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teur responsable du journal dans lequel a paru l'article incriminé; il avait le droit, d'après l'article 18 de la constitution, d'en faire connaître l'auteur, et du moment que celui-ci était connu, le demandeur ne pouvait plus être poursuivi; les débats que la recherche de l'auteur comme l'article luimême au fond entraînent à sa suite devaient être soumis au jury, établi pour tous délits de presse, article 98 de la constitution; un conseil de discipline de garde civique n'avait ainsi aucune juridiction pour en connaître.

Décider que le demandeur a pu commettre une insubordination par la voie de la presse, justiciable du conseil de discipline, c'est violer ouvertement nos lois organiques; c'est priver le demandeur des garanties et des exceptions qu'il avait à faire valoir; ce n'était pas devant le conseil de discipline que l'auteur de l'article avait à se faire connaître, et cependant si celui-ci se produisait, le demandeur, en sa qualité d'éditeur responsable, ne pouvait plus être poursuivi.

L'incompétence du conseil était donc bien

formelle.

Deuxième moyen. Violation des articles 89, 95 et 99 de la loi du 8 mai 1848 sur la garde civique, en ce qu'il est constaté en fait par la décision attaquée que les injures prétendues n'ont pas eu lieu pendant le service de la garde, et que cependant le conseil, contrairement au texte et à l'esprit de la loi, a condamné le demandeur pour ces prétendues injures, parce qu'elles auraient eu lieu à l'occasion du service.

L'article 89 dispose que les devoirs des officiers, sous-officiers et gardes, à l'égard de leurs chefs, pendant la durée du service, sont les mêmes que dans l'armée. Il est à remarquer d'abord que l'article 18 de la loi du 2 janvier 1855 ne contenait que ces mots : « Les devoirs des gardes, caporaux, sousa officiers, et des officiers à l'égard de leurs chefs, sont les mêmes que dans l'armée. »

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Dans la séance de la chambre des représentants du 15 avril 1848 (Annales parlem., 1848, p. 1336), le projet du gouvernement était identiquement le même que celui de l'article 18 de la loi du 2 janvier 1855; mais la section centrale de la chambre y ajouta les mots « pendant la durée du service,» rédaction qui fut adoptée. De sorte qu'il n'est pas possible de douter de l'esprit et du but du législateur.

Les citoyens appelés à faire partie de la milice citoyenne ne sont obligés de suivre les devoirs des soldats envers leurs chefs que

pendant la durée du service. Ce service terminé, ils n'ont plus aucune obligation légale à l'égard de leurs chefs; d'où résulte que les injures ou tous autres délits qu'ils pourraient commettre ne sont commis que par des citoyens envers d'autres concitoyens, et ne peuvent donner lieu qu'à des poursuites civiles ou correctionnelles devant les juges ordinaires. Le législateur ayant limité la durée et le nombre des exercices, il est, d'après nous, impossible de soutenir avec fondement, qu'après les services les citoyens, âgés de moins de 50 ans, restent toujours gardes civiques en service, et par suite justiciables de tous les délits à l'occasion du service, devant le conseil de discipline institué exclusivement pour les insubordinations commises pendant le service.

La distinction, l'abus que la décision attaquée fait des mots précis de la loi pendant la durée du service et qu'il étend et remplace par les mots à l'occasion du service, viole et son texte et son esprit. Comment, en présence d'un texte aussi précis, de termes aussi formels que ceux ajoutés par la section centrale de la chambre et adoptés par elle, pourraiton soutenir que tout ce qui serait dit et écrit après la durée du service, à l'occasion du service, serait ou pourrait être une insubordination commise pendant le service? Ce système conduirait à ériger en loi que tous les délits, propos, injures perpétrés durant le cours de la vie par des citoyens faisant partic de la milice citoyenne, pourraient être considérés comme faits pendant le service; puisque chaque fois qu'ils auraient été faits ou prononcés à la suite d'un exercice ou revue, un jour, un mois, une année après (car il n'y a pas de limite), on pourrait dire qu'ils auront été faits ou proférés à l'occasion du service.

