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de la hauteur déterminée par l'arrêté du 25 mars 1844;

« Attendu que le dommage souffert par la demanderesse peut être équitablement arbitré à la somme de 100 francs;

"Par ces motifs, le tribunal... rejette l'exception d'incompétence proposée par le défendeur, et faisant droit au fond sans avoir égard à l'exception de non-recevabilité proposée par ce dernier, et sans qu'il soit nécessaire d'admettre la demanderesse à la preuve offerte, condamne l'Etat belge à 100 francs de dommages-intérêts et aux dépens.

Appel de ce jugement ayant été interjeté en temps utile, le gouvernement conclut devant la cour à ce qu'il lui plût mettre le jugement dont est appel à néant, faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, le déclarer incompétent sur l'action intentée, condamner la société aux dépens.

Pour la société Joiris, on demanda qu'il plût à la cour confirmer le jugement dont est appel, avec amende et dépens.

Le 25 janvier 1855, la cour de Liége

rendit l'arrêt suivant :

«Y a-t-il lieu de confirmer le jugement dont appel sur l'exception d'incompétence?

Considérant que la société Joiris a réclamé des dommages-intérêts à la charge de l'Etat, pour le retard et le préjudice qu'elle avait éprouvés en faisant naviguer ses bateaux dans le canal de la Campine; qu'elle a motivé cette demande sur ce que l'administration avait opéré la baisse des eaux sans avis préalable, et avait négligé d'avertir du manque d'eau les bateliers à leur entrée dans le canal, le tout en contravention à l'arrêté royal du 25 novembre 1844;

« Considérant que la demande en réparation d'un dommage causé par la faute ou la négligence d'autrui est régie par les principes du droit commun dont l'application appartient exclusivement aux tribunaux;

« Qu'en abolissant le régime du contentieux administratif, la constitution belge a proscrit sans retour la doctrine et la jurisprudence empruntées à ce régime;

« Considérant que l'article 1er de l'arrêté précité ne dispose que pour les cas ordinaires; que l'administration, opposant la force majeure, s'appropriait de fait la gestion de ses agents et n'avait rien à prouver comme défenderesse à l'action; que, d'autre part, il y avait imprudence de la part de la société intimée à naviguer dans la saison des basses eaux, avant de s'enquérir de l'état de navi

PASIC., 1856. - 1re PARTIE.

gabilité du canal; que néanmoins les dommages-intérêts ayant été évalués à une somme inférieure au taux du dernier ressort, la cour est sans compétence pour apprécier le bien ou le mal jugé sur le fond;

«Par ces motifs, faisant droit sur les conclusions des parties, déclare que le pouvoir judiciaire était compétent pour connaître de la contestation, par suite, met l'appellation à néant, confirme sur ce point le jugement dont est appel.»

Pourvoi par l'Etat. Il invoque quatre moyens; aux trois derniers moyens dirigés contre le jugement du 8 juillet, la partie défenderesse opposait une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours.

Premier moyen. Violation de l'arrêté royal du 25 novembre 1844, articles 1 et 2, et par suite de la loi du 10 février 1843, en exécution de laquelle il a été pris.

La cour de Liége, disait-on, fonde exclusivement son arrêt de compétence sur ce que le fait d'avoir opéré la baisse des eaux sans avis préalable, en contravention à l'arrêté du 25 novembre 1844, constitue dans le chef des agents de l'administration une faute dont l'appréciation appartient à l'autorité judiciaire.

C'est aussi ce qu'avaient dit les premiers juges.

Cependant l'arrêté du 25 novembre porte, article 1er que les formes et les dimensions de cette première section du canal. entre Bocholt et la pierre bleue, seront déterminées de manière à présenter un mouillage d'un mètre 65 centimètres, et à assurer à la navigation un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres ;

Article 2 que le chômage de la navigation ordonné par le ministre des travaux publics doit être annoncé un mois à l'avance, par la voie du Moniteur, et que dans le cas d'accident grave ou de nécessité urgente, la baisse partielle ou momentanée des eaux peut être ordonnée par le gouverneur.

Or, dire comme le fait l'article 1er, que les formes et dimensions du canal sont déterminées de manière à présenter un mouillage d'un mètre 65 centimètres, c'est recommander la solution d'un problème au corps des ponts et chaussées, c'est indiquer le but qu'on cherche à atteindre, mais ce n'est pas s'obliger envers les tiers à obtenir un tel résultat; ce n'est pas leur garantir qu'en toute saison, en tout état de la Meuse, à toute heure, il y aura 1 mètre 50 centimètres d'eau dans le canal.

