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dans une place assiégée il eût été condamné à mort. Et cela pour avoir dit: Je ne balayerai pas la salle de police avec un sabot cassé ; donnez-moi d'autres sabots!

D'autre part la loi prévoit la perpétration du crime ou du délit susdit par un officier ou un sous-officier; ces derniers ne sont astreints à aucune corvée ; n'en peut-on pas conclure qu'elle n'a pas eu les corvées en vue?

Puis la peine infligée est la peine de la brouette ou la peine de mort, et autant que l'on peut faire une classification des crimes et délits militaires, n'est-il pas évident que ces peines sont exclusivement réservées aux crimes militaires? Cependant le danger pour la discipline est loin d'exiger une telle incrimination de ce fait, comme l'a très-bien fait ressortir l'arrêt précité du 28 octobre 1834 et comme le prouve ce fait que les militaires peuvent se rédimer des corvées moyennant finance et s'y faire remplacer.

Ainsi donc, non-seulement la gravité, mais surtout la nature de la peine doivent faire rejeter le système de l'arrêt attaqué.

L'article 95 n'a trait qu'aux ordres donnés dans le service; si cet article ne le dit pas expressément, l'art. 211 le dit pour lui. C'est là une restriction à la généralité de ses termes dont il faut examiner la portée.

Qu'un officier ordonne à un soldat qui n'est pas son ordonnance, d'aller lui chercher du tabac, c'est là quelque chose d'absolument en dehors du service; que le militaire s'y refuse, il est dans son droit. L'armée n'est pas instituée dans le but de faire de chaque soldat le serviteur des officiers, et le règlement de discipline ne sera pas applicable au soldat qui aura refusé d'obtempérer à cet ordre. La discipline n'est pas en jeu. Mais dès que la discipline est en jeu, il s'agit d'un service dans le sens large de ce dernier mol. La loi pouvait, devait même, en parlant de refus d'obéissance, ne pas faire mention de service. Prononcer ce mot en cette occurrence, c'était ou un pléonasme dont il ne faut pas taxer la loi à la légère, ou une restriction à la généralité de ses termes. En effet, le service dans le sens large comprend tant le service intérieur, c'est-à-dire le menu ménage de la caserne, que le service de garnison qui est le vrai service utile de l'armée en temps de paix, la manifestation de son utilité. Si donc la loi a parlé de service, elle a voulu spécifier le service de garnison ou le service dans le sens restreint. Odiosa restringenda.

Ce qui vient encore à l'appui de cette manière de voir, c'est le texte de l'article 95 qui

:

dit Die orders van dengenen die boven hem gesteld is, termes comprenant à la fois une subordination immédiate et en action (boven hem gesteld), comparés aux termes beaucoup plus larges d'une autre loi, l'article 10 du règlement de discipline de 1815 précité: Al wie, uit losheid of onachtzaamheid verzuimt uittevoeren HET GEEN wartoe hij gecommandeerd is, of te volbrengen de orders, welke aan hem, door iemand in hoogeren rang gesteld, gegeven zijn, qui embrassent à la fois toute espèce de subordination et n'indiquent aucune action.

L'article 10 du règlement de discipline, s'appliquant à des faits posés dans le service,

puisqu'il serait absurde de punir des faits qui n'ont aucun rapport avec le service par une loi dont le but est le maintien de la discipline et sa réglementation, — cet article, d'autre part, étant général et beaucoup plus large que l'article 95, il est évident que l'art. 95 ne s'applique qu'à des faits plus nettement déterminés et plus graves. D'autre part, l'article 211 déclarant positivement qu'il ne s'applique qu'aux actes commis dans le service, l'interprétation restrictive d'actes commis dans le service, dans le sens restreint, dans le sens de service de garnison, doit être admise.

Ce qui vient encore à l'appui de cette thèse, c'est l'article 2 du règlement : les transgressions seront toujours envisagées comme plus graves, lorsqu'on les commet dans le service ou sous les armes.

