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De même encore, il n'est rien innové quant à la loi fédérale du 24 décembre 1874, d'après laquelle les étrangers qui se marient en Suisse doivent obéir aux prescriptions de leur loi nationale, tandis que les Suisses qui contractent mariage à l'étranger peuvent se conformer soit à la loi suisse, soit à la législation locale.

Ajoutons que l'analogie établie par l'article 32 entre la situation des Suisses domiciliés dans un canton autre que leur canton d'origine et celle des étrangers qui ont fixé leur domicile sur le territoire de la confédération commande d'appliquer à ces derniers leurs lois nationales, en matière d'état civil, de filiation, d'obligation alimentaire.

Enfin il résulte de l'article 28-2° que la lex domicilii ne saisit les ressortissants suisses eux-mêmes à l'étranger, que si la justice locale ne préfère leur appliquer la loi de leur canton d'origine, c'est-à-dire leur loi nationale.

Quand donc la règle posée par la loi de 1891 aura-t-elle pour effet de soumettre à la loi du domicile, à la loi suisse, les étrangers établis sur le sol fédéral? Ce n'est guère, qu'en ce qui concerne la capacité de la femme mariée, la capacité de tester, la puissance paternelle, la tutelle, le régime matrimonial, la succession mobilière. Ét encore la convention franco-suisse du 15 juin 1869, que la loi nouvelle déclare maintenir, a-t-elle établi, nous le verrons bientôt, des règles particulières en matière de tutelle et de succession mobilière, dans les rapports des deux pays.

QUATRIÈME Groupe. Échelles du Levant et de Barbarie. Les Européens jouissent dans les Échelles du Levant et de Barbarie de nombreux avantages qui se résument en un mot l'exterritorialité. Fictivement réputés n'avoir pas quitté le sol de leur patrie, ils continuent à relever exclusivement des lois qui la régissent; pour eux, la souveraineté territoriale de la loi musulmane n'existe pour ainsi dire pas; l'application de leur législation personnelle ne trouve aucune limite dans l'ordre public international sur le territoire ottoman.

Cette fiction d'exterritorialité est poussée si loin, que quelques auteurs leur refusent le bénéfice de la règle Locus regit actum, alléguant que pour les Européens, pour les Français notamment, la lex loci n'est autre que leur loi personnelle, la loi du pays où ils sont censés demeurer encore.

Il y a là peut-être une exagération; la règle Locus regit actum ne repose pas, nous l'avons dit, sur les droits de la souveraineté terri

toriale, mais sur l'intérêt des nationaux émigrés eux-mêmes; les obliger à recourir, en pays musulman, au ministère obligatoire de leurs consuls, ce serait les mettre dans l'impossibilité absolue d'accomplir certains actes de la vie juridique, par exemple d'épouser une femme sujette de l'État dont ils habitent le sol, puisqu'en principe1 la compétence des agents consulaires se limite à leurs seuls nationaux; on retournerait ainsi contre les Européens une fiction établie à leur profit.

Nous ne poursuivrons pas plus loin l'étude des principes fondamentaux sur lesquels repose la solution du conflit des lois. Aussi bien la doctrine de la personnalité du droit, à laquelle nous nous sommes rallié, réalise-t-elle tous les jours, grâce à l'impulsion énergique de l'Institut de droit international, de nouvelles et précieuses conquêtes, et le temps n'est pas éloigné où la plupart des Codes qui régissent les nations civilisées lui auront fait accueil; les importantes résolutions prises en 1902 par la Conférence de droit international privé réunies à La Haye, sont à ce point de vue remplies de pro

messes.

Nous allons maintenant rechercher quelles applications cette doctrine peut recevoir en France, dans l'état actuel de la législation et de la jurisprudence, prenant toujours comme point de départ la personne, à laquelle le droit tout entier se rapporte.

Les trois chapitres qui suivent seront consacrés à l'étude des divers conflits relatifs, soit à la personne envisagée en elle-même, soit à la personne considérée dans ses rapports avec la famille, avec le patrimoine. Enfin, dans un appendice, nous nous demanderons si les principes qui gouvernent à ce point de vue la condition des personnes physiques doivent être appliqués aux personnes morales de création étrangère, admises à exercer leurs droits sur le territoire français et aux personnes morales françaises, à l'étranger

Cf. cependant la loi française du 29 novembre 1901, qui a modifié l'article 170 du Code civil.

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CHAPITRE II

CONFLITS DE LOIS RELATIFS A LA PERSONNE

ENVISAGÉE EN ELLE-MÊME.

Sommaire.

I. Des actes de l'état civil.

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Réception des actes de l'état civil des Français à l'étranger.
Réception des actes de l'état civil des étrangers en France.
Échange international des actes de l'état civil.

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A raison de leur âge.

A raison d'une infériorité intellectuelle.

A raison de condamnations pénales ou de déchéances politiques ou religieuses.

TITRE I

Des actes de l'état civil.

