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«Attendu qu'il s'agit au procès d'un immeuble situé hors du territoire, d'une obligation, celle de payer le prix de l'hôtel de Paris, contractée hors du territoire; de l'acquittement de cette obligation, également effectué hors du territoire par la quittance du 18 août 1851; que, partant, cette quittance tombe sous l'application des avis susrappelés qui l'exemptent du droit proportionnel;

Attendu, en effet, que ladite quittance constate un payement, en d'autres termes, la mutation d'objets mobiliers, la livraison de ces objets ;

« Attendu que, lors même que la quittance susvantée ne serait pas d'une manière explicite comprise dans les énonciations de l'avis du conseil d'Etat du 12 décembre 1806, il serait encore vrai de dire qu'elle y est renfermée implicitement à raison du principe de l'impôt qui, d'après ledit avis, gouverne la matière ;

«Par ces motifs, etc. »

Pourvoi par l'administration qui invoque' deux moyens de cassation: le premier, tiré de la violation des articles 4 et 69, § 2, no 11, de la loi du 22 frimaire an vii, et le second, de la violation des mêmes dispositions combinées avec les avis du conseil d'Etat des 10 brumaire an xiv et 15 novembre-12 décembre 1806.

Pour appuyer son premier moyen, l'administration, laissant de côté l'acte du 18 août 1851 passé à Paris, ne s'occupait que de celui passé à Arlon le 21 du même mois.

Elle disait, en résumé, que l'article 4 de la loi de frimaire soumet au droit proportionnel les obligations, libérations, etc., et que la quotité de ce droit est fixée par l'article 69 à 1/2 pour cent pour les quittances; que l'acte passé à Arlon le 21 août contient la déclaration du fondé de pouvoirs des époux Goethals que les 200,000 francs par lui payés étaient les mêmes que ceux reçus des époux de Fresne, aux termes de la quittance délivrée à Paris; qu'il suffit donc par lui-même, et sans qu'il soit besoin de recourir à la quittance délivrée à Paris, pour établir la libération des époux de Fresne; que le tribunal d'Arlon s'est dispensé d'examiner cette question, et qu'à ce titre déjà son jugement ne peut échapper à la cassation.

Pour justifier son deuxième moyen de cassation, l'administration soutenait, en laissant à l'écart la libération résultant de l'acte passé à Arlon et s'attachant exclusivement à la quittance délivrée à Paris, que l'article 25 de

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la loi de frimaire dit positivement qu'on ne peut faire usage, soit dans des actes publics, soit en justice, d'actes passés en pays étranger sans qu'ils aient été préalablement enregistrés; que les articles 4 et 69 établissent le droit proportionnel de 1/2 pour cent sur les quittances, sans distinguer entre celles données dans le pays ou à l'étranger; que les avis du conseil d'Etat de l'an XIV et de 1806 ne font qu'appliquer à des cas particuliers les dispositions de la loi de frimaire qu'ils interprètent; que ces avis ne peuvent être appliqués aux actes de libération qu'ils ne prévoient pas; qu'en supposant avec le tribunal d'Arlon que le conseil d'Etat cùt voulu proclamer en principe, par son avis du 10 brum. an xiv, que le droit proportionnel constitue un impôt qui ne peut atteindre les propriétés situées à l'étranger, on devrait au moins reconnaitre qu'il n'a proclamé ce principe que pour les mutations d'immeubles, et qu'en étendant ce principe aux actes de quittance, le tribunal a violé le texte même du décret qu'il invoque; que, quant à l'avis du conseil d'Etat du 12 décembre 1806, il est évident qu'il n'a pas voulu proclamer le même principe comme règle générale, puisqu'il n'affranchit pas de l'impôt tous les actes passés dans les pays étrangers en forme authentique, mais seulement les actes contenant obligation ou mulation d'objets mobiliers, lorsque les prêts et placements auront été faits et les livraisons promises ou effectuées en objets de ces pays, et stipulées payables dans les mêmes pays et dans les monnaies qui y ont cours. L'administration demanderesse ajoutait qu'en France les avis du conseil d'Etat de l'an XIV et de 1806 ont été rapportés par la loi du 28 avril 1816, qui a même reconnu que celle de frimaire était applicable aux actes passés à l'étranger comme à ceux passés dans le pays.

