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l'être, au contraire, s'il n'avait qu'une simple expectative, qu'un droit encore en suspens. D'une part, la loi nouvelle ne peut être appliquée de manière à détruire des effets sur lesquels il était permis de compter irrévocablement; mais, de l'autre, tout ce qui est en suspens tombe sous l'application de la loi nouvelle, alors même qu'elle dispose purement et simplement. Merlin, Rép., yo Effet rétroactif, sect. 5, § 1o, no 2; Dalloz, vo Lois, $ 3, art. 1er.

Il y a droit acquis toutes les fois qu'un droit est entré irrévocablement dans le domaine de quelqu'un, de manière qu'il ne puisse plus lui ètre enlevé. « Tels sont, dit Merlin, loc. cit., no 5, les droits qui dérivent immédiatement d'un contrat, ceux que nous a conférés un testament dont l'auteur est décédé, ceux qui se trouvent dans une succession ouverte et dont nous a saisis la loi en vigueur au moment de son ouver

ture.

་་

L'espérance, continue Merlin, loc. cit., no 4, que l'on tient d'un fait déjà passé ou d'un état actuel de choses, de jouir d'un droit lorsqu'il s'ouvrira, constitue-t-elle un droit acquis? Cela dépend de la nature, soit du fait, soit de l'état de choses duquel on la tient. La tient-on de la volonté encore ambulatoire de l'homme ou d'une loi que le législateur, dont elle est l'ouvrage, est toujours maître de révoquer, il est évident qu'elle ne constitue pas un droit acquis, car il est impossible de considérer comme acquis le droit qui n'est pas encore ouvert et dont l'expectative ne repose que sur un acte (soit de la loi, soit de l'homme) toujours

révocable. »

Il n'y a donc droit acquis, dit la demanderesse, que lorsqu'il y a droit irrévocable.

Lorsque l'acquisition d'un droit dépend de l'exercice d'une faculté dérivant de la loi. le législateur conserve jusque-là le pouvoir de le retirer et de modifier comme il lui plait la manière dont cette faculté doit être exercée. Et il doit en être ainsi à plus forte raison, lorsque l'acquisition d'un droit dépend d'une faculté accordée à un tiers.

L'article 2185 du code civil offrait à l'acquéreur le moyen de le garantir de l'effet des poursuites autorisées en faveur du créancier hypothécaire. Pour cela, il lui fallait se conformer aux articles 2183 et 2184; et d'après l'article 2183, tout créancier inscrit pouvait, dans les quarante jours de la notification du titre d'acquisition, requérir la mise de l'immeuble aux enchères.

Aussi longtemps que ces formalités n'é

taient pas remplies, et que les créanciers hypothécaires étaient dans le délai utile pour surenchérir, le droit de l'acquéreur et le prix stipulé avec le propriétaire demeuraient en suspens. Le droit de l'acquéreur était subordonné, non-seulement à l'exercice de la faculté que la loi lui attribuait de remplir les devoirs prescrits, à fins de purge, mais encore au non-exercice de la faculté accordée aux créanciers de requérir la mise aux enchères. L'expectative que lui conférait le contrat de demeurer propriétaire au prix fixé ne pouvait se transformer en droit que par l'accomplissement de ces deux ordres de conditions. Jusque-là rien n'était fait ; il n'y avait pas de droit acquis pour l'acquéreur, son droit était en suspens.

Cela résulte du texte de l'art. 2186 du code civil. Telle est la force des choses. « L'effet immédiat de la notification faite par l'acquéreur, dit Merlin, Répert., vo Transcription, est de mettre son droit en suspens et d'ouvrir à tout créancier inscrit la faculté d'enchérir dans la forme et dans les délais prescrits. »

Podevyn ne tenait de son contrat qu'une simple expectative; son droit était soumis à deux ordres de conditions distincts. Les prémières, celles qui le concernaient, ont été, il est vrai, accomplies sous l'empire du code civil, mais elles ne suffisaient pas à elles seules pour lui donner droit acquis, et la mise à exécution de la loi de 1851 l'a trouvé non pas propriétaire incommutable à la seule charge de payer les dettes hypothécaires jusqu'à concurrence de son prix, mais en instance pour le devenir. La certitude seule que le créancier hypothécaire ne surenchérissait pas pouvait rendre Podevyn propriétaire incommutable, et cette certitude, il ne pouvait l'avoir qu'à l'expiration du délai de quarante jours accordé par la loi. Son droit était donc encore en suspens et la loi nouvelle a dù, aussitôt sa mise à exécution, lui devenir applicable, et cette application n'avait rien de rétroactif.