Et pour qu'aux termes de l'article 2 il y ait lieu à avertissement préalable, ou à l'intervention du gouverneur de la province, il faut que le chômage soit volontaire, que la baisse des eaux soit ordonnée par l'autorité; mais cet article est inappliquable, lorsque la baisse est accidentelle, lorsqu'elle résulte du manque d'eau dans la Meuse ou lorsqu'elle n'est que la conséquence du partage des eaux insuffisantes pour le double service de la navigation et des irrigations.

De plus, aucun avis préalable ne doit être publié, lorsque la baisse partielle ou momentanée des eaux est ordonnée par suite de nécessité urgente.

D'ailleurs, d'après l'article 20 de l'arrêté royal du 26 janvier 1850 formant le règlement organique des ponts et chaussées, l'ingénieur en chef avait le droit de faire exécuter, sans autorisation préalable, toutes les mesures réclamées par les circonstances.

La cour, en fondant sa compétence sur l'arrêté royal de 1844, a donc violé cet arrêté, et par suite la loi du 10 février 1843. Réponse au premier moyen. Le gouvernement dénature le sens de l'article 1er de l'arrêté du 25 novembre 1844, il le fait parler au futur, tandis qu'il parle au présent. Cet arrêté a été porté lorsque le canal était fait, lorsqu'il était livré à la navigation, et alors qu'on savait que le problème qu'on s'était proposé était résolu.

C'est à tort que l'administration prétend d'une manière générale que les bateliers ne peuvent se plaindre du préjudice qui peut résulter pour eux de la faculté qu'elle possède d'abaisser le niveau des eaux au-dessous des limites du règlement.

Il faut distinguer: si la baisse est la suite d'une nécessité grave et urgente, il y a cas fortuit et force majeure, et dès lors personne ne peut être responsable; mais si la baisse est volontaire de la part des agents de l'administration, alors il faut suivre les prescriptions de l'article 2, il faut l'avis préalable, et, en l'absence de cet avis, la baisse serait une faute et entraînerait la responsabilité de ceux qui l'auraient opérée.

L'article 20 de l'arrêté royal du 26 janvier 1850 (Moniteur, 19 février 1850), loin de donner aux ingénieurs le droit d'enfreindre les dispositions d'un arrêté royal, leur en recommande au contraire l'exécution.

Il est vrai que la répartition de l'eau entre la navigation et les irrigations entre dans les attributions exclusives de l'administralion, mais si, en faisant cette distribution,

elle enfreint les règles que l'autorité royale lui a posées, elle commet une faute, et si cette faute porte dommage à un citoyen, elle devra le réparer, et il y aura lieu à l'application de l'article 92 de la constitution.

L'administration ne peut d'ailleurs disposer arbitrairement des eaux. La navigation doit d'abord être garantie, l'article 1er du règlement de 1844 le dit assez, et la même pensée se révèle dans les discussions qui ont eu lieu à la chambre des représentants. session de 1834-1855, et dans l'article 14 de la nouvelle loi sur les irrigations de la Campine, article qui n'est point introductif d'un droit nouveau (1).

Mais il y a plus; l'arrêt attaqué n'a décidé qu'une question de compétence; et il base sa décision: 1° sur ce que la demande tendait à la réparation d'un dommage; 2° sur ce que la demande était basée sur la faute et la négligence d'autrui. Ces deux éléments constatés déterminent incontestablement la compétence du pouvoir judiciaire. Cette question de compétence est bien étrangère au fond du procès, que le pourvoi s'est borné à discuter sans invoquer même les textes des lois, qui règlent et déterminent les attributions respectives du pouvoir judiciaire et du pouvoir administratif.

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Réponse. A ce moyen ainsi qu'au troisième et au quatrième, la société Joiris opposait une fin de non-recevoir. Ce moyen, ainsi que les deux suivants, disait-elle, est dirigé contre le jugement du 8 juillet 1854, signifié à partie, le 22 septembre même année; or, le pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre ce jugement, est évidemment non recevable, n'ayant été formé que le 14 mai 1855, c'està-dire longtemps après l'expiration du délai.

Le jugement du 8 juillet contient plusieurs dispositions distinctes:

1o Celle relative à la compétence du pouvoir judiciaire. Cette disposition a été frappée d'appel la cour a confirmé le jugement de première instance. Il y a pourvoi contre l'arrêt et contre le jugement, et ce pourvoi est recevable;

2o Celle relative à la fin de non-recevoir proposée par le gouvernement;

3o Celle relative au fond du litige.

