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Ainsi l'Etat entreprend la création d'une voie de communication par eau comme il crée fréquemment des voies de communication terrestre. A ce seul point de vue, il est déjà démontré que l'Etat a agi en cela à titre de gouvernement ou de souverain, accomplissant d'autorité la mission que ce titre implique (1), et nullement comme personne civile.

Si le batelier qui naviguera sur le canal paye, à titre d'impôt, un péage ou droit de navigation, on ne peut dire que ce péage soit le prix d'un contrat civil de louage et d'industrie, qualifié conformément à l'article 1779 du code civil. Il n'y aura pas eu non plus entre l'Etat et le public une sorte de contrat tacite et innomé, car ce n'est certes pas en vue du péage, lucri captandi causâ, que l'Etat aura agi.

En créant aux dépens du trésor public une nouvelle voie de navigation, il doit être facilement reconnu que l'Etat a accompli sa mission gouvernementale, et n'a agi nullement dans le cercle des relations du droit privé.

Après avoir fixé provisoirement le tarif des droits de navigation (arrêté royal du 17 août 1844), le gouvernement arrêta, le 25 novembre 1844 (2), le règlement de police et de navigation pour la première section du canal de la Campine, administrée au compte de l'Etat et par ses agents.

Il est dit à l'article 1er :

« Les formes et dimensions de cette première section de canal sont déterminées de manière à présenter un mouillage d'un mètre 65 centimètres et à assurer à la navigation un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres. »

Ainsi, d'après le volume d'eau dont on croyait pouvoir disposer, on avait adopté les formes et les dimensions de manière à assurer un mouillage d'un mètre 65 centimètres.

Mais y avait-il par là un engagement contractuel pris par le gouvernement? Si, par de faux calculs, par une mauvaise exécution des travaux, il était arrivé qu'au lieu d'avoir 1 mètre 65 centimètres de mouillage, on n'eût pu obtenir qu'un mouillage d'un mètre 20 centimètres, par exemple, y eùt-il eu un seul Belge qui se fùt cru autorisé à agir en dommages-intérêts contre l'Etat? Un batelier eût-il été fondé à dire mes bateaux ne peuvent pas naviguer sur le canal ainsi exécuté? Un négociant eut-il pu dire : je ne

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(1) Réquisitoire de M. Leclerq (Pasic., 1852, p. 374).

puis jouir de l'avantage que m'eût offert le canal bien exécuté, pour le transport de mes marchandises, indemnisez-moi? Certes une semblable prétention eût excité l'hilarité et rien de plus.

Sans doute le gouvernement, en tant qu'administrateur de la fortune publique, a le plus grand intérêt à ce qu'un travail de cette nature soit parfaitement exécuté; s'il en est autrement, le canal ne rendra pas les services qu'on en attendait, et ne produira pas comme ressource financière les sommes qu'on pouvait espérer des droits de navigation; mais enfin le gouvernement ne contracte vis-à-vis de personne l'engagement juridique de bien exécuter le canal, personne n'aura, en justice réglée, action contre lui.

Ainsi, voilà un canal qui aura été mal conçu, mal exécuté, qui ne pourra pas rendre les services qu'on s'en promettait, ce sera un malheur pour le pays, surtout pour les localités qu'il traverse, et cependant personne ne pourra s'en plaindre, au moins devant les tribunaux. La responsabilité morale du gouvernement aura seule été engagée.

Cela posé, concevra-t-on facilement que parce que dans l'administration des eaux du canal, le gouvernement aura un jour fait trop large la part des eaux promises à l'irrigation, on aura action en justice contre cette même administration, sous le prétexte que les intérêts de la navigation en auront souffert?

Mais qu'on y prenne garde, le système adopté par le tribunal de Liége va excessivement loin dans ses conséquences, et si les bateliers peuvent se plaindre en justice de ne pas avoir assez d'eau, les propriétaires riverains peuvent à leur tour et en même temps former de semblables plaintes, et entre ces deux prétentions qui semblent se combattre et s'exclure que deviendra le rôle de l'Etat? comment satisfera-t-il à toutes les exigences?

Son devoir, son intérêt seront sans doute de chercher à concilier les intérêts opposés, mais enfin il n'est personne qui puisse sur ce point lui faire la loi, et l'on ne comprendra jamais que dans un pays où la séparation des pouvoirs est érigée en principe constitutionnel, un tribunal quelconque puisse dire au gouvernement, dans les circonstances du procès, vous avez fait aux irrigations une trop large concession!

(2) Pasin., 1844, p. 250, no 505.

