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Un procès-verbal dressé par le gendarme Champelie, de la commune de Bois-Borne, constata que Caroline Menestrée, fille mineure, âgée de treize ans, de Marie-Jeanne Haverland, veuve Menestrée, avait été trouvée le 14 nov. 1835 faisant paître trois vaches qu'elle gardait à vue dans un champ ensemencé de trèfle dit coucou, ledit champ occupé par le fermier Henaux.

Ce fait donna lieu à une poursuite contre Caroline Menestrée et sa mère, et la chambre du conseil du tribunal de première instance séant à Huy, contrairement aux dispositions de l'art. 1er, no 2, de la loi du 1er mai 1849,

les renvoya devant le tribunal de simple

police du canton de Huy.

Aucune opposition ne fut formée contre cette ordonnance, et le tribunal de simple police ne déclina pas sa compétence et condamna, par jugement par défaut du 15 déc. 1855, Caroline Menestrée à 1 fr. 40 centimes d'amende et aux frais, et déclara sa mère civilement responsable. Pour motiver cette condamnation, le tribunal de simple police déclara que ladite Caroline Menestrée, bien que mineure âgée de treize ans, avait agi avec discernement et fit application des articles 7 et 26 de la loi du 28 sept. 1791 et des art. 67 et 69 du code pénal.

Sur l'appel interjeté par le procureur du roi près le tribunal correctionnel de Huy, ce tribunal rendit le jugement suivant:

« Attendu qu'il est établi que Caroline Ménestrée, âgée de treize ans, a, le 14 novembre 1855, à Bois-Borne, gardé à vue trois bêtes à cornes pâturant du petit trèfle dit coucou, appartenant au fermier Henaux;

<< Attendu que la prévenue a agi avec discernement;

« Attendu que Marie-Jeanne Haverland, veuve Menestrée, qui fait défaut quoique dùment assignée, est civilement responsable du délit commis par sa fille mineure ;

« Attendu qu'il est de principe incontestable et consacré, du reste, par toutes les législations que les enfants qui enfreignent la loi pénale ne sont pas coupables au même degré que les délinquants dont la raison et l'intelligence ont acquis tout leur développement, et que par suite les pénalités qu'ils encourent

doivent être moins élevées que s'ils avaient la conscience parfaite de la criminalité des délits qu'ils commettent;

« Attendu que c'est là un principe général qui domine toute la législation répressive et que les articles 66 et suivants du code pénal, qui en règlent l'application, doivent, comme le principe dont ils émanent, étre appliqués à toutes les lois pénales, aux lois spéciales comme au code pénal lui-même;

« Qu'en effet, comme le dit Dalloz, « il ré« pugnerait à la raison d'admettre que le << même individu qui est présumé n'avoir "pas conçu la criminalité d'un délit com« mun, put être censé avoir apprécié, au contraire, la criminalité bien moins mani"feste d'un délit spécial »;

Qu'aussi les dispositions de ces articles sont conçues en termes tellement généraux qu'il n'est pas possible de supposer que l'intention plication aux crimes et délits prévus par le du législateur aurait été d'en restreindre l'ap

code pénal;

« Attendu, ainsi, que rien ni dans l'esprit ni dans le texte de ces articles ne doit faire restreindre aux délits prévus par le code l'application d'un système général qu'ils consacrent en faveur des inculpés âgés de moins de seize ans ;

« Attendu que certains monuments de jurisprudence distinguent à tort entre l'art. 66 et les articles suivants, en se fondant sur ce que prétendùment l'art. 66 proclamerait un principe fondamental antérieur à toutes dispositions législatives, et doit dès lors recevoir une application générale, tandis que les articles suivants ne feraient que créer un système d'atténuation de peine particulier au code pénal et ne pourraient, par suite, recevoir d'application en dehors de ce code;

« Attendu que cet article 66 ne se borne pas, comme le fait notamment l'article 64, à proclamer un principe fondamental et indépendant de tout droit écrit, mais qu'il renferme en même temps et tout autant que les articles 67, 68 et 69 des dispositions de pur droit écrit, et qu'ainsi la distinction qu'on veut faire entre eux pèche par sa base;

« Qu'en effet, s'il est de principe fondamental que tout délit, pour engager, au point de vue pénal, la responsabilité de son auteur, doit avoir été commis avec discernement, et que sans discernement il n'y a pas d'imputabilité pénale, l'article 66, en déterminant l'âge en dessous duquel les tribunaux doivent, pour chaque inculpé indistinctement, se poser et résoudre la question de dis

cernement, n'a fait que décréter un pur et simple point de droit écrit mobile et variable au gré du législateur, et dont on doit dès lors, et au même titre que pour l'échelle de l'atténuation des peines, faire ou refuser l'application aux délits spéciaux;