L'article 111 de la loi du 15 août 1854 sur l'expropriation forcée a résolu expressément la difficulté en ce qui concerne la mise à exécution de cette loi, et elle l'a fait précisément afin de prévenir le retour des contestations qu'avait fait naître l'exécution de la loi de 1851.

On invoquait à l'appui du pourvoi le rapport fait par M. Lelièvre à la séance du 24 janvier 1854 de la chambre des représentants, et dans lequel ce représentant, qui avait été aussi rapporteur sur le projet de loi de 1851,

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a énoncé, disait-on, une opinion dans le sens du pourvoi.

-

Réponse. La demanderesse, disait Podevyn. déplace la question. Il ne s'agit pas de savoir si, jusqu'à l'expiration de surenchère, il y avait droit acquis pour moi de rester propriétaire du bien en ne payant que mon prix d'acquisition; je reconnais que cette propriété était sujette à éviction, qu'elle était en suspens. Mais la question est de savoir à quelle condition l'éviction par voie de surenchère pouvait s'opérer; si, par la signification de mon contrat, faite le 27 décembre 1851, j'avais acquis le droit de n'ètre évincé de mon acquisition que par la surenchère d'un dixième, conformément à la loi de l'époque, et l'affirmative n'est pas douteuse; elle résulte des autorités citées par la demanderesse elle-même.

J'avais le droit de purger le bien de l'inscription dont il était grevé. A cet effet, je devais remplir les formalités prescrites par les articles 2185 et 2184 du code civil, à savoir, poser un seul acte, signifier mon titre dans les conditions tracées par ces textes. Cette formalité a été remplie le 27 décembre 1831. Dès ce moment, mon droit de propriétaire a été soumis à éviction en cas de surenchère, tenu en suspens, si l'on veut; mais les conditions de cette éviction ont aussi, dès ce moment, été définitivement réglées. Je ne pouvais ètre évincé que moyennant une surenchère d'un dixième fixée par la loi du temps. Peu importe qu'une loi postérieure soit venue changer le dixième en vingtième avant que le créancier inscrit eût fait usage de la faculté qu'il avait de surenchérir. Cette dernière loi n'a pu porter atteinte au droit qui m'était irrévocablement acquis par la signification de mon titre. Au moyen de cette signification, il y a eu contrat lié entre moi et la demanderesse pour purger le bien de l'inscription qui le grevait. J'étais soumis à l'éviction en cas de surenchère d'un dixième; mais, par contre, la demanderesse devait offrir un dixième pour avoir le droit de surenchérir.

Tous les auteurs sont d'accord sur ce principe.

Merlin, Répert., vo Effet rétroactif, § 4, enseigne que, pour qu'il y ait rétroactivité, il faut le concours de deux conditions: la première, que la loi revienne sur le passé et le change; la seconde, qu'elle le change au préjudice des personnes qui sont l'objet de ses dispositions. Traitant la première de ces conditions, l'auteur cite les lois romaines qui mettent en opposition les choses en suspens

et les choses passées ; puis il continue en ces termes : « On ne peut donc considérer comme passé aux yeux de la loi que ce qui n'est plus en suspens: tout ce qui est encore en suspens se trouve atteint par la loi, lors meme qu'elle dispose purement et simplement et que par là le passé est soustrait à son empire. » C'est ce passage que la demanderesse a invoqué à l'appui de sa thèse; mais elle se trompe.