Il n'est donc pas exact de penser, comme l'a pensé le tribunal de Liége, « qu'en se réservant la gestion et l'administration du canal de la Campine et en s'attribuant les droits de navigation, l'Etat belge s'est par cela mème tacitement obligé envers les bateliers à le maintenir en état de navigabilité, sauf les cas de force majeure. »

Il y a là sans doute une obligation morale, c'est-à-dire que le gouvernement doit faire tout ce qu'il peut pour qu'il en soit ainsi, mais enfin cette obligation n'est toujours qu'une obligation gouvernementale, et nullement une obligation contractuelle, dont on peut en justice réclamer l'exécution.

Si l'interprétation que le tribunal de Liége a donnée abusivement à l'art. 1er de l'arrêté du 23 novembre 1844 était fondée, voilà jusqu'où le tribunal devrait aller :

Un batelier aurait pu assigner l'Etat pour voir dire et déclarer qu'il lui serait fait défense d'accorder les irrigations, à moins qu'il ne restât dans le canal pour la navigation un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres. Le gouvernement n'aurait-il pas eu le droit incontestable de répondre : « Les tribunaux sont incompétents pour prescrire laccomplissement d'un acte administratif, et surtout pour en prescrire l'accomplissement dans telles ou telles limites. >> Cependant, pour se montrer conséquent dans sa manière de voir, le tribunal de Liége devrait accueillir les conclusions de ce batelier!

Qu'une digue du canal soit rompue et occasionne une interruption jusqu'au moment de sa réparation; que le gouvernement, par des motifs dont lui seul est juge et appréciateur, ne termine cette réparation qu'après un mois, alors qu'il eût été matériellement possible de l'accomplir en quinze jours, les bateliers pourront-ils dire: la force majeure n'existait que pour quinze jours, pour le surplus de ce temps il y a eu vis-à-vis de nous quasi-délit, car le gouvernement s'est engagé tacitement à maintenir le canal en état de navigabilité!

Mais avec ce système d'engagement tacitement pris par le gouvernement, il faut admettre, dans des circonstances analogues, le droit d'agir contre l'Etat, alors que jusqu'à ce jour on n'y avait pas encore songé.

Ainsi, en créant le chemin de fer, en l'exploitant, en recevant un péage, le gouvernement s'est tacitement engagé, dira-t-on, à opérer dans le pays le transport des marchandises; toutes les fois donc que les négociants ou industriels ne pourront obtenir des

waggons pour ce transport, et que leurs marchandises séjourneront dans les stations de départ de manière à compromettre les intérèts des expéditeurs ou des destinataires, il y aurait lieu à dommages-intérêts!

Le gouvernement a créé des voies terrestres, il a la charge de les entretenir, il perçoit à ce titre un droit de barrière ; il a pris, par là, dira-t-on encore, l'engagement tacite de les entretenir en bon état. Mais voilà que par hasard une réparation n'aura pas été faite, un chariot, une voiture aura versé, un cheval se sera cassé les jambes, aura-t-on contre l'Etat action en dommages-intérêts?

Le gouvernement perçoit un droit de navigation de ceux qui naviguent sur les fleuves et rivières navigables; ce droit est destiné à l'entretien des travaux d'art propres à faciliter la navigation, tels que pertuis et barrages. Toutes les fois que ces travaux d'art n'auront pas été suffisamment entretenus et réparés, et que la navigation en aura souffert, aura mème été interrompue, y aurait-il contre l'Etat action en dommagesintérêts?

Avec ce système des engagements tacites on irait fort avant dans cette voie, et la multiplicité des exemples prouverait facilement toute l'exagération d'une appréciation qui fait dégénérer en obligation civile, juridique et contractuelle, ce qui n'est en soi qu'une pure obligation morale ou gouvernementale pour l'Etat.

La partie demanderesse a donc fait une juste interprétation de l'arrêté de 1844, lorsqu'elle en présente ainsi la pensée régulatrice:

« Dire, comme le fait cet arrêté, que les formes et dimensions du canal sont déterminées de manière à présenter un mouillage d'un mètre 65 centim., c'était recommander au corps des ponts et chaussées la solution d'un problème, c'est indiquer le but que l'on cherche à atteindre, mais ce n'est pas s'OBLIGER envers les tiers à obtenir un tel résultat ; ce n'est pas leur garantir qu'en toute saison, en tout état de la Meuse, à toute heure il y aura 1 mètre 50 centimètres d'eau dans le canal; c'est violer cet arrêté de 1844 que d'y voir une semblable garantie.

