrêté royal du 28 avril 1821 et de l'art. 2 de la loi du 12 juillet 1821;

5o Une violation de l'art. 19 de la loi du 12 mars 1818, combiné avec l'art. 2 de l'instruction prémentionnée;

6o Une fausse application de l'art. 22 de la loi du 12 mars 1818, de l'art. 8 de l'arrêté royal du 28 avril 1821 et de l'art. 5 de la loi du 12 juillet 1821.

En tous cas, la cour a fait une fausse application de l'article 191 du code d'instruction criminelle.

M. l'avocat général Faider a soutenu que les lois de l'an xr et de l'an XIII sont encore applicables. Il a soutenu subsidiairement qu'il faut du moins appliquer l'art. 19 de la loi du 12 mars 1818. Ces conclusions n'ont pas été adoptées. Voici en quels termes s'est exprimé ce magistrat :

L'arrêt attaqué du 14 avril 1855, qui résume et applique les principes de droit et les règles d'interprétation développés dans l'arrêt du 6 janvier précédent, porte en fait sur la prévention dirigée contre Brunin-Labiniau, d'avoir annoncé, exposé en vente ou débité six substances indiquées comme remèdes secrets par la commission médicale. - L'arrêt attaqué acquitte le prévenu à l'égard des pilules de Franck, de l'eau astringente, des pilules stomachiques et des pilules indiennes ; l'arrêt déclare que ces remèdes sont des drogues dont les formules sont connues et qu'il n'est nullement établi que le prévenu n'aurait pas donné les produits des

véritables recettes: il résulte des termes de ce considérant tout au moins que les quatre remèdes ne sont pas des remèdes secrets, ce

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qui suffit pour écarter du débat devant la cour de cassation ces quatre chefs sur lesquels il y a acquittement en fait. . Il en est autrement des deux autres chefs qui se rapportent au bol d'Arménie du docteur Albert et à l'iodure du docteur Queneville : l'arrêt, réformant le jugement du tribunal correctionnel, déclare que ces deux substances sont des remèdes composés dont les auteurs ont gardé le secret; il s'agit donc de la vente de remèdes secrets; à ce délit déclaré constant, quelle est la loi applicable? - Voilà le point du débat, et certes, en présence des trois systèmes qui se produisent devant vous, la des difficultés que nous essayerons de résoudre en mettant le plus d'ordre et de concision possible dans ces conclusions.

Nous disons que trois systèmes de pénalité sont ici en présence. Le premier, que nous avons déjà eu l'occasion de faire prévaloir devant la justice et que la jurisprudence des cours d'appel avait consacré jusqu'aujourd'hui, considère comme étant encore en vigueur les art. 32 et 36 de la loi du 21 germinal an x, qui défendent toute annonce et toute vente de remèdes secrets: la sanction, quant à la vente de remèdes secrets, se trouve. d'après nos cours d'appel, dans l'article 19 de la loi qui punit ceux qui exercent une branche de l'art de guérir d'une manière qui n'est pas conforme à leur autorisation. On pourrait même, une fois la loi du 21 germinal au xi reconnue applicable à ce cas, y appliquer également la loi du 29 pluviose an XIII, dans le sens qu'y attache la jurisprudence constante de la cour de cassation de France, laquelle applique cette dernière loi à la vente des remèdes secrets : c'est ce qu'elle a jugé tout récemment encore par son arrêt du 20 janvier 1855 (Pasic., 55, 1. 105).

subsidiairement le pourvoi, consiste à considérer le débit de remèdes secrets comme exercice de la pharmacie d'une manière qui n'est pas conforme à l'autorisation, et à appliquer, pour la pénalité, non pas l'art. 22, mais l'art. 19 de la loi du 12 mars 1818.