L'article 12 du même règlement dit également ce qu'il faut entendre par le service intérieur, en ne punissant la négligence à se rendre aux appels, gardes, exercices, revues ou inspections que d'une peine disciplinaire.

Mais, disent les partisans de l'arrêt attaqué, nous appliquerons les articles 10 et 12, quand il n'y aura pas d'intention méchante ou frauduleuse; dans les autres cas, nous appliquerons l'article 95.

Remarquons d'abord que les termes du texte de l'article 10 disent quiconque par inattention ou par esprit de détachement (losheid, indifférence), et que ces termes n'ont rien de commun avec l'intention criminelle, telle que le code la définit ou l'exige. Remarquons, d'autre part, que l'article 93 punit la négligence.

Le juge militaire aura donc à s'enquérir, non pas s'il y a eu une intention frauduleuse quelconque il peut absoudre s'il n'y a qu'intention frauduleuse, si elle ne lui pa

raît que le résultat de l'esprit d'indifférence ou de la négligence; il peut punir la simple négligence s'il croit y apercevoir un mauvais vouloir, mais toute son investigation devra porter sur l'intention, sur le mobile ou plutôt sur la tendance d'esprit de l'accusé.

Qui ne frémit à l'idée d'une telle anarchie, d'un tel oubli de tout principe pénal, à l'idée d'un pouvoir aussi arbitraire mis dans les mains de juges aussi peu expérimentés que le sont nécessairement les juges militaires qui souvent en dix ans ne siégent pas deux jours!

Non, telle n'est pas, telle ne peut pas être la portée de la loi; elle n'a pas pu vouloir laisser l'absolution ou la peine au caprice ou à l'humeur des juges.

M. le procureur général Leclercq a conclu à la cassation.

Il a dit :

La cour militaire, en déclarant le demandeur coupable de refus exprès d'obéir à son supérieur militaire et en le condamnant, de ce chef, à trois années de brouette et à la déchéance du rang militaire, par application de l'article 95 du code pénal militaire, n'a pas seulement jugé un point de fait, le fait du refus exprès d'obéir; elle a jugé aussi un point de droit, le point de savoir si l'art. 95 du code pén. milit. est applicable à tout refus exprès d'obéir sans distinction du degré de gravité qu'il présente ; elle a, en effet, considéré, pour en faire l'application au demandeur, que le texte comme l'esprit de cet article s'opposaient à ce qu'on pût distinguer

entre les divers services commandés et re

fusés, et à ce que jamais un refus exprès d'obéir pût être traité comme une transgression passible de peines disciplinaires.

Nous pensons qu'en jugeant ainsi, elle a faussement appliqué la loi et a expressément contrevenu aux articles 12 du code pén. milit. 1, 2, 27, 30 et 31 du règlement de discipline militaire.

L'article 95 du code pén. milit. n'est pas absolu ; il n'est pas conçu en termes qui comprennent toute désobéissance dans sa disposition, et la rendent indifféremment passible de la peine des travaux forcés; ses termes, au contraire, la restreignent aux actes qui ont les caractères du délit; c'est ainsi qu'ils y sont qualifiés; c'est également ainsi que sont qualifiés dans l'intitulé les divers actes formant l'objet du titre sous lequel il est placé, et la nature même de ces actes considérés dans leur généralité et leur ensemble, nous montre qu'il ne peut être question PASIC., 1856. le PARTIE.

dans ce titre que de délits proprement dits, misdaden, pour nous servir du terme hollandais, qu'il ne s'étend nullement aux transgressions, overtredingen, comme les lois militaires qualifient tous les actes incompatibles avec la discipline, et passibles seulement de peines disciplinaires.

La loi marque par la qualification qu'elle donne aux faits prévus par elle, dans ce titre, la limite de ses dispositions; elle n'entend frapper que les faits graves et que de simples peines disciplinaires ne suffiraient pas à réprimer.