L'article 2 de cet arrêté de 1844, en prescrivant d'annoncer les chômages qui sont ordonnés par le ministre, a en vue l'interruption de la navigation pendant un temps assez long il s'agit alors de réparer les écluses, de curer le canal; il faut alors mettre, dans quelques-unes de ses parties, le canal com

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plétement à sec. En pareil cas, l'annonce est toute naturelle.

Mais d'après le deuxième alinéa de l'article 2, la baisse accidentelle ou momentanée des eaux, qui peut être ordonnée par le gouverneur, ne doit pas être annoncée par la voie du Moniteur.

On ne pourrait donc invoquer cet art. 2 de l'arrêté pour en inférer que les bateliers devaient être avertis de toute interruption de navigabilité dans le canal. Le chômage ordinaire seul doit être porté à leur connaissance. Et certes de cet avertissement qu'on leur donne dans ce cas, les bateliers ne peuvent conclure qu'il ont un droit absolu à un tirant d'eau d'un mètre 50 centimètres.

En résumé, sur ce moyen, le tribunal de Liége a dit : « Il y a fait illicite là où le gouvernement, par ses agents, a dépensé trop d'eau pour les irrigations. De ce chef, je le rends responsable du fait de ses agents.»

Nous croyons avoir démontré qu'en soi le fait tel qu'il est admis par le tribunal, n'étant qu'un acte administratif posé dans les limites des obligations gouvernementales, ne peut être qualifié d'illicite, et qu'ainsi l'on a contrevenu à l'article 1384, qui a pour fondement de son application un acte réputé quasi-délit. Ce texte. d'ailleurs, comme vous l'avez proclamé à diverses reprises, n'a trait exclusivement qu'aux actes de la vie privée.

Nous venons de supposer que le troisième moyen n'est pas repoussé par une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du pourvoi, et nous avons à présenter à ce sujet de courtes observations.

Le tribunal de Liége a résolu trois questions une question de compétence, une question de recevabilité, et enfin il a statué au fond.

S'il était incompétent, il ne pouvait aborder l'examen de la question de recevabilité et la question du fond.

L'appel relevé contre sa décision, en ce qui concerne l'incompétence, tenait, comme une dépendance nécessaire, les deux questions jugées en dernier ressort par le tribunal.

La décision souveraine de la question de compétence était donc un préalable nécessaire à tout recours contre les deux décisions sur la fin de non-recevoir et sur le fond.

Si la cour de Liége, saisie de l'appel quant

(4) Arrêts des 28 novembre 1831, affaire Paret; 7 mai 1828; Dalloz, vo Cassation, no 95.

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à la compétence, seul point qui pùt lui être déféré, décidait que les tribunaux étaient incompétents pour juger de la contestation, par cela même le jugement tombait en son entier.

Si le pourvoi avait été formé contre les décisions sur la question de recevabilité et sur le fond, en même temps qu'on interjetait appel quant à la compétence, vous n'auriez pu statuer sur le pourvoi avant qu'on n'eût statué en cour d'appel sur la compétence. Le jugement ne pouvait être annulé par vous que quand il ne pouvait plus être annulé ailleurs; le recours en cassation est en effet un remède extraordinaire, qu'on ne peut employer toutes les fois qu'un autre recours est possible.

Tant que l'appel sur la compétence n'était pas vidé, il y avait donc obstacle à ce qu'on se pourvût utilement contre les autres dispositions du jugement. C'est dire qu'il y avait impossibilité légale de se pourvoir; en pareil cas il n'y a point cours pour les délais et partant point de déchéance à encourir.

Les autorités invoquées à l'appui de la fin de non-recevoir n'ont ici aucune application possible.

Devant la cour de cassation de France, on attaquait un jugement qui avait statué à la fois sur un moyen d'incompétence et sur le fond. On n'avait pas interjeté appel du premier chef. Le fond était jugé en dernier ressort. On s'était pourvu en cassation contre tout le jugement. Le pourvoi a été jugé non recevable, quant à la disposition relative à la compétence et dont on aurait pu appeler, il a été jugé recevable quant à la disposition sur le fond. Par l'expiration du délai pour l'appel, il y avait chose jugée sur la compétence. Rien ne s'opposait donc plus à ce qu'on statuât sur le pourvoi quant au fond (1).

Mais ce n'est pas le cas du procès actuel, où il y a eu appel relatif au chef du jugement concernant la compétence.

Dans l'espèce jugée en cassation le 22 brumaire an XIII, aucun obstacle ne s'opposait à ce qu'on se pourvût contre les deux chefs de la sentence arbitrale, jugés tous deux en dernier ressort; on ne s'était pourvu que contre un chef, on avait donc à redouter l'exception de pourvoi tardif, alors que postérieurement et après les trois mois de la signification du jugement, on se pourvoyait contre le second chef (2).