Après avoir murement examiné la question, nous persistons à croire, malgré les arguments déduits dans les deux derniers arrêts de la cour d'appel, que l'interdiction directe et absolue d'annoncer et de vendre des remèdes secrets, prononcée et punie par les lois des 21 germinal an x1 et 29 pluviose an an XIII, existe encore, et qu'il n'est pas nécessaire, pour réprimer cette dangereuse exploitation de la crédulité publique, de recourir à des circuits d'interprétation pour considérer ce fait, soit comme le débit de préparations autres que celles demandées, ce qui supprime en définitive le débit qualifié vente de remèdes secrets, soit comme exercice de la pharmacie d'une manière qui n'est pas conforme à l'autorisation. — Les arguments par lesquels la cour de Bruxelles justifie l'abrogation de la loi de l'an xi ne sont pas nouveaux pour la plupart ils avaient été produits en partie devant la même cour en 1847, et ils ont été écartés par l'arrêt du 17 juillet de cette année (voy. Belg. jud., vol. 6, p. 777 et Jurip. du XIXe siècle, 1848, 2,55). Cet arrêt se fonde sur un principe que nous allons développer et qu'il formule de la manière suivante: «Attendu que la loi « du 12 mars 1818 et les instructions y re<«<latives ne contiennent aucune disposition « exclusive de cette prohibition (l'annonce « des remèdes secrets); qu'il suit de là que d'après la règle de la loi 28, ff., de leg., « telle qu'elle est expliquée par la doctrine «<et la jurisprudence, la même prohibition, « loin d'être abrogée, comme le prétend la « défense, est, au contraire, insérée dans la «loi nouvelle, par cela seul qu'on n'y rencontre pas de disposition inconciliable avec << elle. » C'est donc en vertu du principe que la loi romaine a formulé dans les termes suivants : posteriores leges ad priores pertinent nisi contrariæ sint, que l'arrêt de 1817 a repoussé l'abrogation des dispositions de la loi française répressive de la vente des remèdes secrets.

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Le second système est celui que vient d'établir la cour de Bruxelles, dans les arrêts du 6 janvier et du 14 avril 1855, dont le dernier est aujourd'hui soumis à votre examen : il consiste à considérer comme absolument abrogée la législation de l'an x1, relative aux remèdes secrets, et à punir le délit de semblables remèdes comme délit de préparations autres que celles qui sont demandées, en vertu de l'article 4 de l'instruction pour les Nous croyons ce système conforme aux pharmaciens, de l'article 8 de l'arrêté du principes. Il est certain d'abord que l'a28 avril 1821, de l'art. 5 de la loi du 12 juil-brogation des lois est d'étroite interprétation; let suivant, et de l'art. 22 de la loi du 12 mars 1818.

Enfin, le troisième système, celui auquel s'arrête en définitive et en quelque sorte PASIC., 1856. -Ire PARTIE.

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cette abrogation ne se présume pas : « Quant « à la maxime posteriora derogant prioriu bus, dit Toullier, vol. 1, no 154, il faut en << faire l'application avec discernement; car,

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mer l'abrogation de la défense directe d'annoncer et de vendre des remèdes secrets, d'argumenter de l'intention exprimée par les auteurs de la loi de 1818, de régler tout ce qui concerne l'exercice de l'art médical? Ce serait faire dire au motif ou au préambule de la loi plus que ne dit le texte même de cette loi; or, ce mode de conclure à l'abrogation tacite d'une loi antérieure nous parait contraire aux principes comme à la nécessité. L'auteur de la loi veut régler tout ce qui concerne la police médicale, et la loi mėme ne dit pas un mot des remèdes secrets, l'une des parties essentielles de cette police! Concluerez-vous rationnellement que la vente des remèdes secrets est libre? Logiquement, il faut arriver à ce résultat, car la loi de 1818 ni les instructions ne disent pas un mot des remèdes secrets et c'est cette conséquence logique qu'accueille la circulaire ministérielle citée dans l'arrêt du 25 octobre 1827; cette circulaire considère les lois françaises comme abrogées et les pharmaciens comme libres de vendre des remèdes secrets pourvu qu'ils ne recommandent pas leur application à un cas particulier. — Or, cette conséquence, ni les commissions médicales ni l'arrêt de 1847 ne l'ont acceptée, parce qu'elle est contraire à l'intérêt public et aux principes qui régissent l'application des lois : à cette circulaire du ministre de l'intérieur, de 1827, les colléges médicaux ne peuventils pas opposer la circulaire du ministre de l'intérieur, du 25 avril 1850, qui leur rappelle la jurisprudence, jusqu'alors constante, qui applique la loi française relative aux remèdes secrets? Mais n'insistons pas sur les circulaires, surtout sur celles dont les abus ont été condamnés avant 1850 sous le nom de régime des circulaires demandons - nous plutôt s'il n'y a pas une évidente lacune dans la loi de 1818; si la conséquence de cette lacune n'est pas de laisser intacte la partie de la loi antérieure qui règle la matière négligée; si, en l'absence d'une abrogation expresse de la loi de l'an x1, la partie que n'a

