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rectement d'une cession précédente, et quoique la négative ait de nombreux partisans, l'opinion contraire compte aussi des champions, et la jurisprudence est partagée entre

eux.

C'est qu'en effet la fraude fait exception à toutes les règles. Or, dans l'espèce, elle était constante. Les sœurs Feyder avaient été payées par le notaire Reuter et non par Simon. Les saisissants n'avaient pu connaître ce payement sans savoir en même temps que Reuter était subrogé aux sœurs Feyder, car le payement et la subrogation sont inséparables. Lors donc qu'ils se prévalent du défaut de mention de cette subrogation qu'il leur était impossible d'ignorer, leur mauvaise foi est évidente.

En outre, il est encore plus évident que Simon savait que les sœurs Feyder n'avaient pas été payées par lui. Il n'aurait donc pu opposer à Reuter le défaut de mention de la subrogation: ses créanciers ne sauraient avoir de son chef plus de droit que lui.

Le jugement attaqué a donc, sous le deuxième rapport comme sous le premier, faussement appliqué l'article 5 de la loi du 16 décembre 1851 et violé l'article 1251, nos 1 et 3, du code civil.

M. le procureur général Leclercq a émis l'opinion que le mot tiers, employé dans les dispositions préliminaires de la loi du 16 déc. 1851, ne concerne que les personnes prétendant droit réel sur des immeubles aliénés ou grevés, et qu'il est étranger aux créanciers chirographaires du propriétaire de ces immeubles.

Il a conclu en conséquence à l'annulation du jugement dénoncé.

Il a fondé ses conclusions:

D'abord sur le texte même de la loi qui, dans l'art. 4, indique, sinon explicitement, au moins implicitement, quels sont les droits propres à la qualité de tiers et dont, par suite, dépend cette qualité;

Puis sur ce que par son objet, indiqué dans l'intitulé même de ses dispositions, la loi les a restreintes aux personnes prétendant droit réel;

En troisième lieu, sur le but qu'elle a en vue et qui est étranger à des créanciers chirographaires, dont les droits tout personnels ne forment aucun obstacle à l'aliénation ultérieure des biens de leur débiteur;

Enfin sur le principe même de la loi, qui n'exige la transcription que pour les tiers; qui, en conséquence, ne touche en rien à la règle de la translation de la propriété entre les con

tractants, par l'effet seul du contrat, et qui par cela même est étrangère aux créanciers chirographaires auxquels n'appartient d'action sur les biens de leur débiteur qu'au titre mème des droits de celui-ci sur ces biens au moment où l'action est intentée.

Il a confirmé ces considérations :

1° Par la comparaison des dispositions préliminaires de la loi du 16 décembre 1851 avec la loi du 11 brumaire an vII, au système de laquelle elle est revenue, qui n'est évidemment relative qu'aux tiers prétendant droits réels, ce qui résulte de l'article 26 et dont la différence de texte provient non d'une différence de portée, mais de ce que la reproduction intégrale dans la loi nouvelle en aurait été assez difficile à cause des nombreux actes auxquels le système était étendu;

2o Par la comparaison des mêmes dispositions préliminaires avec l'article 941 du code civil, que ses termes exprès avaient fait appliquer aux créanciers chirographaires du donateur nonobstant de graves objections juridiques tirées de la nature des choses, et qu'on a eu soin de changer, sous ce rapport, en le reproduisant dans la loi nouvelle;

3° Par les explications que les commissions de la chambre des représentants et du sénat ont données sur la portée de la loi en la restreignant toujours aux tiers acquéreurs de droits réels (Commentaire législatif de la loi du 16 décembre 1851, par Delebecque, art. 1er, no 5, p. 10, nos 22, 38, 39, 40, article 5, no 68).

La cour a rejeté le pourvoi.

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Vu l'article 218 du code civil;

Faisant droit, en exécution de l'arrêté du 15 mars 1815, article 18, et autorisant, au défaut d'Edouard Malherbe, son second époux, Charlotte-Elise Fassin, veuve Rocour, à ester en jugement;

Statuant sur la première partie du moyen de cassation prise de la fausse interprétation et de la violation de l'article 5 de la loi du 16 décembre 1851, ainsi que de la violation de l'article 1251, nos 1 et 5, du code civil, en ce que le jugement attaqué a admis de simples créanciers chirographaires à se prévaloir de l'inobservation dudit article 5, qui ne peut être opposée que par des tiers ayant un

droit réel sur l'immeuble, et en ce que, par contredite, de l'organe du gouvernement, que suite, il a privé l'auteur des demandeurs des effets de la subrogation qui lui était acquise en vertu de l'article 1251 précité :

