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prouvé par la députation permanente n'est pas applicable à l'espèce, cet article portant que nul ne peut quitter les rangs avant la fin du service, et l'assistance au Te Deum ne pouvant être rangée au nombre des services obligatoires;

«Attendu qu'il résulte à l'évidence des discussions sur l'article 5 de la loi du 28 mai 1848 que le garde peut être invité officieusement à assister aux enterrements et autres cérémonies publiques, mais que cette assistance ne peut jamais être l'objet d'un ordre obligatoire;

«Attendu, d'ailleurs, que le Te Deum est une cérémonie religieuse du culte catholique, et qu'aux termes de l'article 15 du pacte fondamental, nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte; que dès lors l'ordre donné à un garde d'entrer dans une église pour assister à un Te Deum, fût-il même donné en vertu d'un règlement de service ou même d'un arrêté royal, serait inconstitutionnel et ne pourrait par conséquent emporter aucune obligation;

« Plaise au conseil donner acte au prévenu de ses conclusions et le renvoyer de l'action dirigée contre lui. »>

A la suite de ces conclusions le conseil de discipline prononça, le 23 octobre, en ces

termes :

<< Vu le rapport........., elc.;

« Considérant qu'il est établi en fait que le prévenu a été uniquement convoqué pour assister à la revue qui a eu lieu le 21 juillet dernier et qu'il y a fait acte de présence depuis le commencement jusqu'à la fin du service;

Considérant que ledit prévenu, ainsi convoqué exclusivement pour la revue, s'est borné à refuser d'entrer dans l'église et d'assister au Te Deum auquel le commandant du détachement voulait le conduire, suivant les ordres du chef de la garde;

« Considérant que l'assistance à un Te Deum n'est pas rangée au nombre des services obligatoires spécifiés dans les articles 79 et suivants de la loi du 8 mai 1848 sur la garde civique;

(1) Le juge semble faire une distinction entre le cas où la garde est convoquée pour concourir à une cérémonie du culte, et celui où sa présence y serait jugée nécessaire par l'autorité compétente pour le maintien de l'ordre et des lois. En effet, aux termes de l'article 1er des lois des 8 mai 1848 et13 juillet 1853, la garde civique est

«Considérant que les articles 87 et 89 de ladite loi et l'article 19 du règlement de service, arrêté par le chef de la garde le 8 octobre 1849 et approuvé par la députation permanente du conseil provincial du Limbourg le 16 octobre même année, invoqués par le ministère public pour soutenir la prévention, ne sont pas applicables à l'espèce, parce que ces dispositions, d'après la lettre et l'esprit de la loi, ne doivent recevoir leur application que dans les cas de service obligatoire proprement dit;

«Par ces motifs, vu l'article 159 du code d'instruction criminelle, acquitte le prévenu de la contravention mise à sa charge (1). »

Pourvoi par l'officier rapporteur qui le fonde sur ce que, bien que les défendeurs n'eussent été convoqués que pour une revue, ils ne pouvaient quitter leurs rangs avant la fin du service; que ce service devait durer deux heures; qu'un Te Deum est une cérémonie publique et non une cérémonie religieuse; que ni la loi ni les règlements n'interdisent au chef de la garde civique de conduire ou faire conduire les gardes à un Te Deum, et que l'ordre donné d'y assister n'a rien de contraire à la conscience et à la liberté des cultes.

Le demandeur citait ensuite les art. 84, 87 et 89 de la loi du 8 mai 1848. Il invoquait aussi l'art. 19 du règlement de service du 16 octobre 1849, approuvé par la députation permanente du conseil provincial du Limbourg, conçu comme suit:

«Le plus grand silence sera observé dans << les rangs; nul garde ne peut les quitter << avant la fin du service. »>

Il invoquait enfin l'art. 80 du code pénal militaire, le 1er de l'introduction du règlement de discipline militaire et les art. 1 et 5 du même règlement.