Les conseils de discipline n'ont été institués que pour connaître exceptionnellement et limitativement des infractions commises pendant la durée du service, alors seulement que pendant deux heures on est soldat; ils ne peuvent, sous aucun prétexte, connaître, sans violer les articles précités, des délits commis en dehors du temps du service: la composition du conseil, présidé par le juge de paix. pour l'observation des formes, mais hors de là composé de membres de divers grades appartenant à la milice citoyenne, prouve encore qu'ils ne sont appelés à connaître que des infractions commises par des gardes, mais seulement pendant qu'ils étaient en service; hors de là ils ne sont plus que des citoyens.

On invoque la discipline. Mais c'est là une

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véritable pétition de principe. La discipline existe pendant le service; en dehors du service, de quel droit devrai-je respecter un chef qui, pour moi, n'a plus d'autre qualité que celle de citoyen? La discipline! mais que devient donc la liberté de la presse? On ne pourrait rien écrire de désagréable à l'occasion d'une revue, d'un exercice quelconque contre un caporal, sergent, officier ou chef, n'importe lequel, parce que ce serait à l'occasion du service qu'on l'aurait fait ! Si la discipline est à créer avec une pareille doctrine, qu'on efface alors d'un trait de plume tous les articles cités.

Troisième moyen.

Violation de l'arti

cle 11 du décret du 20 juillet 1851, en ce que le conseil de discipline n'a pas même recherché si le demandeur était l'auteur de l'article incriminé et qu'il était dans tous les cas incompétent pour le faire.

Cet article veut que dans tous délits de presse le jury examine si l'auteur indiqué de l'article l'est réellement. Or, le conseil de discipline ne pouvait sous aucun prétexte connaître de cette question, et était évidemment incompétent pour rechercher si Byl était ou non auteur de l'article. Pour prouver le peu de fondement du système admis, il suffira de faire remarquer que si le conseil de discipline pouvait juger Byl à raison de l'article incriminé, il était aussi compétent pour juger celui qui pouvait en être l'auteur et qui pouvait être une personne étrangère à la garde civique, habitant de Bruxelles ou

de Gand.

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aux

Or, la partie qui succombe doit, termes de l'article 162 du code d'instruction criminelle, être condamnée aux dépens. Cet article doit donc, à peine de nullité, être transcrit, tout au moins être mentionné dans le jugement; et on n'en trouve nulle trace, pas plus que de l'article 194 qui dispose de la même manière.

La loi veut que l'article soit transcrit ; nous pensons qu'en présence de ces termes une simple mention de l'article serait insuffisante, et que la doctrine de la cour de cassation de France, émise dans son arrêt du 3 juillet 1835 (Pasic., t. 17, p. 569), ne peut être suivie; on y lit : « Attendu que la «condamnation aux dépens étant la consé«quence nécessaire de la condamnation prin«cipale, la mention de l'article 162 du code « d'instruction criminelle est suffisante pour << satisfaire au vœu de l'article 163 du mème « code. » Mentionner n'est pas transcrire ; les termes de la loi appliquée y seront insérés, dit la loi, et ce à peine de nullité; une simple mention n'est donc pas suffisante; mais celle-là même n'existe pas.

Cinquième moyen. Violation de l'article 95 de la loi du 8 mai 1848, en ce que le conseil de discipline n'a pas été régulièrement composé ni présidé.

La loi indique les membres qui doivent faire partie du conseil; il est présidé par le juge de paix ou, à son défaut, par un major.

Le texte est positif. Cependant c'est un capitaine qui a présidé le conseil ; il est vrai position; mais il n'en est pas moins vrai que que le major s'était fait excuser pour indisle prévenu a perdu de cette manière la voix d'un membre supérieur et influent du conseil.

