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1° Ne contrevient pas à l'article 408 du code d'instruction criminelle l'arrêt qui omet de prononcer sur une demande de l'accusé, formée après l'arrêt de condamnation, tendante à ce qu'il lui soit donné acte de ce que l'un des jurés ne comprenait pas la langue dans laquelle ont eu lieu l'instruction et les débats devant la cour d'assises. Semblable demande ne tend pas à faire usage d'un droit ou d'une faculté accordée par la loi à l'accusé (1). (Code d'instruct. crimin., art. 408). Premier moyen.

n'est pas

20 La disposition de l'article 319 du code d'instruction criminelle, portant « que le président demandera au témoin si c'est de l'accusé présent qu'il a entendu parler, et à l'accusé s'il veut répondre, prescrite à peine de nullité et n'est pas substantielle (2). (Code d'instr. crim., art. 319.) 5o Le président de la cour d'assises qui, en rappelant aux jurés les fonctions qu'ils auront à remplir, leur dit (ce qui est écrit dans l'article 556, § 2, du code d'instruction criminelle) que la loi ne contient pas la maxime qu'un seul témoin n'est pas un témoin, se renferme dans le cercle de ses devoirs. (Code d'instr. crim., art. 356; décret du 19 juillet 1831 sur le jury.)

(LUYPAERTS, -C. LE MINISTÈRE PUBLIC.)

Pierre Luypaerts, condamné par arrêt de la cour d'assises de la province d'Anvers, du 6 mars 1856, à la peine de mort pour crime d'incendie, avait, immédiatement après la prononciation de l'arrêt de condamnation, conclu :

1o A ce qu'il lui fût donné acte de ce que l'un des jurés, le sieur Van Assche, qui ne comprenait pas le français, n'avait reçu la tra

(4) Voy. cass. de Belgique, 1834, 1, 51; 1856, 1, 124; 1837, 1, 101; 1858, 1, 58; 1841, 1, 548; Legraverend, t. 2, p. 120.

(2) Voy. Morin, Dict, de droit crim., vo Null., $5, no 15; Legraverend, t. 3, p. 172, ch. des

duction ni des instructions données au jury ni des questions;

2o De ce que le réquisitoire du ministère public, tendant à l'application de la peine, n'avait pas été traduit à l'accusé, alors que ce dernier ne comprenait pas le français;

3o De ce qu'après la déposition de chaque témoin, le président de la cour d'assises n'avait pas fait les interpellations prescrites par l'article 519 du code d'instruction criminelle;

4o Enfin de ce que le président, en remettant les questions aux jurés et en leur rappelant les fonctions qu'ils avaient à remplir, leur avait dit que la loi ne contenait pas la maxime qu'un seul témoin n'est pas un témoin.

Statuant sur ces conclusions, la cour avait donné acte des trois derniers chefs, mais elle avait omis de prononcer sur le premier. Luypaerts proposait quatre moyens de

cassation.

Premier moyen.

Violation de l'art. 408, § 2, du code d'instruction criminelle, en ce que la cour a omis de statuer sur l'une des conclusions prises par l'accusé.

Deux conditions, disait le demandeur, sont uniquement requises par cet article pour qu'il y ait nullité radicale de l'arrêt de condamnation :

A. Il faut qu'il y ait eu omission de statuer sur une demande formelle de l'accusé;

B. Il faut que l'accusé ait eu, d'après la loi, le droit de formuler cette demande.

Ces deux conditions existent indubitablement dans l'espèce :

A. Il y a eu omission de statuer sur l'une des conclusions de l'accusé.

Luypaerts avait pris devant la cour trois chefs de conclusions bien distincts.

Ces chefs de conclusions constituaient mėme des conclusions séparées, car ils sont tous datés et signés séparément du conseil de l'accusé qq. et même de l'accusé.

Que fait la cour?

Statuant sur la première conclusion, par laquelle l'accusé demandait qu'il lui fut donné acte de l'inobservation de l'art. 519 du code

cours d'ass.; Dalloz, Nouv. Rép., vo Instr. crim., no 2518; Paris, cass., 20 mai 1843; Brux., cass. (Jur, du xixe siècle, 1841, 1, 493; 1844, 1, 454, et la note 1re, p. 455; 1848, 1, 465).

d'instruction criminelle, la cour lui en donne acle.

Statuant ensuite sur la seconde conclusion, par laquelle l'accusé demandait acte de cerlaines observations faites aux jurés par le président, de ce que le réquisitoire du minislère public, tendant à l'application de la peine, n'avait pas été traduit à l'accusé, et de ce qu'on ne lui avait pas demandé ce qu'il avait à y répondre, la cour donne les deux premiers actes demandés, et REFUSE le dernier.