Considérant, en ce qui concerne l'art. 1251 du code civil, que le jugement attaqué a déclaré expressément, loin de le méconnaître, que Reuter s'est trouvé, de plein droit, subrogé à la créance hypothécaire des sœurs Feyder à charge de Simon dont il avait acquitté la dette; mais qu'il a refusé de faire opérer cette subrogation contre Etienne et la veuve Rocour, créanciers chirographaires du même Simon, parce qu'on ne justifiait pas, à leur égard, de l'accomplissement des formalités prescrites par l'article 5 de la loi du 16 décembre 1851; que la question se réduit donc à décider si cette disposition a été bien appliquée, et spécialement si l'exception qu'elle ouvre aux tiers appartient aussi aux créanciers chirographaires;

Considérant que, pour faciliter les transactions en les entourant de garanties, la loi du 16 décembre 1851 a voulu établir le crédit immobilier sur des bases dont chacun put vérifier en tout temps la solidité, et qu'elle a fondé ce système sur la publicité de la mutation des droits réels et des charges qui affectent la propriété foncière;

Qu'à cet effet elle ordonne, en son art. 1or, que tous actes entre-vifs, à titre gratuit ou onéreux, translatifs ou déclaratifs de droits réels immobiliers, soient transcrits sur un registre à ce destiné, et en son art. 5, qu'en marge de l'inscription d'une créance privilégiée ou hypothécaire, soit mentionnée, de la manière qu'elle indique, la cession ou la subrogation dont cette créance est l'objet ;

Considérant que l'art. 1er statue qu'avant la transcription à laquelle ils sont assujettis, on ne pourra se prévaloir des actes contre les tiers qui auront contracté sans fraude, et que l'article 5 déclare également qu'à défaut de la mention qu'il prescrit, la cession ou la subrogation ne pourra être opposée aux tiers; Considérant que, dans son acception ordinaire et logique, le mot tiers, employé à l'article 1er, sans autre addition, s'applique à toutes personnes qui n'ont pas été parties à l'acte non transcrit, sans distinguer si l'inté rêt qu'ils ont à l'écarter procède d'un droit réel sur l'immeuble ou de toute autre cause légitime;

Que cette interprétation naturelle se confirme par l'esprit et l'objet de la loi exposés dans les travaux qui en ont préparé l'adoption, et résumés dans cette déclaration, non

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les œuvres de loi de notre ancien droit sont remplacées par la transcription;

Qu'il en ressort évidemment que la loi n'a pas borné sa sollicitude aux contrats relatifs à des droits réels, mais que, portant plus loin ses vues, elle a voulu, pour tous les cas, rendre certain et notoire au public l'état de la fortune immobilière de celui qui s'oblige; qu'en conséquence le créancier qui, sur la foi de cette situation, se contente d'un engagement personnel, est ensuite, s'il doit recourir aux immeubles du débiteur, protégé par l'art. 1er contre quiconque ne se sera pas conformé à ses dispositions;

Qu'au surplus, si le législateur avait voulu ne faire profiter qu'à certaine classe de tiers les mesures de sécurité qu'il organise, il aurait eu soin, comme l'avait fait l'article 26 de la loi hypothécaire du 11 brumaire an vii, d'ajouter au mot tiers une désignation qui en restreignit et en déterminât la portée;

Considérant que les articles 1er et 5 de la loi de 1851, qui ont un but identique et qui posent les bases d'un seul et mème système, n'ont pu attacher au même terme deux significations différentes; qu'ainsi le mot tiers, mis seul dans l'article 5, désigne indistinctement toute personne étrangère à l'acte qui a opéré la cession ou la subrogation;

Considérant, d'un autre côté, que la faculté que les articles 1er et 5 précités attribuent aux tiers de repousser l'acte non public n'est subordonnée ni par essence, ni par les principes généraux de la législation, à la possession d'un droit réel sur la chose; qu'en effet, aux termes des articles 2092 et 2093 du code civil, reproduits par les articles 7 et 8 de la loi nouvelle, quiconque s'oblige personnellement se soumet à remplir son engagement même sur ses biens immobiliers, qui sont le gage commun de ses créanciers, et il est constant que celui qui n'a stipulé qu'un droit personnel est recevable à débattre la validité d'un privilége ou d'une hypothèque qui prime et paralyse son recours sur les biens du débiteur;