Il semble que c'était le cas de remettre la séance pour que le major indisposé pùt, un autre jour, venir occuper son siége, ou ètre remplacé par un autre officier du même grade. De cette manière le conseil eût pu être composé des membres en grade et en nombre que la loi détermine, et dans la composition desquels elle a placé la garantie des prévenus.

M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi.

Il a dit :

Comme nous vous proposons le rejet du pourvoi, nous devons nous occuper des moyens de cassation fondés sur des vices de forme, et nous commencerons par ceux qui portent les nos 3 et 4 de la note du demandeur.

Quatrième moyen. Violation des articles 162, 194 et 163 du code d'instruction criminelle et 100 de la loi du 8 mai 1848, en ce que le demandeur a été condamné aux dépens sans que le texte de la loi appliquée ait été transcrit ni même mentionné.

Nous

ne pensons pas que l'on doive être aussi sévère que le demandeur. En principe et en règle générale, l'omission signalée n'entraîne pas de nullité; ainsi l'article 194 du code, pour les tribunaux correctionnels, et l'article 569, pour les cours d'assises, se bornent à infliger une amende contre le greffier qui n'a pas transcrit dans le jugement ou l'arrêt le texte de la loi appliquée. L'article 163 fait exception à cette règle; il prononce la nullité du jugement lorsque cette omission a lieu en matière de simple police, et, dans cette même affaire, vous avez rendu un arrêt de cassation fondé sur cet article. Mais faut-il étendre cette nullité, cette exception au cas où il s'agit non pas de la loi appliquée, c'est-à-dire de l'article de la loi pénale ou disciplinaire répressif de l'infraction, mais des dépens, c'est-à-dire de ce que la loi considère, par une disposition générale et commune, comme une conséquence nécessaire de la condamnation? Nous ne le pensons pas : d'abord toute nullité est de stricte application; de plus, lorsque cette nullité forme exception à une règle plus générale qui régit le même ordre de faits, il y a double motif pour ne pas donner au texte une signification plus large qu'il n'est nécessaire pour répondre à l'intention du législateur. Or, cette intention, quelle estelle en matière de simple police? C'est de faire connaître au condamné, d'une manière authentique, la disposition pénale qui lui est appliquée; et cela était nécessaire en matière de simple police, où la grande variété de règlements locaux et une publicité plus restreinte ou moins réelle rend moins aisée, pour des contrevenants souvent étrangers à la localité, la connaissance des textes en vertu desquels le juge a prononcé. Or, ces raisons spéciales concernent-elles la condamnation aux dépens? Nous ne le pensons pas. Sans doute, il eût été plus régulier de copier dans le jugement le texte de l'article 162 du code d'instruction criminelle; mais au fond, cet article est plutôt une direction pour le juge qu'une disposition répressive, et nous ne considérerons jamais la condamnation aux frais comme rentrant dans ce que l'article 165 appelle loi appliquée, laquelle s'entend évidemment de la loi répressive qui punit l'infraction constatée, la seule que le condamné ait vraiment intérêt à connaître. Ce moyen nous semble donc non fondé.

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Cinquième moyen. Violation de l'article 95 de la loi du 8 mai 1848, en ce que le conseil n'a pas été régulièrement composé.

Le jugement constate les motifs, tous légaux et authentiquement prouvés, d'ailleurs non contestés, de la composition du conseil. Il y avait eu renvoi après cassation; le juge de paix, les deux suppléants se trouvaient empêchés; le major désigné, aux termes de la loi, était malade; il restait cinq membres pour former le conseil; le major empêché a été remplacé par l'officier supérieur en grade après lui et membre du conseil : il n'y a là rien que de très-régulier. Evidemment ce moyen doit être écarté.

Moyens du fond.