Restait une troisième conclusion, datée et signée séparément, par laquelle Luypaerts demandait qu'il lui fût donné acte de ce qu'il y a un juré, le nommé Van Assche (Henri) demeurant à Bornhem, qui ne comprend pas le français, et que les instructions du prési– dent aux jurés ont été données en français, ainsi que la position des questions, sans que ni ces instructions ni ces questions aient été traduites aux jurés.

Cette conclusion, on le voit, n'avait absolument rien de commun avec les premières.

Or, la cour ne statue point sur cette dernière, comme elle le fait pour les autres.

Elle ne donne pas l'acte demandé, comme elle le fait pour les premières.

Elle ne rejette pas la demande comme non fondée, ainsi qu'elle le fait pour la conclusion qui requérait acte de ce que l'on n'avait pas demandé à l'accusé ce qu'il avait à répondre au réquisitoire du ministère public tendant à l'application de la peine.

En un mot, la cour omet de statuer ( (voy. sur ce point Morin, Rép., vo Null., § 3, no 13). B. La seconde condition requise par l'article 408 du code d'instruction criminelle existait également.

Il est évident qu'en prenant la conclusion sur laquelle il a été omis de statuer, l'accusé ne faisait qu'user d'un droit légitime et reconnu par la loi.

La cour d'assises le reconnaissait ellemême, alors qu'elle statuait sur les conclusions précédentes qui étaient de la même nature que la troisième.

Et, en effet, en thèse générale, l'accusé a, tout comme le ministère public (C. d'instr. crim., art. 276), le droit de formuler toutes les demandes qu'il juge utiles à sa défense, et la cour doit en délibérer et y statuer, sauf à les rejeter si elle les trouve non fondées, sinon la défense ne serait plus aussi libre que l'accusation (voy. l'arrêt de la cour de Liége, siégeant comme cour de cassation, du 19 juillet 1823 [Pasic., à sa date]).

En thèse générale, l'accusé a incontestablement le droit de faire acter tous les faits qui se passent à l'audience; il a le droit de demander que des faits soient actés au procèsverbal d'audience de telle ou telle manière, sauf toujours pour la cour le droit de déclarer qu'il n'y a pas lieu d'obtempérer à sa demande, mais encore faut-il qu'elle le déclare (voy. Legraverend, Législation crim., t. 3, p. 172, édit. belge, ch. des Cours d'assises).

C'est ainsi que, spécialement, le procèsverbal de l'audience du 7 mars alléguait que les questions posées avaient été traduites en flamand par l'interprète.

Il est clair que l'accusé avait le droit, s'il croyait cette allégation erronée, d'en appeler à la cour, de demander acte du contraire, et de faire ainsi rectifier le procès-verbal.

La cour pouvait, si elle le voulait, repousser la demande, et de même qu'elle déclarait que l'accusé avait été interpellé après le réquisitoire du ministère public, déclarer que les questions posées avaient été traduites en flamand; mais encore fallait-il qu'elle statuât d'une manière quelconque, en reconnaissant ou déniant le fait invoqué.

De même, du droit de défense, reconnu par la loi, et de la force probante accordée exclusivement par la loi au procès-verbal d'audience, découlait incontestablement le droit de faire acter à ce procès-verbal un fait qui n'y était pas mentionné et que l'accusé jugeait nécessaire à l'intérêt de sa

cause:

L'ignorance par l'un des douze jurés de la langue dans laquelle les débats avaient eu lieu.

D'une part, en effet, l'accusé ayant droit, parmi les garanties que la loi lui accorde, à être jugé par douze jurés capables, il est clair qu'il avait le droit de demander qu'il fût acté que l'un des douze jurés appelés à le juger était dans l'impossibilité de comprendre sa défense (voy. Nouv. Dalloz, vo Instr. crim., no 2318, et l'arrêt de la cour de cassation de France, du 20 mai 1843, cité par lui).

D'autre part, le procès-verbal disait : « Le président rappelle aux jurés les fonctions qu'ils auront à remplir. M. le président pose les questions et en donne lecture à haute voix. »

Puis il se bornait à ajouter : « L'interprète traduit à haute voix en flamand les questions. »

L'accusé n'avait-il pas évidemment le droit de faire préciser cette partie du procès-verbal, en faisant acter qu'au moins les instruc

tions du président n'avaient pas été traduites aux jurés ?

Ce qui, rapproché du fait que l'un d'eux ne comprenait pas le français, eût évidemment constitué une nullité radicale de toute la procédure.