Considérant enfin qu'Etienne et la veuve Rocour, ayant saisi le prix d'un immeuble vendu par Simon, exerçaient non, comme le soutiennent les demandeurs, le droit de celuici, mais un droit à eux propre en opposant à Reuter, qui se prétendait subrogé à une créance hypothécaire sur l'immeuble, l'exception qu'ils puisaient directement dans l'article 5 de la loi de 1851;

Que d'après cela il n'y a pas lieu de déci

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der si le débiteur, qui n'a concouru d'aucune manière à l'acte de cession ou de subrogation conventionnelle ou au fait qui a produit la subrogation légale, ne doit pas lui-même être réputé tiers au moins jusqu'à la signification prévue par l'article 1691 du code civil;

Considérant qu'il suit de tout ce qui précède que la qualité de tiers, reconnue par le jugement attaqué à Etienne et à la veuve Rocour, ne saurait être mise en doute sous aucun rapport, et que cela suffit pour rejeter la première partie du moyen, puisque l'article 5 de la loi du 16 décembre 1851 a été bien appliqué, et que par suite il n'a pas été contrevenu à l'article 1251 du code civil.

Sur la deuxième partie du moyen de cassation, déduite encore des contraventions alléguées à l'appui de la première partie, en ce que, nonobstant l'exception faite à l'article 1er pour le cas de fraude, le jugement attaqué attribue le bénéfice de l'article 5 aux ayants cause de Simon qui n'a pu ignorer les payements faits par Reuter et la subrogation qui en a été la conséquence :

Considérant que l'existence de la fraude est une question de fait, et que le juge n'est tenu d'appliquer d'office les conséquences légales d'une fraude qui n'a été ni alléguée ni prouvée, que dans le cas où la loi la présume de plein droit et n'admet pas la preuve contraire;

Considérant que ni l'article 5 ni même l'article 1er de la loi du 16 décembre 1851 ne déterminent ce qui constitue la fraude, et que rien au procès ne constate qu'un reproche de cette nature ait été articulé devant le juge du fond; que celui-ci n'a donc pas eu à apprécier le moyen, et que les demandeurs ne sont pas recevables à le proposer pour la première fois à l'appui de leur pourvoi;

Par ces motifs, rejette le pourvoi, condamne les demandeurs à l'amende de 150 fr. envers l'Etat, à une indemnité de pareille somme et aux dépens envers les défendeurs.

Du 8 mai 1856. 1re ch. Président, M. De Gerlache, premier président.-Rapp., M. Defacqz. Concl. contr., M. Leclercq, procureur général. - Pl., M. Dolez.

(4) Voy. Brux., 8 mars 1845 (Jur, du xıxo siècle, 1845, 2, 251); 8 déc. 1848 (2, 341); cass. de Belg., 29 août 1834 (Jur. du xixe siècle, 1854, 1,300); 6 avril 1857 (1858, 1, 498); 15 déc. 1832; 12 mars 1855 (Pasic., 1855, 1, 115); Grenoble, 22 juillet 1831 (Jur. du XIXe siècle, 1851, 2,170); cass. de France, ch. réunies, 10 juin 1834 (ib, p. 417); Revue des revues de droit, dissertat.

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1o Dans le doute, il entre dans les pouvoirs souverains du juge d'apprécier, d'après toutes les circonstances de la cause, pour quels faits la chambre du conseil a renvoyé le prévenu devant le tribunal correctionnel. En faisant cette interprétation il ne contrevient pas à la chose jugée.

2o L'arrêt qui décide que, dans les circonstances qui ont accompagné des outrages ou des calomnies envers un fonctionnaire public, le fait ne revêt point les caractères d'un délit politique, ne contrevient à aucune disposition de la loi (1). (Constit., article 98.)

3o Le juge d'appel correctionnel qui infirme un jugement par lequel le premier juge s'est borné à se déclarer incompétent à raison de la matière, peut retenir la connaissance du fond.

La règle des deux degrés de juridiction n'existe, d'une manière absolue, qu'en matière civile (2). (Loi du 1er mai 1790.)

(DELMOTTE ET CONS., -C. LE MIN. pub.)

A l'occasion de la nomination du sieur Lor con comme bourgmestre de la ville d'Ath, nomination faite en dehors des membres du conseil, le demandeur Deneubourg lut, en la séance publique du conseil communal de la ville d'Ath, le 29 novembre 18535, une espèce de protestation qui, signée par lui et par huit autres membres de ce conseil, fut insérée au procès-verbal de la séance.