M. l'avocat général Faider a conclu au rejet du pourvoi.

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ticle 19 du règlement de service approuvé le 16 octobre 1849; 3° de l'article 80 du code pénal militaire; du § 1er de l'introduction du règlement de discipline militaire et des articles 1er et 3 du même règlement :

Attendu qu'il est constant et reconnu en fait par les deux jugements attaqués, 1° que les défendeurs ont été convoqués pour assister à une revue qui a eu lieu le 21 juillet 1855; 2° que tous deux ont déféré à cette convocation en faisant acte de présence depuis le commencement jusqu'à la fin du service;

Attendu que les défendeurs n'ont été cités et poursuivis devant le conseil de discipline que pour être sortis des rangs à l'issue de la revue et lorsque ce service était terminé et pour avoir refusé d'assister à un Te Deum où le chef du détachement voulait les conduire d'après l'ordre du commandant de la garde;

Attendu que l'assistance des gardes à une pareille cérémonie n'est pas classée par la loi du 8 mai 1848 au nombre des services obligatoires; qu'en supposant qu'un service de cette nature puisse être imposé par un règlement de service arrêté en conformité de l'article 93 de la loi de 1848, l'article 19 du règlement de service approuvé le 16 octobre 1849, que le pourvoi invoque et qui est ainsi conçu le plus grand silence sera observé dans les rangs; nul ne pourra les quitter avant la fin du service, ne comporte point une obligation de la nature de celle que le pourvoi veut y voir; et quant à la prohibition de sortir des rangs que cet article renferme, cette prohibition ne subsiste que pour toute la durée d'un service obligatoire, et ne peut être étendue à un service non obligatoire ;

Attendu que s'il est vrai en principe que, conformément à l'article 87 de la loi du 8 mai 1848, tout garde requis doit commencer par obéir, sauf à réclamer ensuite, cette obligation vient à cesser lorsque le service requis concerne un objet dont ni la loi ni aucun règlement pris pour son exécution ne font un service obligatoire;

Attendu enfin que, d'après l'article 89 de la loi du 8 mai 1848, les devoirs de la garde civique ne sont assimilés à ceux de l'armée

(1) Voy. les autorités citées par le pourvoi. (2) Voy. suprà, page 38, et pour l'espèce, cour de cassation de France, 24 juillet 1823, rapporté par Dalloz, Nouv. Rép., vo Paternité et

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Au cas où deux actes de naissance, dressés à l'occasion d'un même individu, lui attribuent des filiations différentes, le point de savoir auquel de ces actes doit être accordé la préférence, soulève une question d'élat de la compétence exclusive des tribunaux civils qui, jusqu'à son jugement définitif, rend non recevable l'action criminelle en faux du ministère public (1). (Code civil, art. 326, 327.)

Lorsque la cour de cassation annule une décision judiciaire parce que l'action du ministère public est, hic et nunc, non recevable, il n'y a lieu de prononcer aucun renvoi (2).

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mune que Jeanne-Catherine Herckeveld, sa femme, était accouchée, le 22 décembre 1854, d'un enfant du sexe masculin dont il a dit étre le père, déclaration qui a été constatée par un acte de naissance dressé le même jour, et de s'être ainsi rendu coupable de faux en écriture authentique et publique par addition ou altération de clauses, de déclarations et de faits que cet acte avait pour objet de recevoir et de constater.

Les autres inculpés prévenus de s'être rendus complices du faux précité pour avoir avec connaissance aidé ou assisté l'auteur, etc.

Ce renvoi était fondé, en outre, sur ce que les faits imputés aux prévenus, s'ils étaient déclarés constants, n'empêcheraient pas l'enfant dont il s'agit de trouver dans son acte de naissance, reçu à l'état civil de MolenbeekSaint-Jean le 5 octobre 1854, le titre de sa filiation légitime et véritable, puisque les noms de ses père et mère y sont exactement rapportés ; que, par suite, le faux, qui faisait l'objet de la prévention, n'impliquait pas le crime de suppression d'état ; qu'ainsi Faction criminelle intentée à raison de ce faux ne pouvait être considérée comme une action relative à une suppression d'état à laquelle il y aurait lieu d'appliquer l'article 327 du code civil.

