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vouloir contrevenir à la loi, peuvent le faire absoudre.

De même encore la cour de cassation de France a jugé, par arrêt du 12 avril 1822, que la bonne foi est admissible en matière forestière.

Dans l'espèce, l'exposant a prouvé que s'il était matériellement en contravention, ce n'était point le résultat d'une faute personnelle, mais la conséquence des instructions des autorités supérieures, ainsi qu'il conste des lettres du bourgmestre et du commissaire d'arrondissement.

Dans cet état de la question, l'on ne pouvait pas rejeter l'exception proposée par l'exposant par les règles sur l'inadmissibilité de la bonne foi résultant d'une erreur personnelle.

M. l'avocat général Faider a conclu à la cassation.

Il a dit en résumé:

En recherchant le vrai sens des lois sur la garde civique, en ce qui concerne le service des patrouilles (loi du 31 décembre 1850, art 38; lois des 8 mai 1848 et 13 juillet 1853, art. 3), nous démontrerons, en peu de mots, la nécessité d'admettre les deux premiers moyens du pourvoi et de prononcer la cassasion du jugement attaqué: il deviendra inutile d'examiner les deux derniers moyens du demandeur. Notre tâche est rendue facile par les précédents rappelés dans la note du demandeur et par l'arrêté royal du 13 juillet 1853 (Moniteur du 19) qui annule précisément, comme contraire à la loi, une délibération du conseil communal de Mechelen qui organise le service des patrouilles.

Cet arrêté confirme les instructions ministérielles des 28 janvier et 8 décembre 1831 (Pasinomie, à leur date) qui interprétaient, dans un temps bien voisin de la loi du 31 décembre 1850, le sens de l'article 38 sur le service des patrouilles ; l'arrêt de Bruxelles du 27 décembre 1831 (Jur. du XIXe siècle, 1832, 3. p. 49); la circulaire ministérielle du 23 novembre 1854, où on lit le passage suivant :

«Le § 3 de l'article 3 de la loi du 8 mai 1848 porte expressément que dans les communes où la garde civique est non active, elle est chargée du service des patrouilles. En présence d'une disposition aussi formelle, il est impossible de s'appuyer sur l'arrêt de la cour de cassation du 9 février 1846 pour autoriser l'organisation de patrouilles en dehors de la garde civique; c'est aussi pour assurer la marche du service que dans les

communes où cette garde est non active, il a dû être procédé l'année dernière à des élections qui n'avaient pas été faites pendant la période quinquennale précédente. »

Cette interprétation, également très-voisine de la loi du 15 juillet 1855, est d'ailleurs conforme à un avis donné, le 24 avril 1847, par le département de la justice. Dans cet avis, le ministre de la justice combattait une circulaire ministérielle du 12 novembre 1846, fondée sur une fausse interprétation de votre arrêt du 9 février 1846 (Bull., 1846, p. 202), lequel, sans avoir à se prononcer sur la légalité d'un règlement communal organisant les patrouilles, se borne à définir le mot inwoonder employé dans ce règlement.

Voilà des précédents mais en lisant la loi (articles 58 de la loi de 1830 et 3 de la loi de 1853), en rapprochant le texte du rapport de la section centrale sur le décret de 1850, le doute n'est plus possible. C'est la garde civique seule qui est chargée actuellement des patrouilles.

A Mechelen, la garde civique est organisée comme le veut l'article 3 de la loi. Le demandeur est porté sur le contrôle comme sous-lieutenant, et par une anomalie singulière, à côté de ce contrôle légal où il occupe le grade d'officier, on prétend établir un service où le sous-lieutenant devient simple garde sous le commandement d'un chef de poste qui figure cependant comme simple garde sous le n° 106 du contrôle. C'est l'anarchie, et en cassant le jugement attaqué vous rétablirez l'exécution régulière de la loi et vous donnerez une force nouvelle à l'arrêté du 13 décembre dernier. Remarquons d'ailleurs que les conseils de discipline peuvent être organisés : l'article 95 confirme l'intention de la loi sous ce rapport.

ARRÊT.

