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d'un usage déjà établi sur terre, où l'exécution en est infiniment plus difficile ». « Le gouvernement des États-Unis désire que l'exemple donné par la France dans la guerre qui vient de finir, ne soit pas perdu pour le bien de l'humanité. Il est dans la persuasion que c'était une mesure digne des plus grands éloges que celle d'avoir protégé les propriétés particulières contre les effets de la guerre en pleine mer. Ce qui se trouve être une mesure de justice et d'humanité dans les temps actuels, le sera de même dans tous les temps et dans tous les lieux.... Le système que les États-Unis proposent en ce moment n'est pas nouveau dans leur politique. Il a pris naissance dès les premières années de leur indépendance. Le premier traité avec la Prusse en 1785 en est la preuve; mais les souverains de l'Europe n'avaient pas alors proclamé les principes de la religion chrétienne comme base de leur conduite. Les principes de la philanthropie n'avaient pas encore triomphé sur toutes les autres considérations, dans l'abolition de la traite des nègres. On n'avait pas encore vu l'exemple d'une puissance maritime qui a fait la guerre en respectant les propriétés particulières en mer..... on peut se flatter que les circonstances actuelles sont propres à revendiquer et à réhabiliter les droits de l'équité naturelle et à étendre en mer l'influence bienfaisante des préceptes de la charité chrétienne. » Enfin, M. Middleton parle de l'adoption du principe de l'inviolabilité de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi, au point de vue de la neutralité maritime, ce qu'on a trop peu fait jusqu'ici. « Ce projet, en combinant tous les principes essentiels de la neutralité armée, y ajoute celui d'exempter de capture et de confiscation les vaisseaux marchands et les cargaisons appartenant aux sujets des puissances belligérantes. On peut espérer que cette extension de l'immunité pourra lever les objections qui existent contre le système de la neutralité armée, dont on s'était promis de si heureux résultats pour le droit maritime des peuples vers la fin du xvIII° siècle. Le principe actuel des puissances belligérantes est que, bien que les nations neutres aient le même droit de commerce avec l'ennemi qu'elles possédaient avant la guerre, celui-ci cependant ne doit point se couvrir du pavillon neutre pour éviter la capture et la con

fiscation qui attendent les marchandises ennemies sous pavillon ennemi. Lorsqu'il sera convenu que les propriétés particulières seront respectées même sous pavillon ennemi, il n'y aura pas plus lieu de rechercher la protection d'un navire neutre en temps de guerre qu'en temps de paix.... Les peuples dont l'état ordinaire dans les guerres maritimes est celui de la neutralité (les États-Unis par exemple) perdront les profits considérables et très-attrayants de cette neutralité; mais, d'après l'expérience des dernières guerres européennes, ils ont payé si chèrement ces profits, et par l'état de collision avec les puissances belligérantes où ils ont été forcés d'entrer, et par les guerres dans lesquelles ils ont été eux-mêmes engagés par suite de cet état de choses, qu'ils ne peuvent que gagner en échangeant ces profits pécuniaires contre cette tranquillité et cette paix qui sont, aux nations comme aux individus, d'un prix infiniment supérieur aux richesses (1). »

101. A cette communication et à la Note remarquable qui l'accompagnait, M. de Nesselrode, le 1er février 1824, répondit que « l'Empereur ne pouvait qu'applaudir sincèrement à l'esprit de la convention qui lui a été présentée par le cabinet de Washington »; mais que le principe proposé à l'adoption de la Russie demandait l'accord de toutes les autres puissances maritimes : « toute convention isolée que le cabinet de Saint-Pétersbourg arrêterait sous ce rapport avec celui de Washington aurait d'autant moins de résultats qu'heureusement une guerre entre la Russie et l'Amérique du Nord devait être rangée au nombre des événements les plus éloignés et les plus invraisemblables. » M. de Nesselrode concluait en disant qu'« aussitôt que les puissances dont Sa Majesté regarde le consentement comme indispensable auront témoigné les mêmes dispositions, elle ne manquera pas d'autoriser son ministère à discuter les divers articles d'une note qui serait un titre de gloire pour la diplomatie moderne (2). »

(1) Note de M. Middleton à M. de Nesselrode, Cauchy, op. cit., Ann. n° 8, p. 108-112.