Elle finissait par dire que le tribunal d'Arlon avait sans doute peu de confiance dans son système, puisqu'il a cherché subsidiairement à faire rentrer les actes de libération dans la catégorie des actes prévus par le conseil d'Etat, en soutenant que, dans l'espèce, l'acte du 18 août 1851 constatait un payement et par conséquent une mutation d'objets mobiliers; qu'on ne peut considérer cette application comme sérieuse, puisque, dans ce système, l'administration pourrait voir, à son choix, dans une quittance qu'on présente à l'enregistrement, soit un acte de libération passible du droit de 1/2 pour cent, soit un acte de mutation passible du droit de 2 pour cent; qu'une quittance ne suppose pas nécessairement un transfert d'espèces, la

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En effet, aux termes de l'article 64 de la loi de frimaire, le premier acte de poursuite pour le recouvrement des actes d'enregistrement est une contrainte; or, dans l'espèce, la contrainte décernée à notre charge ne réclamait le droit proportionnel que sur l'acte de quittance passé à Paris, et c'est à la contrainte ainsi formulée que nous avons fait opposition; l'objet du litige se trouvait donc limité. Il est vrai qu'à la fin du premier mémoire fourni par l'administration devant le tribunal d'Arlon, celle-ci a dit qu'au besoin le droit pourrait être réclamé sur l'acte passé à Arlon, puisqu'il donne aux époux de Fresne décharge de leur dette; mais c'était là une prétention nouvelle dont le tribunal n'était pas saisi et sur laquelle il ne devait ni ne pouvait statuer.

Ce moyen, fut-il recevable, n'est d'ailleurs pas fondé.

L'acte passé à Arlon, en rappelan! la quittance délivrée à Paris, n'a pas pu opérer la libération d'une dette qui n'existait plus; aussi ne donne-t-il pas décharge de cette dette; il porte seulement que la déclaration que les espèces versées à Arlon sont les mêmes que celles reçues à Paris est faite afin d'opérer complète décharge au profit des époux de Fresne tenus par la loi de surveiller l'emploi de la somme dotale qu'ils devaient à la dame Goethals.

Et s'il est vrai que l'acte passé à Arion prouverait la libération des époux de Fresne dans l'hypothèse impossible que l'acte passé à Paris viendrait à être annulé, ce n'est pas parce que l'acte passé à Arlon contient une nouvelle quittance, mais parce qu'il fait mention du payement fait antérieurement. Il est impossible d'admettre que si la loi a exempté du droit proportionnel les actes de quittance passés à l'étranger, elle eût entendu. soumettre au même droit la mention qui en est faite dans un acte reçu dans le pays.

En supposant, au surplus, que l'acte passé à Arlon contint réellement quittance au profit des époux de Fresne, il suffirait encore, comme le prouvera l'examen du second moyen, que le payement eût eu lieu à l'étranger, pour que le droit proportionnel ne fut pas dù.

Réponse au deuxième moyen. Les articles 4 et 69 combinés, disaient les défendeurs, établissent en effet un droit de 1/2 pour cent sur les quittances, mais ce droit est un impôt qui, comme tous les impôts, ne peut atteindre ce qui existe ou ce qui se passe sur le territoire des autres nations. C'est là un principe fondamental dont le juge ne pourrait s'écarter à moins d'une disposition contraire qui n'existe pas dans la loi ; c'est ce principe que le conseil d'Etat a solennellement proclamé par ses deux avis des 10 vendémiaire an xiv et 15 nov.-12 déc. 1806, qui, loin de sanctionner des exceptions à la loi de frimaire, ne font qu'interpréter cette loi.