LA COUR; Sur les deux premiers moyens du pourvoi, tirés de l'abrogation du règlement communal dont il a été fait application au demandeur; de la nullité des conVocations qui lui ont été faites, et enfin de l'incompétence des tribunaux ordinaires de répression pour connaître des contraventions au service des patrouilles :

Vu l'article 6 du règlement sur les patrouilles et gardes de nuit, arrêté par le conseil communal de Mechelen le 18 décembre 1819, ainsi conçu : « Le commandant est tenu « de faire immédiatement remplacer ceux « qui désobéissent ou refusent de faire leur « service. Ces derniers seront, d'après son

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< Elle est non active dans les autres com<munes (celles n'ayant pas une population agglomérée de plus de 10,000 âmes); elle y est néanmoins organisée jusqu'à l'élection inclusivement et chargée du service « des patrouilles lorsque l'autorité commu« nale le juge nécessaire. Dans ces dernières e communes, elle n'est appelée à l'activilé • qu'en vertu d'un arrêté du gouverne«ment »;

Qu'aux termes de cet article la garde civique non active est donc expressément chargée du service des patrouilles ;

Que si, de ce que ce même article porte que la garde fait les patrouilles lorsque l'autorité communale le juge nécessaire, un doute pouvait naître sur le point de savoir si c'est la nécessité des patrouilles ou bien celle d'en charger la garde civique qui est laissée à l'appréciation de l'autorité communale, ce doute disparaîtrait nécessairement en présence de l'article 79, aux termes duquel «<le service ordinaire de la garde consiste principalement à monter les gardes et à faire les patrouilles jugées nécessaires pour « la sûreté des personnes et la conservation « des propriétés, » et enfin, du rapport de la commission de rédaction du décret du 31 décembre 1850, décret dont les lois du 8 mai 1848 et 13 juillet 1853 n'ont fait que reproduire le principe, où le rapporteur disait, à l'occasion du service des patrouilles, « des règlements provinciaux organisent ce service, il appartiendra désormais à la garde civique. »

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En ce qui concerne la force obligatoire du règlement dont il a été fait application an demandeur et la compétence des tribunaux de simple police:

Attendu que d'après l'article 95 des lois des 8 mai 1848 et 15 juill. précitées, c'est au chef de la garde civique qu'appartient, sous l'approbation de la députation du conseil provincial, le droit de faire les règlements de service nécessaires pour l'exécution de la loi;

Que les articles 88 et 78 déterminent le mode des convocations et, au cas de service

d'ordre et de sûreté, celui des remplacements;

Que l'article 90 fixe les peines disciplinaires qui peuvent être infligées immédiatement par l'officier de service ou chef de poste, et l'article 95 prérappelé, celles applicables aux contraventions d'un ordre plus grave;

Qu'enfin l'article 95 institue dans chaque garde un conseil disciplinaire chargé de l'instruction des affaires et de l'application des peines en tout ce qui concerne les infractions au service, et un officier du ministère public exclusivement appelé à diriger les poursuites;

Que, de l'ensemble des lois du 8 mai 1848 et du 15 juill. 1855, il résulte donc clairement que ces lois règlent complétement, à nouveau, la matière qui faisait l'objet de l'ordonnance communale de Mechelen du 18 décembre 1819 sur le service des patrouilles; qu'elles chargent exclusivement la garde civique de ce service, et qu'elles créent une juridiction nouvelle, celle des conseils de discipline, pour connaître des contraventions relatives à ce même service;

Attendu qu'il est de principe que la loi nouvelle abroge nécessairement, lors même qu'elle ne l'exprime pas, les lois précédentes ou les règlements dont elle contrarie les dispositions (loi 4, D., de const. princip.);

Attendu que l'exécution du règlement précité et le jugement, par les tribunaux ordinaires, des contraventions à ce même règlement, sont incompatibles avec les lois des 8 mai 1848 et 13 juillet 1853;

Attendu qu'aucune disposition ne subordonne la mise à exécution des lois sur la garde civique à l'organisation préalable des conseils de discipline, ni, en ce qui concerne les devoirs de la garde non active, à un arrêté du gouvernement;

Qu'à l'époque des convocations faites au demandeur, par l'autorité communale, d'une part, le règlement en vertu duquel ces conVocations ont eu lieu était abrogé, et, de l'autre, le tribunal de simple police n'avait plus de juridiction pour statuer en cette matière;

Que des considérations qui précèdent il suit que le tribunal de simple police de Mechelen et, après lui, le tribunal correctionnel de Tongres, en connaissant d'une matière qui ne leur est pas dévolue par la loi, et en prononçant contre le demandeur des pénalités pour un fait qui ne constitue aucune contravention, ont commis un excès de pouvoir et expressément contrevenu aux

dispositions précitées des lois des 8 mai 1848 et 13 juillet 1855, aux articles 9 et 107 de la constitution, et enfin à l'article 159 du code d'instruction criminelle;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, casse et annule le jugement rendu en degré d'appel le 10 novembre 1855 par le tribunal correctionnel de Tongres, en cause du demandeur, ordonne que le présent arrêt soit transcrit sur le registre dudit tribunal, et que mention en soit faite en marge du jugement annulé, ordonne la restitution de l'amende consignée; et attendu que les faits qui ont donné lieu aux poursuites ne constituent ni délit ni contravention; vu l'article 429 du code d'instruction criminelle, dit qu'il n'y a lieu à aucun renvoi.