« Attendu que l'article 66 renferme encore une autre disposition de pur droit écrit n'ayant absolument rien de fondamental et contraire même à tous les principes en matière d'acquittement, à savoir, la faculté accordée aux tribunaux d'ordonner le dépôt dans une maison de correction de tout individu âgé de moins de seize ans acquitté pour défaut de discernement;

་་

« Attendu qu'il suit de ce qui précède que l'article 66, en fixant à seize ans l'âge audessous duquel un prévenu ne peut être condamné que pour autant qu'il soit décidé qu'il a agi avec discernement, et en conférant aux tribunaux le droit de faire enfermer dans

une maison de correction celui qui serait jugé avoir agi sans discernement, n'a pas plus décrété des principes fondamentaux que les articles suivants, qui atténuent les peines à infliger à celui qui a agi avec discernement; que cet article se borne, comme ceux qui le suivent, à régler ce principe admis par toutes les législations, que les actes de l'enfance, comme le disaient Chauveau et Hélie, sont couverts par une présomption d'innocence, présomption qui va toujours s'affaiblissant pour disparaître entièrement à un âge à fixer par chaque législateur et faire place à une présomption contraire;

«Que l'article 66, qui fixe cet âge à seize ans, forme, avec les articles suivants, 67, 68 et 69, un système complet dont il est le point de départ, et qu'il faut, pour être conséquent, accepter dans son ensemble le régime pénal que ces articles créent en faveur des individus âgés de moins de seize ans pour le restreindre tout aux délits ordinaires ou pour l'appliquer tout entier aux délits spéciaux;

« Qu'ainsi la cour de cassation de France, qui un instant avait paru vouloir sanctionner cette distinction, n'a pas tardé à en reconnaître le non-fondement, et a depuis 1845 constamment appliqué aux délits spéciaux non-seulement l'article 66, mais aussi les articles 67 et 69 du code pénal, témoin ses arrêts des 3 janvier 1845, 21 mars 1846, 18 juin 1846 et 3 février 1849, rejetant autant de pourvois formés contre des décisions portées en ce sens ;

«Attendu que l'article 484, qui a maintenu les lois spéciales en vigueur et dont on argumente à l'appui du système contraire,

n'a ordonné aux tribunaux de les observer que les matières qui n'ont pas été re

glées par le code pénal;

«Attendu que ce code a, par ses art. 66, 67 et 69, réglé d'une manière générale la matière des pénalités encourues par des individus âgés de moins de seize ans, et que dès lors les lois spéciales n'ont en réalité été maintenues que sauf l'application du principe de l'atténuation des peines en faveur des mineurs de seize ans, ainsi que des autres principes généraux consacrés et réglés par le code; que, lorsque le code a voulu que son article général ne fût pas appliqué aux lois spéciales, il a eu soin de le dire formellement, ainsi que le prouve l'article 462 qui n'est applicable qu'à l'emprisonnement prononcé par le code;

« Attendu que si de ce que l'article 484 a maintenu en vigueur les lois et règlements pouvait en conclure que les dispositions lénisur les matières non réglées par le code, on lives des articles 66 et 67 ne sont pas applicables aux délits spéciaux, à bien plus forte raison alors ne devrait-on pas leur appliquer les dispositions du code relatives à la complicité?

« Qu'en effet, en admettant même que l'article 59 du code ne fasse que proclamer un principe fondamental lorsqu'il assimile les complices aux auteurs principaux d'un délit, encore est-il parfaitement vrai de dire que les articles 60, 61, 62 et 65, qui déterminent les conditions et les caractères constitutifs de la complicité, consacrent purement et simplement des points de droit écrit et par suite essentiellement variables;

«Que ces articles sont donc, quant à la complicité, ce que les articles 66 et 69 sont pour les mineurs de seize ans condamnés; qu'ils règlent un principe général et doivent, les uns comme les autres, dominer toute la législation répressive; que si donc on admet que les articles sur la complicité sont applicables, alors qu'ils ont pour effet d'étendre les pénalités comminées par les lois spéciales à des faits qu'elles n'ont pas prévus, à bien plus forte raison doit-il en être de même lorsqu'il s'agit d'appliquer à ces lois les dispositions bienveillantes des articles 66 et 69, alors surtout que le texte de ces articles est aussi large et aussi général que celui des articles sur la complicité;

