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soit d'accorder une liberté de religion assez étendue, surtout si l'on compare le paragraphe 16 avec les paragraphes 2 et 28 ou avec le paragraphe 18 du règlement de la diète.

Ceci devient encore plus incontestable quand on réfléchit aux différentes corrections que les États, après que la constitution eut été votée le 6 juin 1809, adressèrent au comité de constitution, touchant les divers paragraphes de cette loi fondamentale. Ce comité (la seule autorité compétente pour expliquer le sens de le constitution) donna, le 29 novembre de la même année, sa déclaration, laquelle, en ce qui touche la question de savoir si la constitution accorde à chaque sujet suédois le libre exercice de sa religion, est ainsi formulée :

« Dans le révérend ordre du clergé, les réflexions suivantes ont été présentées. En ce qui touche le paragraphe 2 (d'après lequel le roi est tenu de professer la pure doctrine évangélique), « on demande qu'il soit déclaré que toute la << maison royale doit professer la pure doctrine évangélique. »

Réponse du comité : « En ce qui regarde les princes, cette déclaration se trouve suffisamment suppléée par la loi qui règle l'ordre de succession au trône, car on ne peut guère se figurer qu'un souverain pût négliger de faire élever ses fils dans la doctrine dont la profession est une condition sine qua non, pour être appelé à la couronne. Mais il serait peut-être tout aussi impolitique qu'inutile de vouloir étendre plus loin cette loi; lorsque le roi prend une épouse, son inclination et le bien de la patrie doivent seuls déterminer son choix. Quant aux princesses, qui n'ont aucun droit au trône, on ne pourrait, par aucune raison d'État, les priver de la liberté de religion accordée à tout sujet suédois. »

Quant au paragraphe 16, le clergé demandait que « la protection dont la religion du pays doit jouir » fût garantie dans ce paragraphe; c'est pourquoi il proposait d'y ajouter les paroles suivantes : « pourvu que cette liberté (de prati

quer sa religion) ne porte pas atteinte ou préjudice à la pure doctrine évangélique, ne trouble pas la tranquillité publique, etc.

Le comité répond: « Comme tout ce qui force la conscience sert plutôt à former des hypocrites que de véritables chrétiens; comme la contrainte, loin de donner la conviction et de corriger le cœur, a souvent suscité des sectes fanatiques et des persécutions sanglantes; comme, enfin, la religion se défend plus sûrement par sa propre force divine que par tout autre moyen, le comité trouve que le libre exercice de religion, reconnu aux conditions que le paragraphe prescrit, ne saurait nuire à la vérité de la religion, et, par conséquent, qu'on ne saurait proscrire cette liberté dans une société qui doit protection à chaque membre utile, paisible et obéissant à la loi. »

2o Le besoin d'un changement dans la législation en vigueur jusqu'à présent, en matière religieuse, devient chaque jour plus urgent et plus inévitable. Ce besoin est en rapport direct avec le mouvement religieux qui, en ces derniers temps, a pris un développement dont bien des personnes n'ont pas une idée juste. Le nombre des individus connus avec certitude pour avoir abandonné la soi-disant Église de l'État, en se faisant recevoir, par un nouveau baptême, dans la congrégation des Baptistes établis dans le royaume, s'élève actuellement à 911, et atteindra sous peu, d'après des renseignements certains, le chiffre de 1000. Prétendra-t-on faire condamner à l'exil ces 1000 citoyens suédois, pour la seule raison que, par un acte extérieur, ils ont confessé leur opinion sur le baptême des enfants? Une pareille idée ne pourrait pas même venir à l'esprit d'aucun de vos sujets. Ils ont le bonheur de vivre sous le doux sceptre de Votre Majesté, l'Évangile a mis dans leur cœur sa mansuétude, et ils tiennent à ce que le roi et la patrie aient l'estime des na

tions civilisées. Et cependant (nous pouvons le rappeler ici, puisque malheureusement le fait est connu, non-seulement en Suède, mais encore à l'étranger) des centaines de citoyens suédois sans reproche ont dû quitter leur patrie pour se soustraire aux poursuites civiles et criminelles, dont ils allaient être frappés s'ils avaient continué de résider en Suède, et cela uniquement pour avoir confessé, de bouche et d'action, leur foi religieuse, fruit d'une lecture plus assidue et d'une méditation plus approfondie de la Bible.