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1o Les tribunaux sont compétents pour statuer sur une action en dommages-intérêts dirigée contre l'État, et soulevant une question de responsabilité civile;

Et spécialement sur la réclamation d'une indemnité pécuniaire pour le dommage éprouvé par des bateliers, par suite de la baisse des eaux dans le canal de la Campine. (Constit., art. 92.)

20 Lorsqu'un tribunal a statue en dernier ressort sur le fond du litige, et en premier ressort seulement sur la compétence, et qu'il y a appel quant à la décision relative à la compétence, le délai pour se pourvoir en cassation, quant à la partie du jugement qui a statué au fond, ne commence à courir qu'après que la cour d'appel a statue sur la question de compétence (1). (Loi du 2 brumaire an Iv, art. 14.)

3o La distribution des eaux du canal de la Campine, suivant les besoins de la naviga

() Voy. les conclusions du ministère public.

tion et ceux de l'irrigation, constitue pour le gouvernement un droit et un devoir à raison desquels sa responsabilité ne peut être engagée vis-à-vis des citoyens qui se croiraient lésés dans leurs intérêts privés. (Loi du 10 fév. 1843, art. 7; arrêté royal du 25 sept. 1844, art. 1 et 2.) L'article 1384 du code civil, applicable seulement aux actes de la vie civile, ne peut être invoqué à l'occasion de faits de haute administration posés par le gouvernement par l'intermédiaire de ses agents.

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Par exploit du 9 février 1854, la société en nom collectif J. Joiris a fait assigner, devant le tribunal de Liége, l'Etat belge pour s'y entendre condamner à 205 francs de dommages-intérêts avec intérêts et dépens. Elle faisait valoir à l'appui de cette demande :

Que le 25 juillet 1852, deux de ses bateaux se sont trouvés ensablés dans le canal de la Campine, près de Lommel, entre les ponts nos 11 et 12, à cause du manque d'eau;

Que les bateaux ont été ainsi arrêtés pendant plus de vingt-quatre heures;

Que le 30 du même mois, ces bateaux revenant à vide furent de nouveau empêchés, pendant plus de vingt-quatre heures, de continuer leur route par d'autres bateaux également ensablés, près du pont no 11;

Que les 25 et 30 juillet, la flottaison des eaux à l'écluse no 1, à la pierre bleue, n'était respectivement que de 89 et de 87 centimètres;

Que le manque d'eau, cause unique des retards éprouvés par les bateaux Joiris, était dû à ce que les agents préposés à l'administration du canal avaient donné trop d'eau pour l'irrigation des terrains riverains;

Que ces faits sont constants et qu'en cas de dénégation la société demanderesse offre de les prouver par toutes voies de droit et notamment par témoins;

Que le canal de la Campine est destiné principalement à la navigation et accessoirement à fournir de l'eau aux propriétés riveraines;

Que cela résulte : 1o de la loi du 10 février 1845, article 5; 2o de celle du 6 avril 1845; 3° et surtout du règlement du 25 novembre 1844, articles 1 et 2;

Que cet article prescrit que la première section du canal, entre Bocholt et la pierre

bleue ait les dimensions nécessaires pour présenter un mouillage d'un mètre 65 centimètres, et pour assurer à la navigation un tirant d'un mètre 50 centimètres;

Que l'article 1384 du code civil rend le commettant responsable du fait de son préposé, et que cet article est aussi bien applicable à l'Etat qu'aux particuliers.