Par suite de ce renvoi les trois prévenus comparurent devant le tribunal de police correctionnelle qui, le 25 octobre 1855, rendit le jugement suivant :

<< Attendu que, suivant l'ordonnance rendue par la chambre du conseil de ce tribunal le 28 juillet 1855, Félix-Alexandre Bastiaens a été renvoyé devant le tribunal de police correctionnelle comme prévenu d'avoir, le 22 décembre 1854, à Merchtem, frauduleusement et dans le dessein de nuire à autrui, déclaré à l'officier de l'état civil de ladite commune que Jeanne-Catherine Herckeveld sa femme était accouchée, le 22 décembre 1854, d'un enfant du sexe masculin dont il a dit être le père, déclaration qui a été constatée par un acte de naissance dressé le même jour;

<< Attendu que Catherine Herckeveld et Marie-Elisabeth Lenoir, épouse de Philippe Dekempeneer, sont prévenues, aux termes de l'ordonnance précitée, de s'être rendues complices du faux ci-dessus qualifié pour avoir, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur du crime dans les faits qui l'ont préparé ou facilité et dans ceux qui l'ont consommé ;

« Attendu que ce fait qui aurait pour objet d'attribuer frauduleusement à l'enfant dont

il s'agit une filiation autre que la sienne et d'introduire dans la famille du prévenu, comme légitime, un enfant qui lui était étranger, présente tous les caractères d'une suppression d'état et d'une supposition de part; qu'ainsi, sous ce double rapport, le crime de faux imputé aux prévenus est connexe et intimement lié à une question d'état;

«Attendu qu'aux termes de l'article 327, combiné avec l'article 326 du code civil, l'action criminelle qui peut avoir trait à une question de ce genre ne peut être poursuivie qu'après qu'il aura été statué définitivement sur la question de filiation par les tribunaux civils; et attendu que l'article 327 ne tient pas seulement en suspens le jugement à intervenir sur l'action criminelle en suppression d'état ou supposition de part, mais cette action elle-même, d'où la conséquence que des poursuites criminelles n'ont pu être valablement commencées contre les prévenus avant le jugement au civil de la question d'état;

«Par ces motifs, le tribunal déclare qu'en l'état de la cause, le ministère public est non recevable, dit qu'il n'échet de poursuivre les prévenus du chef des faits qui leur sont imputés tant qu'il n'aura pas été statué au civil sur l'état de l'enfant dont il s'agit.

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Appel par le ministère public et, le 29 novembre, arrêt de la cour de Bruxelles qui infirme et déclare l'action du ministère public recevable : « Attendu que l'enfant dont il s'agit a été inscrit aux registres de l'état civil de Molenbeek-Saint-Jean le 1er octobre 1854 comme fils légitime des époux Henri-François Tits et Bernardine Van Lierde, et qu'il a une possession d'état conforme à ce titre; Qu'aux termes de l'article 322 du code civil l'état de cet enfant est donc irrévocablement fixé et ne peut recevoir d'atteinte de l'acte argué de faux ni être contesté; que ce même état est reconnu par les parties; qu'il n'y a par conséquent pas lieu d'appliquer l'article 527 du code civil qui suppose une suppression d'état et une contestation, possible. »

"

Cet arrêt a été dénoncé à la cour de cassation par Marie Lenoir, épouse Dekempeneer, seule.

Deux moyens étaient proposés à l'appui du pourvoi.

Premier moyen.

Violation de l'article 519 du code civil; fausse application des articles 322 et 321, et violation de l'article 326 de ce code; fausse interprétation et violation de l'article 327 du même code.

Deuxième moyen. Violation du prin

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cipe d'après lequel l'aveu des parties ne peut faire déroger à une règle d'ordre public, notamment à l'article 527 du code civil.

1. Le système de la cour d'appel, quelque spécieux qu'il paraisse au premier abord, ne fait cependant que tourner la difficulté. Il est basé tout entier sur un fait; sur ce que la cour a admis l'existence de la possession d'état conforme au premier des deux titres. Mais en décidant ce point, la cour n'a pas vu qu'elle évoquait elle-même, qu'elle appréciait précisément la question d'état, question dont elle ne peut, comme juridiction criminelle, ni être saisie ni connaître.

Et, en effet, la possession d'état est un des moyens de preuve indiqués par la loi pour établir la filiation des enfants légitimes. Cette preuve exige plusieurs éléments énumérés par l'article 521 du code civil. Déclarer que ces divers éléments existaient dans l'espèce, qu'il y avait réunion suffisante de faits indiquant le rapport de filiation entre l'enfant dont s'agit et les époux Tits de MolenbeekSaint-Jean, que cette possession d'état était conforme au titre de naissance, et qu'ainsi l'enfant était réellement et devait rester à jamais le fils légitime du sieur Tits et de sa femme; décider tout cela, c'était évidem`ment, de la part de la cour, reconnaître que la question d'état se trouvait à résoudre, c'était trancher cette question et violer directement l'article 326 du code qui place les questions d'état sous la compétence exclusive des tribunaux civils.