Ces trois moyens, divisés dans le mémoire du demandeur, peuvent être examinés ensemble; les considérations que nous allons soumettre à la cour les écarteront tous à la fois. - Suivant le demandeur, il y aurait dans le jugement atta

qué violation des articles 8, 18 et 98 de la constitution. 11 du décret sur la presse, 89, 93 et 99 de la loi sur la garde civique; il prétend n'ètre justiciable du conseil de discipline que pour les faits ou infractions commis pendant le service, tandis qu'on l'a condamné pour un fait posé hors du service, à l'occasion du service; il prétend, d'ailleurs, que le fait a été posé dans un journal par la voie de la presse; que, partant, la seule juridiction compétente était la cour d'assises et le jury, et qu'il fallait suivre, devant le jury, la procédure tracée pour les délits de presse.

Ce système est inacceptable dans l'état des faits tels qu'ils sont constatés, et il est fâcheux, suivant nous, que certaines appréciations précipitées ou passionnées aient devancé la décision de la justice, seule compétente pour trancher la question.

Constatons d'abord qu'il s'agit d'un article imprimé dans un journal d'Alost; que cet article est injurieux pour le chef de la garde civique; que le demandeur Byl fait partie de cette garde; qu'il est l'imprimeur éditeur du journal dans lequel l'article a paru; que cet article a été inséré dans le numéro du dimanche 7 octobre 1855; qu'il se rapporte à une revue qui a eu lieu le dimanche précédent 30 septembre; que le journal étant hebdomadaire, l'article a paru dans le premier numéro distribué depuis cette revue; qu'enfin Byl a assisté à cette revue et qu'il est acteur dans l'article incriminé. C'est en présence de ces faits que le jugement attaqué a qualifié d'insubordination les injures graves et publiques contre le chef de la garde, que Byl a imprimées dans son journal à la suite des

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et

faits passés en service à la revue du 30 septembre. Or, il s'agit là d'insubordination et non de délit de presse; il s'agit d'un fait disciplinaire et non pas d'une infraction à la loi pénale: l'injure ou la diffamation commise contre le chef de la garde par la voie de la presse peut être poursuivie régulièrement, par le ministère public, devant le jury, sans que, pour cela, l'action disciplinaire soit arrêtée; car, comme l'a dit avec raison l'officier rapporteur dans ses conclusions, comme cela est d'ailleurs incontestable, l'action disciplinaire est indépendante de l'action criminelle (1). L'insubordination, au contraire, consiste dans ce fait reconnu constant que Byl, garde civique présent à la revue du 30 septembre et imprimeur d'un journal, a publié ou imprimé et distribué, à l'occasion de cette revue et du service qu'il y avait accompli, des injures graves et publiques. Dans ces termes, il n'est question que du fait disciplinaire d'insubordination, c'est-à-dire de manque de respect et de méconnaissance de l'autorité d'un supérieur; ce fait consiste dans la publication d'injures à l'occasion d'un service de garde civique; cette publication a été faite par Byl; elle constitue l'insubordination même; elle est toute personnelle à Byl; elle existe indépendamment de la question d'auteur, car, dans ces termes, Byl, fûtil même illettré, serait toujours coupable. Il n'est donc pas question de rechercher l'auteur ou le rédacteur de l'article; il n'est pas question du décret sur la presse, ni de la liberté de la presse, ni du jury, ni de la constitution; tout ce qui regarde la presse reste sauf, et toute la question est de savoir si l'insubordination est punissable lorsqu'elle a été commise à l'occasion du service, ou plutôt si les mots de l'article 89 de la loi, pendant la durée du service, ne doivent pas nécessairement et par la nature des choses s'entendre des actes se rattachant au service et aux devoirs naturels que le service impose.