Le 8 mai 1854, en réponse à cette demande, l'Etat fit notifier des conclusions tendantes à ce qu'il plut au tribunal se déclarer incompétent, subsidiairement dire l'action non recevable, en tous cas mal fondée;

On appuyait ces conclusions: les principales, sur ce qu'en admettant que le manque d'eau qui a retenu les bateaux du demandeur provint exclusivement de ce que le service des irrigations des terrains voisins dépensait une partie de l'eau nécessaire à la navigation, il n'y aurait là qu'un acte purement administratif posé en exécution de la loi, et dont l'application échappe au pouvoir judiciaire, acte qui constitue l'exercice d'une faculté et nullement une faute;

Les subsidiaires : sur ce qu'en ouvrant à la navigation le canal de la Campine, destine en outre à l'irrigation, le gouvernement n'a donné aux bateliers que le droit de s'en servir dans l'état où ce double service peut mettre les eaux, qu'il ne s'est pas obligé de leur fournir en tout temps telle quantité d'eau dont ils pourraient avoir besoin;

Au fond sur ce que le manque d'eau dont on se plaint est résulté de l'abaissement extraordinaire de la Meuse à l'époque dont il s'agit, et nullement de l'excès de consommation d'eau par les irrigations.

La cause ayant été portée à l'audience, la société Joiris conclut à ce qu'il plùt au tribunal, sans avoir égard à l'exception d'incompétence, admettre la demanderesse à prouver par toutes voies de droit, et notamment par témoins, que le manque d'eau qui a existé dans le canal de la Campine, les 25, 26, 30 et 31 juillet 1855, a été causé uniquement par la dépense excessive de l'eau empruntée au canal par les agents de l'adminisfixer tration, pour le service des irrigations, jour pour l'enquête.

Pour l'Etat on prit les conclusions formulées dans l'acte d'avoué du 8 mai.

Le 8 juillet 1854, le tribunal de Liége statua en ces termes :

«Y a-t-il lieu, sans avoir égard au déclinatoire et à la fin de non-recevoir, proposée par le défendeur, d'adjuger à la demanderesse ses conclusions?

« Attendu, en fait, que le 25 juillet 1855, deux bateaux chargés de zinc et de plomb, en destination pour Herenthals, se sont trouvés ensablés dans la première partie du canal de la Campine, entre les ponts nos 11 et 12, et n'ont pu continuer leur voyage que le lendemain à dix heures du matin; que le 30 juillet suivant, ces mêmes bateaux revenant à vide ont été de nouveau arrêtés dans leur marche, près du pont no 11, par deux bateaux qui s'y trouvaient échoués, et que le retard qui en est résulté pour ceux de la demanderesse a duré du 30 juillet à huit heures du matin au 31 juillet à une heure de relevée ; qu'il n'est pas dénié d'ailleurs que la seule cause de ces deux accidents était l'insuffisance d'eau dans le canal qui, au moment où ils sont arrivés, ne présentait qu'un tirant d'eau d'environ 1 mètre ;

« Attendu que c'est à raison du préjudice qu'elle prétend avoir éprouvé, par suite des deux faits signalés ci-dessus, que la demanderesse réclame à charge de l'Etat belge une indemnité de 205 francs;

« Qu'elle fonde son action sur ce qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté royal du 25 novembre 1844, le canal de la Campine doit présenter un mouillage d'un mètre 65 centimètres, et assurer à la navigation un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres;

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Que d'après l'article 2 du même arrêté, le chômage de la navigation, ordonné par le ministre des travaux publics, doit être annoncé un mois à l'avance par la voie du Moniteur, et que dans le cas d'accident grave ou de nécessité urgente, la baisse partielle ou momentanée des eaux peut être ordonnée par le gouverneur de la province;

Qu'aucun acte émané de l'autorité administrative n'avait ordonné le chômage ou la baisse des eaux pour l'époque où se sont produits les deux faits dommageables dont elle se plaint, et sur ce que l'insuffisance d'eau dans le canal, à la date des 25, 26, 30 et 31 juillet 1855, a eu pour cause la dépense excessive d'eau par les agents de l'administration pour le service des irrigations, ainsi qu'elle offre d'en établir la preuve par toutes voies de droit;

« Attendu que l'État belge conclut à ce que le tribunal se déclare incompétent pour connaître de l'action lui intentée; que subsidiairement il la soutient non recevable et en tous cas mal fondée;