Aussi s'en était-elle auparavant expliquée en termes clairs dans l'article 12 du code pén. milit. qui porte que « le code pénal pour l'armée de terre ne s'étend nullement aux moindres fautes et transgressions contre la discipline militaire, et que la correction de celles-ci est laissée aux chefs des corps et aux commandants militaires, conformément aux règlements de discipline.

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Cet article, remarquons-le, fait partie du titre des dispositions générales, c'est-à-dire, du titre des dispositions communes aux autres dispositions du code pénal; il porte donc une règle que le juge ne doit jamais perdre de vue dans l'application de ces dispositions. Cette règle, spécialement relative aux faits contraires à la discipline, n'a ni sens ni utilité, ou elle signifie que les faits prévus dans le code pénal et passibles de peines criminelles comme délits perdent ce caractère et ne sont passibles que de peines disciplinaires comme transgressions s'ils ne présentent pas le degré de gravité en vue duquel la loi en fait l'objet des prévisions de ce code. Ainsi, pour rentrer dans l'espèce, le refus exprès d'obéir prévu comme délit, qualifié de ce nom et frappé en conséquence de peines criminelles, peut, aux termes de l'article 12, n'être qu'une transgression passible de peines disciplinaires, si par sa nature propre ou par les circonstances qui l'ont accompagné, il n'a point le caractère de gravité qui peut seul en faire un délit; le devoir du chef de corps auquel ce fait est dénoncé, comme le devoir de toute juridiction militaire à laquelle en est déférée la connaissance, est de faire ce qu'avait fait le conseil de guerre dont le jugement a été infirmé par la cour militaire; ils doivent rechercher s'il a été commis une transgression ou bien un délit, et appliquer dans le premier cas le règlement de discipline militaire. dans le second, le code pénal; en ne procédant pas ainsi, en donnant à l'article 95 un sens absolu, en voyant toujours un délit dans le refus exprès d'obéir, ils méconnaissent les

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limites de cet article, et contreviennent expressément à l'article 12 qui a marqué ces limites; nous venons de dire que les termes en sont clairs; l'esprit dans lequel il est conçu dissiperait tout doute s'ils pouvaient y prêter; les lois pénales militaires sont de leur nature d'une extrême sévérité; cette sévérité nécessite par cela même un tempérament sans lequel infailliblement elle dégénérerait en cruauté; ce tempérament se trouve précisément dans l'article 12 du code pénal. Tel en est le but: modérer la rigueur des définitions des délits militaires et des peines qui les accompagnent; ce but en l'expliquant confirme le sens des termes de cet article; il prouve, comme ces termes mêmes, que la désobéissance est tantôt un délit que punit la loi par l'article 95 du code pénal militaire, tantôt une transgression qu'elle punit par ses dispositions sur les transgressions.

Le règlement de discipline qui les contient nous en fournit une nouvelle preuve : la désobéissance entre dans ses prévisions, comme dans celles du code pénal; la loi s'y occupe du refus d'obéir avec non moins de soin que dans ce code, aux fins de le réprimer, et montre par là que ce refus peut, suivant les circonstances, revêtir un caractère différent et ressortir de l'une ou de l'autre des deux classes de mesures prises par elle à ces fins.

Cette sollicitude se manifeste aux premiers mots du règlement.

De même que le titre du code pénal, intitulé des Délits contre le service et la subordination, commence par un article, l'article 80, qui proclame la subordination l'essence et l'âme du service militaire, et impose aux militaires l'obligation d'obéir sur-lechamp et sans réplique aux ordres des supérieurs, le règlement de discipline militaire commence par une disposition, le § 1er de l'introduction, conçue dans le même sens. Les dispositions qui suivent sous la forme d'articles s'accordent avec ce paragraphe; elles se divisent en trois chapitres dispositions générales, transgressions, peines disciplinaires. Le chapitre 1er, dispositions générales, s'ouvre précisément par trois articles qui prescrivent à l'inférieur l'obéissance envers le supérieur, et qui distinguent même entre les transgressions commises, sous ce rapport, dans le service ou sous les armes et les transgressions commises autrement. Il résulte de ces dispositions que la désobéissance proprement dite, c'est-à-dire, le refus exprès ou la négligence à dessein, d'obéir aux or

dres du supérieur peut être l'objet d'une transgression passible de peines disciplinaires, comme elle peut être l'objet d'un délit, passible de peines criminelles, ce qui concorde en tout point avec l'article 12 du code pénal. Les deux chapitres suivants confirment cette conséquence.