En résumé donc, il y a eu, dans l'espèce, omission de prononcer sur une demande de l'accusé, demande légitimée par la loi, ce qui, aux termes de l'article 408 du code d'instruction criminelle, entraîne la nullité radicale de la procédure et de la condamnation.

Tous les motifs, qui ont fait prononcer par l'article 408 la nullité ici invoquée, sont applicables à notre espèce.

Ces motifs sont que toutes les garanties que la loi fournit aux accusés seraient vaines si l'on pouvait impunément ne point statuer sur une conclusion destinée à les sauvegarder.

Or, dans l'espèce, l'accusé veut faire acter une irrégularité grave, ou dont il a tout au moins le droit de plaider la gravité devant la cour suprême.

Le seul moyen de la faire constater est la demande qu'il en forme expressément.

Forcés de reconnaître ou de méconnaitre le fait, les juges n'hésiteront pas à prendre le premier parti, si le fait est vrai.

Mais s'ils peuvent s'abstenir, n'est-il pas à craindre que le fait ne reste dans l'ombre, et que l'accusé se trouve, par le silence de ses juges, privé du seul moyen de le constater et de l'invoquer plus tard?

C'est ce que l'article 408 a voulu éviter; c'est le bénéfice de cet article que le demandeur a par suite le droit d'invoquer pour ne pas être victime d'une semblable omission. Deuxième moyen. Violation de l'article 332 du code d'instruction criminelle, en ce que le réquisitoire du ministère public, tendant à l'application de la peine, n'a pas été traduit à l'accusé.

Trois faits sont constants au débat :

1o L'accusé était dans le cas de l'art. 352 du code d'instruction criminelle, c'est-à-dire qu'il parlait un langage différent de celui d'autres personnes entendues au procès.

La preuve, c'est qu'un interprète a été nommé d'office par le président, et que le procès-verbal d'audience constate maintes et maintes fois qu'il traduit en flamand telle ou telle partie de l'instruction ou des débats.

Or, si un interprète a dû être nommé, c'est nécessairement que l'accusé parlait un langage qui nécessitait qu'on lui traduisit cer

taines parties des débats (C. d'instr. crim., art. 352).

2o Le langage que parlait l'accusé était le flamand, et ce qu'il fallait lui traduire, c'était, parmi les parties du débat qui avaient lieu en français, celles qui, d'après la loi, avaient spécialement et personnellement été portées à sa connaissance.

Preuves:

a. L'interrogatoire de l'accusé, qui a eu lieu en flamand. Donc cette dernière langue était la sienne.

b. La mention faite au folio 2 verso des procès-verbaux d'audience que les accusés et leur conseil renonçaient à la traduction de deux pièces spécialement indiquées, l'arrêt de renvoi et l'acte d'accusation, tous deux en français.

Donc la traduction à faire, en vertu de l'article 352, était bien celle du français en flamand, puisqu'il a fallu renonciation expresse de l'accusé pour ces deux pièces dont la traduction lui avait été faite par son conseil avant l'audience.

c. Différents passages des procès-verbaux attestant que la traduction faite par l'interprète est du français en flamand.

30 Troisième fait constant: le réquisitoire du ministère public, tendant à l'application de la peine, n'a pas été traduit à l'accusé.

Preuve l'acte qui en a été donné par la

cour.

Il est évident que si, aux termes de la loi, ce réquisitoire était l'un des actes qu'il fallait traduire entre ceux qui parlaient un langage différent, il y a nullité, puisqu'il est constant, d'une part, qu'on ne l'a pas fait dans l'espèce, d'autre part, que l'accusé parlait un langage différent du ministère public.

Or, aux termes de l'article 565 du code d'instruction criminelle, l'accusé devait être personnellement interpellé sur ce qu'il avait à répondre au ministère public requérant la peine.

Donc, il fallait nécessairement lui traduire un acte sur lequel il était appelé à s'expliquer personnellement.

(Voy. arrêt de la cour de cassat. de France du 29 février 1844, rapporté au Journal du Palais, année 1844, tome II, page 558; Répertoire de droit criminel de Morin, vo Interprète, no 3.)

Il faudrait donc, dans l'espèce, pour échapper à la nullité, que le procès-verbal contint, comme pour l'arrêt de renvoi et l'acte

d'accusation, déclaration expresse de l'accusé, qu'il avait compris le réquisitoire, et renonciation expresse à la traduction.

C'est en vain que la cour, en donnant l'acte demandé, déclare, en refusant acte du fait contraire articulé par l'accusé, que le président a demandé à l'accusé s'il n'avait rien à répondre au réquisitoire.