(1) Ann. parl., 1854-1855, p. 924, 1040, 2o col., 1041, 1042, 1re col.; p. 924, 2e alinéa.

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En règle générale, chacun répond de ses propres faits. Ce n'est que par exception qu'on peut être tenu de répondre du fait d'autrui, et il faut pour cela un texte formel.

L'État ne serait donc tenu, dans l'espèce, d'indemniser la société Joiris qu'en vertu de l'article 1384 du code civil.

Cet article porte que le père et la mère répondent du dommage causé par leurs enfants habitant avec eux; les maîtres et les commettants du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés; les instituteurs et les artisans du dommage causé par leurs élèves, apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.

Mais dans cet article il s'agit d'intérêts privés et d'actes de la vie civile, dans lesquels ne saurait rentrer l'action gouvernementale du pouvoir, qui s'exerce par des fonctionnaires publics.

Si la cour de cassation a jugé que l'Etat est responsable des agents préposés par lui à l'exploitation du chemin de fer, c'est qu'elle a considéré l'exploitation du chemin de fer comme constituant non un acte gouvernemental, mais une sorte d'entreprise particulière à laquelle s'appliquent les dispositions du droit commun.

Cette exception ne saurait s'étendre aux services administratifs proprement dits, et en déclarant l'Etat responsable du fait de l'ingénieur chargé de l'administration du canal de la Campine, on a évidemment violé l'article 1584 du code civil.

Au reste, une autre différence existe encore entre l'espèce actuelle et l'affaire Pit

teurs.

Dans cette dernière il s'agissait de dommages occasionnés à un voyageur par un accident imputable à la faute ou à la négli

(1) Dalloz, Rép., vo Cassation, no 95; cour de cassation de France, 7 mai 1828 (Journ. du Palais, à sa date). Réquisitoire de Merlin, rapporté

gence des agents préposés à l'exploitation du chemin de fer.

L'Etat ne se défendait pas en prétendant avoir le droit de commettre le quasi-délit qui avait compromis la vie du voyageur.

Ici, au contraire, l'Etat repousse l'action en disant La distribution des eaux destinées aux irrigations rentre dans mes attributions, tout comme l'administration et la police du canal, envisagées au point de vue de la navigation, sont confiées à mes soins. En laissant déverser sur les propriétés particulières le volume d'eau que j'ai jugé nécessaire, je n'ai fait qu'exercer un droit dans les limites de l'administration qui m'est confiée.

Réponse au troisième moyen. — L'article 1er de l'arrêté royal du 25 novembre 1844 porte: La première section du canal avec les ouvrages d'art et ses dépendances, et la perception du droit de navigation y établi, sont administrés au compte de l'Etat et par ses agents.

Le cinquième considérant du jugement. prouve que l'article 1384, loin d'être violé, a été au contraire sainement appliqué.

Dans l'affaire de Pitteurs, il s'agissait d'une blessure occasionnée à un voyageur, ici, du dommage pécuniaire occasionné à un batelier qui navigue sur le canal,

Dans l'une et l'autre affaire, la cause du dommage est un accident imputable à la faute ou à la négligence des agents préposés par l'Etat.

En effet, il s'agit dans l'espèce d'une infraction par les agents de l'Etat à un règlement de police qui lie aussi bien les employés de l'administration que les administrés.

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Quatrième moyen. Violation de l'arti

cle 15 du titre II de la loi des 16-24 août 1790 et du 16 fruct. an III, en même temps que le tribunal a jugé ulira petita.

Les conclusions prises à l'audience fixent le véritable débat, le seul sur lequel les juges ont à statuer.

Dans ses conclusions d'audience, la société Joiris se bornait à demander que le tribunal, sans avoir égard à l'exception d'incompétence, l'admità prouver certains faits...

Et cependant le tribunal a jugé le fond. M. l'avocat général Delebecque a conclu à la cassation sur le troisième moyen.

Journ. du Palais, t. 4, p. 256, 2e col., et p. 237, 1re col., 22 brum, an xin.

Il a dit :

A l'occasion du troisième moyen de cassation nous aurons à vous rappeler quelle est la véritable portée de l'arrêté du 25 septembre 1844 pris en exécution de la loi du 6 avril 1843. Le demandeur a cru qu'en reconnaissant compétents les tribunaux pour statuer sur l'action intentée par la société Joiris, la cour de Liége avait contrevenu à cet arrêté sur la construction, l'administration et la police du canal.