3. Par suite du refus des tribunaux de reconnaître que les anciennes lois contraires au paragraphe 16 de la constitution se trouvent abolies par elle, trois citoyens suédois ont été condamnés à l'exil, une grande quantité d'autres ont été traînés devant les tribunaux; la plupart de ces derniers ont été condamnés à l'amende; un grand nombre a été emprisonné; plusieurs ont subi la peine de la prison au pain et à l'eau; un plus grand nombre encore, la plupart pauvres, ont été dépouillés de leurs dernières ressources, uniquement pour avoir obéi, en matière religieuse, à la voix de leur conscience. Une supplique, signée il y a quelques années par des amis de la liberté de religion, fut remise à Votre Majesté, dans le but d'obtenir pour des citoyens suédois la permission de former, sur les mêmes bases que Votre Majesté avait sanctionnées pour la Norvége, des associations religieuses avec des ministres particuliers. Dans cette supplique on rappelait comme exemple qu'un homme, pour avoir, un dimanche, en présence de 13 hommes et de 20 femmes, lu quelques passages de la Bible et récité le Pater, avait été condamné (par toutes les instances) à une amende de 66 rixdales 32 skillings banco (150 fr.), et, en outre, pour profanation du dimanche, à 3 rixdales 16 skillings banco (7 fr. 50), ou, en cas d'insolvabilité, à subir la peine de la prison au pain et à l'eau pendant 28 jours.

Des exemples du même genre, sinon plus révoltants encore, pour tout homme d'honneur, pourraient être pris dans l'histoire non encore écrite des persécutions exercées dans notre patrie pendant les douze dernières années.

Nous joignons respectueusement à cette pétition des certificats et des extraits de protocoles constatant que dans la seule prévôté de Norra Helsingland, de 1851 à 1854, le juge du bailliage de Bergsjo et Forsa a condamné 427 individus à une amende de 8498 rixdales de banque (18 000 fr.), pour avoir reçu la cène de la main d'un individu non ordonné prétre; or, la grande majorité de ces condamnés étant pauvres, ils durent ou se dépouiller de tout ce qu'ils avaient et se réduire à la plus profonde misère, ou subir la peine de la prison au pain et à l'eau.

Le résumé ci-joint des procès-verbaux des condamnations portées dans le district d'Orsa, d'Elfdal et Sœerna, prouve que dans le cours des années 1852, 1853, 1854 seulement, près de 200 individus ont été condamnés, dans ces trois paroisses, pour crimes semblables ou pour réunions ayant pour objet des exercices de piété.

Nous aurions pu tirer un grand nombre de pareils exemples des archives des tribunaux, si nous n'avions pas craint de blesser par là le cœur tendre et paternel de Votre Majesté Royale. Nous avons voulu cependant citer quelques exemples à l'appui de ce que nous avons dit, savoir que le besoin d'un changement dans notre législation religieuse est urgent. Il l'est d'autant plus, qu'un grand nombre de citoyens suédois, dont les pétitionnaires font partie, sont résolus de sacrifier tous les avantages temporels plutôt que de consentir à ce que, dans leurs affaires religieuses, il soit porté atteinte à leur conscience.

4° La liberté de religion et de conscience a été reconnue depuis plus d'un demi-siècle dans les Pays-Bas et en Angle

terre, et y a porté de riches fruits de soumission à la loi, d'économie, de civilisation et de crainte de Dieu, en un mot, des fruits de bien-être spirituel et temporel. A l'exception de la Suède et de la Russie, cette liberté a trouvé accès et a été mise en pratique dans la plupart des pays de l'Europe; il y a plus de soixante ans qu'elle a été reconnue par la grande et puissante nation qui a donné le jour aux aïeux de notre bien-aimé souverain. En 1815, elle fut reconnue par la Confédération germanique; par les constitutions des années 1837 et 1838, elle fut consacrée pour les deux royaumes de la péninsule pyrénéenne; elle est actuellement reconnue dans les États autrichiens et la Turquie d'Europe. En demandant donc que la liberté de conscience soit également mise en pratique chez nous, nous ne demandons pas l'introduction de théories nouvelles et non soumises à l'expérience, nous demandons seulement qu'on reconnaisse un principe de droit, que notre constitution proclame et qui est reconnu et mis en pratique, on peut le dire, par toutes les nations civilisées du monde. Nous osons, par conséquent, espérer que Votre Majesté Royale daignera donner son approbation gracieuse à la pétition que nous lui présentons en toute soumission, et dans les sentiments d'obéissance, de fidélité et de dévouement avec lesquels nous sommes, etc.

Projet de loi touchant une liberté de religion
plus étendue.

1o Le paragraphe 3, chap. 1er du Code pénal et le dernier point du paragraphe 2, chap. 1er de la loi ecclésiastique touchant les peines statuées pour apostasie de notre véritable doctrine évangélique, et la profession d'une autre confession de foi, sont

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