(2) Arrêt de cassation du 22 brumaire an xui, ubi Merlin, Quest., vo Triage, § 2.

Rien de semblable ne se présente au procès actuel où le recours devant la cour d'appel soulevait une question dont la solution seule allait faire savoir s'il y aurait ou non matière à se pourvoir en cassation.

ARRÊT.

LA COUR ; Sur le premier moyen de cassation dirigé contre l'arrêt du 25 janvier 1855, et fondé sur la violation des articles 1 et 2 de l'arrêté royal du 25 novembre 1844, et par suite de la loi du 10 février 1843, en ce que la cour d'appel de Liége s'est déclarée compétente pour connaître de la demande en réparation intentée contre l'Etat du chef de la prétendue faute de ses agents, qui, les 25 et 50 juillet 1833, ont opéré la baisse des eaux dans le canal de la Campine, sans avis préalable et contrairement aux dispositions de l'arrêté du 25 septembre précité :

Attendu qu'aux termes de l'exploit introductif d'instance du 9 février 1854 la demande de la société Joiris tendait à obtenir du gouvernement une indemnité pécuniaire pour le dommage qu'elle soutenait avoir éprouvé par la baisse des eaux dans le canal de la Campine et par l'interruption de la navigation, qui en avait été la suite;

Que cette demande se fondait sur ce que cette baisse aurait été opérée par les agents du gouvernement, en contravention aux arrétés réglementaires régissant la matière et sur ce que d'après le droit commun, article 1584 du code civil, l'Etat est responsable du fait de ses agents;

Qu'ainsi formulée, cette demande, bien ou mal fondée, soulevait une question de responsabilité civile et n'avait pour objet que la réparation pécuniaire d'une perte qu'on prétendait occasionnée par la faute des agents de l'administration;

Que dès lors l'action, se bornant à la poursuite de droits purement civils, était de la compétence des tribunaux, d'après l'article 92 de la constitution, et qu'en le décidant ainsi l'arrêt attaqué n'a contrevenu à aucune disposition légale.

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi en tant qu'il est dirigé contre le jugement du 8 juillet 1854 :

Attendu que le recours en cassation est un moyen extraordinaire et exceptionnel, qui ne peut être employé que contre des décisions définitives dont la réformation ne saurait être désormais poursuivie ni obtenue par les voies ordinaires ;

PASIC., 1856.- 1re PARTIE.

Que tel est le principe consacré par l'article 14 de la loi du 2 brumaire an Iv;

Que la faculté de se pourvoir en cassation n'est donc ouverte et que les délais, dans lesquels elle doit être exercée, ne peuvent prendre cours que du jour où la décision en dernier ressort est devenue définitive, que du jour où a cessé toute chance, toute possibilité de voir redresser ou supprimer par le juge ordinaire les griefs dont on croit avoir à se plaindre ;

Attendu que, dans l'espèce, la décision du tribunal de première instance portant sur le fond même du litige, était nécessairement liée el subordonnée à sa décision sur la question de compétence; que si la cour de Liége, accueillant l'appel du gouvernement, avait reconnu l'incompétence du tribunal, elle eût inévitablement mis à néant le jugement tout entier comme émanant de magistrats sans qualité; que le sort du jugement du 8 juillet 1854 n'a donc été définitivement fixé que par l'arrêt du 25 janvier 1855;

Qu'il suit de là que ce n'est qu'à partir du 17 février 1855, date de la signification de cet arrêt, que le délai du pourvoi en cassation, même contre le jugement du 8 juillet, a pris cours, et qu'ainsi le pourvoi formé le 14 mai 1855 l'a été en temps utile.

Sur le troisième moyen de cassation, tiré de la violation de l'article 1584 du code civil, en ce que le jugement du 8 juillet 1854 a appliqué les dispositions exceptionnelles de cet article à des intérêts et à des actes qui sortent du cercle de la vie privée, et a déclaré l'Etat responsable à raison de la distribution des eaux du canal de la Campine, faite par ses agents, alors que cette distribution n'était que l'exercice d'un droit dévolu au gouvernement :

Attendu que la loi du 10 février 1845, en décrétant définitivement la construction du canal de la Campine, abandonna par son article 7 au gouvernement toutes les mesures à prendre pour l'exécution de cet ouvrage d'utilité publique ;