Ici, le demandeur nous paraît avoir mal compris la véritable portée de l'arrêt.

Dans le premier considérant, la cour de Liége rappelle l'objet de l'exploit introductif d'instance.

Dans le deuxième, il pose le principe régulateur de la compétence.

Dans le troisième, la cour de Liége, loin d'approuver la décision rendue au fond par le tribunal, décision qui ne lui est pas soumise, en fait au contraire la critique quand elle s'exprime ainsi :

« Considérant que l'article 1er de l'arrêté précité ne dispose que pour les cas ordinaires; que l'administration, opposant la force majeure, s'appropriait, de fait, la gestion de ses agents et n'avait rien à prouver comme défenderesse à l'action; que, d'autre part, il y avait imprudence de la part de la société intimée à naviguer dans la saison des basses eaux avant de s'enquérir de l'état de navigabilité du canal; que néanmoins les dommagesintérêts AYANT ÉTÉ ÉVALUES à une somme inférieure au taux du dernier ressort, LA COUR EST SANS COMPÉTENCE POUR APPRÉCIER le bien ou le mal JUGÉ SUR LE FOND. »

Voilà la réserve que fait la cour de Liége, effrayée qu'elle semble être des conséquences de l'appréciation faite par le tribunal.

Si j'avais à juger le fond, dit la cour, j'aurais exigé que l'on établit qu'il n'y avait pas la force majeure invoquée par l'Etat ; j'aurais pensé que s'il y avait imprudence, c'était de la part de la société Joiris qui, dans la saison des basses eaux, ne s'était pas informée de l'état de navigabilité du canal; car l'art. 1er de l'arrêté n'a en vue que les cas ordinaires.

La partie demanderesse ne pouvait se plaindre de cette manière de raisonner, puisqu'elle lui était entièrement favorable; et ce n'est point par ce troisième considérant que la cour de Liége, dans le sens du pourvoi, a pu violer l'arrêté de 1844.

Restaient donc les deux premiers considérants dans lesquels il fallait rechercher la

pensée de la cour pour combattre son dictum sur la compétence.

Le premier considérant se borne à relater les termes de l'assignation, c'est là un pur fait qui ne pouvait fournir matière à un pourvoi.

Il n'y avait donc que le second considérant qui fut de nature à provoquer une discussion juridique. La cour d'appel y avait dit:

"Considérant que la demande en réparation d'un dommage causé par la faute ou la négligence d'autrui est régie par les principes du droit commun dont l'application appartient exclusivement aux tribunaux ; qu'en abolissant le régime du contentieux administratif, la constitution belge a proscrit sans retour la doctrine et la jurisprudence empruntées à ce régime. »

Voilà quel était le principe de droit posé par la cour pour proclamer la compétence des tribunaux. C'est donc ce principe dont il fallait apprécier le mérite, et pour notre part nous le regardons comme beaucoup trop absolu; nous n'aurions pas de peine à établir que, quoi qu'on en dise, il y a encore en Belgique du contentieux administratif, et vous en avez chaque jour la preuve quand vous statuez sur des pourvois formés contre des décisions rendues en matière de patente, en matière électorale, en matière de milice par les députations permanentes des conseils provinciaux; nous n'aurions pas eu de peine à établir que le principe constitutionnel qui maintient les conflits, qui ne sont en euxmêmes que des questions de compétence dont on veut uniquement accélérer la décision par le conflit, démontre assez que les tribunaux ordinaires n'ont pas une compétence absolue, illimitée, et qu'il ne suffit pas de conclure à une prestation de dommages-intérêts pour assurer leur compétence vis-à-vis de l'Etat auquel on attribuerait une faute ou une négligence. Mais, en pareille matière, il s'agit alors de fonder l'incompétence des tribunaux sur les principes qui commandent la séparation des pouvoirs. Or, c'est là ce qui n'a pas été fait dans l'espèce (1).

Le premier moyen, tel qu'il est proposé, suppose l'absence d'obligation dans le chef de l'administration, et sous ce rapport une mauvaise entente de l'arrêté de 1844. Mais si l'on peut en induire une exception de non-recevabilité, c'est-à-dire un défaut, un

(1) Cour de cassation de France, 3 juin 1840 (S., 1840, 1, 624); Paris, 18 mai 1858 (S., 1838, 1, 210).

manque d'action contre l'Etat, présenté à tort comme responsable, on ne peut certes en déduire la preuve d'une incompétence pour le pouvoir judiciaire. Si le gouvernement n'a pas l'obligation juridique d'assurer la navigabilité, il résulte seulement de l'arrêté de 1844 qu'on n'est pas recevable à exiger en justice réglée cette navigabilité. Mais cet arrêté de 1844 ne fixe aucun principe de compétence.

