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APPENDICE SPÉCIAL A L'ITALIE

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319. Le Code de la marine marchande du royaume d'Italie, promulgué le 21 juin 1865 et en vigueur depuis le 1er janvier 1866, a consacré l'abolition de la course et l'inviolabilité de la propriété privée ennemie sur mer. En déclarant dans sa loi maritime la course abolie, l'Italie n'a fait que sanctionner par une loi solennelle le principe proclamé dans l'art. 1 de la Déclaration de Paris. En y inscrivant l'inviolabilité de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi, l'Italie a fait une innovation de la plus haute importance et mérite par là la place à part que nous lui assignons parmi les puissances des Deux-Mondes.

Les navires marchands ennemis ne seront pas capturés, en cette seule qualité, par les vaisseaux de guerre de l'Italie, ni par des corsaires sortis de ses ports, dans les guerres futures que pourrait avoir à soutenir cette puissance. Essayons d'indiquer quelle est la portée de cette formule nouvelle du droit maritime italien (1).

320. L'abolition de la course et l'abolition du droit de prise maritime exercé par les vaisseaux de guerre sont subordonnées à la condition de réciprocité.

Quant à la course, l'art. 207 du Code de la marine marchande, qui ouvre le chapitre I du titre IV (Du droit maritime en temps de guerre), dispose qu'« aucun navire marchand ne peut courir sus à l'ennemi, faire des prises, visiter des navires ou exercer des actes de guerre, excepté dans les cas indiqués aux articles suivants. » Parmi ces cas, figure

(1) Vidari, Del Rispetto della proprietà privata, Pavie, 1867, p. 8487; p. 91-93; p. 215-222; Pietro di Marco, Le guerre marittime secondo i principii del Codice italiano del 21 giugno 1865, Palerme, 1877, p. 1724; p. 32-35; p. 46-49; Paternostro, Delle prede, delle riprede e dei giudizii relativi, Naples, 1879, ch. III, p. 35-59; Pierantoni, Rapport présenté à l'Inst. de droit int. sur les prises maritimes d'après l'école et la législ. ital., R. D. I., 1875, p. 650-56. Cf. Bulmerincq, Le Droit des prises marit., R. D. 1, 1878, p. 434-440.

en première ligne celui où l'Italie serait en guerre avec des puissances qui n'ont pas adhéré à la Déclaration de Paris ou qui s'en écarteraient; en pareil cas, le gouvernement pourra autoriser l'armement en course, à titre de représailles des prises dont la marine marchande nationale aurait été victime. C'est ce qu'exprime en ces termes l'art. 208: « L'armement en course est aboli. Néanmoins, sous la réserve des obligations prises par l'État dans la Convention de Paris du 16 avril 1856, l'armement en course contre les puissances qui n'auraient pas fait adhésion à la dite Convention ou qui s'en écarteraient, pourra être autorisé à titre de représailles des prises faites au détriment de la marine marchande nationale. Dans ce cas, les conditions pour les concessions de lettres de marque et pour l'exercice de la course seront déterminées par décret royal. A cet effet, si la puissance ennemie n'a pas renoncé préalablement à faire des prises, les armateurs des navires nationaux pourront, sur leur demande à l'autorité maritime, obtenir l'autorisation d'augmenter leur armement, leurs munitions, leur équipages au-delà de la limite ordinaire. >>

Quant à l'abolition du droit de prise maritime exercé par les vaisseaux de guerre, l'art. 211, par lequel débute le ch. II du titre IV du même Code, porte: «La capture et la prise des navires marchands d'un État ennemi par les navires de guerre seront abolies par voie de réciprocité à l'égard des États qui adopteront la même mesure envers la marine marchande italienne. La réciprocité devra résulter de lois locales, de conventions diplomatiques ou de déclarations faites par l'ennemi avant le commencement des hostilités. >>

L'abolition du droit de prise maritime exercé tant par les vaisseaux de guerre que par les corsaires, n'est donc que conditionnelle. Le Code de la marine marchande a été attaqué de ce chef par des publicistes italiens: M. Vidari et M. di Marco pensent qu'il n'était pas digne de l'Italie de ne faire cette double réforme qu'au regard des pays qui l'avaient déjà faite ou la feraient eux-mêmes, et que d'ailleurs les représailles ne sont qu'une « sotte vengeance ». MM. Pierantoni et Paternostro pensent au contraire que le législateur italien s'est tenu dans une sage réserve.

321. Si la double réforme du Code italien n'est pas sans condition, elle n'est pas non plus absolue: elle comporte des exceptions qu'il s'agit d'indiquer brièvement.

L'art. 207 défend aux navires marchands de courir sus à l'ennemi; de faire des prises, de procéder à des visites ou d'exercer des actes de guerre, sauf exceptions. Or, deux exceptions sont consignées dans les art. 209 et 210, sans compter l'absence de réciprocité de la part de l'État ennemi prévue par l'art. 208, que l'on peut envisager comme un cas d'exception au principe de l'art. 207.