Que l'arrêté royal du 23 septembre 1844, porté en conséquence, règle la police et la navigation du canal et trace des dispositions de haute administration à suivre par ses employés; qu'ainsi l'article 1er détermine le mouillage et le tirant d'eau, et l'article 2 fixe la manière dont les chômages ordinaires seront ordonnés et portés à la connaissance du public, en réservant néanmoins les cas de nécessité urgente, dont le gouvernement et

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ses agents, les gouverneurs, demeurent souverains appréciateurs;

Attendu qui ni ces articles, qui, dans l'intérêt général, prescrivent certaines règles à l'administration, ni aucune disposition de la loi du 10 février précitée, ne créent en faveur de chaque particulier un droit positif et direct à la navigation du canal et à l'usage du volume d'eau nécessaire à cet effet;

Que le législateur de 1843 a laissé au gouvernement le soin de régler la distribution des eaux entre les besoins de l'irrigation et ceux de la navigation; que cette distribution constitue dès lors pour le gouvernement l'accomplissement d'un devoir en même temps que l'exercice d'un droit, à raison desquels sa responsabilité vis-à-vis du pays peut bien se trouver engagée, mais qui ne sauraient l'exposer à des poursuites en justice de la part des citoyens qui se croiraient lésés dans leurs intérêts privés par des actes qui relèvent exclusivement du pouvoir exécutif;

Attendu que l'article 1384 du code civil qui d'ailleurs, en ce qu'il étend le cercle de la responsabilité personnelle, est de stricte interprétation et limitatif, est complétement étranger à l'espèce, où il ne s'agit point d'actes de la vie civile régis par cet article, mais de faits de haute administration que le gouvernement pose par l'intermédiaire de ses agents; qu'en l'appliquant donc en dehors des cas qu'elle prévoit. le jugement attaqué a contrevenu à cette disposition, en même temps qu'il a faussement interprété les art. 1 et 2 de l'arrêté royal du 25 novembre 1844;

Par ces motifs, rejette le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 janvier 1855, casse et annule le jugement du 8 juillet 1854, renvoie la cause et les parties devant le tribunal de Verviers, pour y être statué sur la recevabilité et sur le fond de la demande de la société Joiris, ordonne que le présent arrêt sera transcrit sur les registres du tribunal de Liége et que mention en sera faite en marge du jugement annulé, condamne la société défenderesse aux frais du jugement annulé et aux quatre cinquièmes des dépens de cassation, l'autre cinquième demeurant à charge du demandeur. Du 28 décemb. 1855. 1re ch. Prés. M. de Gerlache, 1er prés. Rapp. M. Stas. Concl. conf. M. Delebecque, premier avocat général. Pl. M. Marcelis M. Bos

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(L'OFF. RAPPORTEUR, C. FARCY ET BARBIER.)

Deux rapports, l'un du 21 et l'autre du 25 juillet 1855, constataient que François Farcy et Jules Barbier, tous deux appartenant à la garde civique de Hasselt, ayant été convoqués pour assister à une revue le 21 du même mois, avaient déféré à cette convocation, mais qu'à la fin de la revue, le lieutenant commandant le détachement dont ces deux gardes faisaient partie ayant, conformément aux ordres qu'il avait reçus du commandant de la garde, voulu conduire le détachement en l'église paroissiale de Hasselt où devait se célébrer un Te Deum, ces deux gardes avaient abandonné leurs rangs à la porte de l'église et ne les avaient repris que lorsque le détachement sortit du temple à la porte duquel ces deux gardes étaient demeurés.

Ils furent pour ce fait traduits devant le conseil de discipline. Jules Barbier fit défaut de comparaître, et François Farcy y prit les conclusions suivantes :

« Attendu qu'il conste en fait que, convoqué pour assister à la revue ou réunion nérale du 21 juillet dernier, le prévenu s'est rendu au lieu ordinaire de réunion de la garde, a répondu à l'appel de son nom et a exécuté les divers mouvements qui lui ont été commandés ;

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« Attendu qu'il résulte du libellé de l'exploit d'assignation que le garde Farcy s'est borné à refuser d'entrer dans l'église et d'assister au Te Deum, auquel on voulait le conduire, et que pour ce seul motif il a quitté les rangs qu'il a, du reste, repris lorsque la colonne est sortie de l'église;

<< Attendu que l'assistance au Te Deum n'est pas rangée au nombre des services obligatoires, et que dès lors les gardes convoqués pour une semblable cérémonie ne sont pas tenus d'obéir (arrêts de la cour de cassation du 28 janvier 1850 et du 14 avril 1851);

«Attendu que l'article 17 du règlement de service arrêté par le chef de la garde et ap

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