Tel qu'il a été formulé, le premier moyen de cassation n'est donc pas fondé.

Le troisième moyen de cassation est dirige contre la partie du jugement dans laquelle le tribunal de Liége, sans s'arrêter à la fin de non-recevoir proposée par l'Etat, décide que l'Etat, en se réservant la gestion et l'administration du canal, s'est engagé envers les bateliers à le maintenir en état de navigabilité, et que si la baisse des eaux est le fait des agents de l'administration, celle-ci doit être déclarée responsable aux termes de l'art. 1384.

Ce troisième moyen est fondé sur la violation de l'art. 1384.

Dans le développement du moyen, le demandeur cherche d'abord à établir qu'il ne s'agit dans cette disposition que d'intérêts privés et d'actes de la vie civile, dans lesquels ne saurait rentrer l'action gouvernementale. A ce point de vue l'Etat belge se place donc d'abord dans la position de repousser sa responsabilité, alors que ses agents auraient commis un acte dommageable à autrui et de nature à faire encourir une responsabilité.

:

Mais ce n'est pas sur ce terrain que doit être portée la difficulté ainsi présenté, ce système serait un système nouveau dans la bouche de la partie demanderesse. En effet, devant le tribunal de Liége, l'Etat n'a pas dit s'il y a de la part de mon agent un fait dommageable, je n'en dois pas répondre; adressez-vous à lui personnellement. Tel n'a pas été le langage de l'Etat. Il a dit, au contraire :

« En ouvrant à la navigation le canal de la Campine, destiné en outre à l'irrigation, le gouvernement n'a donné aux bateliers que le droit de s'en servir dans l'état où ce double service peut mettre les eaux ; il ne s'est pas obligé de leur fournir en tout temps telle quantité d'eau dont ils pourraient avoir besoin. »

En s'exprimant ainsi, le gouvernement

(') Pasin., 1842, p. 474, no 827.

s'appropriait, loin de le repousser, le fait de ses agents chargés de l'administration du canal, et il ne peut venir soutenir aujourd'hui qu'en principe il ne peut répondre des faits par eux posés dans le cercle de cette administration.

Nous ne pouvons donc nous arrêter à ce premier aspect sous lequel a été présenté le troisième moyen de cassation. Il n'en est donc pas au procès actuel comme il en était dans l'affaire de Pitteurs, où, sans contester le fait d'imprudence des agents, il se bornait à décliner sa responsabilité à titre de com

mettant.

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Aussi le demandeur ne tarde-t-il pas à signaler cette différence. Dans l'affaire de Pitteurs, dit-il, l'Etat ne se défendait pas en prétendant avoir le droit de commettre le quasi-délit qui avait compromis la vie du voyageur. Ici, au contraire, ajoute-t-il, l'Etat repousse l'action en disant que la distribution des eaux destinées aux irrigations rentre dans més attributions, tout comme l'administration et la police du canal, envisagées au point de vue de l'administration, sont confiées à mes soins. En laissant déverser sur les j'ai jugé nécessaire, je n'ai fait qu'exercer un propriétés particulières le volume d'eau que droit dans les limites de l'administration qui m'est confiée. »

Le gouvernement prend donc fait et cause pour son agent; il soutient qu'il n'a pas plus que lui-même commis un quasi-délit, et qu'en pareil cas l'article 1384 était inapplicable.

C'est donc d'une responsabilité directe et responsabilité qui serait engagée à raison personnelle qu'il s'agit réellement au procès, d'un fait posé au mépris d'un véritable engagement contractuel.

Le canal dont il s'agit a été établi aux frais de l'Etat.

La loi du 29 septembre 1842 (1) consacrait 1,700,000 francs au creusement d'un canal à petite dimension, du Ruppel au canal de Bois-le-Duc, moyennant le concours des communes et des propriétés intéressées.

La loi du 6 avril 1845 (2) fixe les bases du concours des propriétaires riverains jusqu'à la profondeur de 5,000 mètres des bords du canal.

Par cette contribution directe, les propriétaires payaient ainsi le droit d'irrigation et la plus-value dont allaient jouir ces propriétés riveraines.

(2) Pasin., 1843, p. 44, no 29.

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