L'acte passé en forme authentique à Paris, le 18 août 1851, devait donc être enregistré au droit fixe, soit qu'on s'attachât à l'esprit de la loi de frimaire, révélé par les avis du conseil d'Etat, puisqu'il constate un payement fait à Paris du prix de vente d'un immeuble situé à Paris, soit qu'on s'attachât au texte même de l'avis du conseil d'Etat de 1806 qui prévoit formellement les actes passés en forme authentique dans les pays étrangers contenant obligation ou mutation d'objets mobiliers.

Par ces derniers mots on a clairement désigné les quittances, car dans le langage ordinaire et dans la réalité des choses, une quittance contient mutation d'objets mobiliers, et la terminologie de la loi n'y a rien de contraire; la quittance contient à la fois libération et transmission d'objets mobiliers; si les quittances étaient les seuls actes contenant libération, il eût été, en effet, inutile de les rappeler spécialement dans les articles de la loi de frimaire invoqués par l'administration; elles eussent été comprises sous l'expression générale actes contenant mutation d'objets mobiliers; mais il y a d'autres actes que des quittances qui contiennent libération, comme le fait clairement connaître l'article 69, § 2, no 13, et comme tous ces actes ne contiennent pas en même temps mutation d'objets mobiliers, il a fallu les désigner spécialement. Et qu'on ne dise pas que l'administration serait alors autorisée à exiger le droit de 2 pour cent sur les quittances, aux termes du § 5, no 1, de l'article 69, qui tarife ainsi les actes contenant mutation d'objets mobiliers, car le § 2, no 13, du même article les soumet formellement au droit de 1/2 pour cent.

Ce qui prouve, au surplus, à l'évidence que le principe que le conseil d'Etat a proclamé par son avis de 1806, il l'a proclamé d'une manière générale, c'est la généralité mème de la question sur laquelle il était con

sulté, et qui était de savoir si l'avis du 10 brumaire an XIV, qui ne mentionne que les mutations d'immeubles situés à l'étranger, était applicable aux actes passés en pays étrangers pour des propriétés mobilières existantes dans ces pays. Si le conseil d'Etat mentionne ensuite quelques actes spéciaux, tels que prêts et placements, c'est pour subordonner à certaines conditions l'application de la règle aux actes de cette espèce.

Il est vrai qu'en France les avis du conseil d'Etat de l'an XIV et de 1806 avaient été rapportés par une loi du 28 avril 1816; mais cette loi, mal accueillie par la doctrine et par la jurisprudence (voir trois arrêts de la cour de cassation du 11 décembre 1820 [Sirey, 1821, 1, 168]), fut elle-même révoquée par la loi du 16 juin 1824, qui rétablit

perception d'un simple droit fixe sur les actes portant mutation d'immeubles situés à l'étranger.

Les défendeurs invoquaient encore, à l'appui de leur thèse, des décisions de l'administration elle-même, en date des 5 mars 1826 et 14 juin 1833, ainsi qu'un arrêt de cette cour, en date du 6 avril 1843 (J. de B., 1845, 1, 189), que l'administration prétendait également être favorable à son système.

M. l'avocat général Delebecque, après avoir estimé que le premier moyen, comme nouvellement proposé, était non recevable, a dit sur le deuxième :

Si la loi sur le droit fiscal d'enregistrement était basée sur des principes clairement énoncés, son application serait entourée de moins de difficultés; malheureusement il n'en est pas ainsi.

Nous savons bien que dans cette loi se rencontre une distinction fondamentale entre les droits de mutation qui pèsent sur le fait seul de la mutation, indépendamment de la preuve qui en serait produite à la régie, et les droits d'actes que ne peut exiger l'administration que quand ces actes lui sont présentés ou sont produits en justice; mais, après cette distinction fondamentale, se rencontre, relativement aux droits d'actes, une distinction nouvelle de laquelle il résulte que tels actes sont soumis à des droits fixes invariables, tandis que d'autres sont soumis à des droits proportionnels, et pour justifier cette distinction nouvelle, il n'y a d'autre raison à donner que le besoin d'augmenter la somme des produits.