(2) Cauchy, op. cit., Ann. no 9, p. 113-115. - M. de Nesselrode donne à croire qu'il ne voit dans le projet américain que la suppression de la course, non l'abolition du droit de capture lui-même. « Si les gouver

Les négociations s'arrêtèrent là, et ainsi s'évanouit l'espérance qu'avait conçue le Président Monroë, « que le temps était venu où la proposition d'adopter les principes de prédilection des États-Unis comme règles permanentes et invariables de toutes guerres maritimes à venir, obtiendrait un accueil favorable de la part des grandes puissances de l'Europe (1). »

102. Dans les quarante années qui courent de 1815 à 1854, un très-grand nombre de traités, réglant le droit de la neutralité maritime, ont été conclus par toutes les puissances des Deux-Mondes. L'Angleterre seule n'est pas entrée dans ce grand mouvement. Canning refusa de ratifier une convention que Sir Charles Stuart avait négociée avec le Brésil, parce qu'elle contenait la clause que le pavillon couvre la marchandise (2). Le traité de 1842 avec le Portugal consacre le système du Consulat de la Mer. C'est le seul traité du XIX siècle qui nie l'inviolabilité du pavillon neutre traités entre les États européens d'ancienne date, ou de date récente, comme la Grèce; traités entre les États-Unis et les puissances européennes; traités des nouveaux États de l'Amérique du Sud avec la République Nord-Américaine ou avec les États européens, tous stipulent l'insaisissabilité

nements, dit-il, suivaient de nos jours les calculs étroits de l'ancienne politique, s'ils ne prenaient que leurs intérêts pour règles de leurs déterminations, on objccterait peut-être à la convention dont il s'agit que, plus les ressources particulières d'un État donnent d'activité et d'étendue à son commerce maritime, plus ce commerce est exposé dans le cas d'une guerre aux entreprises des armateurs, et qu'alors les lettres de marque sont l'unique moyen qui reste aux puissances dont la marine est moins rombreuse pour établir l'équilibre entre des forces inégales, et pour s'assurer quelques compensations; mais, on le répète, jamais ces calculs ne dirigèrent les cabinets, qui ont montré que de semblables avantages ne sauraient faire l'objet de leurs désirs..... »

(1) Message du Président Monroë du 2 décembre 1823, Cauchy, op. cit., Ann. no 10, p. 115. Trois ans après, en 1826, était tenu à Panama un congrès au sujet duquel M. Calvo s'exprime ainsi : « C'est à tort que la plupart des publicistes négligent de faire mention de la tentative qui fut faite en vue de l'abolition de la course au sein du congrès réuni à Panamá en 1826; car bien qu'elle n'ait pas eu de résultats pratiques, elle n'en constitue pas moins par ses tendances générales un des antécédents historiques de la doctrine proclamée trente ans plus tard par le Congrès de Paris. » Calvo, Droit int., 3o éd., III, 1880, § 2078, p.

(2) Johnstone, op. cit., p. 83.

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fiscation qui attendent les marchandises ennemies sous pavillon ennemi. Lorsqu'il sera convenu que les propriétés particulières seront respectées même sous pavillon ennemi, il n'y aura pas plus lieu de rechercher la protection d'un navire neutre en temps de guerre qu'en temps de paix.... Les peuples dont l'état ordinaire dans les guerres maritimes est celui de la neutralité (les États-Unis par exemple) perdront les profits considérables et très-attrayants de cette neutralité; mais, d'après l'expérience des dernières guerres européennes, ils ont payé si chèrement ces profits, et par l'état de collision avec les puissances belligérantes où ils ont été forcés d'entrer, et par les guerres dans lesquelles ils ont été eux-mêmes engagés par suite de cet état de choses, qu'ils ne peuvent que gagner en échangeant ces profits pécuniaires contre cette tranquillité et cette paix qui sont, aux nations comme aux individus, d'un prix infiniment supérieur aux richesses (1). »