Telle est, en effet, toute la question : on ne niera pas, sans doute, que si Byl avait distribué son pamphlet pendant la revue du 30 septembre, il n'eut commis une insubordination que le conseil de discipline eût dù et eût pu réprimer, abstraction faite de toute question relative à la presse et au jury. Or, la position est-elle différente, quant à la compétence du conseil, parce que la distri

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(1) Voy., sur cette théorie, Morin, Discipline judiciaire, vol. 2, p. 197 et suivantes et particulièrement no 683; Bioche, Dict., vo Discipline; Paris, cass., 22 déc. 1827, rapporteur Mangin ;

PASIC., 4856. Ire PARTIE.

bution du pamphlet a eu lieu après la revue? Evidemment non: la poursuite répressive, le délit de presse, s'il y en a un, la juridiction du jury et de la cour d'assises, la recherche de l'auteur au point de vue du délit de presse, tout cela reste entier dans les deux hypothèses, tout comme, dans les deux hypothèses, l'action disciplinaire reste entière et indépendante. Donc, nous sommes ramenés à proclamer la compétence essentielle du conseil et à rechercher si, en présence du fait reconnu d'une insubordination commise à l'occasion du service, une condamnation a pu être prononcée. Le demandeur croit que non; nous croyons avec le jugement attaqué que oui.

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Nous reconnaissons avec le demandeur que l'article 18 de la loi du 2 janvier 1836, pas plus que le projet de loi de 1848, ne contenaient les mots pendant la durée du service qu'on lit dans l'article 89 de la loi actuelle. Ces mots ont, en effet, été ajoutés au projet par la section centrale (2). Mais pourquoi? La section centrale ni la discussion ne le disent; l'article modifié a été adopté sans un mot de discussion, et le rapport présenté au nom de la section centrale porte simplement que l'article 90 du projet, 88 de la section centrale, devenu 89 de la loi, est adopté par cette section avec de légers changements de rédaction (3). Rien de plus au sénat. Il est donc certain que les auteurs de la loi n'ajoutaient pas une grande importance à cette addition qu'ils considéraient comme un léger changement de rédaction, et l'argument qu'on en peut tirer est insignifiant, parce que, que ces mots existent ou qu'ils n'existent pas, il n'en est pas moins certain que les devoirs d'obéissance et de subordination ne peuvent, suivant la nature des choses qui est toujours réservée dans les lois, s'entendre que de ceux qui se rattachent au service, et qu'il serait absurde de vouloir les étendre aux faits étrangers au service. Mais quelle que soit la rédaction, sous l'empire de la loi actuelle comme sous celle de 1835, les devoirs de respect et de hiérarchie doivent être maintenus lorsqu'il s'agit de faits se rapportant au service; sans cela il n'y a plus de garde civique possible, parce qu'il n'y a plus de subordination de la part des inférieurs, ni de confiance dans leur autorité de la part des supérieurs, ceuxci, exposés aux vengeances, aux diffama

Paris, cass., 30 mai 1852, conel. Dupin, etc., etc. (2) Voy. Annales parlem., 1847-1848, p. 1180 et 1536. (3) Voy. Annales parlem., p. 1481.

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tions, aux insultes, se trouvant nécessairement paralysés ou démoralisés.

Mais pourquoi la section centrale a-t-elle modifié la rédaction? Par imitation sans doute de la législation française. Les art. 87 et suivants de la loi de 1851 sur la garde nationale prévoient et punissent les infractions commises par les gardes étant de service; or, c'est dans le même ordre d'idées que la nouvelle rédaction de notre article 89 a été arrêtée, et c'est évidemment dans le même sens qu'il faut la comprendre. Et quel est le sens qu'y attachent la doctrine et la jurisprudence française qu'il nous est permis de consulter en l'absence de monuments de notre jurisprudence sur le point en débat? Exactement le même sens que celui qu'a consacré le jugement attaqué. Et Dalloz cite notamment deux arrêts de la cour de cassation de France, portés sous l'empire de la loi de 1851, qui décident les points suivants : « Le garde national qui s'est rendu coupable de propos offensants envers son sergent-major, sinon dans le service, mais à l'occasion du service, est passible d'une peine disciplinaire, bien que ni ce garde ni son supérieur ne fussent revêtus de l'uniforme (1). » Un autre arrêt décide que le conseil de discipline connaît de tous les faits qui constituent la désobéissance et l'insubordination, même quand ils auraient eu lieu par la voie de la presse (2). » Cette doctrine, consacrée sous l'empire de lois et d'institutions semblables à celles qui nous régissent, confirme bien formellement les considérations que nous avons soumises à la cour. Il est, du reste, facile de les fortifier d'arguments nouveaux.