(1) Voy. Championnière et Rigaud, nos 5809 et suivants.

En résumé, la loi du 22 frimaire an vir est en soi une loi de tarif, calquée, pour le droit de mutation, sur l'édit du centième denier; pour les droits fixes, principalement sur l'édit de 1722, sur le droit de contrôle ; c'est donc un tarif perfectionné.

Aussi n'y a-t-il pas de loi fiscale qui ait donné matière à plus de controverses, et à des controverses plus sérieuses.

La difficulté qui se présente devant la cour sera la justification de cette apprécia

tion.

En pure théorie, les impôts affectent les faits accomplis sur le territoire, les biens, les personnes qui s'y trouvent. On ne comprend pas, au premier abord, comment un acte passé à l'étranger et qui a subi à l'étranger l'application des lois fiscales, peut être l'objet d'une nouvelle exigence du fisc.

L'enregistrement et le contrôle ont d'abord été présentés comme une mesure toute de protection; c'était, disait-on, le moyen de donner aux actes une date certaine (1).

Si telle eût été la seule base, si tel eût été le seul but de la disposition protectrice, on devait en conclure en bonne logique que tout acte qui aurait acquis date certaine à l'étranger, parce qu'il y aurait été revêtu de la forme authentique, n'aurait pas dû être soumis à un nouveau contrôle, à un nouvel enregistrement, alors qu'on voulait en faire usage dans le pays.

Mais voici comment on avait raisonné : de ce que, d'après l'article 121 de l'ordonnance de 1629, les jugements rendus et les contrats reçus ès royaumes et souverainetés étrangères, n'avaient en France ni hypothèque ni exécution, et ne tenaient ainsi lieu que de simples promesses, on en concluait que les actes passés en pays étranger ne pouvaient être considérés que comme des actes sous signature privée, et que conséquemment ils devaient être contrôlés avant de pouvoir s'en servir dans le pays où le contrôle est établi (2).

En France même le contrôle n'était pas établi partout; les actes passés par-devant les notaires de Paris étaient exécutoires dans tout le royaume, quoique non contròlés; ceux passés en Flandre, en Artois et en Hainaut, entre des domiciliés et pour biens situés dans ces provinces seulement, étaient également exécutoires dans tout le royaume, mais il y avait contravention aux règlements sur le

(2) Dict. des domaines, édit. de 1775, p. 45.

contrôle, de la part de ceux qui, domiciliés en dehors de ces trois provinces, allaient y passer des actes. Il y avait alors fraude à la loi fiscale.

Cette obligation de soumettre au contrôle les actes passés à l'étranger et dans certaines parties du territoire où le contrôle n'était pas établi était écrite notamment dans les arrêts du conseil des 9 juin et 21 novembre 1693, 22 novembre 1695, 28 octobre 1698, 19 novembre 1700, dans la déclaration du

roi du 19 mars 1696, dans l'édit de janv. 1698.

་་

La déclaration du roi, du 6 décembre 1707, porte que tous les actes et contrats qui ont été ou seront passés par-devant des notaires demeurant hors l'étendue du royaume.... ne pourront avoir aucune exécution ni fonder aucune action en justice (1), privilége ou hypothèque entre les sujets des provinces où lesdits contrôles et insinuations sont établis, s'ils n'ont été contrôlés et insinués... dans les bureaux les plus prochains des lieux où l'on voudra s'en servir, et les droits payés, conformément aux édits, déclarations, tarifs et arrêts rendus en conséquence.

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Il résulte de l'arrêt du conseil, du 5 août 1732, que cette obligation du contrôle s'étendait à tous les actes passés à l'étranger.

Le droit à payer était, parait-il, celui établi par le tarif d'après la nature de l'acte; il n'y avait pour ce cas aucune exception à l'application du tarif...