"comme les lois ne doivent pas être chan-
«gées, modifiées ou abrogées sans de gran-
« des considérations, et pour ainsi dire sans
nécessité, l'abrogation des lois anciennes
"par les nouvelles ne doit pas se présumer;
« il faut qu'il y ait contrariété formelle en-
«<tre les deux lois, pour que la nouvelle soit
« censée abroger implicitement l'ancienne. >>
Ce principe avait été recueilli dans le même
sens et suivant l'opinion des docteurs, par
Menochius (liv. VI de son traité de Præsump-
tionibus), qui n'admet point la présomp-
tion du changement de volonté chez le légis-
lateur et qui ajoute que la loi nouvelle n'opère
pas l'abrogation tacite de l'ancienne quand
celle-ci peut avoir un effet même restreint :
quando potest operari etiam in modico.
Merlin suit les mêmes principes dans plu-
sieurs conclusions qu'il rappelle au Répert.,
vo Abrogation, et dont vous-mêmes vous
avez fait l'application, notamment dans les
trois arrêts par lesquels vous avez maintenu
la force obligatoire de la loi du 6 fructidor
an II (1). Ces principes sont que l'abrogation
des lois ne se présume pas; que s'il est vrai
qu'une loi cesse d'être obligatoire lorsqu'il
n'existe plus aucun des motifs qui l'ont dic-
tée, elle survit cependant à la cessation de
l'un de ses motifs, même du principal, lors-
qu'il en reste d'autres qui nécessitent encore
son application, ratione legis omninò ces-
sante, cessat lex; qu'une loi cesse d'être obli-
gatoire lorsque l'ordre de choses pour lequel
elle a été créée cesse d'exister. Mais si
l'utilité de la loi ou de la disposition législa-
tive est évidente; si les motifs d'ordre, de
salubrité, de police qui l'ont dictée subsis-
tent sans contestation; si, loin d'être incom-
patible avec l'ordre de choses présent, elle
y acquiert une importance accrue par les pro-
grès des sciences, par les moyens multipliés
de publicité, par les abus fréquemment con-
statés; si, en l'absence d'une abrogation ex-
presse, elle se concilie parfaitement avec la
loi postérieure, comment se déciderait-on à
méconnaître le principe qui veut que l'abro-
gation tacite ne se présume pas et soit appli-point
qué restrictivement? Et comment pourrait-
on donner à l'abrogation des lois françaises
prononcée en 1814 par le gouvernement
hollandais et au rétablissement des ancien-
nes lois la portée qu'y attache l'arrêt atta-
qué, lorsque ces lois ne disent pas un mot
des remèdes secrets? Suffit-il, pour procla-

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(1) 29 novembre 1839 (Bull., 1859, p. 64); 31 août 1840 (Bull., 1841, p. 25); 30 mars 1847 (Bull., 1848, p. 456).

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réglée la loi de 1818 subsiste encore? Tel est le système des arrêts rendus jusqu'ici par nos cours d'appel tel est le système qu'avait enseigné M. Tielemans dans son Répertoire; après avoir rappelé que la profession d'apothicaire est de celles qui tiennent essentiellement à la sécurité publique, ce savant auteur enseigne que la loi de l'an XI fut observée dans le royaume des Pays-Bas jusqu'à ce qu'en 1818 le gouvernement néerlandais vint en changer plusieurs dispositions, et il ajoute que l'article 55 de la loi du 21 germinal an XI, relatif au débit

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