101. A cette communication et à la Note remarquable qui l'accompagnait, M. de Nesselrode, le 1er février 1824, répondit que « l'Empereur ne pouvait qu'applaudir sincèrement à l'esprit de la convention qui lui a été présentée par le cabinet de Washington »; mais que le principe proposé à l'adoption de la Russie demandait l'accord de toutes les autres puissances maritimes : « toute convention isolée que le cabinet de Saint-Pétersbourg arrêterait sous ce rapport avec celui de Washington aurait d'autant moins de résultats qu'heureusement une guerre entre la Russie et l'Amérique du Nord devait être rangée au nombre des événements les plus éloignés et les plus invraisemblables. » M. de Nesselrode concluait en disant qu'« aussitôt que les puissances dont Sa Majesté regarde le consentement comme indispensable auront témoigné les mêmes dispositions, elle ne manquera pas d'autoriser son ministère à discuter les divers articles d'une note qui serait un titre de gloire pour la diplomatie moderne (2). >>>

(1) Note de M. Middleton à M. de Nesselrode, Cauchy, op. cit., Ann. no 8, p. 108-112.

(2) Cauchy, op. cit., Ann. no 9, p. 113-115. - M. de Nesselrode donne à croire qu'il ne voit dans le projet américain que la suppression de la course, non l'abolition du droit de capture lui-même. « Si les gouver

Les négociations s'arrêtèrent là, et ainsi s'évanouit l'espérance qu'avait conçue le Président Monroë, « que le temps était venu où la proposition d'adopter les principes de prédilection des États-Unis comme règles permanentes et invariables de toutes guerres maritimes à venir, obtiendrait un accueil favorable de la part des grandes puissances de l'Europe (1).

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102. - Dans les quarante années qui courent de 1815 à 1854, un très-grand nombre de traités, réglant le droit de la neutralité maritime, ont été conclus par toutes les puissances des Deux-Mondes. L'Angleterre seule n'est pas entrée dans ce grand mouvement. Canning refusa de ratifier une convention que Sir Charles Stuart avait négociée avec le Brésil, parce qu'elle contenait la clause que le pavillon couvre la marchandise (2). Le traité de 1842 avec le Portugal consacre le système du Consulat de la Mer. C'est le seul traité du XIX siècle qui nie l'inviolabilité du pavillon neutre traités entre les États européens d'ancienne date, ou de date récente, comme la Grèce; traités entre les États-Unis et les puissances européennes; traités des nouveaux États de l'Amérique du Sud avec la République Nord-Américaine ou avec les États européens, -tous stipulent l'insaisissabilité

nements, dit-il, suivaient de nos jours les calculs étroits de l'ancienne politique, s'ils ne prenaient que leurs intérêts pour règles de leurs déterminations, on objecterait peut-être à la convention dont il s'agit que, plus les ressources particulières d'un État donnent d'activité et d'étendue à son commerce maritime, plus ce commerce est exposé dans le cas d'une guerre aux entreprises des armateurs, et qu'alors les lettres de marque sont l'unique moyen qui reste aux puissances dont la marine est moins nombreuse pour établir l'équilibre entre des forces inégales, et pour s'assurer quelques compensations; mais, on le répète, jamais ces calculs ne dirigèrent les cabinets, qui ont montré que de semblables avantages ne sauraient faire l'objet de leurs désirs..... »

(1) Message du Président MoDroë du 2 décembre 1823, Cauchy, op. cit., Ann. no 10, p. 115. — Trois ans après, en 1826, était tenu à Panama un congrès au sujet duquel M. Calvo s'exprime ainsi : « C'est à tort que la plupart des publicistes négligent de faire mention de la tentative qui fut faite en vue de l'abolition de la course au sein du congrès réuni à Panamá en 1826; car bien qu'elle n'ait pas eu de résultats pratiques, elle n'en constitue pas moins par ses tendances générales un des antécédents historiques de la doctrine proclamée trente ans plus tard par le Congrès de Paris. » Calvo, Droit int., 3° éd., III, 1880, § 2078, p. 296.

(2) Johnstone, op. cit., p. 83.

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