L'état civil d'une personne comprend l'ensemble des qualités dont elle est revêtue dans la société. Ces qualités naissent et meurent avec elle; mais, dans l'intervalle qui sépare la naissance et la mort, elles peuvent recevoir des modifications importantes et nombreuses. Or, il est de l'intérêt de tous, aussi bien de l'État auquel appartient un droit de surveillance et de haute police sur tous ceux qui habitent son territoire, que du particulier qui peut avoir, en maintes circonstances, à justifier de son individualité, que des tiers appelés à traiter

avec lui, que tous les faits constitutifs de l'état civil soient constatés avec certitude de là l'institution des actes de l'état civil qui est aujourd'hui d'une pratique universelle.

En France, on désigne sous le nom d'actes de l'état civil les écrits par lesquels un officier public, ayant compétence à cet effet, relate les événements intéressant l'état des personnes, c'est-à-dire la naissance, l'émancipation, la reconnaissance d'enfant naturel, l'adoption, l'interdiction, le mariage et la mort; mais, dans le langage courant, celte dénomination s'applique plus spécialement aux actes de naissance, de mariage et de décès, dont la rédaction est confiée aux officiers municipaux.

La tenue des registres de l'état civil n'appartient pas encore, dans tous les pays, aux représentants de l'autorité civile. S'il en est ainsi aujourd'hui en Allemagne, en Belgique, en Bulgarie, en Espagne, dans la Grande-Bretagne, en Grèce, en Hongrie, en Italie, aux PaysBas, en Suisse, au Mexique, dans la Roumélie orientale, quelques législations ont conservé aux ministres du culte le droit exclusif de constater les événements relatifs à l'état civil de leurs paroissiens. Ce système fonctionne notamment au Danemark, en Suède, en Turquie. En Autriche, les registres concernant les personnes appartenant à un culte reconnu sont tenus par le clergé qui le dessert; ceux, relatifs à des personnes qui ne font profession d'aucun culte reconnu, sont rédigés par le chef du district ou par l'autorité communale. En Pologne, les actes intéressant les chrétiens sont dressés par le clergé; ceux qui concernent les non-chrétiens sont tenus par le bourgmestre. Une distinction semblable est faite par la loi russe entre les sujets orthodoxes et les dissidents, pour les uns la rédaction des actes de l'état civil est confiée au clergé officiel; pour les autres, elle est confiée aux autorités administratives locales. De même au Portugal, les actes de l'état civil des sujets catholiques sont reçus par le clergé; ceux des sujets non-catholiques, par l'administrateur de la commune.

Laissant de côté les dispositions particulières à tel ou à tel acte de l'état civil, notamment aux mariages internationaux, dont il sera traité plus loin, nous examinerons dans trois sections distinctes les règles générales qui concernent:

1o La réception des actes de l'état civil des Français en pays étranger; 2o La réception des actes de l'état civil des étrangers en France; 3o L'échange entre les divers gouvernements des actes relatifs à l'état civil de leurs ressortissants.

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SECTION I.

De la réception des actes de l'état civil
des Français à l'étranger.

Lorsqu'un individu naît à l'étranger d'un père français, lorsqu'un Français s'y marie, lorsqu'il y meurt, à quelle autorité appartient-il d'en dresser acte?

Le Code civil reconnaît compétence à cet effet: a) aux autorités étrangères du lieu où le fait à certifier s'est passé; b) aux agents diplomatiques ou consulaires français; c) dans certains cas exceptionnels, sur lesquels nous n'avons pas à insister ici, aux autorités militaires françaises.

Compétence des autorités locales étrangères. « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il a été reçu dans les formes usitées dans ledit pays » (C. civ., art. 47).

Il ne s'agit dans ce texte que de la force probante de l'acte, que de ses formes extérieures, auxquelles s'applique la règle Locus regit actum; quant à la validité intrinsèque du fait qu'il constate, elle est, cela va sans dire, subordonnée à l'accomplissement des conditions de fond, prescrites par la loi nationale des parties. En d'autres termes, la loi française accorde autant de confiance aux attestations émanant des officiers publics étrangers qu'elle en attacherait à celles d'un officier de l'état civil français; elle tient pour vrai le fait qu'ils ont certifié; mais, dans un cas comme dans l'autre, les tribunaux auront à juger, si quelque contestation s'élève, de sa valeur juridique.

Les autorités étrangères, appelées à constater un fait intéressant l'état civil d'un Français, ne pourront d'ailleurs, à raison même de leur qualité, recourir qu'aux formes admises par la loi locale (C. civ., art. 47). C'est ainsi que, dans les pays où il n'est pas dressé d'actes de naissance proprement dits, la naissance d'un enfant français sera suffisamment constatée, soit par un acte de baptême, soit par tout autre mode de preuve reconnu par la législation locale; c'est cette dernière qui déterminera l'officier public compétent, le nombre des témoins dont l'assistance est requise, le délai dans lequel l'acte doit être rédigé; c'est encore elle qui mesure le degré de force probante de l'acte ainsi reçu en pays étranger. Toutefois, en admettant qu'aucun acte de l'état civil n'ait pu être dressé à l'étranger, pour quelque cause que ce soit, rien ne s'opposerait, suivant nous, à ce

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