L'un, celui qui concerne les transgressions, définit d'abord les transgressions susceptibles d'ètre définies et parmi elles la simple négligence, c'est-à-dire, l'inexécution des ordres par légèreté ou inadvertance; nous n'y trouvons pas, il est vrai, la désobéissance proprement dite, c'est-à-dire, le refus exprès d'obéir, et la raison en est manifeste, ce refus échappe à toute définition par cela même qu'il peut prendre des formes diverses qui en font tantôt un délit, tantôt une transgression; mais si la loi ne le prévoit pas expressément à ce titre, elle le prévoit implicitement par la dernière disposition du chapitre, l'article 27, et formellement par les dispositions du chapitre suivant. La dernière disposition du chapitre des contraventions est une disposition corrélative à celle de l'article 12 du code pénal, en même temps qu'elle répond aux dispositions du chapitre précédent; elle ajoute aux transgressions définies et prescrit de traiter comme elles «< toutes actions ou démarches incompatibles avec le maintien du bon ordre et d'une bonne discipline dans le service militaire. »>

Cette disposition générale, qui comprend comme transgression tout ce qui est contraire à la discipline, s'applique par cela même aux faits prévus par le règlement et conséquemment à la désobéissance dont parlent et son préambule et les trois premiers articles du chapitre 1er; elle comprend ces faits au nombre des transgressions passibles de peines disciplinaires, si par les circonstances qui les accompagnent ils ne dégénèrent pas en délits passibles de peines criminelles, et nous les retrouvons, en effet, atteints formellement par les peines disciplinaires dans le troisième chapitre qui traite de ces peines : les unes, déjà très-sévères et portées par l'article 30, sont applicables aux transgressions commises pour la première fois; les autres, beaucoup plus sévères et portées par l'art. 51, sont applicables aux transgressions réitérées parmi lesquelles est nommément placée, non point la simple négligence par légèreté ou inadvertance à exécuter des ordres ou commandements, mais la désobéissance proprement dite, le refus exprès d'obéir, ce que d'ailleurs indique assez la sévérité même de la peine. Ainsi frappé en termes formels par

ce que la discipline a de plus rigoureux, ce refus n'est donc pas toujours un délit, il est donc parfois une transgression. Ce que la loi avait déjà fait pressentir dans l'article 95 du code pénal en ne disposant dans cet article que pour les délits, ce qu'elle avait déjà statué dans l'article 12 de ce code; en en restreignant les dispositions aux faits définis par elle qui ne dégénéreraient pas en fautes ou transgressions, elle le confirme par cette disposition qui satisfait à toutes les exigences de la discipline, et n'est elle-même qu'une suite naturelle des premières dispositions du règlement de discipline militaire.

Ces considérations démontrent l'erreur dans laquelle est tombée la cour militaire, en voyant dans l'article 95 du code pén. milit. une règle absolue, applicable sans aucune distinction à tous les faits de désobéissance, quelles que soient la nature du service commandé et les circonstances du refus d'obéir; elles répondent en même temps aux motifs de l'arrêt qui contient cette décision.

Suivant la cour militaire, l'article 95 du code pén. milit. se trouve sous le titre des peines à infliger contre le service et la subordination, et tel n'est point ce titre; il est intitulé des Délits contre le service et la subordination, ce qui est tout différent, et donne par la qualification de délit aux faits qu'il embrasse, une tout autre portée aux dispositions sur ces faits.

Suivant elle encore, l'article 95 est le seul relatif à l'insubordination, et vous avez vu qu'outre l'article 12, qui contient une disposition commune à tous les faits définis dans le code pénal et partant au fait prévu dans l'article 95, l'insubordination est également prévue par plusieurs dispositions du règlement disciplinaire.