«Attendu qu'en restreignant aux délits ordinaires l'application des articles 66, 67 et 69 du code, on arrive à des conséquences tellement irrationnelles, qu'elles sufliraient à

elles seules pour faire repousser le système dont elles découlent;

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Qu'ainsi, aux termes de l'article 67, le mineur de seize ans ne peut jamais être condamné ni à mort, ni aux travaux forcés, ni à la déportation, ni même à la reclusion; qu'il ait donc commis un des crime prévus par le code pénal, qu'il soit parricide ou régicide; qu'il se soit ainsi rendu coupable d'un crime entraînant même plus que la peine de mort, d'un crime dont l'énormité est si facilement appréciable, même pour un individu âgé de moins de seize ans, et il ne pourra être condamné qu'à un emprisonnement de dix à vingt ans ; mais s'il a commis une infraction à une loi spéciale, par exemple, si contrevenant à la loi sanitaire du 18 juillet 1851, il a communiqué avec des pays dont les provenances sont soumises à la patente brute, il sera forcément et impitoyablement condamné à mort. parce que c'est là un crime prévu par une loi spéciale, et quoiqu'il soit bien difficile, sinon impossible, qu'un individu âgé de moins de seize ans en apprécie toute la gravité;

<< Ainsi, même si le système qui restreint l'application des art. 66 et 67 aux délits ordinaires est vrai, il faut dire par la même raison que les articles 70, 71 et 72, qui prononcent une atténuation de peines en faveur des individus âgés de soixante et dix ans, ne sont pas applicables lorsqu'il s'agit de crimes spéciaux ;

« Attendu que si, pour échapper à d'aussi graves anomalies, on prétendait étendre le bénéfice de l'atténuation des peines à certaines lois spéciales, en disant que les infractions à ces lois constituent des attentats contre les personnes, ces lois elles-mêmes n'étant que des appendices du code pénal, mais qu'il ne saurait en être de même pour les lois qui, de près ni de loin, n'ont trait aux matières prévues et réglées par le code pénal, il devrait en être de même lorsqu'il s'agit de pâturage en vue et de maraudage, puisque ce sont là en réalité des variétés du vol de récoltes et bien certainement de véritables attentats à la propriété ;

«Que les lois qui répriment ces délits devraient done aussi être regardées comme des appendices du code pénal, et que par suite ceux qui y contreviennent devraient aussi jouir du bénéfice des articles 67 et suivants du code;

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les amendes sont calculées en général sur l'étendue du préjudice et que les pères et mères en sont responsables; danger, en ce qu'il s'agit le plus souvent de délits commis par des enfants et que les parents provoquent ou tolèrent, ce serait au législateur à y porter remède en changeant la loi et non aux tribunaux en refusant de l'appliquer;

« Attendu, d'ailleurs, qu'il importe peu que les amendes comminées par les codes ruraux et forestiers soient, en général, basées sur le préjudice et que dans certains cas les parents en soient responsables, puisque ces amendes ne conservent pas moins le caractère de peines; que, d'ailleurs, ce ne sont pas les seules pénalités qui soient prononcées par ces lois; qu'elles comminent aussi soit comme peine principale, soit comme peines accessoires des emprisonnements qui, le cas échéant, doivent être subis personnellement par de jeunes délinquants;

« Attendu, en résumé, que tous les articles qui forment le livre II du code pénal sont conçus en termes également généraux, et que les considérations qui ont engagé les législateurs de tous les temps à réduire les peines en faveur de jeunes délinquants subsistent et avec autant de force lorsqu'ils ont commis des crimes ou délits spéciaux que lorsqu'ils ont posé des actes punis par la législation ordinaire ;

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Que si les lois spéciales, qui prévoient des attentats contre les personnes, doivent, sous le rapport de l'atténuation des peines, être considérées comme des appendices du code pénal, il devrait évidemment en être de même de celles qui prévoient des attentats contre la propriété ;

"Par ces motifs et ceux du premier juge, statuant par défaut contre la veuve Menestrée, ouï M. Dubois, juge, en son rapport, et vu les articles 26 et 7 de la loi du 6 octobre 1791, 2 de la loi du 23 thermidor an iv, les art. 67 et 69 du code pénal, 186 du code d'instruction criminelle, 3 de la loi du 1er juin 1849, desquels articles il est donné lecture par le président, met l'appel formé par le ministère public à néant; confirme le juge- » ment dont est appel. »

C'est contre ce jugement qu'était dirigé le

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pourvoi du ministère public. I le fondait sur la fausse application de l'art. 69 du code pénal et sur la violation de l'article 484 du même code.