322. La première exception a trait au cas d'une agression de la part des vaisseaux ennemis. A vrai dire, comme le fait remarquer M. di Marco, cette exception n'en est pas une, car ce n'est que l'application du droit de légitime défense le navire attaqué, soit par un corsaire, soit par un vaisseau de guerre, soit par tout autre vaisseau, peut repousser la force par la force, sans avoir besoin pour cela d'une commission de son gouvernement. Ce droit de légitime défense n'est pas personnel: l'art. 209 autorise le navire marchand italien à courir à la défense d'autres navires attaqués, nationaux ou alliés. Il y a plus la défense pourra entraîner ou la destruction ou la capture de l'agresseur. Dans ce dernier cas, à qui appartiendra la prise? au gouvernement, ou au vaisseau qui, en se défendant luimême ou en défendant ses compatriotes ou ses alliés, aura opéré la capture ou y aura concouru? La loi italienne résout la question en ce dernier sens. C'est ce qui résulte de la formule qu'emploie l'art. 209 : « Lorsque des navires marchands seront attaqués par des navires de guerre ou autres, ils pourront se défendre et les capturer; ils pourront même courir à la défense d'autres navires attaqués, nationaux ou alliés, et concourir avec ceux-ci à la prise (1).

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323. La seconde exception est formulée dans l'art. 210, qui prévoit le cas d'une tentative de capture faite par l'ennemi en vue des côtes. Dans ce cas, les autorités publiques et militaires ne manqueraient pas de prendre les mesures nécessaires pour repousser cette tentative. Mais indépendamment de cela, la loi fait appel à tous les citoyens, en

(1) Di Marco, op. cit., p. 19-21.

leur permettant de faire des armements sans autorisation préalable et de courir sus à l'ennemi. « Si un navire ennemi tentait de faire des prises en vue des côtes de l'État, indépendamment des mesures qui seront prises par l'autorité · militaire pour repousser l'attaque, il sera permis à tout citoyen de former des armements pour courir au secours. du navire attaqué. Si le navire est sauvé, ceux qui auront concouru à sa défense recevront sur la propriété sauvée une prime à déterminer en cas de désaccord par l'autorité maritime compétente. » L'art. 210 suppose une tentative de capture. Qu'est-ce qui constitue cette tentative? Un acte matériel dirigé contre un navire en vue de s'en emparer: la juridiction des prises décidera au besoin s'il y avait ou non tentative de capture au sens de l'art. 210. Les particuliers ne seraient pas autorisés à courir sus au vaisseau ennemi qui serait en vue des côtes sans commettre une telle tentative. Il faut, pour qu'on soit dans le cas prévu, qu'il y ait tentative faite en vue des côtes, c'est-à-dire à une distance qui peut être supérieure à l'étendue de la mer territoriale. Si la tentative a lieu hors de la vue des côtes, les armements en masse ne sont pas autorisés : c'est à l'autorité publique seule d'aviser, à l'ouïe de la nouvelle qu'un navire italien est attaqué dans le voisinage, mais hors de vue. Le navire sauvé, les vaisseaux qui sont venus à son secours doivent rentrer en rade, et ne pas poursuivre le cours de leurs succès ceux-ci leur vaudront, non l'adjudication du navire sauvé, mais une récompense que l'autorité maritime compétente fixera en cas de désaccord (1).

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324. Le respect de la propriété privée ennemie suppose une propriété innocente. La propriété privée ennemie ne saurait prétendre à une plus large immunité que la propriété privée neutre comme celle-ci, la propriété privée ennemie sera sujette à saisie et à confiscation, si elle est engagée directement ou indirectement dans les hostilités; en un mot, l'immunité cesse en cas de rupture de blocus ou de transport de contrebande de guerre. Aussi l'art. 211, qui consacre l'inviolabilité de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi, est-il suivi de la disposition suivante, conte

(1) Di Marco, op. cit., p. 22-24.

nue dans l'art. 212: « Sont exclues des dispositions de l'article précédent la capture et la confiscation pour contrebande de guerre et, dans ce cas, le navire en contravention sera assujetti au traitement des navires neutres qui violent la neutralite. Sont aussi exclues de ces dispositions la capture et la confiscation pour rupture d'un blocus effectif et déclaré. » Il est à noter que, si le chapitre III (du traitement des navires et des marchandises neutres) du titre IV du Code italien consacre en général les règles les plus libérales du droit international en matière de neutralité maritime, l'art. 215 édicte cependant la confiscation du navire neutre dont la cargaison se compose, en tout ou en partie, de contrebande de guerre : le navire ennemi porteur de contrebande de guerre sera donc, d'après la loi italienne, frappé de saisie et de confiscation.

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325. Les prises maritimes abolies, « la reprise qu'un navire de guerre ferait d'un navire marchand de la même nation capturé pour contrebande ou pour violation de blocus, devrait, comme le dit M. Pierantoni, se transformer en une simple récupération, en vue de rendre le navire à son propriétaire. (1) » L'art. 219 du Code maritime italien décide que, si un navire marchand, national ou allié a été repris par un vaisseau de guerre, il doit être en tous cas (c'est-à-dire que le navire ait été conduit ou non dans un port ennemi) restitué à son propriétaire, sans aucune rémunération. Si la prise faite par l'ennemi est délivrée par l'équipage du navire saisi, cet équipage n'aura droit qu'à une gratification qui sera fixée par la commission des prises (art. 220). Si un navire saisi par l'ennemi est abandonné par celui-ci, ou s'il tombe entre les mains des nationaux par suite d'une tempête ou de tout autre cas fortuit, il sera restitué au propriétaire, après paiement à ceux qui l'auront ramené, des frais de sauvetage et de la prime établie par l'art. 134 (art. 222). Prévoyant enfin le cas où un navire marchand, national ou étranger, frété pour le compte de l'État, est repris par un vaisseau de guerre après être tombé entre les mains de l'ennemi, la loi italienne décide que ce navire sera restitué au propriétaire, qui ne devra aucune rétribution (art. 221).

(1) Pierantoni, R. D. I., 1875, p. 649.

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