Par choses en suspens qu'il oppose aux choses passées, Merlin entend les facultés et les permissions que la loi donne de faire une chose, de poser un acte, comme le prouvent les exemples qu'il cite, la faculté de se marier à tel âge, la capacité de tester en ce qui concerne les mineurs. Ces facultés ne constituent pas des droits acquis, dit l'auteur, « à moins qu'elles n'aient été exercées et que, par l'exercice qui en a été fait, la chose qui en est l'objet ne soit devenue notre propriété. » Donc, conclut la demanderesse, la purge n'étant pas terminée et la propriété n'étant pas devenue définitive dans les mains de l'acquéreur au moment de la mise en vigueur de la loi nouvelle, c'est celle-ci qui doit régler les conditions encore à accomplir pour rendre la propriété incommutable. Tel n'est pas le sens de l'auteur dont la doctrine est, au contraire, conforme à la décision attaquée.

Merlin tient le même langage au sujet de la simple expectative. « Il n'importe, dit-il (sect. 5, 2), que l'expectative dépende d'une condition qui peut ne pas s'accomplir du tout ou ne s'accomplir qu'après changement survenu dans la législation. Cette condition tient, sans doute, en suspens l'effet du lien légal qui a été formé par le contrat ; mais ce n'est que par son non-accomplissement qu'elle peut amener la dissolution de ce lien, et elle n'empêche pas que de ce lien il ne résulte dès à présent un droit acquis, en ce sens qu'il ne peut plus être rompu d'une autre manière. » L'application de ces principes en matière de purge est exacte: offre de ma part de payer les charges hypothécaires jusqu'à concurrence de mon prix d'acquisition; obligation pour la demanderesse de le recevoir à moins de faire une surenchère d'un dixième; lien de droit constituant pour moi un droit acquis à la propriété pour le prix offert, lien qui ne peut plus être rompu d'une autre manière que par la surenchère d'un dixième.

Fallût-il considérer la purge au point de vue de la procédure, la solution serait la même. Tout ce qui tient à la forme, ordina

torium litis, est sujet à être modifié par la loi nouvelle; mais il en est autrement du fond du procès, decisorium litis, qui constitue un droit acquis lors de la promulgation de cette loi. Voy. Dalloz, vo Lois, chap. 4, art. 2516, et Merlin, sect. 5, § 8. Il est incontestable que le taux de la surenchère tient au fond même du droit.

L'arrêt se justifie encore à un autre point de vue. Merlin, parlant des effets des contrats (loc. cit.), dit : « Les droits qui résultent des contrats, qu'ils soient actuellement ouverts, ou qu'ils ne soient qu'éventuels et expectatifs, sont hors de l'atteinte de toute loi posté rieure. Cette règle ne s'applique pas seulement aux conditions expresses, elle s'applique également aux conditions qui sont sous-entendues dans un contrat par l'autorité de la loi sous laquelle il est passé. » Or, n'est-il pas évident que par mon acquisition faite sous l'ancienne loi, j'avais au moins l'expectative de n'en être évincé que moyennant la surenchère d'un dixième, et que cette expectative s'est traduite en un acte formel par la signification que j'ai faite.

La demanderesse argumente de l'art. 12 des dispositions transitoires de la loi du 16 décembre 1851. A la réponse faite d'avance à cette argumentation par l'arrêt dénoncé, j'ajoute que cet article s'accorde parfaitement avec les principes que je viens d'exposer, et dont l'application dérive, nonseulement d'une acquisition faite sous la loi ancienne, mais principalement d'une signification à fins de purge faite sous cette loi. La loi considère l'acquisition faite sous l'empire de la loi ancienne comme insuffisante pour créer un droit acquis, quant au chiffre de l'éviction en cas de surenchère; mais elle a eu soin de ne rien prescrire, alors que la signification a été faite sous la loi ancienne. Son silence est significatif; il justifie l'arrêt déféré.

M. l'avocat général Delebecque a dit sur le pourvoi :

Sous l'empire du code civil, le tiers détenteur d'un bien grevé d'hypothèque pouvait dire au créancier hypothécaire: Je vous offre le prix que j'ai payé pour acquérir l'immeuble, vous exercerez sur ce prix votre droit hypothécaire, et vous ne pourrez m'évincer de cet immeuble qu'en surenchérissant d'un dixième. Vous pouvez faire mettre le bien en adjudication publique, mais sous la condition sine quâ non de vous engager à ajouter un dixième au prix que je vous offre.