Dans une note à l'appui de son pourvoi, le demandeur argumentait de l'art. 484 du code pénal pour démontrer la fausse application de l'article 69 du même code; il est évident, disait-il, d'après les termes de l'article 484, que les lois et règlements particuliers en vigueur sur des matières non réglées par le code pénal doivent être exécutés tels qu'ils sont conçus, et que les peines qu'ils déterminent doivent être appliquées telles qu'elles sont établies pour ces matières spéciales.

Cette fausse application dérive encore du caractère particulier des lois sur les matières spéciales; dans ces lois et spécialement en matière rurale et forestière, le législateur n'a en vue et ne punit que le fait matériel. A la vérité, le juge a bien mission de rechercher si le fait est le résultat de la volonté de son auteur, mais non de rechercher s'il a eu intention de commettre un délit, contrairement aux règles générales sur l'imputabilité. Ces lois punissent des faits défendus sans égard à l'intention, et par cela seul qu'ils causent un dommage à la société. Il ne peut donc être question d'appliquer, à ceux qui transgressent ces lois, les atténuations de peine introduites par les art. 67 et 69, atténuations qui supposent qu'il y a eu chez les jeunes prévenus un degré moindre d'intention criminelle; le fait matériel existant ainsi que la volonté de le commettre, la peine doit être appliquée telle qu'elle est établie par la loi spéciale. La circonstance atténuante résultant du jeune âge n'est pas plus admise en ces matières que l'excuse de bonne foi que ces matières n'admettent pas, alors surtout que le taux des peines ne s'y calcule pas d'après les règles ordinaires de l'imputabilité, mais sur l'étendue du dommage causé.

Le tribunal fait un singulier abus de l'article 484 du code pénal en disant que par les articles 66 et suiv. le code pénal a réglé d'une manière générale la matière des pénalités pour les jeunes délinquants; car il est évident que par matière réglée ou non réglée par le code pénal l'art. 484 a entendu parler des catégories de crimes, délits ou contraventions, eu égard à la matière qui en fait l'objet, que le code prévoit ou ne prévoit pas, et qu'il n'a pas entendu parler des principes généraux formulés en règles par le code, tels que ceux sur la récidive, sur les

circonstances atténuantes, le cumul des peines, etc., etc., que l'on n'a jamais appliqués aux matières faisant l'objet de lois spéciales ; c'est ce que prouve du reste l'énumération de ces matières faite dans l'exposé des motifs au corps législatif.

Le tribunal argumente encore à tort de ce que la doctrine et la jurisprudence reconnaissent que les règles sur la complicité s'appliquent aux matières spéciales; car si c'est un principe de raison et de justice que le complice soit puni comme l'auteur principal, il est naturel et logique de recourir, pour les matières spéciales, à la définition que le législateur a donnée de la complicité pour déterminer ce qui la constitue.

On comprend aussi que le principe de droit naturel posé par l'art. 66, que l'enfant doit être acquitté à défaut de discernement, ait été appliqué aux matières spéciales par la cour de Liége, avec la règle positive que jusqu'à l'âge de seize ans la question de discernement doit spécialement et préalablement occuper le juge, sans qu'il faille étendre, comme le prétend le jugement attaqué, aux matières spéciales, les dispositions d'atténuation de peines des articles 67 et 69, atténuations faites spécialement en vue de la nature des peines que le code pénal commine.

M. l'avocat général Faider a conclu à la cassation.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen de cassation puisé dans la violation de l'article 484 du code pénal, de la loi du 3 thermidor an IV, et la fausse application des articles 67 et 69 du code pénal:

Attendu que le premier juge et le juge d'appel ayant reconnu et déclaré que Caroline Menestrée, mineure àgée de 13 ans, défenderesse en cassation, avait agi avec discernement en faisant paître et gardant à vue trois vaches dans un champ ensemencé de petits trèfles appartenant à autrui, il ne peut être question dans l'espèce de l'article 66 du code pénal, que la seule question que soulève le pourvoi se réduit au point de savoir si les articles 67 et 69 de ce code sont applicables aux cas de délits prévus par une loi spéciale qui, telle que celle des 28 septembre6 octobre 1791, sur la police rurale, ne renferme aucune disposition sur l'atténuation des peines en faveur des délinquants mineurs de 16 ans ;