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Les mots pendant la durée du service n'ont rien de sacramentel : si on passe en revue les dispositions législatives de France dont les principes ont passé dans les nôtres, on restera convaincu de ce fait. Pour la garde nationale, comme pour toutes les grandes institutions qui subsistent de nos jours, il faut remonter à la Constituante. Ouvrez les rapports de Rabaut Saint-Etienne sur l'organisation de la force publique et de la garde nationale, vous y verrez, à côté des principes fondamentaux et du caractère précis de la garde nationale, les articles de discipline qui devront être en vigueur durant le temps du service (3). La constitution de 1791 (art. 5, tit. IV) et celle de l'an 1 (art. 280) dé

(1) Voy. 17 avril 1845 (Dalloz, 1845, 1, 272); 25 sept. 1852 (Dalloz, 1853, 1, 391); arrêts rendus sous l'empire des art. 87 et 89 de la loi du 22 mars 1851.

clarent que les distinctions de grade et la subordination ne subsistent que relativement au service et pendant sa durée. La loi des 29 septembre-14 octobre 1791 est rédigée dans le même sens (art. 2, sect. 5), et l'arrêté-instruction du 13 floréal an vii trace les devoirs de subordination pendant la durée du service. Ces prescriptions fondamentales ne sont pas reproduites dans les constitutions postérieures : l'ordonnance du 17 juillet 1816 emploie des expressions différentes et plus pratiques; elle porte. article 35, que les fautes ou délits des gardes nationaux, à raison du service, seront jugés par un conseil de discipline. Enfin la loi du 2 mars 1851, comme celle du 13 juin 1851, prévoient les faits d'indiscipline commis par les gardes étant de service. — Il semblerait que cette dernière expression est la plus étroite, la plus rigoureuse, et c'est pourtant sous l'empire de la loi de 1831 que la cour de cassation a porté les décisions que nous avons rappelées. Et pourquoi? Parce que, entendue autrement, la discipline de la garde civique, l'autorité des chefs et par suite la garde civique elle-même seraient anéanties si, à raison du service, comme le dit l'ordonnance de 1816, ou à l'occasion du service, comme le disent les auteurs et les arrêts, il était permis à l'inférieur d'insulter son supérieur, de critiquer ses actes, de ridiculiser le commandement, de contester en termes offensants son autorité. Remarquez, dans cet ordre d'idées pratiques et nécessitées par la nature des choses, que cette interprétation de la loi ne doit pas être séparée du fait constaté. S'il s'agit d'une publication parue dans un temps voisin du service accompli par un garde; si ce garde est l'auteur de la distribution de l'écrit ; si cet écrit est insultant; s'il renferme des appréciations offensantes au sujet des ordres donnés ou des faits posés par son supérieur pendant qu'il était de service et où luimême a été acteur; s'il est reconnu que ces offenses publiques et ces critiques insultantes constituent un manquement et une insubordination, il en résultera une connexion si intime entre le service et l'offense, qu'il sera impossible de ne pas considérer le fait comme posé pendant la durée du service, c'est-à-dire comme posé de façon à faire admettre nécessairement que le garde coupable d'insubordination a volontairement repris sa qualité spéciale vis-à-vis du chef qu'il insulte à l'oc

(2) Voy. 18 fév. 1843 (Sirey-Vill., 1845, 1, 945). (5) Voy. le vol. 7 du Recueil intitulé: Choix de rapports, opinions et discours, novembre 1790, avril 1791.

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