« Qu'il base ses conclusions: 1o sur ce qu'en admettant, ainsi que l'allègue la demanderesse, que le manque d'eau qui a retenu ces bateaux dans le canal de la Cam

pine provienne de ce que le service des irrigations des terrains voisins dépensait une partie de l'eau nécessaire à la navigation, il n'y avait là qu'un acte purement administratif posé en exécution de la loi et dont l'appréciation échappe au pouvoir judiciaire, acte qui constitue l'exercice d'une faculté et nullement une faute, et que rendre les tribunaux juges du point de savoir s'il convient ou non de donner plus ou moins d'eau aux irrigations serait une évidente usurpation du pouvoir judiciaire; 2o sur ce qu'en ouvrant à la navigation le canal de la Campine, destiné en outre à l'irrigation, le gouvernement n'a donné aux bateliers que le droit de s'en servir dans l'état où ce double service peut mettre les eaux, qu'il ne s'est pas obligé à leur fournir en tout temps telle quantité d'eau dont ils pourraient avoir besoin, et qu'ils n'ont aucune action contre lui de ce chef; 3° sur ce qu'enfin le manque d'eau dont se plaint la demanderesse est résulté de l'abaissement extraordinaire de la Meuse, à l'époque dont il s'agit, et nullement de l'excès de consommation d'eau pour les irrigations, et que des accidents arrivés à deux reprises au pont de Bersheim y ont contribué;

«Attendu, en ce qui touche l'exception d'incompétence, que la demanderesse ne conteste pas au pouvoir administratif le droit de régler la distribution des eaux du canal de la Campine dans l'intérêt de la navigation et des irrigations; qu'au surplus, son action n'a pas pour objet la réparation d'un dommage qui serait le résultat de l'exécution donnée par un tel règlement; qu'il résulte, au contraire, du libellé de son exploit introductif d'instance qu'elle se plaint de ce que les agents préposés à l'administration du canal auraient opéré la baisse des eaux audessous de la hauteur fixée par les règlements, sans autorisation du gouverneur de la province et sans avertissement préalable, et ont ainsi contrevenu à la disposition de l'article 1er de l'arrêté royal du 25 novembre 1844; de ce qu'en outre l'insuffisance d'eau, cause des accidents signalés ci-dessus, devrait être attribuée à la dépense excessive d'eau faite par les mêmes agents dans l'intérêt des irrigations et au détriment de la navigation; qu'ainsi le tribunal n'est pas appelé à apprécier ou à contrôler un acte de l'autorité administrative, mais plutôt à en assurer l'exécution et à décider jusqu'à quel point un fait posé par les agents de l'administration, en violation d'un tel acte, peut donner lieu à une demande de dommages intérêts contre celle-ci, et que la connaissance de

cette action qui ne présente à décider qu'une question d'imputabilité et de responsabilité, ne pouvant entrainer qu'une condamnation pécuniaire, rentre essentiellement dans les attributions du pouvoir judiciaire, aux termes de l'article 92 de la constitution;

"Attendu, en ce qui touche la fin de nonrecevoir, qu'en se réservant la gestion et l'administration du canal de la Campine, et en s'attribuant les droits de navigation, l'Etat belge s'est par cela même tacitement obligé envers les bateliers à le maintenir en état de navigabilité. sauf les cas de force majeure, que cette obligation se trouve même formellement exprimée dans l'article 1er de l'arrêté royal susmentionné, portant que les dimensions du canal sont déterminées de manière à assurer à la navigation un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres; qu'il résulte manifestement de cette disposition que le batelier qui fait usage du canal après avoir acquitté le péage a le droit de compter que ces eaux auront un mètre 50 centimètres d'élévation, lorsque le chômage ou la baisse des eaux n'a pas été ordonnée et annoncée conformément à l'article 2 dudit arrêté; que par une conséquence ultérieure il est en droit de demander une indemnité du chef des dommages que le manque d'eau peut lui faire éprouver, et que si la baisse des eaux est le fait des agents de l'administration, celle-ci, aux termes de l'article 1384, et d'après la jurisprudence de la cour de cassation, doit en être déclarée responsable;

« Attendu, au fond. que l'Etat étant tenu de procurer aux bateliers qui naviguent sur le canal un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres, ainsi qu'il a été établi ci-dessus, ne prouve pas que le chômage ou la baisse des eaux avait été autorisée conformément à l'article 2 de l'arrêté susmentionné, qu'il ne prouve pas non plus et n'a pas offert de prouver que l'insuffisance d'eau dont se plaint la demanderesse, et qui a été la cause directe du dommage par elle éprouvé, soit résultée de l'abaissement extraordinaire des eaux de la Meuse, à l'époque dont s'agit, ou de tout autre accident fortuit, qu'ainsi l'action de la demanderesse se trouve, dès à présent, justifiée sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette insuffisance est provenue d'une dépense excessive d'eau pour le service des irrigations, parce que cette dépense, eut-elle été faite avec modération et dans la mesure des besoins de l'agriculture, n'en devrait pas moins être préalablement autorisée et publiée du moment qu'elle doit avoir pour résultat de faire baisser les eaux du canal en dessous

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