Pour réprimer la fraude du droit, on ne se bornait pas à assujettir à l'impôt l'acte dont on ferait usage dans le royaume; on allait plus loin, on frappait l'acte de nullité.

Ainsi l'arrêt du conseil, du 13 décembre 1740, ordonnant l'exécution des édits et arrêts antérieurs qu'il énumère, fait défense à tous les sujets domiciliés dans les généralités de Metz et Champagne, limitrophes de la Lorraine et à tous autres d'y aller ou envoyer leurs procurations pour passer des actes entre eux pour cause de choses mobilières ou de biens réels situés en France, à peine de nullité desdits actes et de 300 livres d'amende pour chaque contravention, fors et à l'exception du seul cas où l'une des parties contractantes se trouverait domiciliée et actuellement en Lorraine lors de la passation de l'acte qui y serait fait avec un

(1) Pothier, introduction au titre XX, no 9, de la coutume d'Orléans, enseignait cependant que les notaires étrangers ont bien en France une espèce d'autorité publique, qu'on peut appeler

domicilié de France ou le porteur de procuration (2).

D'après les édits de réciprocité, les droits de contrôle perçus en France ou en Lorraine produisaient effet de domination à domination.

Sauf les exceptions dont nous venons de parler, voici donc quel était le principe suivi en France :

་་

« Les actes passés en pays étranger... ne pouvaient, dans les lieux où le contrôle était établi.... produire aucun effet s'ils n'étaient préalablement contrôlés..., quoiqu'ils fussent passés entre les domiciliés et pour biens situés dans le pays où ils étaient faits (3).

Mais il ne fallait pas donner une signification trop large à l'usage ou à l'exécution que l'on voulait donner à ces actes passés à l'étranger.

Ainsi, par l'arrêt du conseil du 17 décembre 1720, on condamnait au payement du droit de contrôle, à raison d'un acte de vente fait aux colonies et de biens situés aux colonies, mais alors que l'acquéreur faisait faire des offres réelles du prix au vendeur domicilié en France.

Et, d'autre part, le conseil décidait qu'il n'était dù que 10 sous pour le contrôle d'une ratification faite en France par un étranger d'une donation qu'il avait précédemment faite en son pays de biens y situés, laquelle était revêtue des formalités qui y sont prescrites, et qui ne devait avoir aucune exécution en France (décision du 9 juillet 1729);

Déposer une procuration, donnée à l'effet de recevoir en France des effets cédés par un acte passé en Amérique, ce n'était pas faire usage de l'acte de cession, sur lequel dès lors on ne pouvait exiger le droit de contrôle (16 février 1754);

Rappeler un acte dans un acte passé en France, ce n'était donc pas par cela seul faire usage de cet acte en France; il fallait que cet acte, passé à l'étranger, reçût véritablement exécution en France, et nous venons de voir par les exemples que nous avons rappelés ce qu'on entendait, ce qu'on devait entendre par là; nous n'avons pas, au surplus, à insister sur ces détails.

D'après le décret des 5-19 déc. 1790 sur le droit d'enregistrement, il semble qu'on

autorité de créance, leurs actes devant faire foi partout.

(2) Diet. des dom., ut suprà, p. 47, col. fre. (3) Id., p. 48, ire col., initio.

avait abandonné les principes précédemment suivis à l'occasion des actes passés à l'étranger. On lisait à l'art. 2 de ce décret :

« Les actes des notaires et les exploits des huissiers seront assujettis, dans toute l'étendue du royaume, à un enregistrement pour assurer leur existence et constater leur date. »

Comme le font remarquer Championnière et Rigaud, no 3810, l'enregistrement tel qu'il était alors constitué et tel qu'il est aujourd'hui n'assure ni l'existence ni la date des actes enregistrés.

Par l'article 8 de la loi de 1790 on fixait le délai dans lequel l'enregistrement devait avoir lieu; d'après cet article il était évident que la disposition ne s'appliquait qu'aux actes dressés par des notaires et des huissiers instrumentant en France.