Ainsi, pour démontrer que l'action du ministère public ne contrevient pas à l'article 327, la cour commence par violer ellemême l'article 326. Pour pouvoir conclure que la poursuite criminelle était recevable, la cour a jugé une question qui, par cela seul qu'elle était à juger, devait interdire cette poursuite.

Il paraît superflu d'insister davantage sur cette première partie du système du pourvoi. Elle se réduit à cette proposition : Admettre l'existence de la possession d'état chez un enfant, déclarer cette possession con

(1) Voy. Rép. du Journal du Palais, vo Enfant crimes et délits contre l'), nos 83, 85, 86, 114, 120, 121, 122, 125 et 126; Dalloz, Nouv. Rép., vo Paternité et filiation, no 365; Toullier, t. 1er, édit. belge, no 906; Demolombe, t. 3. éd. belge, no 272; Mangin, Traité de l'action publique, 1, nos 182 et 190; Chauveau et Hélie, Théorie du code pénal, no 2976; Faustin Hélie, Théorie de l'instr. crim., nos 1089, 1095, alinéa 5, 1111, 1117; Bonnier, Traité des preuves, no 154;

forme à un titre de naissance, c'est statuer sur une question d'état. Certes, une pareille thèse n'a pas besoin de preuve.

II. La violation de l'article 326 entrainait celle de l'article 327. Puisqu'il existait une question d'état, puisqu'il fallait en laisser l'examen au tribunal civil, l'action publique devait dès lors être écartée jusqu'au jugement de ce tribunal.

En effet, la jurisprudence et les auteurs proclament unanimement qu'il y a lieu de prohiber la poursuite criminelle aux termes de l'article 327, chaque fois qu'elle se lie intimement à la question de filiation, chaque fois qu'elle agite la question d'état (1).

La cour de cassation belge a exprimé ce principe d'une manière plus générale encore dans les premières lignes de son arrêt du 8 novembre 1852, dont l'espèce était également une fausse déclaration dans un acte de naissance. L'article 527 y est déclaré applicable toutes les fois que l'action publique contre un crime de faux commis dans un acte de naissance soulève, NE FUT-CE QU'INDIRECTEMENT. Une question relative à la filiation. » Et M. Delebecque, dans son réquisitoire, disait à son tour que l'article 327 « est largement interprété en doctrine et en jurisprudence. >>

Et cette interprétation est conforme en tout point à l'esprit de la loi, aux motifs de l'article. Le législateur proscrit toute action publique jusqu'après la décision civile, parce qu'il ne veut pas qu'au moyen d'une poursuite criminelle, c'est-à-dire, au moyen de la preuve testimoniale seule, on puisse arriver à faire juger des questions d'état pour lesquelles le code a établi un genre de preuve plus certain; parce qu'il ne veut pas, comme dit Marcadé, que la décision d'une cour d'assises ou d'un tribunal correctionnel exerce une influence quelconque sur le débat civil (2). D'où résulte le principe indiqué plus haut que l'action publique est non recevable du moment qu'elle se rattache à la question de filiation, ou bien, pour nous servir des termes du jugement correctionnel rendu dans

Proudhon et Valette, Traité de l'état des personnes, t. 1, p. 96 et suiv.

(2) Paroles de M. Bigot-Préameneu au corps législatif, et de l'orateur du tribunat, Locré, III, 90 et 132; Faustin Hélie, Théorie du code d'instruction crim., nos 1095 et 1117; Duranton, 1. 2, édit. belge, no 165; Paris, cass., 9 juin 1838, rapporté dans le Nouveau Rép. de Dalloz, vo Paternité et filiation, no 369, p. 279, note 2.

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la cause, du moment que cette action peut acoir trait à une question de ce genre.

Or, cette condition, cette connexité entre la poursuite criminelle et la question d'état, existe-t-elle dans l'espèce? Il est facile de le prouver.