Attendu qu'il est si peu vrai que les dispositions des articles 67 et 69, relates à l'atté

nuation des peines en faveur des mineurs de 16 ans, renferment un principe absolu, universel, indépendant de toute disposition de droit écrit, et applicable en toutes matières, que le code pénal des 25 septembre et 6 octobre 1791, par les dispositions de son titre V, 1re partie, et par le paragraphe final de l'article 4 du titre III, 2o partie, avait formellement restreint le principe d'atténuation des peines en faveur des mineurs de 16 ans aux matières criminelles proprement dites; que l'exclusion du principe d'atténuation, que le code pénal de 1791 avait organisé, a subsisté pour les matières correctionnelles sous l'empire de la loi du 22 juillet 1791 et du code du 3 brumaire an iv, et n'a cessé à l'égard des mineurs de 16 ans, reconnus coupables de simples délits prévus par le droit commun, qu'à partir du code pénal de 1810;

Attendu que l'article 484 du code pénal s'oppose à ce que le système d'atténuation des peines, réglé par les articles 67 et 69 du mème code, soit étendu aux délits prévus par des lois spéciales, soit antérieures, soit postérieures, si ces dernières n'en renferment pas le principe; qu'en effet, l'article 484 ne dit pas que les lois spéciales antérieures seront exécutées en tout ce qui n'est pas contraire au code pénal, mais qu'il prescrit d'observer les lois et règlements particuliers sur les matières non réglées par ce code; que pour observer ces lois il faut les exécuter et suivant la lettre, et suivant l'esprit qui a présidé à leur confection;

Attendu que le code pénal de 1791 ayant limité le principe de l'atténuation en faveur du jeune âge aux matières du droit criminel proprement dit, et le code pénal de 1810 luimême ayant exclu les simples contraventions de l'application de ce principe, on conçoit facilement que le législateur ait, dans l'article 484 du code pénal, manifesté son intention de l'exclure à l'égard des délits spéciaux, tels qu'en matière forestière, rurale et douanière, dans lesquelles la rigueur des peines ne parait pas excessive, eu égard à l'âge des délinquants, et surtout en présence de la considération que sans ces peines non mitigées, les mineurs de 16 ans, souvent provoqués ou tolérés par les parents, seraient devenus les agents les plus nombreux de ces sortes de délits ;

Attendu que c'est sans fondement qu'on objecte contre l'interprétation ci-dessus les articles 59, 60, 64 et 66 du code pénal pour en induire que de ce que les articles précités doivent recevoir leur application en matière spéciale, il doit en être de même des arti

cles 67 et 69 du même code; car les règles que les quatre premiers articles établissent pour les cas de démence, de force majeure et de défaut de discernement chez l'auteur, tenant intimement à la question d'imputabilité, sont générales, universelles et indépendantes de toute disposition de droit écrit, tandis qu'il n'en est pas ainsi des règles relatives à l'atténuation des peines établies en faveur des mincurs de 16 ans qui ne tiennent aucunement à l'imputabilité de l'auteur, imputabilité qui est déjà reconnue el constatéc lorsque l'auteur est déclaré avoir agi avec discernement, et que ces règles, loin d'être générales et universelles, sont au contraire mobiles et variables;

Attendu, enfin, qu'il est inexact de soutenir que cette interprétation aurait pour effet nécessaire de rendre inapplicables les articles 67, 68 et 69 du code pénal aux mineurs de 16 ans qui, agissant avec discernement, se rendraient coupables de crimes prévus par les lois spéciales postérieures au code, des 18 juillet 1851 et 13 avril 1845, relatives à la police sanitaire et à la police des chemins de fer, puisque ces lois, statuant sur des atteintes graves à la sûreté des personnes, ne concernent pas des matières non réglées par le code pénal, qu'elles seraient au contraire des appendices et des corollaires du chap. 1er, tit. II du livre 11 de ce code, et admettent nécessairement le bénéfice de l'atténuation des peines en faveur des mineurs de 16 ans, comme le code pénal dont elles sont censées faire partie;

Attendu qu'il suit de ce qui précède que le jugement attaqué, en faisant une fausse application à l'espèce des articles 67 et 69 du code pénal, a violé l'article 484 du même code, et la loi du 3 thermidor an iv;

Par ces motifs, casse et annule le jugement rendu sur appel par le tribunal correctionnel de Huy, le 19 janvier 1856, renvoie la cause devant le tribunal correctionnel de Liége pour y être fait droit sur l'appel du jugement du tribunal de simple police du canton de Huy, en date du 15 déc. 1855, ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur le registre du tribunal correctionnel de Huy et que mention en sera faite en marge du jugement annulé, condamne les défenderesses aux dépens et en ceux du jugement annulé.

Du 21 avril 1856.2 ch.
Sauvage. Rapp. M. Peteau.
M. Faider, avocat général.

-

Prés. M. de

- Concl.conf.

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