Car ce n'était là que l'accomplissement d'une autre formalité également substantielle, celle de l'article 365 du code d'inst. crim., qui ne dispensait nullement de la traduction du réquisitoire, mais qui, de plus, la rendait indispensable, puisque n'ayant point compris ce réquisitoire, l'accusé ne pouvait que répondre à l'interpellation qu'il n'avait rien à dire, et s'en référer à ce qu'avait pu dire son conseil.

Voy. arrêt du 29 février 1844 précité qui montre comment doit être acté l'accomplissement de la double formalité de la traduction d'une part et de l'interpellation de l'article 565, d'autre part.

Dira-t-on que l'accusé aurait dû réclamer la traduction?

Ce serait se mettre en contradiction avec une jurisprudence constante qui prononce l'annulation des arrêts et procédures des cours d'assises, toutes les fois qu'il ne conste pas de l'accomplissement d'une formalité substantielle, bien que l'accusé n'ait point réclamé cet accomplissement.

Voyez, par exemple, en ce qui concerne l'absence de traduction, l'arrêt de la cour de cassation belge du 26 juillet 1847 (Bull., 1848, page 659), par lequel la cour casse un arrêt de cour d'assises, parce que le procès-verbal n'acte pas que la déposition d'un témoin aurait été traduite, bien que néanmoins rien ne révélât au procès que l'accusé en eút demandé la traduction, alors, au contraire, qu'il ne l'avait point fait, puisque s'il l'eût fait, la traduction eùt bien certainement été donnée.

Voy. de même arrêt de la cour de cassation de France, du 8 février 1838 (Pasic., à sa date).

Troisième moyen. Violation de l'article 519 du code d'inst. crim., en ce que le président n'a jamais demandé aux témoins si c'était de l'accusé présent qu'ils entendaient parler (voy, tous les procès-verbaux et l'acte donné par la cour), et n'a pas, dans ces cas, demandé à l'accusé ce qu'il avait à y répondre.

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du 19 juillet 1851, art. 7, et de l'art. 537, § 3, du code d'instruction criminelle.

Par ce dernier moyen, le demandeur appelait l'attention de la cour sur la circonstance également actée aux débats que le président, en rappelant aux jurés les fonctions qu'ils avaient à remplir, leur avait fait observer que la loi ne contenait pas la maxime qu'un seul témoin n'était pas un témoin.

Il demandait si ce n'était pas là ressusciter ce pouvoir, aujourd'hui abrogé, du président, qui consistait à résumer aux jurés la gravité des preuves pour et contre l'accusé.

Dire aux jurés que la loi ne dit nullement qu'un seul témoin n'est pas un témoin, n'estce pas leur faire entendre que la gravité de la déposition de tel témoin ne saurait être affaiblie par cette circonstance qu'elle est isolée ?

N'est-ce pas se livrer à l'appréciation de la portée de la loi sur ce point, et dès lors l'accusé ne devait-il pas avoir la parole le dernier (article 335, § 3, du code d'inst. crim.) pour discuter cette appréciation?

Enfin, l'art. 342 n'atteste-t-il pas hautement qu'en imposant au président le devoir de rappeler aux jurés les fonctions qu'ils auront à remplir, la loi n'entend nullement lui donner pour mission d'interpréter, ni même de leur rappeler l'instruction relatée à l'art. 542, puisque cet article exige que cette instruction soit affichée dans la chambre des délibérations du jury et la lui fait lire par le chef des jurés, ce qui serait absolument inutile si le président avait à la leur rappeler et à la discuter, aux termes de l'article 336.

M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi. Il a dit :

Le demandeur invoque comme premier moyen la violation de l'art. 408, § 2, du code d'instruction criminelle, en ce que la cour a omis de statuer sur l'une des conclusions prises par l'accusé. L'accusé a demandé, après la prononciation de l'arrêt, acte de divers faits; cet acte a été donné par la cour, sauf à l'égard du fait libellé de la manière suivante: « Il y a un juré (Henri Van Assche) qui ne comprend pas le français, et les <«< instructions du président aux jurés ont "été données en français, ainsi que la posi