L'enfant dont il s'agit se présente avec deux actes de naissance successifs, le premier dressé à Molenbeek-Saint-Jean, le second à Merchtem. Celui-ci, en droit, est aussi valable dans la forme que l'autre; étant inscrit sur les registres ordinaires, il fait légalement et pleinement preuve, aux termes de l'art. 519 du code civil ainsi conçu : « La filiation des enfants légitimes se prouve par les actes de naissance inscrits sur le registre de l'état civil »; donc il a donné à l'enfant un nouvel état civil aussi régulièrement que l'acte de Molenbeek-Saint-Jean; c'est-à-dire qu'il vient contre-balancer, neutraliser ce dernier; qu'au lieu d'un seul titre non contesté, on a l'incertitude avec deux titres; au lieu d'une filiation unique, une filiation double et douteuse.

D'un autre côté, le premier acte peut être lui-même le résultat d'un crime de faux. La priorité de sa date n'est pas pour ce titre une cause juridique de préférence sur l'autre. Rien ne prouve (les choses étant entières) qu'il n'a pas été rédigé aussi sur des déclarations mensongères, après une supposition de part, ou de toute autre manière.

S'il en est ainsi, comment la juridiction criminelle pourrait-elle de plano proscrire l'une de ces deux filiations, déclarer faux l'un de ces deux actes, sans se prononcer par là même en faveur de l'autre, sans trancher la question d'état, usurper le rôle de la juridiction civile et violer ouvertement les articles 327 et 526 dans leur texte comme dans leur esprit? Cela est impossible.

La connexité est donc manifeste et par suite l'applicabilité de l'article 327 incontestable.

L'arrêt attaqué est la meilleure preuve de ce qui précède, puisque, pour pouvoir admettre l'action publique, la cour d'appel s'est vue forcée de statuer d'abord sur la filiation de l'enfant au moyen de la possession d'état.

Non seulement la question d'état, dans l'espèce, est connexe au crime de faux, mais elle se confond entièrement avec lui. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le libellé de la prévention. D'après ce libellé, Marie- Elisabeth Lenoir est prévenue de complicité du fait suivant imputé au sieur Bastiaens :

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D'avoir, le 22 décembre 1854, à Merch

tem, frauduleusement et dans le dessein de nuire à autrui, déclaré faussement à l'officier de l'état civil de cette commune que JeanneCatherine Herckeveld sa femme était accouchée, le 22 décembre 1854, d'un enfant du sexe masculin dont il a dit être le père, déclaration qui a été constatée par un acte de naissance dressé le même jour, et de s'être ainsi rendu coupable de faux en écriture authentique et publique par altération ou addition de clauses, de déclarations ou de faits que cet acte avait pour objet de recevoir et de constater. »

Ainsi, le texte même de la prévention nous dit que le fait de faux, l'altération ou addition coupable consiste dans le fait d'avoir déclaré pour l'enfant, des père et mère supposés, dans le fait de lui avoir conféré une nouvelle filiation, c'est-à-dire dans la question d'état.

Rendons notre idée plus sensible encore. Le crime de faux exige trois conditions essentielles :

1o Altération de la vérité;

2o Dol et fraude, c'est-à-dire altération de la vérité avec connaissance et avec intention de nuire;

5o Préjudice réel ou possible.
Quels sont ici ces éléments?

L'altération de la vérité? C'est la déclaration d'un accouchement qui n'avait pas eu lieu, l'indication de faux père et mère, en d'autres termes, d'un faux état civil.

Le dol et la fraude? C'est la connaissance de ce qu'on donnait à l'enfant un nouvel état civil, et l'intention de nuire à son état primitif.

Le préjudice? Quel préjudice pourrait causer le fait tel qu'il est libellé, sinon celui qui résulterait de la substitution d'un état civil à un autre?

Donc, on le voit, chaque élément du faux se compose de l'élément correspondant de la suppression d'état. Qu'on écarte cette dernière, et tout le crime disparaît (1).

Conclusion. Puisque le crime de faux et la question d'état ne sont ici qu'une seule et même chose, la poursuite criminelle contre l'un préjugerait nécessairement l'autre et ne peut dès lors être admise qu'après la décision du tribunal civil compétent.

Au surplus, la doctrine et la jurisprudence ont toujours reconnu que le crime de

(1) Faustin Hélie, Théorie du code d'instruct. crim., nos 1111, 1117.

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