Elle ajoute que cet article est général, qu'il repousse toute distinction par son texte et par son esprit ; et son texte, exclusivement relatif aux faits qui présentent les caractères du délit, est encore restreint par les dispositions que nous venons de citer; ces dispositions, loin de manifester dans la loi l'esprit que la cour a cru y voir, lui enlèvent, au contraire, cet esprit de rigueur excessive qui ne serait plus de la justice. mais de l'inhumanité, et qui, au lieu de réprimer, comme le fait la justice, révolterait comme révolte tout ce qui blesse l'humanité.

La cour voit ensuite dans les dispositions antérieures, qui ont servi de type à l'article 95, une nouvelle preuve de la portée qu'elle lui reconnaît; mais c'est une consé

quence toute différente qu'il faut tirer de ces dispositions. La législation militaire actuelle, entendue comme nous l'entendons, punit la désobéissance, tantôt comme délit, de la peine des travaux forcés avec les fers (article 95), tantôt comme transgression, de peines disciplinaires moins sévères, mais toutefois très-rigoureuses, des peines du cachot pour quatre jours, au pain et à l'eau, ou pour huit jours, au pain et à l'eau, de deux jours l'un et de plus, des fers aux mêmes intervalles, de la prison militaire pour quatorze jours, soit avec nourriture ordinaire, soit au pain et à l'eau, de deux jours l'un avec ou sans les fers, des arrêts dans la chambre de police pour trois semaines au plus, dans la ville pour deux mois au plus, des coups de baguette au nombre de cinquante au plus, des coups de plat d'épée au nombre de quinze au plus (coups aujourd'hui abolis, mais qui n'en expliquent pas moins l'esprit de la loi), articles 30, 31 du règlement de discipline.

Entendue comme l'entend la cour militaire, la législation militaire actuelle punit toujours la désobéissance de la peine des travaux forcés, quelles qu'en soient la nature et les circonstances.

La législation précédente, qui a non point servi de type à la législation actuelle, comme le dit la cour militaire (les dispositions des deux législations sont loin d'être semblables), mais qui a dû être consultée, est le règlement militaire porté pour la Hollande le 26 juin 1799; ce règlement a remplacé les lois françaises dans les Pays-Bas, depuis 1814 jusqu'à la promulgation des nouveaux codes militaires; il ne contient, il est vrai, qu'une peine contre le refus d'obéir, et de là, sans doute, la cour militaire a conclu que la peine de l'article 95 de notre code pénal est aussi la seule applicable aujourd'hui à ce refus; mais outre que nous trouvons deux peines pour la désobéissance dans la législation actuelle, une peine criminelle dans le code pénal et une peine disciplinaire dans le règlement de discipline, ce qui empêche de riep conclure de la peine unique portée par le règlement militaire de 1799, la nature méme de cette peine unique, qui égale tout au plus en sévérité nos peines disciplinaires actuelles, si elle ne leur est inférieure, explique très-bien comment le législateur de 1799 a pu ne pas distinguer entre la désobéissance, considérée comme délit, et la désobéissance considérée comme transgression, sans qu'on puisse en induire que le législateur de 1815 a également repoussé cette distinction dans un système de pénalités différentes. La peine