Le droit de rester propriétaire du bien

acquis était donc mis en doute pour le tiers détenteur qui entamait la purge civile, en ce sens que ce droit était exposé à résolution; mais il ne pouvait être évincé par la surenchère que sous la condition que cette surenchère serait d'un dixième.

Dès que la notification de la purge était faite, le tiers détenteur avait dit et avait eu droit de dire : Acceptez mon prix, ou surenchérissez d'un dixième. Il avait le droit de parler ainsi, et quand il avait ainsi parlé, un droit lui était acquis, celui de n'être évincé que par une surenchère d'un dixième du prix."

vertie en un droit exercé, et le créancier hyPour lui, la faculté de purger s'était conpothécaire ne pouvait à son tour user de la faculté, ou du droit d'évincer le tiers détenteur, qu'à la condition absolue de surenchérir d'un dixième la quotité de la surenchère tient évidemment au fond du droit (decisorium litis), et non pas à la forme seulement (ordinatorium litis), ce qui ne peut s'entendre que de compétence, de formes de procé der et de délais pour agir.

Lorsque Merlin ou plutôt Tarrible, no 256, dit, à l'endroit cité par la demanderesse, que l'effet immédiat de la notification par l'acquéreur est de mettre son droit en suspens, cela veut dire uniquement qu'il pourra arriver que le tiers acquéreur soit évincé par suite de l'adjudication nouvelle; mais cela propriétaire que sous condition suspensive. ne veut pas dire que le tiers acquéreur n'est L'éviction du droit opère par effet résolutif. On ne peut dire qu'il s'agisse ici de droit suspendu : l'acquéreur est devenu propriétaire par son acquisition; seulement il peut cesser de l'être par suite de la surenchère. C'est donc improprement que l'on parle ici de droit en expectative.

Aussi, alors que le nouveau propriétaire provoque par la purge l'exercice de la surenchère, est-il qualifié de propriétaire par l'art. 2185.

Aussi, lorsqu'il y a surenchère, enseignet-on « que l'immeuble est mis sous la surveillance de la justice, qui doit l'adjuger au plus haut enchérisseur. Le premier acqué

reur est donc menacé d'éviction, et dès lors il ne doit pas payer le prix de vente. » (Troplong, Hyp., no 948 in fine.)

Car, ainsi que l'enseignent Troplong et Colelle (Comment. des Comment., tome 2, p. 949), il ne faut pas croire que la propriété cesse de résider sur la personne de l'acquéreur, dès qu'il y a réquisition de suren

chère... Le surenchérisseur ne se trouve réellement acquéreur et propriétaire que lorsqu'au temps venu pour l'adjudication son enchère n'est pas couverte.

Enfin, lorsque l'acquéreur est évincé par suite de l'adjudication, il est dépossédé, son contrat est résolu ex tunc (Troplong, no 962, Grenier et Zachariæ), de manière qu'il est tout à fait déchargé vis-à-vis de son vendeur et que les hypothèques qu'il a constituées. pendant son acquisition sont et demeurent éteintes.

La réquisition du créancier surenchérisseur n'est donc qu'une menace d'éviction et de résolution adressée à celui qui est propriétaire jusqu'à la résolution prononcée.

La vérité est donc que l'acquéreur n'avait acquis qu'une propriété résoluble sous condition. (Troplong, no 964.)

D'après les principes qui régissent le contrat de vente, l'action en rescision pour vileté de prix n'empêche pas que l'acquéreur passible d'une semblable action ne soit devenu propriétaire dès la perfection de la vente par le concours des volontés. Il s'agit alors de résolution du droit, quand il y a exercice de l'action en rescision. Or, la surenchère n'est en soi qu'une action en rescision pour vileté du prix. Il faut donc rejeter bien loin cette allégation du pourvoi, allégation d'après laquelle l'acquéreur n'aurait qu'une simple expectative d'un droit de propriété incommutable.