Le 23 décembre suivant, le sieur Lor, contre lequel cette protestation était dirigée, adressa au procureur du roi une plainte par laquelle, après avoir signalé divers passages de cet écrit comme renfermant, à son égard,

de Morin, 1850, t. 12, p. 162; Chauveau et Hélie, Théorie du code pénal, no 965; Morin, Répertoire du droit criminel, nos 65, 69.

(2) Voy., pour les autorités pour et contre, les observations du procureur général de la cour de Bruxelles qui précèdent, dans cette affaire, les conclusions de M. le procureur général Leclercq.

des calomnies et des outrages, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, il provoquait des poursuites contre les demandeurs Delecluse, Delmotte, Jean-Augustin Thémon, Deblois et Desmedt-Patte.

Une information fut faite par le juge d'instruction, et, le 1er février, le procureur du roi requit le renvoi des demandeurs devant le tribunal correctionnel. « Tous les sept, « portait le réquisitoire de ce magistrat,

prévenus de s'être rendus coupables à Ath, « le 29 novembre 1855, en la séance pu«blique du conseil communal dudit jour : 1o du délit de calomnie envers la personne « de M. Charles-Joseph-Raimond Lor, bourg« mestre d'Ath, pour avoir, soit dans un lieu ou réunion public, soit dans un << écrit authentique et public, imputé audit «sieur Lor des faits qui, s'ils existaient,

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« 2o Du délit d'outrage d'autant que, dans « la même séance et par la même lecture, « M. le bourgmestre Lor a reçu de tous les prévenus, dans l'exercice de ses fonctions, « ou à l'occasion de cet exercice, des outrages par paroles tendant à inculper son honneur et sa délicatesse et d'autres ou<< trages encore par gestes ou par menaces...

5o Ou tout au moins de s'être rendus coupables des faits susdits pour avoir fait « usage d'un ou de plusieurs des moyens prévus par l'article 60 du code pénal. » Le réquisitoire ne faisait donc aucunement mention que l'écrit dont il s'agit eût été imprimé.

''

Par ordonnance du 4 février, la chambre du conseil, faisant droit sur ce réquisitoire, renvoya les demandeurs devant le tribunal correctionnel en modifiant, sans en donner de motifs, la définition de la prévention de całomnie de la manière suivante : « Préve«nus, portait cette ordonnance, 1o de s'ètre, le 29 novembre dernier à Ath, rendus coupables du délit de calomnie, soit dans « des lieux ou réunions publics (en la séance publique du conseil communal), soit dans "un acte authentique et public, soit dans

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« Vu l'ordonnance de la chambre du conseil...;

« Attendu que les prévenus excipent de l'incompétence de cette juridiction, se fondant sur ce que le fait qui leur est imputé, s'il constituait un délit, serait un délit politique, et qu'aux termes de l'article 98 de la constitution, les délits politiques sont déférés au jury;

« Attendu qu'en Belgique il n'existait avant la constitution aucune définition du délit politique, qu'aucune définition de ce genre n'existe dans la constitution elle-même, et que les lois postérieures sont restées et ont dù rester muettes sur ce point, que par suite, c'est au juge à apprécier, pour chaque cas, s'il existe ou non un délit politique;

«Attendu que pareille appréciation d'un délit ne peut être faite qu'avec les circonstances qui lui sont connexes; que vouloir isoler le fait réputé délit pour y appliquer purement et simplement la loi pénale, ce serait s'exposer à en méconnaître le caractère, surtout quand il s'agit, comme dans l'espèce, d'un fait posé en sa qualité par un corps qui n'existe qu'en vertu d'une loi politique, ou qui, par suite, doit avoir la même nature que la loi à laquelle il doit son existence;

<< Attendu en fait que la prévention reconnait que les faits réputés calomnieux ou constituant l'outrage, sont contenus dans un écrit en date du 29 novembre dernier, lequel est signé de tous les prévenus, et que de son côté la défense soutient, ce qui d'ailleurs est conforme à l'exposé du ministère public, que le fait imputé aux prévenus comme délit consiste dans la lecture qui aurait été faite de l'écrit susdit, en séance publique du conseil communal d'Ath, par l'un des membres dudit conseil, tant en son nom qu'au nom de tous les autres conseillers présents, et dans la décision prise par ce conseil communal de l'insertion dudit écrit au procèsverbal de la séance;

« Attendu dès lors que cet écrit fait partie des pièces du procès et qu'il doit également servir à apprécier la nature du fait posé par le conseil communal d'Ath;