unique du règlement de 1799 était, pour les sous-officiers et les soldats, l'emprisonnement au pain et à l'eau pendant huit jours, avec la gène pour les quatre derniers jours, de la quatrième maille à une des mains et à un des pieds, art. 4, chap. 5; cette peine, on le voit, égale tout au plus les peines disciplinaires du règlement de discipline militaire en vigueur. La peine unique applicable aujourd'hui, suivant l'arrêt attaqué, serait la peine des travaux forcés avec les fers, et de plus, en tout cas, la déchéance du rang militaire qui, sous le règlement de 1799, n'était encourue que selon les circonstances et seulement pour six années; avec une pareille interprétation, si elle pouvait être vraie, il n'y aurait évidemment aucun rapprochement à faire entre les deux législations conçues dans un esprit de sévérité si différent; mais il en est tout autrement dans le système que nous croyons le seul véritable; ce système reste dans les termes de sévérité modérée du règlement de 1799, en en conservant les peines disciplinaires ou à peu près; il ne s'en écarte que dans les circonstances graves où ces peines ne peuvent suffire, tandis que dans le système de la cour militaire la loi répudie en toutes circonstances la modération des lois précédentes pour les remplacer en toutes aussi par des peines rigoureuses à l'excès; la comparaison faite par elle pèche. donc en ce qu'elle rapproche des choses dissemblables; la douceur des lois précédentes devait la conduire à une conclusion toute différente, à celle-là même que nous venons d'en tirer.

La cour termine les considérations de droit qui servent de motifs à son arrêt, en disant que l'article 10 du règlement de discipline ne punit que les refus qui seraient le résultat de la légèreté ou de l'inadvertance. Mais cet article ne s'occupe aucunement du refus ou de la désobéissance proprement dite, il ne s'occupe que de la simple négligence, fait ou plutôt omission facile à prévoir, parce qu'elle se présente avec des caractères constamment les mêmes; il n'y a donc absolument rien à conclure de cette disposition, et le motif de l'arrêt qui repose sur elle ne prouve pas plus que les autres en faveur d'une interprétation que repoussent le texte et l'esprit de l'art. 95, et de toutes les autres dispositions du tit. V du code pén. milit., comme le texte et l'esprit de l'article 12 du même code et des diverses dispositions du règlement de discipline militaire.

La cour militaire n'a donc pu, sans méconnaitre le véritable sens de ces disposi

tions, sans faire une fausse application des unes et contrevenir aux autres, condamner le demandeur à la peine de trois années de brouette et à la déchéance du rang militaire, en partant de ce point que toute désobéissance ou tout refus exprès, toute négligence à dessein d'obéir est un délit passible de peines criminelles, ne peut jamais être une transgression passible de peines disciplinaires. Une dernière considération démontre la vérité de cette conséquence. Si toute désobéissance était un délit, l'article 7 de la loi du 16 juin 1856, sur l'état et la position de l'officier, n'aurait point de sens ; cette loi n'a pas eu pour but de réformer le code pénal militaire, c'est ce qui résulte et de sa nature, et des débats qui en ont précédé l'adoption, et pourtant elle le réformerait dans le système de l'arrêt attaqué; suivant cet arrêt toute désobéissance est un délit, puni de la peine que le code pénal y attache; aucune distinction n'est admissible entre les actes de désobéissance plus ou moins graves, et nous trouvons cette distinction dans la loi de 1836. L'article 7 frappe de la mise au traitement de réforme l'officier qui s'est rendu coupable de désobéissance grave ou réitérée, tandis que l'article 95 le frappe de la cassation; il faut donc reconnaitre que la désobéissance prévue par cet article n'est pas toujours un délit, qu'elle peut n'être qu'une transgression, même portée à un certain degré de gravité, sinon l'article 7 de la loi de 1836 n'aurait pas de sens, ce qu'on ne peut supposer, ou modifierait le code pénal militaire, ce qu'il n'a pas fait. Cette loi confirme donc les distinctions que nous croyons seules compatibles avec l'esprit et la lettre des dispositions du code pénal et du règlement de discipline, mises en rapport les unes avec les autres et forme une dernière preuve de la contravention que contient l'arrêt attaqué.

Nous concluons, en conséquence, à ce qu'il vous plaise l'annuler, ordonner que l'arrêt d'annulation soit transcrit sur les registres de la cour militaire, et que mention en soit faite en marge de l'arrêt annulé.

Et attendu qu'il n'appartient qu'au juge du fait d'apprécier si le refus d'obéir, objet de la prévention, est un délit ou une transgression, nous concluons au renvoi de la cause devant la cour militaire autrement composée.

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