Cet exemple que nous venons d'apporter pour démontrer l'inexactitude de cette assertion a une autre efficacité : il tend à démontrer en outre que le droit de provoquer les surenchères et les conditions intrinsèques de ce droit doivent nécessairement tenir non pas à la forme, mais au fond du droit.

Qu'un immeuble soit acheté sous l'empire d'une législation qui, ainsi que l'art. 1674, admet l'action en rescision pour lésion de plus de sept douzièmes, croira-t-on que la survenance d'une loi qui n'exigerait que la lésion du quart pourrait donner au vendeur le droit de revenir sur la vente consentie sous la loi précédente? N'est-il pas cent fois évident que c'est là une condition inhérente au fond du droit, qu'il n'y a là rien qui se rapporte à ce qu'on qualifie d'ordinatorium

litis?

Aussi lisons-nous dans Merlin (Effet rétro

(') Dans le même sens, Chabot de l'Allier, Quest. trans., vo Rescis. pour cause de lésion, no 2. Sur l'expectative, voir Merlin, Effet rétr., page 6.

actif, in-8°, p. 57, col. 1re), « que l'action en lésion ayant sa cause dans le contrat même auquel elle est inhérente, et qu'elle rend dès son principe passible de rescision, lorsque la loi du temps du contrat l'admet, ce n'est que d'après la loi du contrat qu'elle doit être admise ou rejetée. » Plus loin (à la page 58), Merlin dit encore : « On ne peut pas raisonnablement douter qu'il n'y ait une véritable rétroactivité dans l'application que l'on ferait du code civil aux ventes qui avaient reçu leur perfection avant qu'il fùt publié (1). »

Eh bien, dans le droit de surenchérir se rencontrent tous les éléments du droit d'agir en rescision du chef de lésion. Il n'y a pas plus d'expectative dans un cas que dans

l'autre.

Dès que l'acquéreur qui veut purger son bien a fait l'offre de son prix, il a usé de la faculté que lui ouvrait la loi, il a usé de son droit qui devient pour lui un droit acquis. Le droit ainsi mis en exercice constitue le passé, constitue un fait accompli, auquel la loi nouvelle ne pourrait porter atteinte sans effet rétroactif. Le droit d'opérer la purge aux conditions de la loi existante n'est pas un droit en suspens, puisque ce droit a été exercé, et la faculté pour le créancier de surenchérir est nécessairement soumise aux conditions invoquées par l'acquéreur qui a, lui, usé de son droit. Pour cet acquéreur il n'y a ni expectative, ni droit en suspens, quant à la faculté de purger le bien, puisqu'il a usé de cette faculté sous l'empire de la loi ancienne; et dès lors il a acquis le droit de dire: Si je puis être évincé, ce ne sera que sous les conditions de la loi ancienne, au moins pour tout ce qui tient au fond du droit. Sans doute, les facultés accordées par la loi peuvent toujours être retirées par elle, mais sous la réserve suivante : «< A moins que les individus n'en aient fait usage (2). »

L'article 111 de la loi sur l'expropriation forcée n'est pas assez explicite pour faire admettre que la législation positive aurait ici fait exception aux conséquences qui doivent résulter des principes que nous venons de rapporter.

D'après l'art. 115 de la loi du 16 déc. 1851, le créancier hypothécaire qui veut requérir la mise aux enchères de l'immeuble dont le prix lui est offert par le nouveau proprié

(2) Mailher de Chassat, t. 1. p. 160, no 12, in fine.

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C'est en faisant appel à cet article 115 que la loi postérieure du 15 août 1854, sur l'expropriation forcée, porte ce qui suit :

« Ces procédures de surenchère sur aliénation volontaire continueront d'être régies par les dispositions législatives actuellement en vigueur, si les significations de l'art. 115 de la loi du 16 déc. 1851 ont été faites avant l'époque à laquelle la présente loi sera exécutoire. »

Le pourvoi en infère, en raisonnant a contrario sensu, que si les significations du surenchérisseur n'ont pas eu lieu avant la loi nouvelle, c'est à cette loi qu'il faut recourir pour la procédure sur la surenchère.