་་

tion des questions sans traduction aux ju« rés. » Que la cour ait oublié ou omis sciemment de donner acte de ce fait, il n'importe, car jamais, dans les circonstances de la cause, le fait ainsi libellé n'eut pu avoir la moindre pertinence. En effet, le procès-ver

bal de l'audience constate que la formule juratoire a été lue en français et que le juré Henri Van Assche y a répondu en disant : Je le jure, et votre jurisprudence bien établie a reconnu que dans ce cas et lorsque, d'ailleurs, le juré avait assisté sans réclamation à tous les débats, il n'y avait pas lieu de prononcer la cassation ; il y a présomption et même preuve acquise que le juré a suffisamment compris le français. Vous avez mème décidé (13 juillet 1841) qu'il n'y a pas lieu de donner acte d'une déclaration faite après coup par un juré qui d'ailleurs, après avoir prêté serment, avait assisté aux débats sans réclamation. Et en effet, la présomption d'aptitude ou de capacité se trouve confirmée par la coopération volontaire du juré à tous les débats et par cette circonstance remarquable qu'il a répondu : Je le jure, à la formule française du serment. - Peut-on, après coup, établir devant la cour de cassation que le juré ne connaît pas le français? Non, avezvous dit dans votre arrêt du 9 mars 1837, parce que vous ne devez puiser les faits que dans les pièces de l'instruction et dans l'arrêt attaqué. Au surplus, ce principe serait contesté ou méconnu, que les documents produits aujourd'hui devant cette cour devraient être considérés comme sans aucune valeur : il s'agit d'un certificat signé par un échevin de Bornhem qui constate non pas que Henri Van Assche ne connaît pas le français, mais que Henri Van Assche a luimême déclaré à cet échevin que la langue française lui est étrangère, qu'il ne la comprend pas et qu'il en à informé le président de la cour d'assises par l'intermédiaire d'un huissier. Vous aurez déjà mesuré la portée d'une telle pièce : elle renferme la mention d'un fait qui n'est pas même compris dans la demande d'acte soumise à la cour, à savoir, l'avertissement au président; il y a plus: cette pièce n'est pas une déclaration ou une attestation de l'autorité, elle ne renferme que la relation d'une affirmation faite après coup par le juré lui-même; et cette déclaration n'a ici aucune valeur, puisqu'elle ne peut servir de preuve légale ou péremptoire.

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Il résulte donc des mentions du procèsverbal d'audience, comme de la coopération volontaire du juré à tous les actes de l'instruction et au verdict du jury, que la demande d'acte, n'avait aucune portée; que, faite après la clôture des débats et la prononciation de l'arrêt, elle perdait toute pertinence; que, partant, l'accusé n'avait plus d'intérêt à cet égard; que, par suite ultérieure, l'omission de donner acte de ce fait ne peut avoir pour effet de violer l'art. 408,

§ 2, du code d'instruction criminelle, l'accusé n'ayant pas établi devant la cour d'assises même, et pendant les débats, le fait de la violation dont il demandait acte.

Et pourtant ce n'est que moyennant cette preuve que l'article 408 peut être invoqué. Nous soutenons surabondamment que l'article 408 ne serait pas applicable ici. Il résulte du texte de cet article, comme des explications données par la commission de législation, qu'il n'y est question que de l'omission de formalités autorisées par la loi dans le cours des débats (1), malgré les réclamations de l'accusé, même quand ces formalités ne seraient pas prescrites à peine de nullité. II s'agirait ici, au contraire, d'une demande d'acte d'un fait démenti par le procès-verbal mème de l'audience et que démentent les actes mêmes du juré dont l'incapacité est invoquée. L'article 408 n'a donc pas été violé, et c'est vainement, suivant nous, qu'il est invoqué. Le premier moyen nous semble donc non fondé.

Deuxième moyen. - Violation de l'article 332 du code d'instruction criminelle, en ce que le réquisitoire du ministère public n'a pas été traduit à l'accusé. — La cour d'assises reconnaît que, en effet, ce réquisitoire n'a pas été traduit, mais elle ajoute que le président a demandé à l'accusé ce qu'il avait à y répondre, ce qui résulte d'ailleurs de l'arrêt. Dans ces termes, le fait acté perd toute pertinence, car si l'accusé avait cru devoir demander la traduction du réquisitoire, il l'eut fait, il avait du moins le droit de le faire et, ne l'ayant pas fait, on doit dire qu'il l'a compris et qu'il ne pouvait pas le critiquer. Il y a plus, le procès-verbal d'audience constate en termes exprès que le demandeur comprend le français: en effet, voici ce qu'on lit dans ce procès-verbal : « Les accusés et leur conseil renoncent à la "traduction de l'arrêt de renvoi et de l'acte << d'accusation dont ils disent avoir compris «la teneur. » Comment prétendre, d'après cela, que l'omission de traduction du réquisitoire du ministère public aurait porté préjudice à l'accusé lorsque l'on a la preuve résultant de ses propres déclarations qu'il a compris la teneur de la pièce fondamentale du procès, de l'acte d'accusation? — Le second moyen n'est donc pas fondé.

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