<< Attendu que cet écrit est une protestation contre un acte politique posé par le pouvoir central (la nomination du bourgmestre en dehors du conseil) et que cette protestation est ainsi elle-même un acte politique posé par le conseil communal;

« Attendu qu'à ce point de vue, les faits posés par le conseil communal d'Ath à charge du magistrat qui le présidait, ne sont que la conséquence de la protestation, puisque, toujours à ce même point de vue, ils tendraient à établir que ce magistrat n'est pas l'homme propre à atteindre le but que le gouvernement se proposait dans l'intérêt de la ville d'Ath; et que par suite la mesure prise sera plus nuisible qu'utile à la ville d'Ath;

« Attendu dès lors que si en posant ces faits et en les publiant par le moyen que la loi organique met à sa disposition, le conseil communal d'Ath a commis un délit, ce délit commis par un corps politique, dans un acte et dans un but politique, ne peut être qu'un délit politique;

« Attendu du reste que si pour constituer le délit politique, une loi politique a dù être violée, cette violation existerait bien certainement, si n'ayant pas d'autre but que celui de calomnier et d'outrager son président, le conseil communal d'Ath s'était servi, pour commettre ce délit, des moyens que la loi constitutionnelle a mis à sa disposition et aurait ainsi dépassé les limites que cette loi a posées à l'exercice de ses droits politiques;

« Attendu d'ailleurs que s'il pouvait rester quelque doute sur la nature du délit dans l'espèce, ce doute devrait être tranché en faveur du principe constitutionnel, et que par suite l'exception d'incompétence devrait être également accueillie;

«Par ces motifs, ouï le ministère public et les prévenus dans leurs moyens respectifs, le tribunal se déclare incompétent pour connaître de la prévention qui lui est soumise. »

Sur l'appel interjeté par le ministère public, la cour d'appel rendit, le 11 avril, un premier arrêt qui, dispensant les demandeurs de se présenter en personne à l'audience, les autorisa à s'y faire représenter par des avoués.

Les demandeurs conclurent ensuite à la confirmation du jugement d'incompétence, en se fondant d'abord sur les motifs de ce jugement, et en second lieu, sur ce que l'or

donnance de la chambre du conseil, qui avait saisi le tribunal correctionnel, avait mis à leur charge une prévention de délit de presse connexe aux autres chefs de la prévention.

Ils conclurent subsidiairement à ce qu'il plùt à la cour déclarer, en cas de réformation, qu'il n'y avait pas lieu à l'évocation demandée par le ministère public.

Le 24 avril, la cour d'appel rendit un second arrêt par lequel, avant faire droit, elle ordonna au ministère public de faire être au procès et, si faire se peut, à l'audience du lendemain, l'imprimé au moyen duquel aurait été commis, le 29 novembre 1855, en séance publique du conseil communal d'Ath, le délit de calomnie imputé aux prévenus, imprimé mentionné dans l'ordonnance de la chambre du conseil, en l'exploit d'assignation et aux conclusions des prévenus, ledit imprimé non produit jusqu'ores.

Après la prononciation de cet arrêt, le procureur général déclara qu'il n'avait jamais eu connaissance d'un imprimé quelconque ; qu'il n'en possédait aucun; qu'il ne pouvait dès lors faire aucune production à cet égard, insistant pour que les demandeurs, s'ils possédaient le prétendu imprimé, le produisissent eux-mêmes pour justifier leur moyen d'incompétence.

Les demandeurs refusèrent formellement de faire la production réclamée par le procureur général, soutenant néanmoins qu'il était de notoriété publique que la protestation mentionnée dans l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Tournai et dans la citation donnée aux demandeurs avait été imprimée et publiée au moins dans. les journaux, avant ladite ordonnance.

Sur ce débat la cour rendit, le 26 avril, l'arrêt attaqué ainsi conçu :

<< Attendu que par son réquisitoire du 1er février dernier, le procureur du roi de Tournai a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de cette ville de tous les prévenus, comme s'étant rendus coupables de calomnie et d'outrage en séance publique du conseil communal d'Ath du 29 nov. 1835, envers le bourgmestre de cette ville, le sieur Lor, par la lecture qu'a donnée à cette séance l'un des conseillers communaux présents, au nom des autres, d'un écrit signé par les prévenus, contenant les imputations incriminées, et faisant partie du dossier de la procédure;

«Attendu que par son ordonnance du 4 février suivant, la chambre du conseil de ce tribunal a adopté les conclusions de ce ré

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