D'après la loi de 1790, la disposition qui faisait perdre à l'acle sa force authentique, en le réduisant à la valeur d'un acte sous seing privé (art. 9 du décret), était inapplicable quand l'acte avait été fait en pays étranger.

Sous l'empire du décret de 1790, complétement muet sur les actes passés à l'étranger, on ne voit pas quelle aurait été la base de la prétention soutenue aujourd'hui devant vous par la régie. Il y avait là pour le fisc une véritable lacune qui fut comblée par l'art. 10 du décret du 9 octobre 1790 dont voici la teneur :

Addition à l'art. 11: « Les actes passés en pays étrangers ou dans les colonies seront sujets à la formalité de l'enregistrement dans tous les cas où les actes sous signatures privées y sont assujettis, et dans les mêmes délais et sous la même peine.

La loi du 22 frimaire an vii a reproduit cette disposition, au moins dans son esprit, quoique sous l'empire de cette loi l'acte authentique fasse foi de sa date, comme de tout ce qu'il contient. La nécessité de l'enregistrement d'un acte passé à l'étranger n'a donc plus qu'un caractère uniquement fiscal (1). Quand il s'agit d'actes passés à l'étranger, la règle écrite à l'article 23 est «< qu'on n'en peut faire usage, soit par acte public, soit en justice ou devant toute autre autorité constituée, qu'ils n'aient préalablement élé enregistrés.

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Mais quel est le droit qu'exige l'art. 25? L'avis du conseil d'Etat, qui interprète la

(1) Championnière et Rigaud, no 5811.

loi du 22 frimaire an vii, qui ne peut y créer une exception, dit ici : « Si l'on a cru devoir, pour donner une date légale aux actes passés en pays étranger... les assujettir à des droits d'enregistrement, il n'était pas nécessaire que ce droit fùt de 4 pour cent, comme pour les actes de même espèce passés en France. »

L'art. 25 peut donc être appliqué suivant son esprit, alors que l'on n'exige pas le droit proportionnel, que l'acte eût subi s'il eût été passé en France.

Quand on ne perçoit pas de droit proportionnel sur un acte passé à l'étranger en forme authentique, on n'a donc pas nécessairement violé les art. 4 et 69, § 2, no 11, puisque ces articles ont été faits évidemment pour les actes passés dans le pays, et qu'ils ne pouvaient s'étendre aux actes passés à l'étranger que d'après l'art. 25, dont il conl'interprétation qui lui a été donnée législavient dès lors de rechercher la portée, d'après

tivement.

L'art. 4 de la loi du 22 frimaire an VII proportionnel, les mutations de propriété ou confond d'abord, pour les assujettir au droit de jouissance et certains actes qui ne sont assujettis à ce droit proportionnel que par

exception.

Si nous n'avions à résoudre la question du procès que relativement à un droit de mutation, la question ne serait pas douteuse aujourd'hui, parce que cette question a été tranchée législativement.

Le droit de mutation est un impôt réel, qui s'attaque à la chose lorsqu'elle passe en d'autres mains à titre de propriété, d'usufruit ou de jouissance ; c'est la condition de la garantie assurée par l'Etat à la propriété, à la jouissance, à l'usufruit; c'est donc en principe un impôt territorial, qui ne peut grever les biens situés en dehors des limites du territoire.

C'est ce qui faisait dire à la cour de cassation de France :

« Le droit proportionnel est un impôt réel qui ne peut être perçu qu'au profit du souverain dans le territoire duquel les biens sont situés (cour de cass. de France, 11 déc. 1820). »

Mais cette proposition avait paru sujette à 'contestation au ministre des finances, sept ans après la promulgation de la loi du 22 frimaire an VII.

Le conseil d'Etat, par son avis du 10 brumaire an xiv, proclame ce principe, comme si jusque-là on avait ignoré et dù ignorer la nature du droit de mutation :

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