Nous admettons l'argument pour tout ce qui tient à la procédure, c'est-à-dire aux formes, aux délais, à la compétence, parce que, d'après les principes, tout ce qui est ordinatorium litis est dans le domaine du législateur. L'argument a contrario a donc alors toute sa valeur.

Mais quand il s'agit d'une condition inhérente au fond du droit, et qui passe nécessairement à l'état de droit acquis, au moment même du contrat, du droit conféré et transmis au nouveau propriétaire, alors la loi nouvelle ne pouvait plus exercer son empire sans violation du principe de la non-rétroactivité des lois, il s'ensuit nécessairement que l'argument a contrario est alors sans la moindre efficacité.

L'art. 111 de la loi du 15 août 1854 doit donc être entendu en donnant au mot les procédures de surenchère une portée restreinte, et non pas le sens le plus étendu. C'est au surplus l'interprétation qui ressort naturellement des termes dont s'est servi le rapporteur, dont le pourvoi croit à tort pouvoir invoquer l'opinion. Voici ces expressions : «< Si la signification dont il s'agit n'a pas été faite,

་་

LES ACTES POSÉS VALABLEMENT SONT MAINTENUS, mais les ACTES subséquents devront se faire conformément à la loi nouvelle. »

Par actes, il est bien évident que le rapporteur entend ici seulement ce qui touche à la forme, aux délais, à la compétence.

Au surplus, le rapporteur précise davantage sa pensée quand il ajoute :

«En conséquence, si, lors de la publication de la loi en discussion, les significations énoncées à l'art. 2185 du code civil ont eu lieu, la surenchère, les actes qui en sont la suite et par conséquent l'ordre lui-même resteront soumis à LA LÉGISLATION DU CODE

DE PROCÉDURE, modifiée par la loi hypothėcaire. »

Or, ce n'est pas le code de procédure, c'est le CODE CIVIL qui a exigé l'offre de porter le prix à un dixième en sus; et ce n'est certes pas là une condition de PROCÉDURE.

C'est dans le même ordre d'idées et dont la portée vient d'être définie, que le rapporteur dit en terminant son explication :

« Si, au contraire, les significations dont il s'agit n'ont pas encore eu lieu lorsque la loi en discussion sera exécutoire, la surenchère et l'ordre lui-même seront réglés conformément à la nouvelle législation (1). »

Ce règlement de la surenchère porte uniquement, comme plus haut, sur les conditions de procédure proprement dite. A ce sujet l'opinion de M. Lelièvre, rapporteur de la commission, lors de la discussion de la loi sur le nouveau régime hypothécaire, avait été clairement énoncée (2).

En un mot, on n'entend pas ici déroger, car on l'eût dit plus catégoriquement, on n'entend pas déroger à ce qui se pratique lorsqu'il s'agit d'appliquer les lois transitoires, on se borne à en consacrer l'application. Nous estimons qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi.

ARRÊT.

LA COUR; Sur le moyen unique de cassation déduit de la violation de l'art. 115 de la loi du 16 déc. 1851 sur le régime hypothécaire, de l'article 12 des dispositions transitoires de cette loi et de la fausse application de l'art. 2 du code civil, en ce que l'arrêt déféré a déclaré nulle la surenchère pratiquée par la demanderesse le 24 janvier 1832 avec soumission de porter le prix, non à un dixième en sus de celui stipulé dans le contrat de vente dont il s'agit, conformément à l'art. 2185 du code civil, mais seulement à un vingtième en sus, suivant l'article pré

cité de la loi du 16 déc. 1831 :

Attendu que d'après le code civil, liv. III, tit. XVIII, ch. 8, sous l'empire duquel l'acquisition dont il s'agit s'est passée, le vendeur ne transmettait à l'acheteur que la propriété et les droits qu'il avait lui-même sur la chose vendue; qu'il les transmettait sous l'affectation des mèmes priviléges et hypothèques dont il était chargé; que néanmoins l'acheteur avait la faculté de se garantir de l'effet

(1) Pasin., 1854, p. 505, note 2.

(2) Comment, législ, sur la révision du régime hypoth., p. 462, no 660.

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